Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 16 avril 2025.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 9 avril 2025. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent, le sous-gouverneur Rhys Mendes et la sous-gouverneure Michelle Alexopoulos y ont participé.

Incertitude commerciale

Les membres du Conseil ont commencé leurs délibérations en reconnaissant que l’incertitude élevée découlant du conflit commercial mené par les États-Unis rendait impossible toute projection stable de la croissance économique et de l’inflation.

Le virage protectionniste de la politique commerciale américaine avait eu de vastes répercussions sur les économies mondiale et canadienne. L’imprévisibilité des annonces de droits de douane a amené le Conseil à renoncer au scénario de référence habituel dans le Rapport sur la politique monétaire d'avril. À la place, deux scénarios indicatifs ont été élaborés pour aider à évaluer des issues bien distinctes, mais plausibles, concernant la croissance économique et l’inflation, et pour éclairer les délibérations sur la politique monétaire.

Le Conseil n’a pas considéré ces scénarios comme des prévisions, mais plutôt comme deux possibilités parmi beaucoup d’autres, lesquelles englobaient un large éventail de trajectoires potentielles de la politique commerciale américaine.

Dans ce contexte, les membres ont d’abord discuté des données économiques récentes pour évaluer comment avaient évolué les économies mondiale et canadienne avant l’imposition d’importants droits de douane sur les importations par les États-Unis le 2 avril 2025.

Économie internationale

Les membres ont discuté des évolutions économiques à l’international depuis la parution du Rapport de janvier. Ils ont convenu que la croissance économique mondiale était en bonne posture à la fin de 2024, malgré un certain ralentissement observé au début de 2025. L’inflation était en baisse et se rapprochait des cibles des banques centrales.

Aux États-Unis, la croissance avait commencé à ralentir légèrement après une année 2024 très vigoureuse. Les membres ont convenu qu’il était trop tôt pour voir les effets des droits de douane sur l’activité économique. Toutefois, la confiance des consommateurs s’était détériorée et les enquêtes menées auprès des ménages et des entreprises révélaient une hausse marquée des attentes d’inflation, probablement liée aux droits de douane. Le marché du travail restait solide, le chômage oscillant autour de 4 % depuis près d’un an. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) aux États-Unis avait ralenti, passant de 2,8 % en février à 2,4 % en mars.

L’économie de la zone euro avait connu une expansion modeste au premier trimestre de 2025, mais la faiblesse du secteur manufacturier avait persisté. Les pressions sur le marché du travail s’étaient atténuées, et l’inflation avait diminué légèrement en mars, la croissance des prix dans le secteur des services s’étant modérée. En Chine, l’économie avait progressé plus rapidement que prévu à la fin de 2024. Les membres ont attribué cette situation à la croissance plus forte des exportations en prévision de nouveaux droits de douane, aux actions des pouvoirs publics pour soutenir la demande intérieure et à certains signes que le marché immobilier était potentiellement en voie de se stabiliser.

Les marchés financiers étaient en pleine tourmente au moment des délibérations. L’ampleur et la portée des droits de douane annoncés le 2 avril étaient plus importantes que ce que bien des participants au marché avaient anticipé. Cette situation avait entraîné une réévaluation marquée des cours des actions et des obligations, les investisseurs ayant revu leurs perspectives économiques. La liquidité du marché des bons du Trésor américain avait diminué pendant une courte période, en particulier celle des bons à plus long terme, en raison de la forte hausse de la volatilité. Malgré ces grandes fluctuations, aucun dysfonctionnement des marchés n’avait été observé. Les cours mondiaux du pétrole avaient considérablement diminué depuis janvier, les perspectives de croissance mondiale s’étant assombries sous l’effet des droits de douane. Après être demeuré relativement stable depuis janvier, le dollar canadien s’était apprécié en raison de la faiblesse généralisée du dollar américain à la suite des annonces de droits de douane en avril.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

À la fin de 2024, l’économie canadienne était en bonne posture. Toutefois, les membres ont convenu que l’économie allait ralentir en 2025, car les droits de douane imposés sur les exportations vers les États-Unis et l’incertitude entourant les politiques commerciales pesaient lourdement sur la confiance des entreprises et des consommateurs.

