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La stabilité financière et la pandémie de COVID-19

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Introduction

Merci de votre invitation à prendre la parole devant vous par vidéo en ces circonstances exceptionnelles.

La Banque du Canada et l’Autorité des marchés financiers sont des partenaires de longue date. Nous avons collaboré à nos mandats respectifs de surveillance des infrastructures de marchés. Nous avons aussi échangé sur les tests de résistance visant les institutions d’importance systémique.

Et, bien sûr, j’ai appris à connaître certains d’entre vous personnellement, y compris M. Morisset, par l’entremise de ces projets et en ma qualité de secrétaire, puis de membre à part entière des Responsables des organismes de réglementation1.

À la Banque, nous valorisons énormément ce que vous faites afin de préserver la stabilité et la santé du système financier, non seulement pour les Québécois, mais aussi pour tous les Canadiens.

Deux fois par an, comme c’est le cas aujourd’hui, la Banque fait le point sur les principales vulnérabilités et les grands risques touchant le système financier2. Nous évaluons continuellement la capacité du système financier à bien fonctionner, en période de prospérité comme en période de crise.

Ce travail nous sert précisément dans des circonstances où l’économie et le système financier subissent un choc majeur, comme en ce moment avec la COVID-19.

Rappelons qu’avant l’éclosion de la COVID-19, le système financier était déjà sujet à d’importantes vulnérabilités, dont le niveau élevé d’endettement des ménages et les déséquilibres dans certains marchés du logement. C’est pourquoi nous insistons depuis longtemps sur la possibilité qu’une récession crée des tensions dans l’ensemble du système financier. Pourtant, malgré l’impact économique dévastateur de la pandémie, ce risque ne s’est pas matérialisé jusqu’à présent.

Nous devons cela essentiellement aux mesures sans précédent qui ont été prises par les autorités en réaction à la pandémie. Très tôt, la Banque est intervenue rapidement pour rétablir et soutenir le fonctionnement des marchés, et le gouvernement fédéral a lancé plusieurs programmes de soutien pour aider des millions de ménages et d’entreprises à compenser leurs pertes de revenus.

Autre facteur fondamental, les institutions financières étaient suffisamment bien dotées en capital pour pouvoir assouplir leurs conditions de remboursement de prêts sans mettre leur propre solvabilité en péril. Voilà qui montre toute l’importance d’avoir un système financier résilient – comme celui du Canada – lorsque l’économie subit un choc majeur. En effet, notre système a continué de bien répondre aux besoins de la population durant la pandémie, comme il l’a fait pendant la crise financière mondiale de 2008-2009.

Cela dit, cette résilience ne change pas le fait que la pandémie demeure une source de risques considérables pour le système financier. Il faut encore surveiller la possibilité que les difficultés actuelles de bon nombre de ménages et d’entreprises mènent à des pertes de crédit qui se répercuteraient dans l’ensemble du système financier. Ces pertes pourraient réduire la capacité des banques à accorder des prêts et, par conséquent, ralentir la reprise de l’activité économique et de l’emploi, ce qui ferait empirer une situation déjà difficile. Bref, nous devons rester vigilants.

Après cette entrée en matière, j’aimerais maintenant aborder les vulnérabilités et les risques touchant les ménages et les entreprises.

Je parlerai ensuite de la résilience générale du système financier canadien, y compris de ce que notre plus récente enquête sur le système financier nous a appris sur la façon dont les participants aux marchés voient les choses depuis que la COVID-19 a frappé.

Vulnérabilités et risques financiers découlant de la COVID-19

L’incidence de la pandémie sur la vie et les moyens d’existence des gens dépasse tout ce que nous avons connu de notre vivant. Comme nous l’avons souligné dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) d’octobre, la reprise économique va prendre pas mal de temps.

Plus la pandémie limite longtemps les emplois et les revenus, plus il y a de risques que les ménages déjà fortement endettés éprouvent des difficultés et que les défauts de paiement nuisent à l’ensemble du système financier.

En outre, beaucoup d’entreprises dans les secteurs où la distanciation physique est difficile – comme les restaurants, les bars, les hôtels et les centres de conditionnement physique – ont du mal à rester solvables, car leurs coûts fixes n’ont pas changé alors que leurs revenus ont baissé. Au fil du temps, cela pourrait aussi poser un risque pour la stabilité financière.

Risques pesant sur le secteur des ménages

Dans la Revue du système financier de mai dernier, nous avons expliqué que le revenu d’emploi des Canadiens avait été durement touché par la pandémie et que beaucoup de ménages faisaient face à de grandes difficultés, surtout ceux qui étaient déjà très endettés.

