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L'économie et les marchés financiers du Canada en perspective

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Bonjour. Je suis heureux de me joindre à vous dans le cadre de cette importante rencontre.

L'industrie des fonds de couverture croît tellement vite que des réunions comme celles-ci sont les bienvenues. Elles permettent de prendre du recul pour mettre les choses en perspective et examiner les tendances. C'est justement ce que je me propose de faire ce matin. Plus particulièrement, j'aimerais parler de la volatilité au sein de l'économie réelle et des marchés financiers, ainsi que de l'incidence qu'ont sur celle-ci la politique monétaire et l'innovation financière.

Naturellement, la volatilité des prix des actifs financiers peut être rémunératrice. Les fonds de couverture, à l'instar d'autres acteurs des marchés financiers, cherchent à tirer profit des variations des prix. Ils sont aussi une source d'innovation financière et contribuent à la liquidité des marchés. En tant que banquier central, je peux dire que, dans l'ensemble et la plupart du temps, ces fonds rendent les marchés plus liquides et plus efficients, ce qui, selon toute vraisemblance, aide à réduire la volatilité financière, du moins dans certains marchés importants.

Au Canada comme dans d'autres régions du monde, la volatilité macroéconomique a nettement diminué depuis le début des années 1980. À peu près à la même époque, les marchés des titres à revenu fixe sont également devenus moins volatils. Par contre, nous n'avons pas observé de réduction équivalente de la volatilité des prix d'autres actifs tels que les actions et les logements, ce qui, ainsi que l'ont signalé Kenneth Rogoff et d'autres auteurs, soulève des questions intéressantes 1.

Aujourd'hui, j'examinerai ces tendances de même que certains des facteurs — plus précisément la politique monétaire et l'innovation financière — qui influent sur celles-ci. Mais d'abord, je crois qu'il serait utile d'expliquer en quoi la volatilité est importante et où se situe l'intérêt du public et de la banque centrale. Je me ferai un plaisir de recevoir vos commentaires et vos questions à la fin de mon discours.

L'importance de la volatilité

Les banques centrales accordent beaucoup d'importance à la stabilité. La Banque du Canada a pour objectif ultime de favoriser la meilleure croissance économique pouvant être maintenue à long terme, et d'ainsi concourir à la hausse du niveau de vie des Canadiens. L'expérience nous a appris que le moyen le plus sûr d'y parvenir est de maintenir l'inflation à un niveau bas et stable. Cela non seulement contribue à atténuer les fluctuations de la production et de l'emploi, mais permet d'atteindre une production maximale durable.

Même si les banques centrales sont plus connues pour leur rôle en matière de politique monétaire, elles sont aussi très concernées par la stabilité du système financier. L'instabilité financière, en effet, peut prélever un lourd tribut sur l'économie. Durant la crise asiatique de la fin des années 1990, par exemple, cette instabilité a fait baisser considérablement la production réelle dans un certain nombre de pays, alors que des banques déclaraient faillite et que l'effet de contagion se faisait sentir dans toute la région. Une volatilité excessive des marchés financiers complique la prise de décisions et l'évaluation des risques, et freine les investissements en usines et en matériel. Si les banques centrales s'intéressent autant à la stabilité financière, c'est aussi parce que le système financier est la courroie de transmission de la politique monétaire. En tant que participant à ce système, la Banque du Canada compte sur des marchés efficients pour que les effets des modifications apportées au taux directeur soient transmis efficacement dans l'ensemble de l'économie.

