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Allocution

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Je suis très heureux d’être parmi vous aujourd’hui, et je tiens à remercier le Forum des politiques publiques d’avoir organisé cet événement.

Assumer la présidence du Groupe d’experts sur la finance durable a été pour moi une expérience enrichissante. Et ce fut un privilège de collaborer avec les autres membres du Groupe : Barbara Zvan, Andy Chisholm et Kim Thomassin. Ensemble, nous avons rencontré des centaines de dirigeants d’entreprises, de spécialistes des finances et d’organisations de partout au pays.

J’ai intégré un nouveau poste depuis que le Groupe a présenté son rapport final, et avec ce poste viennent de nouvelles responsabilités. Même si les mots « changements climatiques » ne figurent pas dans la Loi sur la Banque du Canada, la banque centrale porte un intérêt réel à cet enjeu.

La Loi donne instruction à la Banque de « favoriser la prospérité économique et financière du Canada ». Pour y parvenir, nous devons comprendre les principaux facteurs qui agissent sur notre économie. Les changements climatiques et la transition vers une croissance sobre en carbone auront de profondes conséquences sur pratiquement tous les secteurs dans les décennies à venir. Ainsi, pour assumer notre mandat en matière de politique monétaire, nous devons comprendre l’incidence des changements climatiques sur la croissance économique et l’inflation, tout comme les autres grands facteurs qui agissent sur l’économie, tels les changements technologiques, le vieillissement de la population et les aspects toujours changeants de la mondialisation.

L’incidence des changements climatiques doit également être prise en compte dans nos responsabilités liées au système financier. En effet, notre rôle est de favoriser l’efficience et la stabilité du système financier. C’est là que notre lien avec la finance durable est le plus évident.

Un système financier qui fonctionne bien et qui est efficient a pour importante fonction de diriger l’épargne vers les investissements les plus productifs. La finance n’apportera pas de solutions aux changements climatiques, mais bon nombre des investissements et des innovations qui le feront sont à très forte intensité de capital. C’est pourquoi il est crucial que le système financier canalise les capitaux vers les investissements durables les plus prometteurs.

Le système financier joue également un rôle essentiel en aidant les ménages et les entreprises à gérer les nouveaux risques climatiques. Ces risques comprennent notamment les risques physiques associés aux phénomènes météo plus violents et plus fréquents, et les risques de transition découlant de la réévaluation des actifs et de la révision des prévisions de revenus.

Un système financier stable doit lui-même être résilient à ces deux types de risques. Comme le souligne le Groupe d’experts dans son rapport final, les risques de transition sont souvent mal évalués, tandis que les risques physiques sont généralement sous-estimés. Plus cette situation va persister, plus il risque d’y avoir une réévaluation marquée susceptible de causer des pertes considérables pour les institutions financières. À tout le moins, cela minerait la capacité du système financier de soutenir l’économie réelle, et pourrait même menacer la stabilité du système.

L’efficience et la stabilité de notre système financier face aux changements climatiques sont étroitement liées et se renforcent mutuellement. En accélérant les flux de capitaux adaptés aux nouvelles réalités climatiques, le système financier peut réduire le risque d’un ajustement brusque et déstabilisant. Et en identifiant, en évaluant et en gérant les risques physiques et les risques de transition, il améliorera l’affectation des capitaux. 

L’information et la communication sont essentielles pour permettre au système financier de bien jouer son rôle. Les entreprises doivent évaluer, tarifer et gérer les risques climatiques auxquels elles sont exposées, en plus de communiquer ces risques pour assurer le bon fonctionnement des marchés. Ainsi, la façon dont les entreprises mesurent et présentent leur exposition à ces risques doit être à la fois fiable, cohérente et comparable d’une organisation à l’autre. Les institutions financières doivent avoir elles aussi une vision claire de leurs expositions et transmettre cette information avec transparence.

Il n’y a rien de bien nouveau dans tout cela, mais il est de plus en plus urgent qu’on s’attaque à ces enjeux. On assiste à des phénomènes météo de plus en plus fréquents et violents, qui endommagent les biens immobiliers et les infrastructures. Fait plus alarmant encore, les scientifiques sont convaincus que les températures continueront de grimper rapidement, ce qui contribuera à une augmentation des vagues de chaleur et des fortes pluies. Ainsi, pour contrer la menace que posent les changements climatiques, nous devons tous agir plus vite à l’échelle planétaire.

Une autre raison justifie cette urgence d’agir ici au Canada. Notre capacité à faire face aux changements climatiques est en train de devenir une question de compétitivité pour les entreprises canadiennes. Les consommateurs, les travailleurs et les investisseurs se préoccupent de plus en plus de l’empreinte environnementale des produits qu’ils achètent, des entreprises où ils travaillent et des sociétés dans lesquelles ils investissent. Par conséquent, les changements climatiques deviennent un enjeu commercial immédiat pour les entreprises.

