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Rétablir la confiance dans l'économie mondiale

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Bonjour. Nous traversons à l'heure actuelle une période particulièrement difficile. L'économie canadienne est en récession et l'économie mondiale est en proie à une crise de confiance, provoquée par la pire débâcle financière depuis la Grande Dépression, alimentée par la chute abrupte des échanges commerciaux, de la production manufacturière et du patrimoine financier, et intensifiée par une hausse marquée du chômage. En plein coeur de cette crise, les certitudes fondamentales – concernant la structure du système financier, l'efficacité des politiques macroéconomiques et même les principes du capitalisme – sont remises en cause.

Dans ce contexte, les Canadiens et les Canadiennes d'est en ouest et du sud au nord ne se sont jamais autant préoccupés de leur avenir économique depuis des décennies. Ces préoccupations sont compréhensibles, compte tenu des réalités économiques auxquelles nous devons faire face : le chômage s'est fortement accru et le marché du travail devrait se détériorer encore davantage avant de se redresser. Les prix de nos exportations se sont repliés, nos finances personnelles sont de plus en plus mises à rude épreuve et notre économie est en train de se contracter.

Il ne faudrait cependant pas laisser ces préoccupations prendre des proportions démesurées. En effet, l'économie canadienne jouit d'atouts fondamentaux et n'a pas été sujette aux excès que d'autres ont connus. De plus, au Canada et ailleurs dans le monde, les pouvoirs publics ont mis en place un vigoureux dispositif d'intervention en trois volets pour faire face à la crise. Les politiques monétaires et budgétaires ont été nettement assouplies pour soutenir la demande. Des mesures sans précédent ont été prises à l'appui du secteur financier afin de maintenir les flux du crédit. Et des réformes ambitieuses à long terme sont élaborées en vue de rendre le secteur financier plus stable et plus efficient. Si elles sont bien appliquées, ces mesures commenceront conjointement à rétablir la confiance et, partant, à favoriser une croissance économique durable.

Mon message aujourd'hui est simple : il y a un plan pour rétablir la confiance et la croissance, nous sommes en train de l'appliquer et il va fonctionner. Les incidences de ces politiques vont s'accumuler avec le temps et devenir considérables. Pour obtenir un effet maximal, il est essentiel que les mesures prises reposent sur de solides cadres régis par des principes : les objectifs doivent être transparents, les indicateurs de réussite clairs, et les critères de mise en oeuvre et d'abandon bien définis. Les citoyens doivent pouvoir demander des comptes à leurs dirigeants. Et les dirigeants doivent se montrer à la hauteur de la situation.

Les Canadiens peuvent avoir l'assurance que les bonnes politiques sont mises en place. Ils peuvent gérer leurs affaires dans l'attente – et non dans l'espoir – d'une reprise. Ils peuvent également s'attendre à ce que, une fois la reprise mondiale amorcée, l'économie canadienne se redresse plus rapidement que celle de nombreux pays industrialisés.

Malheureusement, le moment exact où se produira la reprise est incertain, et il se peut que la reprise à l'échelle du globe soit plus modeste que d'habitude. Comme ces facteurs sont largement tributaires des mesures adoptées à l'extérieur de nos frontières, la Banque travaille activement avec ses collègues de l'étranger à restaurer la confiance dans le système financier mondial. Au pays, les priorités consistent à amortir le choc de la récession mondiale sur l'économie canadienne et à préserver nos avantages afin que nous demeurions en bonne posture pour tirer parti de la reprise lorsqu'elle surviendra.

Les perspectives mondiales actuelles : récession synchronisée et profonde à l'échelle du globe

L'activité économique mondiale régresse en ce moment à un rythme inédit depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce qui a débuté sous la forme d'un ralentissement relativement maîtrisé s'est transformé en récession synchronisée et profonde à l'échelle de la planète. La cause indirecte de cette situation a été l'intensification de la crise financière mondiale découlant des faillites de plusieurs institutions financières internationales très en vue et de la réalisation grandissante qu'en fait de crise de liquidité, on avait plutôt affaire à une crise de solvabilité. La récession qui a pris naissance aux États-Unis s'est étendue aux quatre coins de la planète par les canaux que sont la confiance, les liens financiers et les échanges commerciaux.