Six mois plus tard, on voit bien à quel point les programmes gouvernementaux de soutien du revenu ont aidé des millions de Canadiens à traverser la crise.

Le système financier a aussi contribué à soulager les ménages, notamment grâce aux reports de paiement sur les prêts hypothécaires, les cartes de crédit et les marges de crédit. Depuis le début de la pandémie, 14 % des propriétaires ayant un prêt hypothécaire et 10 % des locataires ont demandé des reports de remboursement, toutes dettes confondues.

Ces mesures ayant été conçues d’emblée pour une période déterminée, environ 60 % des reports de paiement sont arrivés à échéance en septembre. Cette proportion s’élève à 70 % pour ce qui touche aux cartes de crédit et aux prêts automobiles.

Nous suivons cela de près pour évaluer le risque de défaillances et déterminer si elles seraient suffisamment généralisées pour menacer la stabilité financière3.

La plus récente enquête de la Banque sur les attentes des consommateurs au Canada montre qu’un tiers des emprunteurs ayant demandé un report de paiement l’ont fait par précaution ou pour rembourser d’autres dettes, et non pas pour pallier des pertes de revenu dues à la COVID-19 (graphique 1).

Il y a donc lieu d’être optimiste quant à la capacité de ces emprunteurs à reprendre leurs paiements comme avant, à la fin de leur période de report.

En effet, il semble jusqu’ici que le risque d’une vague de défauts de paiement chez les consommateurs soit faible. Plus de 99 % des ménages ayant profité de reports de paiement quelconques ont recommencé à rembourser leurs emprunts normalement (graphique 2).

Mais il est encore trop tôt pour tirer des conclusions, surtout en ce qui concerne les prêts hypothécaires. Comme de nombreux reports de paiement à ce chapitre sont arrivés à échéance seulement en octobre, nous ne saurons sans doute pas exactement combien de propriétaires sont en retard sur leurs versements hypothécaires avant la fin de l’année ou le début de 20214.

Même si le risque de défaillances généralisées semble bien maîtrisé, nous devons toujours surveiller de près les vulnérabilités sous-jacentes. C’est d’autant plus important que nous comptons garder les taux d’intérêt bas pendant un bon bout de temps.

Soyons clairs : les taux d’intérêt doivent être bas pour favoriser une large reprise de l’activité économique. En soutenant les emplois et les revenus aujourd’hui, la politique monétaire a contribué à atténuer les risques financiers liés au fort ralentissement économique et à la hausse du chômage qui ont découlé de la pandémie5. Mais c’est à double tranchant, car de bas taux d’intérêt sont susceptibles d’accroître les principales vulnérabilités financières et, du même coup, de nuire à la capacité du système financier et de l’économie de résister à d’autres chocs. C’est là que des politiques macroprudentielles ciblées, comme les tests de résistance visant les intérêts hypothécaires, jouent un rôle important pour limiter l’accroissement des vulnérabilités. Il est donc essentiel que tous les décideurs surveillent de près la façon dont celles-ci évoluent.

Penchons-nous maintenant sur ce que la Banque observe au chapitre du fardeau de la dette des ménages.

Le ratio de la dette au revenu des ménages a chuté au deuxième trimestre – c’est-à-dire au plus fort du confinement – passant de 175 à 158 %. Cette baisse s’explique en grande partie par les prestations gouvernementales, qui ont augmenté les revenus de bien des ménages. En fait, l’endettement des ménages en tant que tel n’a pratiquement pas changé, malgré des différences significatives entre la dette de consommation et la dette hypothécaire.

L’encours de la dette de consommation a diminué depuis le début de la pandémie, sous l’effet d’une réduction d’à peu près 15 % des soldes de cartes de crédit, de nombreux ménages ayant remboursé des dettes ou augmenté leur épargne. Cela s’est probablement produit parce que les travailleurs dans les secteurs où le télétravail est davantage possible sont plus susceptibles d’avoir conservé leur emploi. C’est là un autre signe que la pandémie n’a pas eu les mêmes conséquences pour tout le monde. Mais il faut aussi dire que les gens dépensent moins en articles non essentiels. Ils ont ainsi moins eu recours au crédit dans l’ensemble, surtout au printemps et au début de l’été (graphique 3).

Par contre, la dette hypothécaire compte pour la majeure partie de la dette des ménages, et elle a continué d’augmenter à un rythme solide, soutenue par la vigueur du marché du logement pendant l’été et au début de l’automne.

