Rapport sur la politique monétaire – Juillet 2025
La croissance mondiale a ralenti depuis le début de 2025, dans un contexte marqué par les changements continuels de la politique commerciale américaine et l’incertitude qui en découle. L’économie mondiale est toutefois demeurée résiliente jusqu’à présent, malgré des droits de douane américains atteignant des niveaux inégalés depuis des décennies.
Depuis janvier, les États-Unis menacent d’imposer à bon nombre de leurs partenaires commerciaux des droits de douane, qui sont tantôt appliqués, tantôt suspendus, tantôt remis en place. Plus récemment, l’administration américaine a négocié des accords tarifaires avec certains pays, et le conflit commercial avec la Chine s’est apaisé. Par conséquent, les conditions financières se sont redressées dans les derniers mois, et la confiance s’est raffermie par rapport au très bas niveau qu’elle avait atteint, empêchant un ralentissement rapide de l’activité économique (tableau 4, graphique 19).
| Part du PIB mondial réel* (en pourcentage) | Croissance† (en pourcentage) | ||||
|---|---|---|---|---|---|
| 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | ||
| États-Unis | 15 | 2,8 (2,8) |
1,8 (2,6) |
2,4 (2,3) |
2,1 |
| Zone euro | 12 | 0,8 (0,7) |
1,1 (0,8) |
1,1 (1,3) |
1,4 |
| Chine | 19 | 5,0 (5,0) |
4,9 (4,9) |
4,5 (4,1) |
4,2 |
| Monde | 100 | 3,2 (3,1) |
3,0 (3,1) |
2,8 (3,1) |
3,1 |
* La part de chaque pays ou groupe de pays est calculée d’après les estimations du Fonds monétaire international concernant les PIB mesurés en parité des pouvoirs d’achat pour 2023, publiées en octobre 2024 dans les Perspectives de l’économie mondiale.
† Les chiffres entre parenthèses sont des projections du Rapport de janvier.
Sources : sources nationales via Haver Analytics et calculs de la Banque du Canada
Toutefois, la situation continue d’évoluer, et le niveau des droits de douane reste élevé par rapport au passé. Compte tenu de l’incertitude persistante entourant la politique commerciale des États-Unis, le présent rapport propose un scénario de maintien des droits de douane plutôt qu’un scénario de référence. Ce scénario se fonde sur les politiques commerciales en vigueur ou convenues au 27 juillet 2025 (Hypothèses des scénarios).
De plus, comme les perspectives sont plus incertaines que d’habitude, le présent rapport expose deux autres scénarios possibles – un scénario de désescalade des droits de douane et un scénario d’escalade des droits de douane (Point de mire : L’orientation des droits de douane américains demeure incertaine).
Dans le scénario de maintien, le taux moyen pondéré des droits de douane imposés par les États-Unis reste élevé, à 13 %, soit son plus haut niveau depuis des décennies et plus de 10 points de pourcentage au-dessus du taux observé au début de 2025 (graphique 20). Les mesures de rétorsion prises par d’autres pays sont modestes et se traduisent par des droits de douane moyens sur les exportations américaines qui sont environ un point de pourcentage plus élevés. Une grande incertitude entoure les droits de douane, mais on suppose que ses effets se dissiperont en 2026.
Dans ce scénario :
- la croissance mondiale ralentit pour avoisiner 2,5 % d’ici la fin de 2025, avant de se redresser et de se stabiliser autour de 3 % en 2026 et en 2027
- les droits de douane font monter l’inflation aux États-Unis à environ 3 % d’ici la fin de 2025, après quoi elle diminue
États-Unis
Les droits de douane et l’incertitude pèsent sur la croissance du produit intérieur brut (PIB). Après un ralentissement initial, la croissance économique remonte dans la deuxième moitié de 2025. Cela dit, le niveau futur du PIB est réduit de façon permanente.