Le recul de la demande mondiale qui en a résulté transparaît clairement dans les récents chiffres de la production industrielle, qui ont – pour employer une expression familière – « dégringolé ». Aux États-Unis, la production industrielle a chuté de 11 % par rapport à son sommet, la majorité des pertes étant liée à la production de véhicules automobiles. Il s'agit là de la pire performance depuis le choc pétrolier de 1973-1975, qui avait singulièrement entravé la compétitivité de larges pans de l'industrie manufacturière américaine. La situation est plus grave encore au Japon, où la production industrielle s'est repliée de 30 % depuis la dernière année. De fait, parmi les pays du G7, hormis le Canada, la production industrielle a diminué de quelque 16 % en moyenne depuis le sommet atteint il y a environ un an. Pour mettre les choses en perspective, si la production industrielle canadienne avait diminué dans les mêmes proportions, la croissance de notre produit intérieur brut (PIB) aurait été de 3 points de pourcentage moins élevée à la fin de l'année.

Ces baisses ont fait ressortir l'interdépendance fondamentale qui règne au sein de l'économie mondiale. Ainsi, les répercussions de la contraction de la demande de consommation aux États-Unis se propagent rapidement par la voie des chaînes d'approvisionnement à l'échelle du globe. Le commerce international a fléchi de 5 % au quatrième trimestre de 2008 et aura poursuivi sa descente au trimestre qui vient de s'achever. Le repli a été particulièrement prononcé dans les pays qui fournissent des biens à la Chine. Ces économies souffrent désormais de la dépendance de ce pays à l'égard des consommateurs américains 1.

La chute abrupte de la demande industrielle a eu un effet direct sur les prix de la plupart des principaux produits de base. L'indice des prix des produits de base de la Banque du Canada a reculé d'environ 50 % au second semestre de l'année dernière, ce qui a contribué à alimenter la réduction de 16 % des termes de l'échange du Canada au cours de la même période.

La nature de la récession aux États-Unis, où les secteurs de l'automobile et du logement sont fortement déprimés, est particulièrement préoccupante pour le Canada. Le secteur américain des ménages est anémique, la confiance ayant touché son plus bas niveau en 30 ans. La construction domiciliaire continue de peser lourdement sur la croissance aux États-Unis, car les mises en chantier sont maintenant bien en deçà des taux de remplacement. Les ventes de véhicules automobiles au sud de la frontière ont diminué de près de 40 % par rapport au niveau mensuel moyen observé entre 2000 et 2007. Avec des baisses similaires en Europe et en Asie, la crise de l'automobile s'étend à l'ensemble du globe et d'importants effets multiplicateurs se font sentir sur la croissance mondiale.

Nous nous attendons à ce que, cette fois-ci, la reprise aux États-Unis soit nettement plus lente que de coutume. Dans la Mise à jour de janvier du Rapport sur la politique monétaire, nous avons estimé que le PIB américain retournera à son niveau d'avant la récession au mieux deux ans et demi après le début de celle-ci. Cette atonie de l'activité tient à la fois à l'incidence persistante de la crise sur le système financier américain, au traditionnel décalage de l'impact des mesures qui sont adoptées et à la lenteur attendue du relèvement de la consommation intérieure, en raison de l'ampleur des effets de richesse et de la détérioration du marché du travail.

Changements séculaires majeurs

Il est de plus en plus manifeste que le ralentissement actuel représente plus qu'un choc cyclique. Il marque également l'apparition de trois changements séculaires majeurs, dont les pouvoirs publics doivent tenir compte pour lancer des mesures crédibles.

