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La fortune sourit aux audacieux

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Je suis ravi d'être ici parmi vous.

Chaque fois que je visite votre province, je suis frappé par ce paysage où s'entrechoquent rochers et océan. C'est un endroit qui invite aux superlatifs.

Nous sommes tous les produits de notre environnement, et les gens de Terre-Neuve-et-Labrador sont le reflet de l'audace qui marque la géographie et l'histoire de cette province.

En ce moment, le Canada et le monde entier ont besoin d'appeler à une telle audace.

J'aimerais vous expliquer pourquoi en vous entretenant brièvement de notre expérience des dernières années, de nos perspectives actuelles et des défis qui nous attendent dans les années à venir.

Notre expérience des dernières années : la récession située en contexte

De la fin de 2008 au milieu de 2009, le Canada a connu une récession courte et prononcée. Les principales composantes de la demande globale ont toutes reculé, à l’exception des dépenses publiques, et la production industrielle avait chuté de 15 %. Les exportateurs canadiens ont été particulièrement touchés, à cause du repli marqué de l’activité dans les secteurs américains qui comptent le plus pour le Canada. Par exemple, la demande de véhicules automobiles aux États-Unis a diminué de plus de moitié, et les mises en chantier, des deux tiers. Cela explique en partie pourquoi plusieurs grands secteurs d’activité canadiens sont en train de se restructurer en profondeur.

La récession a eu des répercussions majeures sur l’emploi. Quelque 400 000 Canadiens ont perdu leur emploi et le taux de chômage a bondi de près de trois points de pourcentage, pour atteindre son niveau le plus élevé en plus de dix ans. Même si le marché du travail montre des signes d’amélioration évidents, les trois quarts des emplois perdus étant maintenant récupérés, un trop grand nombre de Canadiens qui veulent travailler sont encore au chômage et beaucoup de ceux qui ont encore un emploi travaillent moins d’heures qu’ils ne le voudraient (voir le Graphique 1 en annexe).

Aussi pénible qu’ait été la récession, le Canada a moins souffert que la plupart des autres économies avancées. La consommation, le logement et l’emploi au pays ont tous nettement mieux résisté qu’aux États-Unis. Le PIB réel a enregistré une baisse cumulative de 3,3 % au Canada, comparativement à 3,6 % aux États-Unis, environ 5 % dans la zone euro et plus de 8 % au Japon.

La meilleure tenue du Canada est attribuable à deux facteurs. Premièrement, grâce à une politique monétaire hautement crédible et à une situation budgétaire qui était la plus robuste au sein du G7, les autorités du pays ont pu réagir rapidement et efficacement en mettant en oeuvre des mesures expansionnistes sans précédent. La Banque du Canada a commencé à abaisser les taux d’intérêt en décembre 2007 et a procédé à une série de réductions énergiques jusqu’à ce que son taux directeur touche 1/4 %, soit son niveau plancher, en avril 2009. Elle a ensuite donné des indications exceptionnelles quant à la trajectoire probable des taux d’intérêt nécessaire pour atteindre la cible d’inflation, et ce, afin de maximiser le degré de détente monétaire créé par ses mesures.

Deuxièmement, lorsque le Canada est entré en récession, il disposait d’avantages notables, à savoir un système financier efficace, des entreprises aux bilans solides et des ménages à la santé financière relativement bonne.

Il nous faudra exploiter ces avantages durant la reprise. Si la récession mondiale a été synchronisée, l’évolution future de l’économie, en revanche, sera vraisemblablement de plus en plus inégale selon les marchés et les secteurs. Pour certaines entreprises canadiennes, la reprise pourrait comporter autant de défis que la récession.

Ne vous y trompez pas : il s’agissait bel et bien de la Grande Récession. Prétendre le contraire par des comparaisons simplistes avec le passé, c’est ne tenir compte ni de la rapidité et de l’ampleur des mesures de politique qui ont été prises, ni de la possibilité que les répercussions de la crise perdurent pendant des années 1.