Je devrais préciser quels types de volatilité financière peuvent préoccuper une banque centrale. En général, on s'attend à ce que les prix des actifs s'ajustent rapidement aux nouvelles informations. La plupart du temps, ces ajustements reflètent correctement l'évaluation et le transfert des risques au fur et à mesure que la situation évolue. Toutefois, lorsque les prix ne reflètent pas fidèlement cette évolution, les ressources sont susceptibles d'être mal réparties, ce qui diminue l'efficience. Qui plus est, dans une telle situation, une volatilité fortement accrue et généralisée sur les marchés financiers pourrait porter atteinte au système financier. Les conditions sont alors moins propices à la détermination des prix, à l'allocation du crédit, au transfert de risques, au règlement des créances ou à la liquidité des marchés. Si le système financier devait perdre l'une quelconque de ces capacités à cause d'une volatilité excessive, la Banque du Canada s'en inquièterait, en raison surtout des conséquences économiques néfastes que pourrait avoir une telle situation. En tant que banque centrale, ce n'est pas la volatilité financière comme telle qui nous préoccupe, mais plutôt l'instabilité financière potentielle et les coûts économiques d'une volatilité excessive.

En somme, la stabilité tant macroéconomique que financière est nécessaire à une croissance économique maximale et soutenable à long terme. La volatilité excessive des variables économiques ou financières peut nuire à l'économie.

Voyons maintenant ce qui s'est passé sur le plan macroéconomique au cours des dernières décennies.

Tendances de la volatilité macroéconomique

En 1991, la Banque du Canada et le gouvernement fédéral ont adopté une cible d'inflation explicite — le changement le plus important apporté à la politique monétaire canadienne depuis de nombreuses années.

En plus d'aider à réaliser le but ultime consistant à garder l'inflation à un niveau bas et stable, le régime de cibles d'inflation a amené trois autres avantages. Premièrement, les succès remportés dans l'atteinte de la cible ont ancré les attentes d'inflation, ce qui contribue à maintenir une inflation basse et à stabiliser l'économie. Deuxièmement, la cible d'inflation explicite étant un objectif concret, la Banque a été appelée à rendre plus de comptes. Cela a incité l'institution à accroître la transparence de ses activités et de ses communications, ce qui constitue le troisième avantage. Je reviendrai tout à l'heure sur le rôle que joue une meilleure transparence.

Depuis 1995, la cible est fixée à 2 %, soit le point médian d'une fourchette qui va de 1 à 3 %, et l'inflation s'est effectivement maintenue près du taux visé. Je pense que le graphique est très révélateur à cet égard.

Graphique 1 : L'inflation depuis 1975 et la fourchette de maîtrise de l'inflation depuis 1991

Comme vous pouvez voir, le taux d'inflation au Canada était élevé et variable dans les années 1970 et au début des années 1980; il a ensuite fléchi au milieu des années 1980, puis de nouveau après 1991. L'inflation mesurée par l'IPC s'est chiffrée en moyenne à 8,1 % de 1971 à 1980, à 6,0 % de 1981 à 1990, et à 2,1 % entre 1991 (année où la cible d'inflation a été adoptée) et aujourd'hui. Je dois ajouter que beaucoup d'autres pays ont aussi vu leur inflation reculer de façon soutenue depuis une quinzaine d'années.

Au Canada, la variabilité de l'inflation, mesurée par son écart-type, a diminué en parallèle avec le taux d'inflation. Le même phénomène a été observé dans le cas de l'indice de référence et d'autres mesures de l'inflation tendancielle.

Une inflation basse, stable et, surtout, prévisible, soutient généralement une croissance économique durable. Permettez-moi de développer cette idée en soulignant trois avantages macroéconomiques observés dans les années 1990, lorsque le taux d'inflation a reculé et s'est stabilisé près de la cible de 2 %. Tout d'abord, une plus grande certitude à propos de l'inflation future a donné lieu à une réduction de la variabilité des salaires relatifs et donc à une meilleure affectation de la main-d'oeuvre. Deuxièmement, les contrats de travail et les contrats financiers ont été conclus pour de plus longues périodes, ce qui s'est traduit par une baisse des coûts de transaction et de négociation pour les entreprises et les ménages, et par une diminution du temps perdu en raison d'arrêts de travail. Enfin, les ménages et les entreprises n'avaient plus autant besoin de se protéger contre l'inflation inattendue, ce qui a entraîné une allocation plus appropriée des ressources.