Il y a dix ans, dans la foulée de la crise financière mondiale, l’enjeu des changements climatiques est passé à l’arrière-plan. Par contraste, la pandémie actuelle semble avoir attiré l’attention du public sur les risques mondiaux extrêmes et l’importance de la résilience.

Sur les marchés financiers, les émissions mondiales d’obligations liées à des indicateurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ont explosé ces dernières années, et leur rythme n’a pas faibli depuis le début de la pandémie. Les flux d’argent dans les fonds ESG cette année sont environ le double de ceux de l’année dernière, qui eux-mêmes étaient environ le triple de ceux de 2018. Plus de 1 000 milliards de dollars US d’obligations ESG sont actuellement en circulation. Le montant des émissions canadiennes de ces obligations est aussi plus de six fois supérieur à ce qu’il était il y a trois ans, étant passé de moins de 2 milliards de dollars en 2017 à presque 13 milliards jusqu’à maintenant cette année.

Il est essentiel que les entreprises canadiennes puissent tirer parti de ces possibilités.

Pour toutes ces raisons, la Banque accélère ses travaux pour comprendre les implications des changements climatiques et promouvoir un système financier adapté à ces changements. En 2019, nous avons commencé à évaluer les risques liés au climat dans notre Revue du système financier. Et nous avons élaboré un plan de recherche pluriannuel axé sur les risques climatiques qui pèsent sur la macroéconomie et le système financier. C’est, et cela restera, une grande priorité pour nous.

Les changements climatiques sont bien sûr, fondamentalement, un problème mondial, et c’est pourquoi nous avons élargi notre engagement à l’échelle internationale. Nous travaillons avec plusieurs partenaires pour élaborer des stratégies visant à atténuer les risques de transition et à promouvoir une finance durable. La Banque a joué un rôle particulièrement actif au sein du Réseau pour le verdissement du système financier (NGFS), du Fonds monétaire international et du Conseil de stabilité financière, entre autres.

Il est primordial que la Banque soit active auprès d’organismes tels que le NGFS, car ils encouragent la finance durable en établissant de facto des normes mondiales pour la communication d’informations relatives au climat. Il est nettement préférable que la Banque soit à la table des discussions et qu’elle amène la perspective d’une économie diversifiée et riche en ressources.

Le personnel de la Banque a apporté une contribution importante aux travaux du NGFS visant à favoriser une approche fondée sur des scénarios pour la communication des risques liés au climat. L’incertitude ne peut plus être un prétexte à l’inaction. En utilisant les scénarios élaborés par le NGFS, qui sont rendus publics, les entreprises devraient pouvoir commencer à définir la résilience de leurs organisations et de leurs stratégies en fonction de différents scénarios climatiques.

La Banque s’emploie aussi à appliquer ces analyses ici, au Canada. Plus précisément, nous travaillons à élaborer des scénarios climatiques qui reflètent les réalités propres au Canada, et dont les institutions financières pourront se servir. Hier, nous avons fait une annonce conjointe avec le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) au sujet d’un projet pilote impliquant un certain nombre de banques et de compagnies d’assurance canadiennes. La Banque et le BSIF préparent des scénarios que les institutions pourront utiliser pour examiner plus à fond comment leurs activités et leurs actifs pourraient être exposés aux risques climatiques.

Le projet poursuit un certain nombre d’objectifs. En élaborant des scénarios climatiques pertinents pour le Canada, nous espérons encourager les institutions financières à recourir à l’analyse de scénarios. Nous comptons également qu’un ensemble commun de scénarios rendra les résultats plus comparables. Plus fondamentalement, nous espérons que l’analyse de scénarios aidera les institutions financières à mieux comprendre leur exposition aux risques de transition et les rendra plus confiantes dans leur capacité à les communiquer.   

En résumé, nous sommes déterminés à travailler avec le secteur financier pour promouvoir la résilience face aux changements climatiques et une transition harmonieuse vers une croissance à faible intensité de carbone. Le mois dernier, le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques a publié son troisième rapport d’étape. Le Groupe avait de bonnes choses à dire sur le Canada et le soutien de notre pays à la mise en œuvre de ses recommandations. Mais, pour être franc, nous devons tous accélérer le rythme de nos efforts.

Voici donc le message que je veux vous transmettre : notre système financier s’est avéré résilient pendant la crise financière mondiale et a été un amortisseur clé depuis le début de la pandémie de COVID-19. Nous devons veiller à ce qu’il soit tout aussi résilient face aux changements climatiques. Et ce faisant, nous devons donner au Canada les moyens de tirer parti des opportunités liées au climat que recherchent les consommateurs, les travailleurs et les investisseurs. Mais pour atténuer les menaces et saisir ces opportunités, nous devons tous nous mobiliser. Et nous devons le faire rapidement.