Plus précisément, la Banque du Canada s’attend à ce que :

  • le rythme, la composition et la variabilité de la croissance à l’échelle du globe présentent très peu d’uniformité d’une économie à l’autre;
  • le niveau et la volatilité des prix des matières premières augmentent;
  • la nature du système financier mondial soit radicalement transformée;
  • l’ouverture des marchés mondiaux des biens et des capitaux ne puisse plus être assurée.

Le Canada n’est pas un simple spectateur au milieu de cette tourmente planétaire. Notre pays peut influer sur les politiques et canaliser les réformes. Nos entreprises peuvent aller au-devant des nouvelles tendances et en tirer profit. Mais les efforts que nous devrons tous consentir seront héroïques, et l’hésitation sera coûteuse.

Pour les décideurs publics comme pour les entreprises qui se trouvent à cette croisée des chemins, la maxime suivante de Virgile prend tout son sens : « la fortune sourit aux audacieux ».

Les perspectives actuelles

Les perspectives actuelles de l’économie ne sont ni aussi favorables que l’indiquent les données récentes, ni aussi sombres que le clament les grands titres de l’actualité.

La reprise se poursuit à l’échelle du globe, mais elle se révèle de plus en plus inégale d’un pays à l’autre. On observe un grand dynamisme dans les économies de marché émergentes, une certaine consolidation de la relance aux États-Unis, au Japon et dans d’autres pays industrialisés, et la possibilité d’un nouvel affaiblissement en Europe.

On s’attend maintenant à une progression mondiale légèrement supérieure à 4 %, en rythme annualisé moyen, jusqu’en 2012. À l’exception de la Banque du Canada, rares sont ceux qui croyaient une telle chose possible à pareille date, l’an dernier. La Banque reste d’avis que, sous l’impulsion de la demande intérieure, la croissance canadienne sera probablement la plus élevée des pays du G7 dans les deux prochaines années.

L’activité récente au Canada évolue essentiellement comme prévu. L’économie a affiché un taux d’expansion vigoureux de 6,1 % au premier trimestre, grâce surtout au logement et aux dépenses de consommation. La croissance de l’emploi a repris. La progression des dépenses des ménages devrait se modérer et s’établir à un rythme davantage compatible avec celui des revenus. Le redressement attendu des investissements des entreprises sera important pour favoriser une reprise plus équilibrée.

Ces perspectives sont cependant entachées de grandes incertitudes. Dans la plupart des économies avancées, la reprise repose encore largement sur les mesures de relance monétaire et budgétaire. Le rééquilibrage de la croissance mondiale qui s’impose ne s’est pas encore matérialisé. De manière générale, les grandes forces que constituent les réductions des leviers d’endettement des ménages, des banques et des pays souverains ont à peine commencé à se déployer; elles intensifieront la variabilité et modéreront le rythme de l’expansion mondiale à mesure que leur action progressera.

Les tensions récentes en Europe sont susceptibles de se traduire par une hausse des coûts d’emprunt et un resserrement plus rapide des politiques budgétaires dans les économies avancées. Comme j’en discuterai dans quelques instants, à défaut de politiques qui viendraient faire contrepoids, la reprise pourrait s’avérer plus lente que prévu.

Rien n’est facile

Le fait est que, dans le contexte actuel où la reprise est favorisée par les pouvoirs publics et évolue à une vitesse variable, l’économie de la planète se heurte à trois limites.

La première est la réaction de l’offre de produits de base. Maintenant que les économies de marché émergentes sont à l’origine des deux tiers de la croissance mondiale, et non plus de la moitié comme au début du millénaire, l’expansion économique est à plus forte intensité de produits de base. Dans ses projections d’avril, la Banque du Canada prévoit un renchérissement additionnel de 30 % des produits de base non énergétiques au cours des prochaines années.

