Rapport sur la politique monétaire – Juillet 2025 – Économie canadienne
L’activité économique canadienne a considérablement ralenti en raison du conflit commercial, mais elle montre des signes de résilience. Tandis que l’inflation avoisine les 2 %, l’inflation sous-jacente a augmenté pour s’établir aux alentours de 2½ %.
Le conflit commercial a bouleversé l’économie canadienne durant la première moitié de 2025. Au premier trimestre, les échanges commerciaux ont été devancés en prévision des droits de douane et les exportations ont progressé rapidement. Cela s’est traduit par une augmentation de 2,2 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada. Parallèlement, la croissance de la demande intérieure finale a stagné, car l’incertitude entourant le contexte des négociations commerciales a commencé à peser sur les dépenses des entreprises et des ménages.
Les effets des droits de douane sur l’activité économique ont continué de se faire sentir au deuxième trimestre et la croissance du PIB aurait reculé de 1,5 %.
- Les exportations ont chuté en raison de l’inversion du devancement des échanges commerciaux observé au premier trimestre et de l’imposition de droits de douane.
- L’incertitude accrue a pesé sur les dépenses des entreprises et des ménages.
- Les pertes d’emploi étaient concentrées dans les secteurs tributaires du commerce international. Dans le reste de l’économie, l’emploi a continué de croître modestement.
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) se situait à 1,9 % en juin. L’inflation mesurée par l’IPC hors impôts indirects est quant à elle passée d’environ 2 % dans la deuxième moitié de 2024 à 2,5 % en juin 2025. Cette augmentation s’explique surtout par la hausse plus marquée des prix des biens non énergétiques. Le rythme de progression des prix des services liés au logement freine la baisse de l’inflation, mais il a continué de ralentir comme prévu.
Les droits de douane n’ont eu qu’un effet limité sur l’inflation jusqu’à présent. Les attentes d’inflation des ménages restent élevées, tandis que celles des entreprises se sont modérées. Certaines entreprises font toutefois remarquer que les changements dans les échanges internationaux leur imposent de nouveaux coûts d’exploitation.
Activité économique
La croissance du PIB a été plus soutenue qu’on l’envisageait et s’est établie à 2,2 % au premier trimestre de 2025. Le devancement des échanges commerciaux pour éviter les droits de douane anticipés a stimulé la croissance. Les exportations ont bondi et l’effet modérateur induit par la hausse des importations a été contrebalancé par une forte augmentation des stocks.
En revanche, la demande intérieure finale a stagné au premier trimestre. L’investissement résidentiel a chuté, en raison d’un recul marqué de l’activité de revente de logements. L’envoi d’aide militaire à l’Ukraine a engendré une baisse des dépenses publiques1. La croissance des investissements des entreprises et de la consommation a ralenti à cause de l’incertitude accrue entourant la politique commerciale des États-Unis et d’un repli après une période de forte expansion au quatrième trimestre de 2024.
La Banque estime que le PIB s’est contracté de 1,5 % au deuxième trimestre de 2025, du fait surtout d’une forte baisse des exportations après l’imposition de droits de douane (graphique 1). Les retombées des droits de douane et de l’incertitude autour des échanges internationaux ont également continué de peser sur les dépenses des ménages et les investissements des entreprises. Un redressement des dépenses publiques, après la faiblesse observée au premier trimestre, a partiellement compensé la situation.
Les échanges commerciaux ont fortement chuté
Les exportations semblent avoir diminué d’environ 25 % au deuxième trimestre. Ce recul s’explique par une forte baisse des exportations vers les États-Unis (graphique 2) qui tient à plusieurs facteurs, à savoir :
- une inversion généralisée du devancement des échanges au cours des deux derniers trimestres
- l’imposition de droits de douane
- des perturbations temporaires des expéditions de pétrole
- une baisse du nombre de visiteurs au Canada
Ces facteurs ont été en partie compensés par une demande étrangère persistante et la hausse des échanges avec d’autres partenaires que les États-Unis.
La Banque estime que les importations ont chuté de quelque 10 % au deuxième trimestre. La baisse des importations de biens tient à un renversement généralisé de tendance par rapport au premier trimestre ainsi qu’aux contre-mesures tarifaires adoptées par le Canada à la suite des droits de douane des États-Unis. La réduction du nombre de voyageurs canadiens aux États-Unis a par ailleurs pesé sur les importations de services.
Les stocks devraient avoir encore augmenté, ce qui contribue à la croissance du PIB.
La croissance de la demande intérieure finale est modérée
La demande intérieure finale a stagné au premier trimestre de 2025. Les dépenses de consommation et les investissements des entreprises ont continué de croître, mais à un rythme plus lent qu’au quatrième trimestre de 2024. Cette croissance modérée a été contrebalancée par un recul de 11 % de l’investissement résidentiel et une baisse des dépenses publiques.