Les droits de douane ont tempéré la croissance américaine
La croissance aux États-Unis a ralenti dans la première moitié de 2025 pour s’établir à environ 1 % en moyenne, contre environ 2¾ % dans la deuxième moitié de 2024. Les dépenses des ménages ont été freinées par l’incertitude entourant les politiques commerciales et d’autres politiques économiques (graphique 21). Cependant, le ralentissement n’a pas été aussi marqué qu’il aurait pu l’être. En particulier, la demande intérieure a été relativement résiliente, soutenue par :
- le regain de confiance des entreprises et des consommateurs et un redressement des marchés boursiers américains ces derniers mois
- les investissements liés à l’intelligence artificielle (IA)
Parmi les autres facteurs qui ont favorisé l’expansion du PIB, on compte la croissance robuste de la productivité tendancielle du travail et la forte création d’emplois. En revanche, les changements apportés à la politique d’immigration pèsent sur l’offre de main-d’œuvre.
Les exportations et les importations ont été volatiles durant la première moitié de 2025, les entreprises ayant décalé leurs achats en raison des droits de douane. Les États-Unis ont réduit leurs importations en provenance de la Chine et du Canada et augmenté celles en provenance d’Europe et des pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) (graphique 22).
Les droits de douane ont commencé à influer sur les prix
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis est restée près de 2,5 % au deuxième trimestre de 2025 (graphique 23). La hausse des prix des biens et services hors aliments et énergie s’est établie à 2,8 %. Des signes montrent que les droits de douane se répercutent sur les prix à la consommation. Par exemple, les données de juin montraient des hausses substantielles des prix des biens de consommation visés par des droits de douane, comme les articles ménagers et les appareils électroménagers. En outre, les ménages et les entreprises continuent de s’attendre à ce que l’inflation reste élevée, ce qui indique probablement qu’ils prévoient que les droits de douane accentueront les pressions à la hausse sur les prix.
La progression des salaires a été solide. Et compte tenu de la forte croissance de la productivité du travail, elle reste compatible avec la cible d’inflation de 2 % de la Réserve fédérale. Les taux d’intérêt freinent la demande et créent une pression à la baisse sur l’inflation.
Les droits de douane continuent de peser sur la croissance américaine
Dans le scénario de maintien, les droits de douane et l’incertitude pèsent sur l’activité économique américaine. L’augmentation des droits de douane réduit de façon permanente le niveau futur du PIB.
La croissance du PIB se redresse légèrement pour s’établir à environ 2¼ % en moyenne en 2026 et en 2027.
- La croissance des dépenses de consommation ralentit considérablement en 2026, parce que l’inflation due aux droits de douane érode les revenus et que l’incertitude entourant les politiques pèse sur la confiance des consommateurs. Ce ralentissement est en partie compensé par la politique budgétaire expansionniste et un assouplissement de la politique monétaire. La consommation se redresse en 2027, soutenue par la progression des salaires réels et l’atténuation des effets de l’incertitude.
- La croissance des investissements des entreprises est bridée par les droits de douane et l’incertitude persistante. Cela dit, les dépenses liées à l’IA ont un effet stimulant à court terme.
- La croissance des exportations se raffermit légèrement en 2026 et en 2027 en raison de l’amélioration de la demande mondiale et de la dépréciation du dollar américain. Les importations chutent abruptement sous l’effet des droits de douane, avant de se redresser en 2027.
L’inflation aux États-Unis augmente, atteignant un sommet de près de 3 % à la fin de 2025, à mesure que les répercussions des droits de douane s’enracinent et que l’effet des baisses passées des prix du pétrole s’estompe. Elle se modère ensuite à mesure que l’effet des droits de douane se dissipe.
Zone euro
Dans la zone euro, la croissance s’est modérée pour s’établir à près de 1 % au cours de la première moitié de 2025, sous l’effet d’une baisse de la croissance de la demande intérieure, qui a été en partie contrebalancée par un fort devancement des exportations vers les États-Unis avant l’application des droits de douane. Malgré l’incertitude causée par les droits de douane américains, la demande est demeurée plutôt résiliente, soutenue par les baisses passées des taux d’intérêt.