La deuxième limite concerne les défis associés à la conduite d’une politique monétaire non indépendante. En raison des taux de change dirigés, nombre d’économies de marché émergentes se comportent comme si la politique monétaire des États-Unis était adaptée à leur conjoncture particulière. En dépit de gros afflux de capitaux, ces pays recourent à des mesures qui n’ont pas fait leurs preuves pour calmer les pressions liées à la surchauffe. Le contrôle des capitaux, la restriction des rapports prêt-valeur à l’égard des prêts hypothécaires et l’augmentation des réserves obligatoires sont tous des palliatifs que l’on oppose à de puissantes forces.

Certes, ces mesures auront des effets, mais, en définitive, il n’y a que deux avenues possibles pour les économies de marché émergentes : une hausse des taux d’intérêt ou une hausse de l’inflation.

La relance budgétaire est la troisième limite. Compte tenu de l’importance des mesures appliquées par les autorités budgétaires et de la récession, le Fonds monétaire international prévoit que l’endettement des économies avancées passera d’environ 80 % du PIB en 2008 à 110 % d’ici 2015.

Des efforts majeurs seront nécessaires pour stabiliser la situation. À l’image du canari dans une mine de charbon, la Grèce doit opérer des ajustements primaires parmi les plus vastes jamais entrepris. De plus, comme d’autres pays européens, elle ne peut s’attendre à profiter d’une baisse des taux d’intérêt, d’une dépréciation ou d’une hausse des exportations pour faciliter les choses. Il faudra des réductions salariales et des gains de productivité considérables pour rétablir la compétitivité et la croissance.

Dans un tel contexte, les autres pays peuvent réagir par le déni ou la prise de conscience de la réalité. Dans le premier cas, l’alourdissement de la dette publique poussera les taux d’intérêt mondiaux à la hausse, ce qui exercera un effet d’éviction sur l’investissement privé et ralentira l’expansion de la production potentielle 2.

Devant l’ampleur du défi budgétaire, il n’est peut-être pas étonnant que certains économistes éminents cherchent une porte de sortie plus « facile ». Cette forme de déni consiste à autoriser temporairement un accroissement de l’inflation pour faire baisser la dette publique.

Pour la Banque, il s’agit là d’un chant de sirènes.

Les pays qui ont le plus besoin d’assainir leurs finances publiques sont souvent ceux dont le portefeuille de dette présente la duration la plus courte. Il faudrait que le « coup de barre » soit très soudain et très marqué pour avoir un effet notable. Bien entendu, si l’inflation temporaire vient à s’intégrer aux attentes, les taux réels risquent fort d’augmenter, au lieu de diminuer, exacerbant ainsi la dynamique de la dette. Qui plus est, dans le passé, il a été excessivement difficile de maintenir temporairement l’inflation à un niveau élevé. Un relèvement ponctuel de la cible d’inflation serait-il crédible?

Il y a des décennies que les banques centrales s’efforcent de ramener l’inflation à des niveaux compatibles avec la stabilité des prix. Nous ne devons pas mettre en péril ces gains durement acquis.

La deuxième réaction possible au défi budgétaire, la plus positive et la plus plausible, est la prise de conscience de la réalité.

Les dernières semaines nous ont donné à voir des gestes qui témoignent d’une telle réaction. Le mécanisme européen de stabilisation financière, qui a été annoncé en mai, est un pas audacieux sur la voie d’un assainissement accéléré des finances publiques. Cette annonce a été suivie d’une série de mesures concrètes. L'Espagne a dévoilé des mesures d’austérité additionnelles totalisant 1,5 % de son PIB, et le Portugal, des mesures représentant 1 % de son PIB pour 2010. La Grèce a adopté les principaux éléments de son plan d’austérité, et le Royaume-Uni prépare un budget anticipé qui sera marqué au coin de la rigueur. Des mesures semblables sont attendues dans d’autres pays au cours des prochaines semaines.

Il n’en demeure pas moins que l’« ère d’austérité » qui s’annonce comporte ses propres risques. Le durcissement précoce et généralisé de la politique budgétaire pourrait entraîner une déficience de la demande à l’échelle mondiale. La Banque du Canada estime que, sans un ajustement des taux de change réels et une hausse de la demande intérieure dans d’autres pays, le manque à gagner du PIB mondial pourrait atteindre 7 billions de dollars d’ici 2015 3.