Premièrement, nous assistons aujourd'hui à la correction de déséquilibres trop importants des balances courantes de plusieurs grandes économies. La vitesse à laquelle la baisse de la demande de consommation aux États-Unis se répercute sur le commerce et la production en Asie montre bien les liens étroits qui unissent ces deux zones économiques. Les rapports qui étaient symbiotiques sont devenus parasitaires. À très court terme, ces déséquilibres vont diminuer considérablement. Par exemple, la Banque du Canada s'attend actuellement à ce que le déficit courant des États-Unis recule pour avoisiner 3 % du PIB vers la fin de 2009, soit environ la moitié de la taille qu'il représentait en 2006. Cependant, il n'est pas vraiment souhaitable que l'ajustement s'effectue grâce à un effondrement de la demande. Le rééquilibrage durable de la demande intérieure, entre les pays dont le solde de la balance courante accuse un déficit, comme les États-Unis et le Royaume-Uni, et ceux dont le solde affiche un excédent, comme la Chine et l'Allemagne, ne se fera pas du jour au lendemain et risque de ralentir le rythme de croissance de l'économie mondiale au cours de cette période.

Deuxièmement, la crise marque un tournant décisif au regard de la conception et de l'utilisation des services financiers. Ces 30 dernières années, il s'est opéré dans les grandes économies un processus d'approfondissement financier, dans le cadre duquel les particuliers et les entreprises ont pu emprunter plus facilement et plus efficacement pour financer leurs investissements et étaler leur consommation dans le temps. Les gens ont aussi progressivement pris en main la planification de leur retraite et joué un rôle de plus en plus actif sur les marchés financiers. Par suite de ces changements, l'importance des marchés financiers par rapport aux banques, et du secteur financier par rapport aux autres secteurs de l'économie, s'est accrue. Durant ce processus, le ratio de la dette des ménages au PIB a monté en flèche. C'est au Royaume-Uni et aux États-Unis que ces tendances ont connu leur paroxysme.

Le renversement de ces tendances a débuté avec la crise financière actuelle et sera stimulé par des changements à la fois dans la structure de l'industrie des services financiers et dans les préférences des particuliers en matière de composition des portefeuilles. En conséquence, on peut maintenant s'attendre à une période où le secteur financier sera moins profond, caractérisée par la prise en compte, dans le bilan des banques, de la réintermédiation des transactions, par un recul relatif de la finance centrée sur les marchés et par une réduction des flux financiers transfrontières. Par le fait même, le levier d'endettement diminuera. On a déjà assisté à une forte réduction du levier d'endettement dans le secteur financier non réglementé (fonds spéculatifs, véhicules d'investissement structurés et sociétés filiales de crédit des grandes sociétés industrielles). Il reste toutefois beaucoup à faire du côté du secteur réglementé. La Banque du Canada estime que, pour ramener leur levier d'endettement aux niveaux enregistrés ici, les banques étrangères devront mobiliser environ 1 billion de dollars américains de fonds propres avant toute nouvelle dépréciation d'actifs.

Enfin, plus fondamentalement, il semblerait que l'économie mondiale soit sur le point de connaître une période de croissance réduite de la production potentielle. Il est maintenant évident que les capitaux ont été très mal répartis durant les années de forte expansion; citons notamment les investissements massifs dans les biens immobiliers non échangeables, et l'industrie automobile mondiale qui était axée sur des profils d'évolution de la demande dépassés. Il faudra du temps pour se réorienter, l'épargne des ménages étant appelée à augmenter nettement dans bon nombre de pays industrialisés. L'une des leçons que l'on peut tirer de la « décennie perdue » du Japon est qu'une économie ne peut pas vraiment jouir d'une croissance durable tant que les excès du passé n'ont pas été corrigés.

Entre-temps, on observe l'apparition de frictions susceptibles d'entraver l'efficience de l'économie mondiale. Le nationalisme financier s'accentue en raison non seulement d'une hausse de la propension à privilégier le marché intérieur mais aussi de la reconnaissance du fait que « les institutions financières sont mondiales de leur vivant mais nationales dans la mort » 2. Malheureusement, un certain nombre de plans de relance et de réformes sont formulés de façon telle qu'ils créent des obstacles aux flux transfrontières de capitaux. Ce phénomène pourrait s'amplifier, ce qui serait des plus inquiétant s'il devait accompagner un retour au protectionnisme commercial.