L’inflation dans la zone euro a continué de baisser durant la première moitié de 2025. Ce recul s’explique par :
- une baisse des prix de l’énergie
- une hausse de la croissance de la productivité
- un ralentissement de la croissance des salaires
Dans le scénario de maintien, la croissance du PIB reste faible dans la deuxième moitié de 2025 en raison de l’incidence des droits de douane américains. La croissance reprend en 2026 et en 2027, à mesure que l’incertitude tarifaire s’estompe et que les dépenses publiques augmentent, en partie à cause de la hausse des dépenses de défense.
Le redressement de la demande rééquilibre l’économie de la zone euro, et l’inflation reste proche de la cible de 2 % visée par la Banque centrale européenne. Le conflit commercial n’a qu’un effet limité sur l’inflation dans la région, car on suppose que celle-ci n’impose pas de mesures de rétorsion tarifaires sur les biens américains.
Chine
En Chine, la croissance économique a ralenti pour s’établir autour de 4¾ % dans la première moitié de l’année en partie à cause du conflit commercial avec les États-Unis, qui a pesé sur les investissements. Malgré l’imposition de droits de douane, les exportations totales n’ont pratiquement pas changé par rapport aux niveaux élevés de 2024.
- Les exportations vers les États-Unis ont bondi à la fin de 2024, avant de chuter de façon spectaculaire au deuxième trimestre de 2025 quand l’administration américaine a temporairement mis en place des droits de douane prohibitifs.
- La baisse des exportations chinoises vers les États-Unis a été compensée par une hausse des exportations vers le reste du monde (graphique 24), surtout vers les pays membres de l’ANASE. Cette évolution suit une tendance amorcée après l’entrée en vigueur, en 2022, du Partenariat régional économique global1.
Dans le scénario de maintien, la croissance du PIB s’établit juste en dessous de 4½ % en moyenne en 2026 et 2027. À cause des droits de douane américains, les exportations contribuent moins à la croissance que ces dernières années. La demande intérieure se raffermit pour trois raisons : l’incertitude liée au commerce se dissipe; d’autres mesures de relance sont mises en place; et la stabilisation du secteur immobilier entraîne un redressement de la confiance des consommateurs.
Produits de base
Les cours du pétrole ont augmenté en juin à près de 80 $ US le baril en raison de préoccupations selon lesquelles une escalade du conflit au Moyen-Orient pourrait perturber l’offre. Les prix sont toutefois redescendus à 69 $ US depuis, soit tout juste au-dessus des niveaux observés au moment de la parution du Rapport d’avril. L’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque du Canada a été essentiellement stable, la baisse des prix des métaux industriels ayant été compensée par la hausse des prix de l’or.
Les prix de l’énergie ont été volatils
Le prix du Brent a été volatil depuis la publication du Rapport d’avril, oscillant entre 60 et 80 $ US, principalement à cause de la menace que fait planer le conflit au Moyen-Orient sur l’offre de pétrole (graphique 25). Lorsqu’on tient compte de l’inflation, les prix sont plus bas qu’au cours des dernières années. Cette faiblesse est attribuable à plusieurs facteurs, notamment :
- le niveau élevé de production à l’échelle mondiale
- les craintes que le conflit commercial réduise la demande à l’avenir
L’écart entre les cours du West Texas Intermediate et du Western Canadian Select s’est maintenu à environ 10 $ US.
Les prix du gaz naturel ont été soutenus par la forte demande d’électricité aux États-Unis. Cette situation reflète la hausse de la demande due au traitement de données et aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Les prix des produits de base non énergétiques sont stables
L’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque est resté à peu près inchangé depuis le Rapport d’avril. Les droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium ont créé une pression baissière sur les prix mondiaux du fer, du nickel et de l’aluminium. Les prix de l’or, eux, ont continué d’augmenter, soutenus par les achats des banques centrales et par les investisseurs qui cherchent à se protéger contre les tensions commerciales et l’incertitude géopolitique croissante. Après avoir monté plus tôt cette année, les prix des produits agricoles ont été généralement stables.
