Taux de change flexible Sean Gordon: Bonjour, je m'appelle Sean Gordon. Je travaille ici dans la section des communications à la Banque du Canada. Aujourd'hui, on est là pour discuter du taux de change variable avec Jean-Philippe Cayen qui travaille dans la section des analyses économiques internationales à la banque. Bonjour Jean-Philippe. Comment ça va ? Jean-Philippe Cayen: Ça va très bien. Bonjour Sean. Content d'être ici pour parler du taux de change. Sean Gordon: Un sujet passionnant, n'est-ce pas ? Jean-Philippe Cayen: Oui. Sean Gordon: C’est bien. Eh bien, plongeons dans le vif du sujet. Peut-être, question de base, c'est quoi un taux de change variable ou flexible ? Jean-Philippe Cayen: Un taux de change variable, c'est un taux de change que c'est les marchés qui vont déterminer la valeur du dollar canadien par rapport aux autres monnaies. Donc, c'est pas la Banque du Canada qui le détermine, c'est les marchés avec les transactions qu'ils vont faire sur des actifs canadiens qui va faire augmenter ou diminuer la valeur du dollar canadien. On peut comparer ça à un taux de change fixe ou dans ce contexte-là, la Banque du Canada essaierait de faire des interventions sur le marché pour maintenir le taux de change à une valeur constante par rapport à une autre devise ou par rapport à un bien comme l'or, par exemple. Sean Gordon: Quand on parle du marché, justement de change flexible. Qui fait partie de ce marché-là ? C'est quoi ce marché là ? On le décrirait comment ? Qui sont les participants ? Jean-Philippe Cayen: Tous les investisseurs institutionnels. Il va y avoir les banques, les fonds de pension. Sean Gordon: Compagnies d'assurances. Jean-Philippe Cayen: Compagnies d'assurances, les fonds spéculatifs. Tous ces acteurs-là vont faire beaucoup de transactions dans les différentes devises, donc des dollars canadiens, des dollars américains. Puis en suite il y a pratiquement toutes les autres personnes qui ont besoin de dollars canadiens. Donc, si on veut faire un voyage en Europe ou dans le Sud, si on a besoin d'euros ou bien de dollars américains. Mais on va devoir vendre nos dollars canadiens pour pouvoir acheter des devises étrangères. Ça va affecter la valeur du dollar canadien. Sean Gordon: Et pourquoi est-ce que la banque privilégie cette approche-là ? Jean-Philippe Cayen: Avec le gouvernement du Canada, on a déterminé que ce qui était mieux pour des économies canadiennes, c'était d'avoir un taux d'inflation qui, relativement constant. Donc, on essaie de le maintenir près d'une cible de 2 %. En fait, on privilégie l'approche du dollar flexible, du taux de change flexible. Donc, on ne fait pas d'intervention à la Banque du Canada. Justement, on laisse les marchés déterminer la valeur. Il y a deux grands bénéfices. Un, ça nous donne une indépendance pour la politique monétaire. Quand on détermine la politique monétaire, il faut déterminer notre objectif. Et on pourrait avoir comme objectif de cibler le taux de change à un taux constant. Mais, ça vient avec certains coûts. Un des coûts, c'est qu'on aurait moins de contrôle sur l'inflation. Donc c'est difficile de à la fois contrôler ou, de pas contrôler, mais d'influencer le taux de change et avoir une influence sur le taux d'inflation. Avec le gouvernement du Canada, on a déterminé qu ce qui était mieux pour l'économie canadienne, c'était d'avoir un taux d'inflation qui est relativement stable à travers le temps. On cible un taux de 2 %. Le taux de change, on le laisse bouger pour pouvoir mettre notre attention sur les taux d'intérêt et le ciblage d'inflation. Sean Gordon: Le mot amortisseur utilisé là, quand on parle justement du taux flexible de change, en quoi est-ce que c'est un amortisseur ? Que c'est assez agile dans cette façon-là? Jean-Philippe Cayen: Quand on parle d'amortisseur pour une devise, c'est ce qui permet un peu de stabiliser l'économie. Donc, mettons qu'on