Les perspectives de l'économie canadienne

En raison de la baisse de régime à l'échelle internationale et du tassement de la demande de nos exportations, l'année 2009 sera très difficile pour l'économie canadienne. Le premier semestre sera particulièrement préoccupant, puisqu'il sera marqué par un net repli de l'activité et une montée considérable du chômage. Il semble aujourd'hui que la contraction enregistrée au cours des trois premiers mois sera la pire que l'on ait connue depuis 1961. Cet état de fait est attribuable à une combinaison exceptionnellement défavorable de plusieurs facteurs : une nouvelle contraction de l'activité économique mondiale qui a fait nettement chuter nos exportations et nos termes de l'échange; le début d'une importante correction des stocks; une détérioration des conditions sur le marché du travail qui, conjuguée à la baisse des revenus et au repli de la valeur nette des ménages, a fait diminuer encore la dépense des ménages; ainsi que l'accroissement des capacités inutilisées et le niveau réduit des flux de trésorerie, qui ont découragé davantage les investissements des entreprises.

La récession mondiale a entraîné un repli marqué de la demande de produits canadiens à l'étranger. La crise automobile aux États-Unis force notre industrie à procéder à un douloureux ajustement. La crise du secteur américain du logement et les pressions auxquelles est soumise la presse écrite conspirent à créer de graves difficultés pour notre secteur forestier. Le recul de nos termes de l'échange enregistré depuis juillet se traduira par une réduction importante des revenus au pays et, par conséquent, restreindra notre capacité de soutenir la dépense intérieure réelle 3.

L'essoufflement de la demande intérieure au Canada s'explique aussi par d'autres facteurs. La hausse du chômage se traduit par une réduction du revenu et des dépenses de consommation. Les pertes subies par les Canadiens au titre de leurs avoirs financiers – soit directement, soit par le truchement de leurs fonds de pension – et leurs préoccupations entourant les perspectives d'emploi auront également pour effet de freiner la consommation intérieure cette année. En outre, l'incertitude concernant les prévisions économiques ainsi que les conditions financières tendues vont probablement faire baisser les dépenses d'investissement en cours d'année.

Compte tenu de ces facteurs, l'économie canadienne pourrait continuer à se contracter pendant une bonne partie du second semestre de 2009. Comme nous l'avons souligné dans l'annonce du taux directeur en mars, la Banque s'attend maintenant à ce que l'écart de production soit beaucoup plus important qu'avant, et elle ne prévoit pas qu'il commencera à se résorber avant le premier trimestre de l'an prochain, au plus tôt.

La prochaine livraison du Rapport sur la politique monétaire, que la Banque publiera le 23 avril, contiendra une mise à jour complète des perspectives d'évolution de l'économie canadienne.

Les perspectives de reprise : restaurer la confiance à l'échelle mondiale

Le moment où la reprise se produira à l'échelle du globe et au Canada dépend essentiellement de deux facteurs interreliés, à savoir la stabilisation du système financier mondial et la restauration de la confiance des ménages et des entreprises.

Dans le monde entier, le paradoxe de l'épargne bat son plein. Les entreprises diffèrent leurs projets d'investissement et se constituent des réserves de liquidités. Les ménages reportent leurs achats et accroissent leurs économies. Les banques diminuent leurs prêts et thésaurisent. Même si les décisions de tous ces acteurs sont rationnelles sur le plan individuel, mises bout à bout, elles ternissent nos perspectives économiques et finissent par être contre-productives.

Une fois que cette dynamique est lancée, elle ne peut plus être enrayée que par des mesures décisives pour rétablir la confiance. Or, cela ne peut se faire du jour au lendemain. Pour citer Montek Singh Ahluwalia, vice-président de la Commission de planification de l'Inde, « la confiance croît au même rythme qu'un cocotier, mais chute à la même vitesse qu'une noix de coco ».

Pour restaurer la confiance, les initiatives des pouvoirs publics doivent être massives, crédibles et axées sur des résultats à long terme. Il faut en particulier qu'elles soient proportionnelles à la gravité des chocs, qu'elles tiennent compte des changements séculaires que je viens d'évoquer, et qu'elles prévoient une porte de sortie. Plus fondamentalement, il faut que les politiques choisies soient tout à fait cohérentes avec des cadres hautement structurés qui favorisent une croissance économique durable.

