Rapport sur la politique monétaire – Octobre 2025 – Économie canadienne
Le conflit commercial en cours transforme radicalement l’économie canadienne et aura des effets négatifs durables sur l’activité économique. En même temps, la réorganisation du commerce mondial et de la production intérieure exerce des pressions à la hausse sur les coûts. Compte tenu de ces deux forces opposées, l’inflation devrait se maintenir près de la cible de 2 % pendant la période de projection.
Les États-Unis ont adopté une position protectionniste en imposant des droits de douane généralisés à la plupart de leurs grands partenaires commerciaux. La Banque suppose que les droits de douane américains frappant le Canada resteront en vigueur dans un avenir prévisible. Bien qu’en termes de valeur, 90 % des exportations canadiennes de biens vers les États-Unis soient exemptes de droits de douane, certains secteurs ont dû faire face à d’importantes hausses tarifaires. Ces hausses englobent notamment des prélèvements de :
- 50 % sur l’acier et l’aluminium
- 25 % sur la valeur des composants non américains des véhicules automobiles qui sont conformes à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) et 25 % sur la valeur totale des véhicules automobiles non conformes à l’ACEUM
Ainsi, le taux moyen des droits de douane sur les exportations canadiennes est passé de 0,1 % au début de 2025 à environ 5,9 % en octobre. Devant cette situation, les entreprises canadiennes cherchent activement de nouveaux partenaires commerciaux et ajustent leurs chaînes d’approvisionnement.
Le présent rapport expose un scénario de référence. L’incertitude entourant les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis demeure néanmoins élevée. L’imprévisibilité des droits de douane américains et la révision prochaine de l’ACEUM contribuent toutes deux à cette incertitude.
La politique commerciale américaine perturbe l’économie canadienne
Les perspectives sont basées sur les droits de douane en vigueur au 22 octobre 2025. Elles sont présentées en comparaison avec celles du Rapport de janvier, qui a été le dernier à exposer un scénario de référence.
L’incertitude entourant les droits de douane et les politiques commerciales a fait reculer la demande d’exportations canadiennes et provoqué d’importants changements structurels dans l’économie du pays. Certains exportateurs devraient être en mesure de pénétrer de nouveaux marchés internationaux, mais d’autres auront du mal à le faire. Le processus d’ajustement engendrera des pertes d’emploi dans certains secteurs et des embauches dans d’autres, amenant certains travailleurs à se tourner vers de nouveaux postes qui ne cadreront peut-être pas tout à fait avec leurs compétences. Les investissements, eux, vont diminuer, et une partie du capital existant pourrait être radiée ou redirigée vers une activité moins rentable.
La Banque s’attend à ce que ces changements structurels donnent lieu à une croissance de la production potentielle du Canada plus lente que ce qui avait été prévu en janvier. L’ajustement structurel et la faiblesse de la demande devraient mener à une période où la progression des revenus des ménages sera lente, ce qui pèsera sur les dépenses de consommation, en particulier en 2026.
L’évolution exacte de l’ajustement structurel et de la faiblesse de la demande au fil du temps est très incertaine et elle est importante pour la conduite de la politique monétaire. Avec le temps, la politique monétaire peut atténuer efficacement le ralentissement de la demande et les pressions désinflationnistes découlant de l’offre excédentaire. Par contre, elle ne peut pas neutraliser les effets négatifs des ajustements structurels – comme ceux qui découlent des réaffectations sectorielles et de leur incidence sur la productivité tendancielle – sur la croissance du produit intérieur brut (PIB).
On prévoit que la croissance du PIB va augmenter graduellement dans la deuxième moitié de 2025. Elle devrait avoisiner 1,4 % en moyenne en 2026 et 2027. On s’attend, par contre, à ce que les droits de douane américains réduisent de façon permanente le PIB canadien à un niveau inférieur à la prévision établie dans le Rapport de janvier (graphique 19).
Graphique 19 : La croissance du PIB devrait se raffermir, mais le niveau d’activité devrait être plus bas que ce qui était prévu dans le Rapport de janvier
Données trimestrielles
Dernières valeurs du graphique : 2027T4
On anticipe que la réorganisation du commerce mondial et de la production intérieure va exercer des pressions à la hausse sur les coûts des entreprises. En même temps, les droits de douane vont probablement générer des pressions à la hausse sur les prix pendant la période de projection. Toutefois, l’incidence des droits de douane sur l’inflation est maintenant moins marquée que prévu, la plupart des contre-mesures tarifaires canadiennes ayant été retirées.
Dans l’ensemble, l’inflation devrait rester aux environs de 2 %. On s’attend à ce que les effets de la demande plus faible sur l’économie neutralisent en grande partie les pressions inflationnistes causées par les droits de douane.