Jetons maintenant un coup d'oeil à la production.

Graphique 2 : Croissance trimestrielle du PIB — de 1981 à 2006

L'une des tendances les plus marquantes que l'on a pu constater à l'échelle macroéconomique ces dernières années a été la baisse notable de la variabilité de la production dans la plupart des pays du G7, mouvement que l'on a appelé « la grande modération ».

Au Canada, les données indiquent que la variabilité du taux de croissance trimestriel du PIB réel a diminué entre les années 1980 et les années 1990, et est restée basse dans la présente décennie. Veuillez noter que le graphique illustre le taux d'expansion de la production et non sa volatilité. J'ajouterais que ce déclin de la volatilité s'inscrit en fait dans un important mouvement de baisse à long terme de la volatilité du PIB qui a débuté dans les années 1920 et qui n'a été interrompu qu'à quelques reprises depuis.

Depuis 25 ans, nous avons aussi été témoins d'une diminution de la variabilité de l'écart de production — la différence entre la production observée et la capacité de l'économie de produire de façon durable — et du taux de chômage. Dans l'ensemble, le cycle économique paraît moins prononcé qu'il ne l'était et, depuis 1991, le Canada a su éviter une récession.

Quels ont été les facteurs à l'origine de la réduction de la variabilité de la production? Certaines études ont mis en évidence l'intensification de la concurrence qui est allée de pair avec la mondialisation, ainsi que l'amélioration de la gestion des stocks, particulièrement dans le secteur des biens durables. L'accès des ménages à des produits financiers améliorés a probablement aussi joué un rôle, en régularisant la croissance de la consommation. Mais l'un des plus importants facteurs a été une meilleure politique monétaire, qui nous donne une inflation basse et stable depuis le début des années 1990.

Je vous entretiendrai maintenant des tendances observées au chapitre de la volatilité financière au cours de la même période.

Tendances de la volatilité financière

Ici, nous pourrions commencer en nous posant la question suivante : dans quelle mesure la réduction de la volatilité macroéconomique au cours des 25 dernières années s'est-elle accompagnée d'une diminution de la volatilité financière? La réponse dépend du marché dont on parle. Pour résumer, on peut dire que la baisse de la volatilité a été considérable dans les marchés des titres à revenu fixe, mais nulle dans le cas des autres actifs financiers.

L'atténuation de la volatilité des marchés des titres à revenu fixe est conforme à ce que prévoit la théorie économique. Lorsque le niveau et la variabilité de l'inflation baissent, les taux d'intérêt, surtout ceux à long terme, sont en principe moins volatils. De même, une diminution de la volatilité de la production au sein d'une économie s'accompagne généralement d'un recul de la volatilité des taux d'intérêt.

Examinons la volatilité des taux du papier commercial à 90 jours depuis 1981 2.

Graphique 3 : Volatilité du papier commercial à 90 jours

Entre le début des années 1980 et le début de la décennie suivante, la volatilité des titres à court terme a diminué de plus de moitié. Depuis 1995, année où la Banque a commencé à viser une cible d'inflation correspondant au point médian d'une fourchette de maîtrise allant de 1 à 3 %, la volatilité des instruments de taux d'intérêt à court terme s'est encore amoindrie, et elle demeure à un niveau historiquement bas depuis la fin des années 1990.

Je dois préciser que même si la diminution de la volatilité des taux à court terme était presque assurément attribuable à la baisse du niveau et de la variabilité de l'inflation, les résultats de la période la plus récente ont sans doute aussi été influencés par les changements apportés à la façon dont nous mettons en oeuvre la politique monétaire. Je fais ici référence à l'amélioration de la transparence et de la communication, qui, toutes choses égales par ailleurs, est censée tempérer la volatilité des taux d'intérêt. Depuis l'introduction d'une cible d'inflation, la Banque communique son point de vue de façon beaucoup plus ouverte et transparente par l'entremise de son Rapport sur la politique monétaire et des mises à jour de celui-ci, de ses communiqués et des discours de ses dirigeants.

