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Le point sur les déséquilibres sur le marché du logement et l’endettement des ménages

Au début de la pandémie de COVID‑19, deux vulnérabilités financières importantes et interreliées étaient présentes au Canada : les déséquilibres sur le marché du logement et l’endettement élevé des ménages. Ces vulnérabilités avaient la capacité d’amplifier les conséquences économiques désastreuses de la pandémie et d’engendrer des tensions supplémentaires au sein du système financier canadien. Grâce aux mesures sans précédent prises par les autorités – dont le soutien direct au revenu et les reports de paiement – le pays a pu échapper à ce risque jusqu’à présent.

La vigueur du marché du logement aide l’économie canadienne à se remettre de la pandémie. Mais elle pourrait aussi contribuer aux déséquilibres présents sur ce marché et à l’endettement des ménages.

Les données présentées dans cette note laissent penser que ces vulnérabilités se sont accentuées ces derniers mois. Plus précisément, la croissance des prix des logements et l’endettement hypothécaire ont augmenté sur fond d’intensification de l’activité sur le marché du logement. La Banque du Canada continuera de surveiller de près ces évolutions et présentera une mise à jour de son analyse en mai 2021, dans la prochaine livraison de la Revue du système financier.

Déséquilibres sur le marché du logement

L’activité sur le marché du logement a atteint des sommets inégalés

L’activité sur le marché du logement a été exceptionnellement soutenue durant la pandémie. Après un rebond initial reflétant la libération de la demande refoulée par le confinement au printemps 2020, l’essor se poursuit.

  • En février 2021, les reventes ont atteint des niveaux record à l’échelle nationale, alors que les stocks n’ont jamais été aussi bas (graphique 1).

Graphique 1 : Les reventes de logements atteignent des niveaux record et les stocks n’ont jamais été aussi bas

Source : Association canadienne de l’immeuble Dernière observation : février 2021

La croissance des prix des logements s’est accentuée

Le ratio des ventes aux nouvelles inscriptions laisse entrevoir que le marché du logement est exceptionnellement tendu.

  • Le rythme national de croissance sur un an des prix des logements s’élevait à 17 % en février 2021 – ce qui est pratiquement trois fois plus rapide que dans les mois précédant le début de la pandémie (graphique 2).
  • La hausse des prix a été observée partout au pays dans la dernière année (graphique 3). Ottawa, Montréal et Moncton sont les villes où les prix ont le plus augmenté. La croissance y était déjà élevée avant la pandémie et elle s’est raffermie davantage depuis.

Graphique 2 : La croissance des prix des logements s’est nettement accentuée dans un marché tendu

Sources : Association canadienne de l’immeuble et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : février 2021

Graphique 3 : Les prix des logements ont augmenté partout au pays durant la pandémie

Sources : Association canadienne de l’immeuble et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : février 2021

La demande de logements est ferme, malgré la pandémie

Par rapport à ce qui est normalement observé en période de récession, la pandémie a un impact inhabituel sur la demande de logements. Ainsi, la partie supérieure de la distribution des revenus, à laquelle appartiennent la majorité des acheteurs d’habitation, a été peu ébranlée par la pandémie1. Ajoutée à la faiblesse inégalée des taux hypothécaires, cette situation s’est traduite par une demande relativement forte, malgré le ralentissement économique généralisé et le recul de la croissance de la population.

Les préférences ont évolué

Les préférences des acheteurs ont beaucoup changé : ils recherchent désormais des logements plus spacieux. En conséquence, la demande se porte désormais davantage sur les maisons individuelles que sur les appartements en copropriété. Dans un grand nombre de régions, cette évolution :

  • a aggravé le déséquilibre entre la demande et l’offre de maisons individuelles;
  • a provoqué une croissance rapide des prix de ces logements (graphique 4);
  • ne s’est pas accompagnée d’une baisse correspondante des prix sur le marché des appartements en copropriété, où les prix restent proches des niveaux d’il y a un an.

L’évolution des préférences concerne aussi le lieu de résidence. Les acheteurs préféreraient maintenant les banlieues et les milieux ruraux, ce qui s’expliquerait en partie par le passage au télétravail. Les prix des habitations ont ainsi affiché une croissance encore plus vive dans ces milieux de vie (graphique 5). Il est difficile à ce moment-ci d’évaluer combien de temps ces changements de préférences vont persister une fois que la pandémie sera maîtrisée.

Graphique 4 : En raison de la pandémie, les préférences des acheteurs ont changé au profit des maisons individuelles

Sources : Association canadienne de l’immeuble et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : février 2021

Graphique 5 : La croissance des prix des logements a été plus rapide dans les secteurs plus éloignés des centres-villes

Nota : Les observations représentent des régions de tri d’acheminement. Les lignes pointillées sont des droites de tendance exprimant la relation moyenne, dans chaque ville, entre la croissance des prix des logements et la distance du centre-ville.
Sources : Teranet et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 2020T4

Certains marchés montrent de plus en plus de signes d’effervescence

La vigueur des facteurs fondamentaux de la demande conjugués à l’offre restreinte contribuent à la croissance rapide des prix des logements. La Banque poursuivra son évaluation des déséquilibres sur le marché du logement et sa surveillance étroite des données pour y déceler des signes de spéculation ou de phénomènes autoentretenus d’augmentation des prix.

D’après l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada menée par la Banque :

  • les attentes de croissance des prix des logements ont augmenté au cours des derniers trimestres et sont maintenant plus élevées qu’avant la pandémie (graphique 6);
  • ces attentes grandissantes s’observent dans un plus grand nombre de provinces qu’en 2016-2017.