Ainsi que la Banque l'a souligné à plusieurs reprises, la stabilisation du système financier mondial est une condition préalable à la reprise économique à l'échelle du globe et au Canada. Il y a trois exigences à ce chapitre : 1) faire en sorte que le système continue de fonctionner, 2) régler la question des actifs toxiques ou à très haut risque, et 3) élaborer des réformes plus fondamentales.

Premièrement, pour faire en sorte que le système continue de fonctionner, les banques centrales sont intervenues de manière énergique et créative en injectant des liquidités. Leurs efforts ont largement porté leurs fruits au regard des taux des prêts interbancaires, qui ont vu leurs écarts se réduire sensiblement depuis les pires périodes de l'automne dernier. De fait, grâce à la vigueur de notre système financier et à la réaction rapide de la Banque du Canada, les taux canadiens ont affiché les meilleurs écarts parmi ceux des grandes économies.

Les conditions ont été plus lentes à s'améliorer sur d'autres marchés. L'émission de papier commercial, dont le papier commercial adossé à des actifs, s'est stabilisée, mais les écarts demeurent larges, et les échéances, relativement courtes. L'émission des obligations de sociétés se porte mieux, bien que l'activité reste en deçà de son niveau tendanciel et que les écarts semblent incorporer des primes de liquidité anormalement élevées. On se soucie également de l'effet d'éviction que l'émission à grande échelle de titres de dette publique pourrait exercer sur la mobilisation des capitaux privés. Les émissions de titres d'États souverains – à l'exclusion des garanties – tripleront cette année. Dans ce contexte, certaines banques centrales sont intervenues directement pour accroître les flux de crédit, et les gouvernements devront faire preuve de prudence lorsqu'ils envisageront d'emprunter davantage.

Pour que le système continue de fonctionner, il faut aussi qu'on agisse de façon à atténuer le revirement brutal des flux de capitaux transfrontières. Selon les estimations de l'Institute of International Finance, les flux nets de capitaux privés en direction des marchés émergents, qui avaient culminé à 630 milliards de dollars américains en 2007, seront négatifs cette année.

L'ampleur de ces baisses plaide pour un déblocage urgent de ressources supplémentaires destinées au Fonds monétaire international. En outre, le repli marqué de la disponibilité de financement du commerce extérieur a aggravé la chute des échanges internationaux. Les pays du G20 pourraient régler ce problème à l'aide de crédits supplémentaires à l'exportation et d'assurances commerciales qu'ils fourniraient comme l'a fait le Canada. Le sommet du G20 qui débute aujourd'hui pourrait donner lieu à des progrès substantiels dans ce domaine.

Deuxièmement, la mise en oeuvre à point nommé aux États-Unis et dans d'autres grands pays de plans ambitieux visant à régler le problème des actifs toxiques et à reconstituer le capital des institutions financières sera déterminante pour la stabilisation du secteur financier à l'échelle mondiale. Il y a deux semaines, à Horsham, en Angleterre, les pays du G20 ont convenu de principes devant aider à résoudre le problème de ces actifs. L'enjeu, à présent, est de les appliquer.

Tout au long de ce processus de restructuration du système financier, les pouvoirs publics ont fait clairement savoir qu'ils ne permettraient pas la défaillance d'institutions financières ayant une importance systémique. Les ministres des Finances et les gouverneurs de banques centrales du G20 ont réitéré cet engagement tout récemment à Horsham. Qui plus est, nul ne devrait douter du fait que les pays du G20 ont les moyens de renflouer leur secteur bancaire. Selon les calculs de la Banque, même dans le pire des scénarios, il en coûterait à un pays du G20 moins de 20 % de son PIB pour reconstituer le capital de son système bancaire, ce qui représente un montant certes considérable, mais encore gérable.

Troisièmement, les pays du G20 doivent agir de manière décisive pour définir les priorités relativement à la nouvelle architecture financière internationale. À cet égard, les actions menées en vue d'accroître la transparence et l'intégrité, de mettre en oeuvre une réglementation macroprudentielle et d'élargir le périmètre de réglementation sont essentielles.