À la fin de 2000, la Banque a commencé à annoncer ses décisions relatives au taux directeur à huit dates préétablies chaque année. Cette façon de faire a réduit l'incertitude des marchés financiers quant au moment où sont prises les mesures de politique monétaire et a contribué à faire porter davantage l'attention sur la perspective à moyen terme de cette politique, ce qui nous a permis de communiquer plus efficacement notre opinion sur la trajectoire future de l'inflation. Bien sûr, une incertitude moindre sur les marchés devrait en principe réduire la volatilité. Et l'accent qui est mis sur l'évolution de la situation macroéconomique fondamentale à moyen terme aide les acteurs du marché et le public à mieux comprendre l'évaluation que fait la Banque du jeu des forces qui influent sur l'inflation au Canada, et donc à anticiper l'orientation de la politique monétaire. Nos recherches tendent à confirmer que le système de dates préétablies a, en fait, permis aux marchés financiers de mieux déterminer le prix des instruments à revenu fixe 3.

Penchons-nous maintenant sur la volatilité du marché à long terme.

Graphique 4 : Volatilité des obligations canadiennes à 10 ans

Comme le montre le graphique, les rendements des obligations de référence à 10 ans du gouvernement du Canada ont aussi été beaucoup moins volatils durant la période. Le degré de volatilité est demeuré bas au cours des deux dernières années. Le recul des taux d'intérêt et l'atténuation de la volatilité ont certainement profité aux emprunteurs canadiens, améliorant de ce fait le climat des investissements.

Graphique 5 : Volatilité des obligations canadiennes et américaines à 10 ans — de 1982 à 2006

Les rendements des obligations de référence à 10 ans du Canada et des États-Unis affichent une baisse de volatilité depuis le début des années 1980. Depuis environ six ans, toutefois, les rendements des obligations canadiennes à 10 ans sont moins volatils que ceux des titres américains correspondants. Il est plausible que la cible d'inflation explicite adoptée par le Canada ait eu pour effet d'arrimer les attentes d'inflation plus fermement ici qu'aux États-Unis. La meilleure situation budgétaire dont jouit le Canada depuis le milieu des années 1990 a aussi joué un rôle dans l'amoindrissement relatif de la volatilité au Canada, les risques à la hausse entourant la trajectoire future du ratio de la dette au PIB ayant diminué.

Cependant, lorsque l'on considère d'autres marchés d'actifs — en particulier les actions, mais aussi les prix des logements et la monnaie —, on ne constate aucune tendance à la baisse importante de la volatilité. Cette absence de réduction notable de la volatilité affichée par les marchés des actions ou d'autres actifs financiers — dans un contexte de volatilité macroéconomique moindre — est quelque peu déconcertante. Voyons ce qu'il en est à la Bourse de Toronto.

Graphique 6 : Volatilité de l'indice composite S&P/TSX — de 1981 à 2006

Comme on peut le constater, la volatilité de l'indice composite S&P/TSX ne présente aucune tendance nette sur les 25 dernières années, bien que, en moyenne, cette volatilité soit moins prononcée depuis deux ans. Une telle diminution de la volatilité a aussi été observée dans les indices boursiers de nombreux autres pays récemment.

Toutefois, comme le graphique le montre, il est arrivé par le passé que la volatilité du marché des actions connaisse de pareils bas niveaux au Canada, avant de repartir à la hausse. La modération récente de la volatilité boursière est peut-être le présage d'une période prolongée de volatilité réduite, mais il est trop tôt pour l'affirmer avec certitude. En fait, comme Kenneth Rogoff le signale dans une étude récente, une baisse de la volatilité à court terme du cycle économique ne se traduit pas forcément par une volatilité moindre des prix des actifs 4. Les rendements boursiers, précise-t-il, devraient dépendre de la croissance et de la volatilité attendues à long terme, et la diminution de cette dernière — c'est-à-dire de l'incertitude au sujet des taux de croissance à long terme — n'est pas nécessairement proportionnelle à celle de la volatilité du cycle économique. De plus, la baisse des taux d'intérêt et des primes de risque peut rendre les prix des actifs à long terme, tels que les actions et les logements, plus sensibles aux changements perçus relativement aux risques comme à la trajectoire future des taux d'intérêt, ce qui ajoute à la variabilité des prix. Une telle évolution pourrait, en fait, annuler la réduction de la volatilité financière qui aurait autrement résulté d'une volatilité macroéconomique moindre.