Pour combler un manque à gagner aussi colossal, le secteur public et le secteur privé doivent tous deux agir avec audace.

De l’audace dans le secteur public : le programme du G20

Au sommet de Pittsburgh, en septembre dernier, le G20 affirmait : « Ça a marché. » Or, je dois vous dire que ça n’est pas terminé. Le G20 s’est doté d’un programme complet et radical, mais il nous faut joindre le geste à la parole.

C’est pourquoi, au prochain sommet des dirigeants du G20, le Canada centrera ses efforts sur les priorités suivantes :

  • La mise en oeuvre concrète du cadre du G20 à l’appui d’une « croissance forte, durable et équilibrée ». Cet élément met l’accent sur la responsabilité partagée des différents pays pour combler le manque à gagner de 7 billions de dollars dont je viens juste de parler.
  • Les modifications des comportements et les ajustements en matière de politiques que cela implique sur plusieurs fronts, à savoir :
    • l’assainissement viable et crédible des finances publiques dans les pays avancés;
    • les réformes structurelles et financières qui stimuleront la demande intérieure des grandes économies de marché émergentes;
    • la flexibilité accrue des taux de change réels dans les économies de marché émergentes afin de faciliter l’ajustement entre la demande extérieure et la demande intérieure;
    • les réformes structurelles qui permettront d’accroître la productivité et la croissance potentielle dans les économies avancées.
  • Les points essentiels du programme de réforme financière du G20, sur lesquels nous devons avancer. Cette réforme s’articule sur deux grands axes : protéger les banques contre le cycle économique et protéger le cycle contre les banques. L’un et l’autre sont essentiels.
    • Il faut protéger les banques contre le cycle économique, ce qui consiste à accroître la résilience de chaque banque. Cela exigera plus de capitaux, une plus grande liquidité et une meilleure gestion des risques, et également une supervision plus rigoureuse. Bien qu’il y ait encore beaucoup à faire, des mesures de ce genre permettront généralement de rendre les institutions financières partout dans le monde plus semblables à leurs consoeurs canadiennes.
    • Nous devons protéger le cycle contre les banques, c’est-à-dire accroître la résilience du système dans son ensemble. Il faut pour cela édifier un système qui soit capable de résister à la défaillance de n’importe laquelle des institutions financières qui le composent. Ces mesures (notamment les fonds propres conditionnels, une meilleure infrastructure pour les marchés clés et de nouveaux mécanismes de résolution) sont inédites et elles vont modifier la façon dont fonctionne notre système financier 4.
  • Enfin, pour que les entreprises puissent fonctionner, autant que possible, dans un climat commercial et réglementaire ouvert et stable, nous devons nous montrer à la hauteur de l’engagement des pays du G20 de ne pas céder au protectionnisme dans les secteurs du commerce et de la finance.

De l’audace dans le secteur privé : prospérer dans une économie multipolaire

Qu’en est-il de l’audace dans le secteur privé? Par des temps aussi incertains, les entreprises n’ont-elles pas plutôt intérêt à se montrer prudentes?

Rester sur la touche reviendrait à ne pas voir l’ampleur du défi ni les possibilités que recèlent l’insuffisance de notre rendement passé et la transformation de l’économie du globe.

Nous devrions reconnaître que les Canadiens ne sont pas aussi productifs qu’ils pourraient l’être. Notre niveau de productivité est passé du troisième rang des 20 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 1960 au quinzième rang des 30 membres qui composent l’organisation aujourd’hui 5. Après avoir affiché certains signes prometteurs à la fin des années 1990, la croissance moyenne de la productivité du travail a ralenti énormément depuis.

Il est possible que ce résultat soit imputable dans une faible proportion à des erreurs de mesure (qui seront corrigées avec le temps) et, dans une proportion un peu plus grande, aux délais associés au processus d’ajustement de l’économie. Mais l’écart béant entre nous et nos pairs tient principalement à des lacunes de fond, dont les entreprises et le gouvernement devront s’occuper de façon plus concertée.