Si ces mesures nationales et multilatérales ne sont pas prises à point nommé, énergiques et bien exécutées, la reprise économique au Canada sera moins forte et se fera attendre. Comme la crise financière et la récession qui s'est ensuivie ont débuté à l'extérieur de nos frontières, c'est également là que les conditions nécessaires à une reprise durable doivent se manifester. Le Canada peut néanmoins apporter une contribution précieuse, et c'est pourquoi la Banque travaille étroitement et sans relâche avec ses homologues internationales.

La gestion de la demande

La stabilisation du système financier international est une priorité absolue. Mais elle ne suffira pas nécessairement à assurer le retour immédiat de la croissance économique mondiale. L'exubérance – de tout type – fait singulièrement défaut depuis un moment. Et le rétablissement de la confiance prendra du temps, tout comme le rééquilibrage de la demande. En bref, l'économie mondiale traverse une période de déficience de la demande. Or, les politiques budgétaire et monétaire peuvent toutes deux contribuer à résoudre cette déficience. L'ampleur et le dosage approprié des mesures à prendre varieront certes selon le pays et dépendront beaucoup de la crédibilité des cadres de mise en oeuvre de ces politiques.

Devant la gravité du choc, des mesures de politique macroéconomique sans précédent ont été prises à l'échelle du globe.

Les autorités budgétaires ont été énergiques, les mesures budgétaires discrétionnaires étant en effet sur le point de totaliser 2 % du PIB mondial, en moyenne. Non seulement des mesures budgétaires prises de manière simultanée ont-elles plus de poids que des mesures prises isolément, mais elles sont aussi plus susceptibles de procurer un certain soutien aux prix des produits de base, les dépenses publiques en infrastructure étant de fait relativement gourmandes en produits de base.

En ce qui concerne la politique monétaire, les grandes économies ont abaissé sans délai leurs taux cibles de façon marquée 4. La Banque du Canada a ainsi réduit son taux directeur de 400 points de base au total depuis décembre 2007. On peut s'attendre à ce que notre taux cible du financement à un jour demeure à ce niveau ou à un niveau inférieur au moins jusqu'à ce que des signes évidents montrent que l'offre excédentaire se résorbe, ce qui serait compatible avec un retour à 2 % du taux d'augmentation de l'IPC global. Il importe de reconnaître que les banques centrales n'ont pas forcément besoin de continuer à abaisser leurs taux directeurs pour accentuer la détente monétaire. La durée compte également. En gardant pendant longtemps leurs taux à de bas niveaux, ces institutions peuvent effectivement fournir l'impulsion additionnelle nécessaire.

Les effets des récentes mesures énergiques de politique monétaire et budgétaire prises au Canada et au sein d'autres grandes économies commenceront à se faire sentir au deuxième semestre de cette année et se renforceront tout au long de 2010. Une fois que le système financier mondial se stabilisera et que la croissance se raffermira à l'échelle du globe, la vigueur fondamentale de l'économie et du secteur financier du Canada devrait assurer une reprise plus rapide au pays que dans la plupart des autres économies industrialisées. Toutefois, comme nous l'avons souligné dans la Mise à jour de janvier du Rapport sur la politique monétaire, la reprise à l'échelle internationale devrait être plus modeste que de coutume, en grande partie en raison du poids des excès passés au sein de l'économie américaine.

Au cours des prochains mois, des pressions s'exerceront peut-être sur les pouvoirs publics pour qu'ils en fassent davantage. Les autorités devront prendre leurs décisions de manière bien réfléchie, en tenant pleinement compte de l'ampleur des mesures déjà prises, du traditionnel décalage des effets des interventions et du besoin capital de préserver la crédibilité des cadres de mise en oeuvre des politiques budgétaire et monétaire.