J'ai surtout parlé, jusqu'à maintenant, des répercussions que la politique monétaire et l'amoindrissement de la volatilité macroéconomique ont eues sur la volatilité des marchés obligataires. Cependant, d'autres facteurs structurels propres aux marchés financiers ont aussi une incidence sur la volatilité financière.

Incidence sur la volatilité de facteurs structurels liés aux marchés financiers

Durant les 25 dernières années, et spécialement au cours de la dernière décennie, les innovations financières et technologiques ont été nombreuses sur les marchés financiers. Celles-ci peuvent accroître l'efficience et réduire la volatilité au fil du temps. Permettez-moi d'aborder quatre aspects qui s'avéreront sans doute importants dans l'avenir.

Premièrement, le développement des systèmes de négociation électroniques et l'automatisation des services administratifs connexes ont abaissé les coûts de transaction et augmenté la transparence des cours ainsi que la concurrence, ce qui, au bout du compte, a haussé la liquidité. Le volume des opérations s'est considérablement accru sur les marchés des titres de dette et des actions. Une plus grande liquidité du marché tend à exercer une pression à la baisse sur la volatilité; les prix deviennent moins sensibles aux grosses opérations, et les effets des nouvelles sont plus facilement absorbés. La négociation d'obligations du gouvernement canadien, par exemple, se situe à un niveau inégalé, et les écarts entre les cours acheteur et vendeur sur ces titres n'ont jamais été aussi étroits.

Deuxièmement, les banques et les autres institutions financières ont sensiblement amélioré leurs pratiques de gestion des risques. Elles sont beaucoup plus aptes à constater et à maîtriser leur exposition à des risques précis, notamment les risques de marché et de crédit.

Troisièmement, l'introduction d'instruments dérivés tels que les dérivés de crédit a permis une meilleure répartition des risques dans le système et une gestion plus judicieuse de ceux-ci par les institutions.

Et quatrièmement, un nombre croissant d'acteurs ont recours activement à des stratégies d'arbitrage, ce qui nous ramène aux fonds de couverture. Comme je l'ai mentionné précédemment, ces fonds ont eu une incidence largement positive sur l'efficience des marchés financiers au Canada. Mais avant d'approfondir cette question, j'aimerais revenir en arrière et dire quelques mots au sujet des préoccupations que pourraient soulever les fonds de couverture pour une banque centrale.

Puisque nous avons pour mission de promouvoir la stabilité financière, les préoccupations que nous pouvons avoir à l'égard des répercussions des fonds de couverture sont tout naturellement liées, pour une bonne part, à l'attention que nous portons au risque systémique. Deux grandes sources d'inquiétude retiennent particulièrement notre attention.

La première est la possibilité que les fonds de couverture appliquent simultanément des stratégies de placement similaires qui aient pour résultat de pousser les prix encore plus loin de leur valeur fondamentale, ce qui risquerait de causer des problèmes à d'autres investisseurs institutionnels. Cependant, le nombre croissant de fonds de taille appréciable qui pratiquent des styles et stratégies de placement différents — notamment ceux qui partent du principe que les prix reviendront tôt ou tard à leur valeur fondamentale — contribue largement à atténuer les risques à cet égard. Autrement dit, le monde est très différent de ce qu'il était lors de la crise de la société Long-Term Capital Management (LTCM) en 1998.