Selon les estimations de la Banque, la demande intérieure finale a augmenté d’un peu plus de 1 % au deuxième trimestre de 2025, soutenue par la résilience de la consommation et par la hausse des dépenses publiques. La baisse des investissements des entreprises et de l’investissement résidentiel a partiellement contrecarré cette augmentation.
La croissance de la consommation se situerait autour de 1 %, ce qui s’explique par un marché du travail peu dynamique et le ralentissement de l’expansion démographique. Les résultats de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada pour le deuxième trimestre de 2025 donnent à penser que la confiance des consommateurs a diminué. D’autres enquêtes menées plus récemment indiquent toutefois une amélioration à ce chapitre.
Après avoir affiché un recul temporaire au premier trimestre, les dépenses publiques devraient avoir augmenté de quelque 3,5 %.
La Banque estime que l’investissement résidentiel a de nouveau diminué au deuxième trimestre, quoiqu’à un rythme moins soutenu, reculant d’environ 2 % dans un contexte d’incertitude élevée.
- L’activité de revente a continué globalement de se replier au deuxième trimestre. Son niveau reste faible en Ontario et en Colombie-Britannique, mais il est plus élevé dans le reste du pays.
- Après une forte progression l’an dernier, la croissance de la construction neuve s’est modérée.
- L’activité de rénovation a chuté en raison de la hausse des coûts et de la baisse des prix des logements.
Le niveau de l’activité de revente et celui des mises en chantier en mai et en juin laissent toutefois entrevoir un redressement à court terme.
Selon les estimations de la Banque, les investissements des entreprises ont diminué de 1 % en raison d’une confiance mitigée et de l’incertitude persistante entourant les échanges internationaux.
Pressions sur la capacité
Les tensions commerciales ont freiné l’activité et engendré une offre excédentaire dans l’économie. De nombreuses entreprises s’attendent à ce que la demande faiblisse et ont suspendu leurs projets d’embauche et d’investissement2. La croissance de l’emploi a rebondi en juin après avoir peu progressé pendant quatre mois. Le taux de chômage reste cependant élevé. Dans l’ensemble, le marché du travail demeure en situation d’offre excédentaire.
Comme le PIB s’est probablement contracté au deuxième trimestre de 2025, on estime que l’écart de production s’est creusé pour se situer entre -1,5 et -0,5 %, contre une fourchette de -1,0 à 0 % au premier trimestre.
Le marché du travail est moins tendu
Même si la croissance de l’emploi s’est redressée en juin, les conditions du marché du travail sont encore détendues (graphique 3). Le taux de chômage s’est inscrit à 6,9 % en juin, contre 6,6 % en début d’année. La faiblesse des secteurs sensibles aux échanges commerciaux est la principale raison du ralentissement du marché du travail (graphique 4). Dans les secteurs moins sensibles aux échanges internationaux, la croissance de l’emploi s’est poursuivie.
Le nombre de postes vacants a continué de diminuer, et les enquêtes de la Banque auprès des entreprises indiquent que les intentions d’embauche demeurent modérées.
La plupart des indicateurs des coûts de main-d’œuvre – dont les mesures de la croissance des salaires et de la croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre dans le secteur des entreprises – ont continué de se relâcher (graphique 5).
Inflation
En juin, l’inflation mesurée par l’IPC se chiffrait à 1,9 % et était tirée vers le bas sous l’effet du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs. L’inflation mesurée par l’IPC hors impôts indirects s’est inscrite en hausse, passant d’environ 2,0 % dans la deuxième moitié de 2024 à 2,5 % en juin 2025 (graphique 6).
L’inflation mesurée par l’IPC hors impôts indirects est maintenue à ce niveau principalement du fait de la croissance marquée des prix dans le secteur des services liés au logement. Si l’on exclut les impôts indirects, l’augmentation observée de l’inflation depuis la fin de 2024 s’explique essentiellement par le renchérissement des biens non énergétiques (graphique 7), lequel a largement contrebalancé le ralentissement continu de l’inflation dans le secteur des services liés au logement. Les prix des biens non énergétiques sont poussés vers le haut en partie du fait de certains facteurs transitoires, comme la dépréciation passée du dollar canadien.
Les droits de douane et les contre-mesures n’ont eu à ce jour qu’un effet direct limité sur l’inflation. Cependant, les entreprises canadiennes indiquent que leurs efforts d’adaptation à l’évolution en cours du contexte dans lequel se déroulent les échanges internationaux accentuent leurs coûts.
Les mesures de l’inflation fondamentale ont augmenté depuis 2024 et se situent entre 2,5 et 3,0 %. La distribution des taux d’inflation au sein des composantes de l’IPC tend plutôt vers le haut, un plus grand nombre de composantes affichant des taux supérieurs à 3 %, et un plus petit nombre des taux inférieurs à 1 %. Dans l’ensemble, la Banque estime que l’inflation sous-jacente s’établit à environ 2½ %.