Le Canada est plutôt bien placé à ce chapitre, puisque les cibles d'inflation nous confèrent un avantage important sur les plans de la focalisation de l'attention et des communications. Le mandat de la Banque en ce qui a trait à la politique monétaire est clair : celle-ci doit être mise en oeuvre de sorte que la cible d'inflation de 2 % qui a été fixée puisse être atteinte à moyen terme. En effet, la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à la prospérité économique et financière des Canadiens est de maintenir l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible.

C'est dans ce contexte que nous présenterons, d'ici quelques semaines, un cadre appuyant le recours possible à des mesures de politique monétaire non traditionnelles, parmi lesquelles l'assouplissement direct du crédit et l'assouplissement quantitatif. Étant donné que le taux du financement à un jour avoisine 0 %, il est important que les Canadiens comprennent que la Banque dispose toujours d'une palette considérable d'options pour mener à bien son mandat. De plus, il est essentiel que ces options soient présentées de manière aussi complète que possible, avec des indicateurs de réussite clairement définis et des principes transparents régissant leur mise en oeuvre et leur abandon. Entendons-nous bien : ce n'est pas parce que nous allons présenter ce cadre que nous adopterons nécessairement les options de politique monétaire qui en font partie. Leur application sera fonction des perspectives en matière de production et d'inflation et de l'efficacité relative des instruments dont nous disposons pour atteindre la cible d'inflation.

Conclusion

Une récession profonde et synchronisée est en cours à l'échelle mondiale. Une crise de confiance la nourrit. Pour rompre le cercle vicieux, il faudra des mesures macroéconomiques concertées à court terme, des réformes microéconomiques à long terme et du temps.

La stabilisation du système financier mondial est une condition préalable à la reprise économique. La mise en oeuvre des plans annoncés récemment pour régler la question des actifs toxiques dans des systèmes bancaires étrangers sera primordiale à cet égard. En outre, le sommet du G20 qui a lieu cette semaine devrait fournir la feuille de route qui favorisera la création d'un système financier international plus stable et plus efficace.

D'ici là, la chute abrupte de la demande intérieure et l'incertitude exceptionnelle qui règne actuellement ont créé un besoin intense d'interventions massives et crédibles de la part des pouvoirs publics. Les autorités monétaires et budgétaires s'emploient à satisfaire ce besoin, comme en témoignent les mesures sans précédent qui ont été prises. Leurs effets s'accumuleront au fil du temps et se feront pleinement sentir l'an prochain.

Les décisions visant de nouvelles mesures de relance doivent être étudiées avec soin, car il est primordial de préserver la crédibilité des cadres de mise en oeuvre des politiques budgétaire et monétaire. Même s'il nous reste beaucoup d'options pour accentuer la détente monétaire, leur utilisation n'est pas réglée d'avance; en fait, nous ne recourrons à ces options que si nous les jugeons appropriées pour atteindre la cible d'inflation.

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1er avril 2009

De saines mesures publiques rétabliront la confiance et guideront les économies à travers ces temps difficiles, déclare le gouverneur Carney

Although the global and Canadian economies are in recessions triggered by the most severe financial meltdown since the 1930s, Canadians can have confidence that unprecedented policy measures will restore growth, Bank of Canada Governor Mark Carney said today.
Type(s) de contenu : Médias, Communiqués
  1. 1. Les exportations chinoises ont diminué de 26 % en février de cette année par rapport à la même période l'an dernier. Pour leur part, les exportations de Taïwan ont reculé de 25 % en glissement annuel en février, celles du Japon de 46 % et celles de la Corée de 18 % (comparativement à un taux de croissance moyen de 18 % au cours des cinq dernières années dans ces quatre économies).[]
  2. 2. T. Huertas, The Rationale for and Limits of Bank Supervision, discours prononcé devant le London Financial Regulation Seminar, à Londres (Royaume-Uni), le 19 janvier 2009.[]
  3. 3. On peut s'attendre à ce que, au pays, cette détérioration des termes de l'échange réduise considérablement les bénéfices des producteurs, les salaires et l'emploi dans le secteur des ressources naturelles, les commandes des industries et services connexes ainsi que les revenus des administrations publiques.[]
  4. 4. Le taux directeur moyen des pays du G20 est passé de 4,27 % en août 2008 à 2,14 % actuellement.[]