Une seconde préoccupation potentielle réside dans la possibilité que les contreparties n'en viennent à avoir une exposition trop grande vis-à-vis des fonds de couverture. De par leurs activités de courtage privilégié, les banques ont une exposition directe aux fonds de couverture. Si plusieurs grands fonds devaient essuyer simultanément des pertes en raison de mouvements des prix du marché, les banques pourraient subir des pertes sur créances considérables. Celles-ci pourraient alors faire augmenter le risque systémique, voire déclencher une crise où les risques de marché, de crédit et de liquidité se confondraient et seraient amplifiés par le recours à l'effet de levier. Les courtiers privilégiés sont bien plus sensibilisés aux risques aujourd'hui qu'ils ne l'étaient au moment de l'effondrement de LTCM, et ils suivent de près leur exposition à ces risques. En outre, les autorités de surveillance du secteur bancaire partout dans le monde, y compris le Bureau du surintendant des institutions financières, ici au Canada, sont beaucoup plus conscientes de la nécessité de se tenir au fait de la gestion des risques pratiquée par les banques dans ce domaine.

Pour leur part, les banques centrales et les autres institutions responsables des politiques publiques continuent de surveiller les menaces potentielles qui pèsent sur le système financier. Mais compte tenu des facteurs atténuants que j'ai mentionnés, il ne semble pas justifié de tirer la sonnette d'alarme pour le moment.

La protection des investisseurs est un autre point à considérer. Elle concerne les pratiques de communication financière des fonds de couverture et la divulgation d'informations sur les produits de placement rattachés à de tels fonds, notamment les produits vendus à des investisseurs particuliers. Au Canada, cette importante question est examinée actuellement par les commissions provinciales des valeurs mobilières.

Dans l'ensemble, comme la Banque du Canada s'emploie activement à promouvoir l'efficience et la stabilité du système financier, l'intérêt qu'elle porte aux fonds de couverture est lié essentiellement à la nature systémique des risques. Pour ce qui est de la supervision des marchés et de la protection des investisseurs, nous nous en remettons à la compétence d'autres institutions. Cela dit, permettez-moi de souligner brièvement à quel point il est important que ces différentes institutions échangent efficacement des informations, ainsi que nous nous efforçons de le faire au Canada.

En quoi, alors, les fonds de couverture sont-ils bénéfiques aux marchés financiers? Premièrement, il est utile de se rappeler que l'influence largement positive exercée par ces fonds vient de leur degré de sophistication, de leur taille, de la diversité de leurs objectifs et de leurs stratégies ainsi que des instruments dont ils se servent.

Les fonds de couverture contribuent à la profondeur et à la liquidité des marchés financiers canadiens. Leur capacité à utiliser l'effet de levier et leur tendance naturelle à être des joueurs actifs accroissent leur poids sur les marchés, ce qui améliore encore la liquidité. En outre, la variété des stratégies d'arbitrage et des instruments employés par ces fonds rend non seulement les marchés plus complets, mais favorise une meilleure adéquation entre les prix des actifs et leur valeur fondamentale. Ces prix, à leur tour, envoient des signaux plus justes et permettent aux autres acteurs d'agir en conséquence. Et, bien sûr, dans la mesure où une décision de placement constitue effectivement une couverture, les risques sont gérés plus efficacement. Une liquidité accrue et une meilleure gestion des risques devraient se solder, en principe, par une moins grande volatilité.

Ces facteurs structurels, de par leur nature même, aident donc à réduire de façon durable la volatilité. Mais des facteurs cycliques pourraient aussi avoir concouru à amenuiser la volatilité des marchés des actions — et peut-être même des marchés des titres à revenu fixe — ces deux dernières années, ce qui laisse croire que ce mouvement à la baisse pourrait se renverser, du moins en partie, dans les années à venir. Comme une récente étude de la BRI le mentionne, « dans la mesure où des facteurs cycliques ont contribué à contenir la volatilité, une certaine accentuation de celle-ci serait à prévoir dans l'éventualité d'un ralentissement [possible] de l'économie mondiale » [traduction] 5.