Ce marché faisant l’objet de déséquilibres qui sont une autre source importante de vulnérabilités financières au pays, nous surveillons naturellement de près ce qui s’y passe.

Même si les bas taux d’intérêt ont soutenu le marché du logement, le fort rebond dans de nombreux marchés est aussi attribuable à la demande refoulée issue du confinement et au fait que gens préfèrent désormais des logements plus spacieux. Depuis que l’activité immobilière s’est raffermie à la fin du printemps, le marché favorise les ménages dont les revenus n’ont que peu ou pas baissé. Jusqu’ici, il ne semble pas que la spéculation soit à l’origine de l’augmentation des prix, contrairement à ce qui s’est passé dans le Grand Toronto et le Grand Vancouver il y a quelques années. De plus, la récente montée des prix a été particulièrement forte dans les villes où le ratio de l’emprunt hypothécaire au revenu est relativement modéré, comme Montréal, Ottawa et Halifax. Les prochains mois nous donneront une meilleure idée de l’état fondamental du marché du logement. Mais nous devons rester à l’affût de potentielles pressions à la baisse dans certains segments, même si la situation semble bien équilibrée dans l’ensemble.

Plus précisément, l’évolution des préférences, du fait que les gens passent plus de temps chez eux et qu’ils veulent plus d’espace, a des implications évidentes pour le marché des copropriétés dans les grandes villes, comme Toronto. La diminution du nombre d’immigrants et d’étudiants étrangers pendant la pandémie est un autre facteur qui pèse sur la demande de ce type de logements.

Du côté de l’offre, le ralentissement du marché de la location pourrait inciter certains investisseurs immobiliers à mettre en vente leurs logements locatifs. En octobre, le nombre de logements en copropriété à louer à Toronto était 210 % plus élevé que l’année précédente (graphique 4) et le loyer moyen était 13 % plus faible. Et compte tenu des nombreux chantiers entrepris avant la pandémie, des milliers de logements entreront sur le marché en 2021.

Risques pesant sur le secteur des entreprises

Penchons-nous maintenant sur la question des entreprises. En mai, nous avions indiqué que les entreprises qui subissaient le plus de tensions étaient celles qui, au début de la crise, étaient déjà très endettées et détenaient peu d’actifs liquides. Nous avions ajouté que, puisque les entreprises étaient dans une situation semblable aux ménages, plus la reprise serait longue, plus les problèmes de trésorerie risqueraient de se transformer en problèmes de solvabilité.

Six mois plus tard, la pandémie continue de créer un environnement difficile, surtout dans les secteurs qui impliquent des interactions en personne ou dans des espaces clos.

Au deuxième trimestre, le chiffre d’affaires global des entreprises non financières a chuté de 14 %, et bien plus dans des secteurs comme ceux du transport, des arts et du divertissement, ainsi que de l’hébergement et de la restauration (graphique 5).

Même si l’économie a largement rouvert au cours du troisième trimestre, les revenus de nombreuses entreprises dans ces secteurs et des secteurs connexes étaient encore nettement inférieurs à leurs niveaux d’avant la pandémie. À titre d’exemple, en août, près de la moitié de celles qui évoluent dans les domaines des arts, du divertissement et des loisirs avaient accusé une chute de leur chiffre d’affaires d’au moins 40 % par rapport à l’année précédente. Le coup a été encore plus dur pour les petites entreprises, qui ont peut-être relativement plus de mal à trouver du financement.

De son côté, le secteur pétrolier et gazier a dû faire face à une chute des cours du pétrole après le coup d’arrêt porté aux voyages à l’échelle mondiale. Les revenus de l’ensemble du secteur ont chuté de 45 % au deuxième trimestre, alors que les sociétés énergétiques tentaient encore de se remettre de l’effondrement des prix subi en 2014-2015.

Les mesures gouvernementales comme la subvention salariale et la subvention pour le loyer ont aidé les entreprises de nombreux secteurs à gérer leurs besoins de liquidités. La récente décision de prolonger le programme de subvention salariale jusqu’en 2021 continuera d’aider les établissements mis à mal par la pandémie – ainsi que leurs employés. Le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes a aussi joué un rôle important en permettant à près de 800 000 petites entreprises d’obtenir des prêts subventionnés qui les aideront à gérer leurs dépenses.