Perspectives économiques
Le conflit commercial a placé l’économie canadienne sur une trajectoire plus basse. La production potentielle et les conditions de la demande ont toutes deux été touchées et donc, d’ici la fin de 2026, le niveau du PIB devrait être environ 1,5 % inférieur à ce qui était prévu dans le Rapport de janvier. Environ la moitié de cette révision à la baisse est attribuable à la diminution de la production potentielle, qui découle principalement de la réaffectation du capital et de la main-d’œuvre en raison des droits de douane. L’autre moitié tient à l’affaiblissement de la demande qui est en majeure partie lié directement à la baisse des exportations. Cependant, séparer les effets des fluctuations cycliques des effets des changements structurels en temps réel s’accompagne d’imprécisions.
La Banque prévoit que la croissance du PIB va se redresser graduellement durant la deuxième moitié de 2025. Elle devrait ensuite avoisiner 1,4 % en moyenne en 2026 et 2027 (graphique 20). On s’attend à ce que ce redressement soit lent, puisque la réaffectation du capital et de la main-d’œuvre dans l’économie et la faiblesse du marché du travail pèseront sur les dépenses des ménages.
Pour sa part, la croissance de la production potentielle devrait rester modérée en 2026, avant de reprendre de la vigueur en 2027. La Banque postule que l’expansion démographique va demeurer modeste et elle anticipe que le conflit commercial va freiner la progression de la productivité tendancielle du travail. L’offre excédentaire devrait diminuer petit à petit au cours de la période de projection.
Les exportateurs devraient s’adapter graduellement aux droits de douane
La Banque s’attend à ce que les exportations diminuent dans la deuxième moitié de 2025, en raison des droits de douane et du ralentissement de la croissance de la demande aux États-Unis. Bien que les droits de douane soient principalement appliqués à des secteurs particuliers, comme l’acier et l’aluminium, les exportateurs en dehors de ces secteurs se trouvent eux aussi face à des difficultés. Certaines entreprises indiquent que leurs clients américains sont réticents à passer de nouvelles commandes à cause des tensions commerciales qui subsistent.
On prévoit que la croissance des exportations va reprendre en 2026, à la faveur de la demande étrangère, mais à partir d’un niveau nettement plus bas. On s’attend également à ce que les entreprises fassent des progrès vers la diversification de leurs exportations à l’extérieur des États-Unis, mais la vitesse à laquelle elles réaliseront ces progrès demeure très incertaine. Dans l’ensemble, les exportations hors produits de base devraient rester sous leurs niveaux de 2024 pendant la période de projection en raison des droits de douane américains (graphique 21).
La Banque anticipe une baisse des importations jusqu’à la fin de 2025, en partie du fait de la progression plus faible de la demande intérieure. De plus, elle s’attend à ce que les entreprises importent moins d’intrants manufacturiers parce que les droits de douane limitent leurs possibilités d’exporter des produits. Les importations devraient commencer à reprendre de la vigueur en 2026 et 2027, à mesure que les conditions économiques vont s’améliorer et que les entreprises vont s’adapter aux contre-mesures tarifaires restantes du Canada.
La croissance des dépenses des ménages devrait ralentir
Les dépenses de consommation devraient progresser à un rythme moyen d’environ 1½ % en 2026 et 2027, ce qui est nettement plus lent que les 2,8 % observés en 2025 (graphique 22).
L’un des principaux facteurs derrière ce ralentissement prévu est la croissance démographique, qui sera freinée par les politiques gouvernementales visant à réduire l’afflux de nouveaux arrivants. On prévoit que cette croissance ralentira pour se chiffrer à 0,5 % en moyenne en 2026 et 2027, soit bien en dessous de son taux de 1,5 % en 2025 et de 3,3 % en 2024.
La consommation par habitant devrait progresser au rythme modeste d’environ 1 % en moyenne en 2026 et 2027. Le chômage élevé causé par le conflit commercial devrait limiter le revenu disponible par habitant. Mais l’ampleur de cette répercussion dépendra fortement de la mesure dans laquelle les effets du conflit commercial toucheront le reste de l’économie. La croissance de la consommation par habitant devrait être soutenue par les conditions financières accommodantes.
L’investissement résidentiel devrait être freiné par les contraintes d’offre
On prévoit que l’investissement résidentiel va progresser modestement au cours de la période de projection.
On s’attend à ce que la lente progression du revenu disponible pèse sur la croissance des dépenses de rénovation et des reventes. Le nombre de mises en chantier devrait rester élevé et augmenter de façon modeste. La demande refoulée et les conditions financières accommodantes devraient soutenir la croissance. Celle-ci devrait toutefois être freinée par des problèmes d’abordabilité, une offre limitée de terrains et une pénurie persistante de main-d’œuvre qualifiée dans certaines régions.