L’inflation a continué de monter pour les biens non énergétiques
Les prix de l’énergie ont considérablement baissé lorsque la taxe sur le carbone pour les consommateurs a été supprimée (Point de mire : Effet sur l’inflation du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs, Rapport d’avril). La croissance des prix de l’énergie a reculé à -9,5 % en juin.
L’inflation dans le secteur des biens hors énergie a augmenté pour atteindre 2,2 %, s’établissant désormais au-dessus de sa moyenne historique (graphique 8), alors qu’elle était pratiquement nulle dans la deuxième moitié de 2024. Cette augmentation est principalement due à l’incidence des hausses passées des coûts d’importation sur un large éventail de produits, qu’il s’agisse de véhicules automobiles, de meubles, de vêtements ou encore du café. Ces surcoûts d’importation résultent :
- de la dépréciation du dollar canadien par rapport au dollar américain à la fin de 2024, qui a rendu les importations plus chères
- de la forte croissance passée des frais de transport pour les conteneurs
- des augmentations passées de prix dans le secteur agricole
Toutefois, compte tenu de l’appréciation récente du dollar canadien et de la croissance plus lente des frais de transport, les effets de ces pressions non tarifaires sur les coûts devraient s’atténuer dans les prochains mois. Paradoxalement, les entreprises canadiennes signalent que leur adaptation à l’évolution du contexte dans lequel se déroulent les échanges internationaux accentue déjà leurs coûts. De telles pressions sur les coûts pourraient d’ailleurs persister.
L’inflation a un peu fléchi du côté des services
L’inflation dans le secteur des services était de 3 % en juin, soit 0,5 point de pourcentage de moins que dans la deuxième moitié de 2024.
Bien que l’augmentation des frais de logement soit restée supérieure à sa moyenne historique (graphique 9), elle continue de perdre peu à peu de son élan :
- La progression des loyers s’est modérée depuis le début de 2025 et était en juin de 4,7 %, vraisemblablement en raison de l’amélioration de l’offre de logements locatifs et d’un ralentissement de l’expansion démographique.
- La croissance du coût de l’intérêt hypothécaire a freiné, à 5,6 %.
L’inflation dans le secteur des services hors logement s’est accrue pour atteindre 2,7 % en juin, contre environ 2 % durant la deuxième moitié de 2024, et s’est rapprochée ainsi de sa moyenne historique. La hausse observée depuis la fin de l’année dernière s’explique avant tout par un repli moins accentué de la croissance de certains prix, par exemple ceux des communications et des voyages organisés. Les prix des services associés à des dépenses touristiques au Canada, comme l’hébergement hôtelier et la location de voitures, ont aussi enregistré des pressions à la hausse. Parallèlement, la croissance des salaires, coût important pour les services, a diminué.
Les mesures de l’inflation fondamentale ont augmenté depuis la fin de l’année dernière et varient actuellement entre environ 2,5 et 3 % (graphique 10). L’IPC-méd et l’IPC-tronq se trouvent dans le haut de la fourchette. D’autres mesures de l’inflation sous-jacente signalent également un accroissement, quoique plus modéré. Par exemple, l’IPCX et l’IPCHAEI enregistrent une inflation de l’ordre de 2,5 % ces récents mois. Toutes ces mesures restent d’une certaine manière influencées par la forte croissance persistante des frais de logement.
La part des composantes de l’IPC dont le taux d’augmentation des prix est supérieur à 3 % sur un an s’est accrue et dépasse sa moyenne historique (graphique 11). La part des composantes qui affiche un taux d’augmentation de moins de 1 % a baissé et avoisine maintenant sa moyenne historique. Ce genre de profil de croissance des prix est généralement associé à une inflation d’environ 2½ %.
À partir de toutes ces mesures, la Banque évalue que l’inflation sous-jacente se situe aux alentours de 2½ %.
Les attentes d’inflation à court terme des entreprises se sont atténuées
Les attentes d’inflation à court terme des entreprises ont diminué : elles sont revenues près des niveaux observés à la fin de 2024. Du côté des ménages, les attentes d’inflation à court terme sont cependant demeurées stables après leur redressement au premier trimestre (graphique 12).
Graphique 12 : Les attentes d’inflation des entreprises ont diminué, tandis que celles des consommateurs sont stables
Données trimestrielles et mensuelles
Sources : Consensus Economics, Banque du Canada et calculs de la Banque du Canada
Dernières observations : juin 2025 (Consensus Economics et Le Pouls des leaders d’entreprise); 2025T2 (enquête sur les attentes des consommateurs au Canada et enquête sur les perspectives des entreprises)
Notes
- 1. Statistique Canada considère le soutien militaire à l’Ukraine sous forme de composantes de systèmes d’armes (plateformes d’armes, véhicules et autres équipements, à l’exclusion des munitions) comme un désinvestissement d’actifs, ce qui entraîne une réduction des investissements de l’État.[←]
- 2. Pour en savoir plus, voir Banque du Canada, Enquête sur les perspectives des entreprises – Deuxième trimestre de 2025 (juillet 2025).[←]