Globalement, grâce à ces mesures de soutien, moins d’établissements durement touchés par la pandémie s’en remettent à des formes de financement traditionnelles – comme le financement par l’emprunt ou par l’émission d’obligations ou d’actions – pour surmonter la crise. Mise à part la ruée vers les liquidités observée en mars, où les grandes sociétés ont recouru à leurs marges de crédit, le financement des entreprises a été relativement modéré pendant la pandémie. Et le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés demeure en dessous des niveaux qui prévalaient auparavant (graphique 6).

Mais la pandémie est loin d’être terminée. Comme nous l’avons expliqué dans le RPM d’octobre, même si des confinements généralisés ne sont pas de nouveau imposés, il faut s’attendre à ce que des mesures restrictives localisées et ciblées s’appliquent encore, du fait des flambées virales successives.

Notre personnel s’est efforcé de déterminer dans quelle mesure les entreprises pourraient composer avec ce qui risque d’être une reprise longue et mouvementée. Nous nous attendons à ce qu’elles soient de plus en plus nombreuses à avoir besoin de financement pour s’en sortir au cours des prochains trimestres. Afin de quantifier le tout, nous effectuerons des simulations à l’aide de données au niveau des entreprises, et comptons en publier les résultats dans les prochains mois.

Fonctionnement des marchés

La probabilité que davantage d’entreprises aient besoin de financement montre à quel point il importe que le système financier fonctionne correctement.

Repensons au début de la pandémie. Alors que l’incertitude gagnait les marchés mondiaux, les investisseurs échangeaient leurs titres de dette contre de l’argent liquide ou arrêtaient complètement de négocier. Afin d’atténuer ces tensions sur les marchés, la Banque a lancé une série de programmes d’achat d’actifs et de facilités de liquidité en mars, avril et mai. Ces programmes visaient à rétablir le fonctionnement des marchés, à la fois pour que nos interventions de politique monétaire puissent se transmettre dans l’économie et pour que les entreprises – et les ménages – puissent continuer à obtenir du financement si elles en avaient besoin.

Aujourd’hui, puisque les marchés fonctionnent suffisamment bien, plusieurs programmes ont été arrêtés.

Lorsqu’elle procède à un octroi exceptionnel de liquidités en soutien des marchés, la Banque s’efforce de faire le nécessaire pour réduire les tensions sans que cela incite les participants au système financier à prendre des risques excessifs en temps normal. Autrement dit, elle vise à éviter l’aléa moral. Tout comme il est important de sevrer petit à petit un patient de ses antidouleurs à mesure qu’il guérit, afin d’éviter qu’il n’en devienne dépendant, la Banque abandonne graduellement ses divers dispositifs de soutien quand les tensions sur les marchés se dissipent. Cela ne devrait pas surprendre les participants aux marchés.

Mais il ne faut pas s’y tromper : si les tensions sur les marchés réapparaissent et que les conditions nous obligent à en faire davantage pour que le système financier puisse continuer de soutenir les ménages et les entreprises du pays, nous interviendrons.

Évaluer la résilience du système financier

En fin de compte, plus le système financier est résilient, plus il sera en mesure d’aider les Canadiens à composer avec la pandémie, tout comme il les a aidés pendant la crise financière mondiale.

Lorsque la COVID-19 a frappé le Canada, nous avons dû rapidement déterminer si le système financier pouvait résister à son impact. C’est pourquoi, pour notre Revue du système financier, nous avons effectué un test de résistance des six grandes banques canadiennes, lesquelles détiennent près de 90 % de l’actif du secteur bancaire au pays. Ce test se fondait sur le scénario le plus défavorable de notre RPM d’avril, qui mettait en évidence la vaste gamme d’effets plausibles de la pandémie sur l’économie6. Nous en avons conclu que les banques avaient des volants de fonds propres suffisants pour faire face à un tel scénario – signe évident d’un système financier robuste et résilient.

Depuis, l’économie a affiché de meilleurs résultats que dans le cadre du scénario utilisé pour notre test de résistance, ce qui contribue encore à atténuer nos inquiétudes concernant la stabilité financière. Cela dit, le pays est maintenant dans la phase de récupération de la reprise, qui se caractérise par une croissance plus lente, et il manque encore autour de 640 000 emplois par rapport au niveau d’avant la pandémie. Il est malheureusement possible que les difficultés aillent en s’aggravant, et que les vulnérabilités financières s’amplifient.

En plus de nos activités de surveillance et de nos tests de résistance, notre enquête sur le système financier est un autre élément important de notre évaluation de la stabilité financière7. Vu l’incertitude extrême que la COVID-19 a introduite dans les perspectives, les enquêtes comme celle-ci nous fournissent des renseignements très précieux.