  • Le Canada sous-investit dans le matériel et l’outillage ainsi que dans la formation et l’innovation – en fait dans tous les déterminants fondamentaux de la productivité.
  • Le capital lié aux technologies de l’information et de la communication par travailleur est environ deux fois moins élevé au Canada qu’aux États-Unis.
  • Le Canada se classe au seizième rang des pays membres de l’OCDE pour ce qui est de la recherche-développement menée en entreprise.
  • Même lorsque nous investissons, nous sommes médiocres. La piètre progression de notre productivité multifactorielle indique que les entreprises canadiennes n’utilisent pas efficacement le capital qu’elles acquièrent.

En général, même s’il y a plus à faire, les pouvoirs publics ont mis en place un grand nombre des conditions propices à un renouveau de la productivité. Notre régime fiscal est beaucoup plus concurrentiel qu’auparavant. Comparativement à d’autres pays, le Canada est celui qui investit le plus grand pourcentage de son PIB dans la recherche fondamentale. Les tarifs douaniers sur les investissements en matériel et outillage sont en voie d’être supprimés et nous avons des politiques macroéconomiques solides et une réglementation généralement efficace. Les gouvernements devront maintenir l’élan de la réforme, mais on ne peut pas attendre d’eux qu’ils amènent les particuliers et les entreprises à prendre des risques.

Les firmes devront prendre les choses en main. La croissance de la productivité au pays a diminué au cours de la dernière récession, ce qui ne s’était pas vu depuis trois décennies. Malgré le capital disponible, les bilans relativement solides des sociétés et l’amélioration des conditions économiques, les investissements des entreprises ont été modestes par rapport aux périodes de ralentissement passées et à l’ampleur du défi à relever (voir le Graphique 2). Les intentions d’investissement pour 2010 demeurent modérées et reposent surtout sur le secteur public.

Cela doit changer si l’on veut une reprise équilibrée et une économie plus compétitive.

Le défi ne concerne pas uniquement les grandes sociétés canadiennes. Nos petites et moyennes entreprises sont, à bien des égards, les moteurs de notre économie. Dans une économie mondiale qui évolue rapidement, elles seront appelées elles aussi à faire plus encore.

Les impératifs semblent clairs pour les entreprises canadiennes. Elles doivent trouver de nouveaux fournisseurs, exporter vers de nouveaux marchés et élaborer une nouvelle méthode de gestion dans un contexte de volatilité accrue.

La reprise relativement lente attendue chez notre plus important partenaire commercial ainsi que les ajustements sectoriels en cours forceront les firmes canadiennes à développer de nouveaux marchés. On assiste à la montée d’une économie multipolaire à l’échelle planétaire. Les économies de marché émergentes assurent actuellement les deux tiers environ de la croissance mondiale. On leur doit près de la moitié de la progression des importations au cours des dix dernières années, en particulier des biens d’équipement. Ce sont elles qui régissent principalement les prix des produits de base, de sorte qu’elles sont d’importants déterminants des termes de l’échange pour le Canada. Plus fondamentalement, ces économies sont de plus en plus considérées comme des chefs de file et des innovateurs dans les domaines des politiques publiques et des affaires 6. Le Canada doit s’engager pleinement avec ces nouveaux pôles de la puissance économique.

La politique monétaire de demain

Au lendemain du choc de la crise financière mondiale, la Banque du Canada a pris des mesures énergiques. Nous avons procédé à une série d’interventions novatrices en concertation avec les banques centrales des pays du G10; nous avons réduit radicalement les taux d’intérêt pour les porter à leur niveau le plus bas possible; et, en prenant un engagement conditionnel, nous avons fait preuve d’une transparence inégalée quant à la trajectoire probable de ces taux.

Toutes ces mesures s’imposaient pour que la Banque atteigne sa cible d’inflation de 2 %, comme l’exige son mandat.

À présent, une approche plus nuancée est justifiée. La Banque doit mettre en balance les influences contradictoires qu’exercent, sur l’activité et l’inflation au Canada, l’élan de la demande intérieure et une reprise économique de plus en plus inégale dans le monde.