Conditions financières
Depuis janvier, les marchés financiers ont traversé deux phases distinctes. Entre janvier et avril, l’annonce de nouveaux droits de douane à grande échelle a fait baisser les attentes de croissance des marchés. L’incertitude et la volatilité ont augmenté, et les prix de nombreux actifs ont chuté. Depuis avril, les prix de bon nombre d’actifs se sont fortement redressés, les marchés estimant que les droits de douane et leurs effets seront probablement moins graves qu’anticipé précédemment (graphique 26).
De janvier à avril, les marchés financiers ont été extrêmement volatils.
- Les bourses ont chuté de façon marquée, l’appétit pour le risque s’étant détérioré. Sur les principaux marchés, les plus fortes baisses enregistrées depuis les sommets atteints ont été de 10 à 20 %.
- La détérioration de l’appétit pour le risque a également entraîné une hausse des écarts de crédit à l’échelle mondiale.
Pendant cette période, les marchés tablaient aussi sur une accentuation de la détente monétaire de la part des banques centrales en réaction aux attentes plus faibles de croissance. Cela a entraîné une baisse des rendements des obligations d’État à court terme, tant au Canada qu’ailleurs dans le monde.
Depuis la publication du Rapport d’avril, ces fluctuations de prix se sont pratiquement toutes inversées.
- En réponse aux signes de résilience économique, les actions mondiales se sont redressées et se négocient maintenant à des niveaux égaux ou supérieurs à ceux enregistrés au début de 2025.
- Les écarts de taux sur les obligations de sociétés ont regagné le terrain perdu et se situent aux niveaux observés au début de 2025. La volatilité des marchés est également revenue plus près des moyennes historiques.
Les marchés estiment que les perspectives de croissance se sont améliorées. Leurs cours reflètent donc la perspective d’un degré moindre de détente monétaire, et les trajectoires attendues des taux directeurs sont revenues plus près de leurs niveaux du début janvier. Cette situation a entraîné une hausse des rendements des obligations d’État à court terme au Canada et dans beaucoup d’autres pays.
Depuis le début d’avril, les rendements des obligations d’État à long terme ont aussi augmenté dans bon nombre de pays, y compris au Canada. Ils sont maintenant généralement supérieurs aux niveaux observés en janvier, ce qui s’explique en partie par l’anticipation de trajectoires plus élevées pour les taux directeurs. De plus, certains investisseurs continuent d’exiger une prime de terme plus élevée pour détenir des obligations d’État à long terme, car ils sont préoccupés par la lourde dette publique et l’important déficit de certains pays.
Depuis le début de 2025, le dollar américain s’est déprécié de façon continue par rapport à de nombreuses autres monnaies. L’indice élargi du cours nominal du dollar américain s’est replié d’environ 8 % par rapport à son sommet du début janvier. Le dollar canadien s’est apprécié vis-à-vis du billet vert pour s’établir aux alentours de 73 cents américains. Sa valeur a cependant légèrement baissé par rapport à un panier d’autres monnaies.
La dépréciation continue du dollar américain semble liée à la baisse de l’incertitude liée au commerce et à l’amélioration des perspectives de croissance dans les économies autres que les États-Unis. Qui plus est, certains investisseurs semblent couvrir leur exposition au dollar américain parce qu’ils sont préoccupés par l’orientation future des politiques et des perspectives budgétaires aux États-Unis.
Notes
- 1. Le Partenariat régional économique global est l’accord de libre-échange le plus important au monde selon la somme des PIB des pays membres, qui comprennent tous les pays membres de l’ASANE ainsi que l’Australie, la Chine, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud.[←]