L’enquête de l’automne, publiée vendredi, nous apprend que les professionnels du secteur financier ont généralement confiance dans la capacité du système financier de faire face à un choc majeur. Pratiquement tous les répondants – 98 % – se sont déclarés au moins « plutôt sûrs » que le système financier pourrait résister à un tel choc.

Cependant, ils sont aussi d’avis que les risques se sont considérablement accrus. La proportion de répondants ayant indiqué une hausse notable des risques à court terme – c’est-à-dire moins d’un an – a augmenté de 40 points de pourcentage par rapport à l’enquête menée à l’automne 2019 (graphique 7).

De nombreux répondants ont cité la riposte énergique des pouvoirs publics face à la crise comme la principale raison de leur confiance dans la capacité du système financier de résister à un nouveau choc. Il faut mentionner ici le rôle de la Banque, du gouvernement fédéral et des organismes de réglementation financière.

En même temps, ceux qui pensent que les risques ont augmenté ont ajouté que la pandémie a laissé l’économie et le système financier en situation plus précaire. Par conséquent, ils s’interrogeaient sur la capacité des institutions publiques d’intervenir davantage.

On a demandé aux participants d’indiquer les risques qui nuiraient le plus au système financier dans son ensemble et aux sociétés financières individuelles. Les deux risques les plus cités étaient une hausse des défaillances dans les secteurs des ménages et des sociétés – cette réponse reflétant les effets négatifs de la pandémie sur l’économie – et un cyberincident majeur.

Même s’il n’y a plus de problèmes de liquidité comme lorsque la COVID-19 a frappé, nous avons toujours pour priorité absolue de veiller à ce que les marchés puissent tourner rondement. Nous avons demandé aux participants à l’enquête à quel point il était difficile d’effectuer des transactions sur divers marchés au début de la pandémie. Ils ont estimé que les marchés canadiens des obligations de sociétés et des produits titrisés étaient les plus touchés. Plus de 40 % de ceux qui sont actifs sur le marché des obligations de sociétés ont déclaré avoir eu des « difficultés majeures » à négocier. Les deux marchés fonctionnent bien maintenant, mais ces avis nous aideront à nous préparer à d’autres épisodes de tensions éventuels, tout comme les leçons que nous avons tirées de la crise de 2008-2009 nous ont été utiles au début de l’année.

Je dois souligner que l’enquête menée en septembre a enregistré le taux de réponse le plus élevé de son histoire. Cela donne d’autant plus de force aux messages qui en ressortent, lesquels nous sont très utiles pour surveiller les risques et guider nos interventions. J’encouragerais donc les acteurs du système financier à participer aux futures enquêtes.

Nos efforts en matière de surveillance reposent aussi sur les renseignements que nous recueillons par l’entremise des Responsables des organismes de réglementation, que j’ai mentionnés dans mon introduction. En effet, la Banque préside à la fois ce groupe et son Comité de surveillance du risque systémique. Ces instances facilitent grandement la comparaison des analyses des vulnérabilités découlant de la COVID-19 auxquelles procèdent les autorités fédérales et provinciales. Elles leur permettent aussi d’examiner d’autres enjeux déterminants pour la stabilité financière que je n’ai pas évoqués aujourd’hui, comme les changements climatiques, la cyberrésilience et les cryptoactifs. L’impact des changements climatiques et de la transition vers une économie sobre en carbone représente un risque qui se développe clairement pour le système financier. Le gouverneur Macklem a justement abordé cette question qui revêt de plus en plus d’importance la semaine passée8.

Avant de conclure, je tiens à remercier chacun de vous, à l’Autorité des marchés financiers, de votre contribution au succès du Comité de surveillance du risque systémique. Plus particulièrement, merci de partager votre savoir-faire dans les domaines de l’assurance, des valeurs mobilières, des produits dérivés et des institutions de dépôt parabancaires.

Conclusion

Il est maintenant temps pour moi de conclure.

Notre système financier a joué un important rôle d’amortisseur en aidant à combler les besoins financiers auxquels sont confrontés tant de ménages et d’entreprises en raison de la pandémie. Nous allons continuer de surveiller les risques à mesure qu’ils évoluent, afin de garantir que le système financier soit toujours là pour tous les Canadiens.