Les données pour le Grand Toronto montrent qu’environ les deux tiers des logements vendus en février 2021 l’ont été à un prix supérieur au prix d’inscription (graphique 7). Il s’agit d’une proportion passablement plus grande que ce qui a été observé juste avant la pandémie, et qui avoisine le pic précédent.

Graphique 6 : Les attentes relatives à la croissance des prix des logements ont chuté au début de la pandémie, mais se sont redressées depuis

Nota : Les attentes sont mesurées par la médiane interpolée des attentes des résidents de l’Ontario et de la Colombie-Britannique relatives à la croissance des prix des logements sur le marché local au cours des 12 prochains mois. Voir M. Khan et T. Webley (2019), Démêler les facteurs qui influencent les reventes de logements, note analytique du personnel no 2019-12, Banque du Canada.
Source : Banque du Canada Dernière observation : 2021T1

Graphique 7 : Selon certains indicateurs, le marché du logement du Grand Toronto donnerait de plus en plus de signes d’effervescence

Source : Realosophy Realty Inc. Dernière observation : février 2021

Endettement élevé des ménages

Les ménages s’endettent de plus en plus

Depuis le début de la pandémie, l’encours de la dette des ménages a augmenté de près de 3½ %. Cet accroissement est dû à la hausse de la dette hypothécaire (graphique 8), celle-ci n’ayant été interrompue qu’au premier semestre de 20202.

Graphique 8 : La croissance du crédit hypothécaire vient grossir la dette totale des ménages

Sources : TransUnion et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : janvier 2021

La dette à la consommation est en baisse

En revanche, la dette à la consommation a diminué depuis février 2020, à la faveur d’une nette réduction du recours au crédit renouvelable sous forme de cartes ou de marges de crédit.

  • Le remboursement accéléré de la dette à la consommation est particulièrement visible chez les emprunteurs dont la cote de crédit est basse (graphique 9). Comme ces emprunteurs tendent à reporter des soldes élevés par rapport à leur limite de crédit, la réduction de cette dette observée ces derniers mois est une évolution positive.

Graphique 9 : On observe une augmentation notable des paiements de soldes de cartes de crédit parmi les emprunteurs dont la cote de crédit est basse

Nota : Les paiements correspondent à la part des soldes non remboursés payée chaque mois. Les consommateurs à très faible risque d’insolvabilité ont une cote de crédit supérieure à 780. Les consommateurs à faible risque d’insolvabilité ont une cote de crédit se situant entre 700 et 780. Les consommateurs à risque d’insolvabilité ont une cote inférieure à 700.
Sources : TransUnion et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : janvier 2021

Le crédit hypothécaire croît rapidement

Les crédits hypothécaires constituent la plus grosse part de la dette des ménages. Leur croissance :

  • s’est poursuivie à un rythme soutenu dans la dernière année;
  • a augmenté dans la seconde moitié de 2020.

Cette croissance rapide de la dette hypothécaire tient aux niveaux élevés d’activité sur le marché du logement et à la hausse des prix qui l’accompagne.

Les prêts hypothécaires accordés à des ménages fortement endettés sont en hausse

  • La part des nouveaux prêts hypothécaires dont le ratio de prêt au revenu est supérieur à 450 % a augmenté sensiblement (graphique 10). Elle est maintenant de l’ordre de ce qu’elle était peu avant l’entrée en vigueur de la ligne directrice B-20 modifiée.
  • Le ratio du service de la dette hypothécaire des ménages qui ont contracté un nouveau prêt a légèrement baissé durant la dernière année : la descente des taux hypothécaires aux niveaux les plus bas jamais enregistrés a plus que contrebalancé l’effet des ratios de prêt au revenu plus élevés. Malgré le fait que les taux hypothécaires sont actuellement bas, les ménages fortement endettés demeurent vulnérables. En témoigne la légère augmentation du ratio du service de la dette hypothécaire calculé à partir du taux d’intérêt appliqué dans les tests de résistance auxquels sont soumis les nouveaux prêts hypothécaires.

Graphique 10 : La proportion de nouveaux prêts hypothécaires assortis d’un ratio de prêt au revenu élevé est en hausse

Nota : Les données incluent les prêts consentis par des institutions financières sous réglementation fédérale pour l’acquisition d’un logement ou un refinancement hypothécaire. Les prêts hypothécaires dont le rapport prêt-valeur est supérieur à 80 % (prêts hypothécaires à RPV élevé) doivent être assurés. Les prêts hypothécaires à faible rapport prêt-valeur (prêts hypothécaires à faible RPV) affichent un RPV de 80 % ou moins.
Sources : ministère des Finances du Canada, relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du Canada Dernière observation : 2020T4

  1. 1. En général, au Canada, plus de la moitié des acheteurs d’habitation font partie d’un ménage gagnant plus de 100 000 $ par année.[]
  2. 2. Il n’y a pas d’incohérence entre l’évolution de la dette des ménages depuis le début de la pandémie et l’augmentation de l’épargne des ménages durant cette même période. Les consommateurs ont puisé dans leur épargne pour réduire leur dette à la consommation tout en augmentant leur dette hypothécaire. Les nouveaux crédits hypothécaires n’abaissent pas nécessairement le taux d’épargne, car l’achat d’un actif leur est associé. Pour un complément d’information sur la hausse de l’épargne des ménages durant la pandémie, voir le discours COVID‑19, épargne et dépenses des ménages de L. Shembri prononcé devant Restaurants Canada, à Toronto (par vidéoconférence), le 11 mars 2021.[]

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2021-4

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