a un événement économique qui se produit, qui pourrait être favorable, par exemple, pour l'économie canadienne. Sean Gordon: Quel genre justement d’événement ? Jean-Philippe Cayen: On va prendre, par exemple que le prix du pétrole augmente de façon marquée. Sean Gordon: Ok. Jean-Philippe Cayen: On est un producteur de pétrole, donc on va en profiter, ça va être bénéfique. Il va y avoir des investissements qui vont se faire au Canada parce que les investisseurs vont vouloir venir au Canada pour ça. Ça va stimuler l'économie. Ça va faire augmenter les salaires dans ce secteur là, mais en même temps, ça génère plus d'inflation. Donc, naturellement, la Banque du Canada augmenterait les taux d'intérêt, mais parce que la devise devient plus attrayante aussi, ça fait l'effet d'amortisseur dans le sens que la devise va s'apprécier. Et donc les produits qu'on essaie de vendre à l'extérieur vont devenir un peu plus cher. Les produits qu'on veut importer vont devenir moins chers, donc on va moins exporter, on va un peu plus importer, puis c'est ça qui va faire l'effet amortisseur. Ça va ralentir de façon naturelle l'économie vis-à-vis une situation qui est quand même bénéfique pour le Canada. Puis ça rejoint un peu les pressions sur la Banque du Canada de voir bouger les taux d'intérêt puisque la devise va dans faire un parti le travail. Sean Gordon: On parle souvent du taux d'intérêt du taux directeur comme étant l'instrument dont dispose la banque pour essayer justement de contrôler l'inflation. Qui est derrière la mission de la Banque centrale canadienne. Comment est-ce que les décisions par rapport aux taux directeur peuvent influencer ou pas tout le marché des devises étrangères et plus le taux de change flexible du dollar canadien ? Jean-Philippe Cayen: Quand la Banque du Canada diminue, augmente ses taux d'intérêt, ça va avoir un effet sur toute la chaîne des taux d'intérêt, des taux longs du gouvernement. Donc, le gouvernement émet différentes obligations. Il y a des obligations à très court terme d'un mois, de trois mois, puis des obligations à plus long terme. Lorsque la Banque du Canada change son taux directeur, ça va avoir un effet sur l'ensemble des taux d'intérêt. Donc un effet peut être plus marqué sur les taux à très court terme, sur plus long terme, les effets deviennent moins marqués, mais en général il va bouger dans la direction ou la Banque du Canada va bouger son taux directeur. Donc par exemple, si on diminue le taux directeur, ça devrait en principe exercer des pressions à la baisse sur la devise canadienne, puisque les des actifs canadiens deviennent un peu moins attrayants par rapport aux actifs étrangers. Sean Gordon: On parle souvent du dollar américain comme étant l'étalon de mesure si on veut, ou la monnaie de réserve mondiale. Qu'est-ce qui arrive quand le dollar américain apprécie ou déprécie la valeur du dollar américain change ? Jean-Philippe Cayen: Si la devise américaine bouge en général, ça va être parce que l'économie américaine bouge un peu de façon différente des autres économies. Donc par exemple, ça pourrait être parce qu'ils ont pris des mesures de politique fiscale expansionniste qui stimule beaucoup l'économie et qui exerce des pressions à la hausse sur leur taux d'intérêt. Donc le taux de change américain va s'apprécier par rapport à nous. Ils vont avoir des taux d'intérêt un peu plus élevés. La devise va s'apprécier pour jouer son rôle d'amortisseur et c'est la contrepartie qu'on voit au Canada parce qu'on n'a pas le même choc et on a l'effet d'amortisseur dans le sens inverse qui va essayer de stimuler un peu notre économie pour essayer d'absorber un peu les effets bénéfiques de l'économie américaine a, vers le Canada. Sean Gordon: C'est très intéressant. Et puis je te remercie d'avoir partagé ton expertise avec nous aujourd'hui. Merci beaucoup. À la prochaine. Jean-Philippe Cayen: C'est un plaisir.