Dans les mois qui viennent, et jusqu’à la préparation de la Revue du système financier de 2021, nous allons continuer d’étudier les données sur les reports de paiement pour voir si le remboursement des emprunts s’avère difficile pour les ménages. Nous allons également approfondir notre analyse des pressions auxquelles les entreprises doivent faire face. Enfin, nous allons examiner de près d’autres sujets liés à la COVID-19, comme les causes des tensions de liquidité qui existaient sur les marchés au printemps, et l’incidence de la distanciation physique et du télétravail sur la viabilité à long terme de l’immobilier commercial.

Nous devons encore surveiller l’accumulation des vulnérabilités du système financier et demeurer vigilants alors que l’économie se remet de cette crise. Mais nous ne devons pas non plus perdre de vue les enjeux persistants qui sont également déterminants pour la stabilité financière, tels que les changements climatiques et les cyberrisques9.

Les Canadiens peuvent être certains que la Banque et ses partenaires font tout en leur pouvoir pour préserver la résilience du système financier.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à quelques questions.

Je tiens à remercier Mikael Khan et Alan Walsh de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

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Une évaluation des risques pesant sur la stabilité du système financier canadien, dont ceux découlant de la pandémie de COVID-19 — Toni Gravelle, sous-gouverneur à la Banque du Canada, prononce un discours devant l’Autorité des marchés financiers. (vers 14 h, heure de l’Est)

  1. 1. Le groupe Responsables des organismes de réglementation est une importante instance de concertation fédérale-provinciale que le gouverneur de la Banque du Canada préside et qui traite de questions touchant le secteur financier. En font partie le ministère des Finances du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières ainsi que l’Autorité des marchés financiers du Québec et les commissions des valeurs mobilières de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.[]
  2. 2. Chaque printemps, la Banque présente, dans la Revue du système financier, une étude exhaustive des vulnérabilités et des risques qui touchent le système financier. De plus, son personnel effectue des recherches tout au long de l’année pour tenir le Conseil de direction informé des enjeux qui pourraient être importants pour ses partenaires fédéraux ou provinciaux, ou pour les Canadiens. Les résultats de ces travaux se trouvent dans le portail sur le système financier de la Banque.[]
  3. 3. Le personnel de la Banque utilise des microdonnées anonymisées de l’agence d’évaluation du crédit TransUnion pour déterminer si les emprunteurs recommencent à faire leurs paiements habituels une fois les programmes de report éliminés. Il s’est aussi servi de données d’enquêtes pour comprendre les raisons des demandes de report individuelles.[]
  4. 4. À compter d’aujourd’hui, vous trouverez dans notre portail sur le système financier de nouveaux graphiques qui rendent compte de notre analyse des reports de paiement. Nous continuerons de suivre la situation de près et tiendrons ces graphiques à jour au cours des prochains mois.[]
  5. 5. Voir, par exemple, le tableau 2 de la livraison de 2019 de la Revue du système financier, ainsi que la discussion, dans celle de 2020, des tests de résistance des institutions financières que nous avons effectués au début de la pandémie.[]
  6. 6. Au moment de la préparation du RPM d’avril, au début de la pandémie, le Conseil de direction a convenu qu’en fournissant sa prévision complète habituelle, il offrirait une information faussement précise. Nous avons plutôt choisi de présenter deux scénarios indicatifs plausibles pour l’économie. L’un d’eux devait être considéré comme un scénario optimiste compte tenu de la situation qui prévalait, tandis que l’autre était beaucoup plus défavorable. Le test de résistance dont faisait état la Revue du système financier publiée en mai se fondait sur ce second scénario.[]
  7. 7. Pour enrichir notre évaluation de la stabilité financière au pays, nous tenons deux fois par an l’enquête sur le système financier, dans laquelle nous demandons l’avis de participants aux marchés et d’autres personnes spécialisées dans la gestion des risques visant le système financier. En temps normal, nous effectuons cette enquête en mars et en septembre. Cette année, nous avons annulé celle du printemps, après nous être rendu compte que les professionnels des marchés étaient trop préoccupés par les effets en cascade de la COVID-19.[]
  8. 8. T. Macklem, allocution prononcée par vidéoconférence lors d’un panel organisé par le Forum des politiques publiques, Ottawa (Ontario), 17 novembre 2020.[]
  9. 9. Voir T. Macklem, De la COVID au climat : l’importance de la gestion des risques, allocution prononcée par vidéoconférence lors d’un panel organisé par l’Institut du risque mondial, le 8 octobre 2020. Voir aussi cette annonce d’un projet pilote mené par la Banque et le Bureau du surintendant des institutions financières sur les risques liés aux changements climatiques dans le secteur financier.[]