Les investissements des entreprises devraient demeurer faibles
La Banque s’attend à ce que l’incertitude entourant les droits de douane et les politiques commerciales demeure un obstacle considérable aux investissements jusqu’en 2026. On prévoit que la croissance des investissements des entreprises va rester modérée principalement en raison de la baisse de la demande américaine d’exportations canadiennes. Les perspectives modestes de la demande intérieure devraient aussi peser sur les investissements. Ces perspectives reflètent le fait que les entreprises, tant exportatrices que non exportatrices, continuent de faire état de faibles intentions d’investissement en raison de l’incertitude entourant la demande future. Le niveau des investissements des entreprises devrait demeurer sur une trajectoire nettement inférieure à celle anticipée en janvier.
Après avoir fortement progressé en 2024, les dépenses en immobilisations dans le secteur pétrolier et gazier devraient ralentir (graphique 23). Une fois que le réseau agrandi d’oléoducs Trans Mountain fonctionnera à plein régime, les nouveaux projets pétroliers et gaziers se feront moins nombreux.
En 2027, la croissance des dépenses en immobilisations devrait reprendre un peu de vigueur, les entreprises continuant de s’adapter aux droits de douane imposés par les États-Unis et la Chine.
On prévoit que les entreprises réduiront progressivement les stocks excédentaires qu’elles avaient accumulés dans la première moitié de 2025, ce qui devrait peser sur la croissance du PIB en 2026.
Les dépenses publiques devraient augmenter
La projection de dépenses publiques est fondée sur les données des budgets provinciaux publiés et les nouvelles mesures budgétaires fédérales déjà déposées au moment de la rédaction du Rapport. La Banque s’attend à ce que ces dépenses progressent à un rythme modéré en 2026 et 2027. Toutefois, la trajectoire des dépenses fédérales se précisera davantage après le dépôt du budget, le 4 novembre.
Perspectives d’inflation
L’inflation, qui s’est chiffrée à 2,4 % en septembre, devrait reculer pour s’établir autour de 2 % au début de 2026. Elle devrait rester à ce niveau durant toute la période de projection (graphique 24).
Cette prévision de 2 % reflète des forces opposées. D’un côté, les droits de douane, de pair avec la réorganisation du commerce mondial et de la production intérieure, devraient faire augmenter les coûts et soutenir l’inflation. De l’autre, on s’attend à ce que l’offre excédentaire exerce des pressions à la baisse sur l’inflation.
Inflation dans le secteur des biens
Les effets continus des droits de douane et le coût accru des importations devraient exercer des pressions à la hausse sur l’inflation.
Le Canada a levé la plupart de ses droits de douane de rétorsion le 1er septembre, mais ceux sur l’acier, l’aluminium et les véhicules automobiles restent en vigueur. Les droits de douane mis en place depuis le début du conflit commercial devraient maintenant faire augmenter le niveau de l’indice des prix à la consommation (IPC) d’environ 0,4 %. Il s’agit d’une révision à la baisse par rapport à l’incidence estimée dans le Rapport de juillet, qui était d’environ 0,8 %.
Les droits de douane imposés par les États-Unis et les coûts associés à la réorganisation du commerce mondial devraient faire augmenter les prix des importations des États-Unis et des biens produits dans d’autres pays. Par exemple :
- Les droits de douane américains sur les produits de la Chine sont susceptibles de faire augmenter les prix des appareils électroniques importés au Canada, dont une bonne partie transitent par des entrepôts situés aux États-Unis. Même si importer directement de la Chine permettrait de contourner ces droits de douane, cette option serait quand même coûteuse pour les entreprises canadiennes.
- Les droits de douane américains sur les grains de café du Brésil font augmenter le prix du café torréfié, un produit dont le Canada s’approvisionne principalement aux États-Unis.
L’offre excédentaire persistante et la diminution de pressions passées sur les coûts, y compris celles sur les prix des aliments, créeront des pressions à la baisse sur l’inflation. Dans l’ensemble, l’augmentation des prix des biens hors énergie devrait légèrement ralentir au cours de la période de projection. De plus, l’élimination de la taxe sur le carbone cessera d’exercer des pressions à la baisse sur l’inflation d’ici le deuxième trimestre de 2026.
Inflation dans le secteur des services
La hausse des prix des services hors logement devrait ralentir durant la période de projection en raison de l’incidence de l’offre excédentaire.
La croissance des prix des services liés au logement – qui est actuellement élevée – devrait se modérer. L’augmentation des loyers devrait ralentir du fait qu’on s’attend à une hausse de l’offre de logements locatifs et que l’expansion démographique plus lente continuera de freiner la progression de la demande.