Ces derniers mois, alors que le besoin de mesures d’urgence en matière de politique monétaire se faisait moins sentir, la Banque a progressivement réduit les mécanismes de détente monétaire qu’elle avait mis en place. En avril, elle a mis fin à son engagement conditionnel, ce qui, en soi, constituait un resserrement des conditions monétaires 7. Au début du mois, elle a relevé son taux de financement à un jour pour le porter à 50 points de base et a rétabli le fonctionnement normal du marché du financement à un jour.

Ces décisions laissent en place un degré de détente monétaire considérable, compatible avec l’offre excédentaire importante au Canada, la vigueur de la dépense intérieure et l’inégalité de la reprise mondiale.

Étant donné l’incertitude qui continue de peser sur les perspectives, toute nouvelle réduction du degré de relance monétaire devra être évaluée avec soin en fonction de l’évolution économique à l’échelle nationale et internationale.

Vu l’ampleur et l’instabilité de ces forces conflictuelles, il est clair que la trajectoire particulière que suivra la politique monétaire ne saurait être prédéterminée.

Conclusion

Ce n’est donc pas le moment de nous reposer sur nos lauriers. L’audace sera de mise dans les sphères publique et privée, au pays comme à l’étranger, pour que la reprise soit solide. Cela implique une action du G20 pour réformer le système financier international et assurer un redressement économique viable. Cela signifie aussi que nos entreprises doivent investir pour accroître la productivité et conquérir de nouveaux marchés. Cela implique enfin que les Canadiens doivent participer sans réserve à la nouvelle économie mondiale multipolaire.

Ce sont toutes des décisions importantes, dont la promptitude et l’efficacité influeront sur l’activité économique et sur l’inflation au Canada et, par conséquent, sur l’orientation de la politique monétaire. La Banque devra se montrer agile.

La résolution de la Banque de maintenir la stabilité des prix est inébranlable. La contribution la plus directe que la politique monétaire puisse apporter à la bonne tenue de l’économie consiste à donner aux Canadiens l’assurance que leur monnaie conservera son pouvoir d’achat. La stabilité des prix a pour effet de diminuer l’incertitude, de réduire au minimum les coûts de l’inflation, d’abaisser le coût du capital et de créer un climat dans lequel les ménages et les entreprises peuvent investir et faire des projets d’avenir.

  1. 1. P. Cross, « Revue de fin d’année : 2009 », L’Observateur économique canadien, Statistique Canada, no 11-010-X au catalogue, vol. 23, no 4, avril 2010.[]
  2. 2. Dans une simulation où il est postulé que les pays avancés n’effectuent aucun ajustement budgétaire pour stabiliser la dynamique de leur dette, la Banque a constaté une hausse de 175 à 300 points de base des rendements de ces pays, compte tenu des niveaux d’endettement. Voir K. Beaton, C. de Resende, R. Lalonde et S. Snudden, Prospects for Global Current Account Rebalancing, Banque du Canada, document d’analyse no 2010-4, avril 2010.[]
  3. 3. Voir M. Carney, La productivité : une vertu dans un monde impitoyable, discours prononcé devant l’Ottawa Economics Association, 24 mars 2010, et Beaton, de Resende, Lalonde et Snudden (2010).[]
  4. 4. Voir M. Carney, Le programme de réduction du risque systémique du G20, discours prononcé devant l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), 10 juin 2010.[]
  5. 5. Organisation de coopération et de développement économiques, Compendium sur les indicateurs de productivité, 2006 et 2008.[]
  6. 6. R. B. Zoellick, président du Groupe de la Banque mondiale, La fin du tiers-monde? Moderniser le multilatéralisme pour un monde multipolaire, discours prononcé devant le Woodrow Wilson Center for International Scholars, 14 avril 2010. Internet : http://web.worldbank.org.[]
  7. 7. Voir Banque du Canada, « Cadre de conduite de la politique monétaire en contexte de bas taux d’intérêt », Rapport sur la politique monétaire, avril 2009.[]