En clair, l'économie mondiale a connu une croissance robuste ces dernières années. La volatilité s'accroît généralement aux points de retournement. Si le rythme d'expansion de l'activité devait ralentir de façon marquée à l'échelle du globe, nous assisterions vraisemblablement à une hausse de l'incertitude et à une élévation de la volatilité sur les marchés financiers.

Quoi qu'il en soit, il est encore trop tôt pour dire dans quelle mesure les innovations financières et la volatilité macroéconomique réduite auront des effets persistants, ou encore pour déterminer si la récente atténuation de la volatilité sur les marchés boursiers marque le début d'une tendance sur les marchés autres que ceux des titres à revenu fixe ou si elle résulte plutôt en grande partie de facteurs cycliques.

Conclusion

La volatilité est une réalité incontournable, aussi bien dans l'économie réelle que sur les marchés financiers. Mais une réduction de la variabilité de la production, de l'inflation et des taux d'intérêt est généralement souhaitable. On ne sait pas avec certitude, cependant, si la volatilité des cours des actions et des rendements des obligations à long terme continuera de s'amenuiser à mesure que les marchés s'ajusteront à la baisse de la volatilité macroéconomique à laquelle nous avons déjà assisté, et à mesure que de nouvelles innovations financières et technologiques continueront d'apparaître et d'être adoptées.

Ce dont on peut être certain, en revanche, est l'engagement de la Banque du Canada à garder l'inflation à un niveau bas et stable et à promouvoir la stabilité et l'efficience du système financier canadien. La diminution de la volatilité macroéconomique a été durement gagnée et a contribué au maintien d'une croissance économique soutenue.

Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions et commentaires.

  1. 1. Voir par exemple Kenneth Rogoff (2006). « Impact of Globalization on Monetary Policy ». Document accessible à l'adresse www.kc.frb.org/publicat/Sympos/2006/pdf/rogoff.paper.0829.pdf.[]
  2. 2. La volatilité fait référence ici au moment de second ordre de la distribution des rendements des actifs financiers. La volatilité des rendements présentée dans les graphiques 3 à 6 a été calculée selon la méthode des moyennes mobiles exponentielles des rendements au carré proposée par RiskMetrics. Les rendements boursiers sont exprimés en différence logarithmique du niveau de l'indice composite S&P/TSX. Les rendements obligataires sont estimés en multipliant la duration négative des obligations par la variation des rendements à l'échéance des obligations de référence. Les rendements du papier commercial sont exprimés en différence logarithmique du prix de l'instrument, qui correspond à l'inverse de un plus le taux du papier commercial.[]
  3. 3. Voici un aperçu des recherches menées à la Banque sur les effets du système de dates préétablies. Nicolas Parent (« Transparence et réaction des taux d'intérêt à la publication périodique des données macroéconomiques », Revue de la Banque du Canada, hiver 2002-2003, p. 31-37) a constaté que la publication de données macroéconomiques canadiennes a une incidence plus marquée sur les taux d'intérêt à court terme au Canada depuis la mise en place de ce système. Grahame Johnson (« La mesure des attentes de taux d'intérêt au Canada », Revue de la Banque du Canada, été 2003, p. 19-29) a noté pour sa part que les rendements courants du marché monétaire sont devenus de meilleurs indicateurs des taux à un jour futurs. Enfin, Jason Andreou (« L'incidence des décisions inattendues de politique monétaire sur le marché des titres à revenu fixe », Revue de la Banque du Canada, été 2005, p. 11-20) a montré que les marchés ont été moins souvent surpris par le taux cible du financement à un jour annoncé, et que les surprises à cet égard ont un effet moins prononcé sur les taux d'intérêt à long terme.[]
  4. 4. Rogoff, op. cit.[]
  5. 5. Document no 29 de la BRI, août 2006. « The recent behaviour of financial market volatility ». Document accessible à l'adresse www.bis.org/publ/bppdf/bispap29.pdf.[]