Les membres ont discuté des nouvelles données sur l’activité économique depuis la publication du Rapport de janvier. La demande intérieure finale avait fortement augmenté au quatrième trimestre de 2024. Néanmoins, des données plus récentes laissaient entrevoir un ralentissement considérable des dépenses des ménages et des investissements des entreprises. Selon les résultats d’enquêtes, la confiance des consommateurs avait atteint des creux historiques et la consommation semblait ralentir. Les membres ont cependant tenu compte avec prudence de la baisse des ventes au détail enregistrée en janvier, vu la volatilité des données. L’activité dans le secteur du logement avait aussi ralenti considérablement au premier trimestre de 2025. Malgré les taux d’intérêt plus bas, l’activité de revente avait reculé, particulièrement sur le marché du logement de Toronto.

Pour le premier trimestre de 2025, on s’attendait à ce que la faiblesse de la croissance de la demande intérieure finale ait été largement compensée par la vigueur des exportations, les entreprises américaines cherchant à accroître leurs stocks en prévision des droits de douane. On s’attendait aussi à ce que l’expansion des stocks au Canada ait contribué à la croissance. Dans l’ensemble, on s’attendait à ce que la croissance économique ait ralenti au premier trimestre pour s’établir à 1,8 %, et à ce qu’elle soit beaucoup plus faible au deuxième trimestre.

Les membres ont discuté des données récentes sur le marché du travail. La reprise amorcée vers la fin de 2024 semblait s’être essoufflée alors que s’intensifiaient les tensions commerciales. Les offres d’emploi avaient ralenti, et l’emploi avait diminué en mars après avoir stagné en février. Dans les enquêtes de la Banque, les entreprises avaient indiqué qu’elles réduisaient leurs embauches en raison de l’incertitude entourant les échanges commerciaux. La croissance des salaires continuait de montrer des signes de modération.

L’inflation mesurée par l’IPC s’était établie à 2,3 % en mars, un taux inférieur à celui de 2,6 % observé en février, mais supérieur à celui de 1,8 % enregistré en janvier. L’inflation était demeurée généralement proche de la cible de 2 % depuis août dernier, mais des facteurs temporaires, comme le congé de TPS/TVH et une hausse à court terme des prix des voyages organisés, avaient causé une certaine volatilité ces derniers mois.

L’inflation dans le secteur des biens, qui avait été faible à la fin de l’année dernière, avait augmenté et avoisinait sa moyenne historique. Cela s’expliquait en partie par la dépréciation passée du dollar canadien et la récente hausse des prix des fournisseurs de certains biens. La forte augmentation des prix des services liés au logement avait continué à s’atténuer graduellement, les taux d’intérêt plus bas ayant fait baisser les coûts de l’intérêt hypothécaire et les loyers s’étant modérés. Toutefois, cette diminution n’avait pas compensé la hausse des prix des biens.

Les attentes d’inflation à court terme avaient augmenté parce que les entreprises et les ménages avaient commencé à s’attendre à ce que les droits de douane fassent augmenter les prix. En revanche, les attentes d’inflation à long terme n’avaient pas beaucoup changé.

Les membres ont convenu que l’inflation globale allait diminuer à court terme. Les prix plus bas du pétrole et le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs allaient faire descendre l’inflation mesurée par l’IPC à environ 1½ % en avril. Il était difficile de prévoir quel effet les pressions opposées sur les prix auraient par la suite. On estimait que les droits de douane et les perturbations des chaînes d’approvisionnement risquaient de tirer les prix vers le haut, tandis que la demande plus faible avait le potentiel de les faire baisser. Les mesures de l’inflation fondamentale s’étaient établies à un peu moins de 3 %, stimulées par les prix plus élevés des biens. Il semblait qu’elles étaient aussi faussées par l’inflation encore forte dans le secteur des services liés au logement. Les membres ont convenu qu’ils devraient examiner attentivement toutes les sous-composantes des données de l’IPC pour évaluer la tendance de l’inflation sous-jacente.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres ont longuement discuté de l’incertitude entourant la politique commerciale américaine. Ils ont d’abord échangé leurs points de vue sur les deux scénarios présentés dans le Rapport d’avril et sur les répercussions, pour la politique monétaire, d’issues plausibles des politiques commerciales.

Ces scénarios illustraient les principaux canaux par lesquels les politiques commerciales influeraient sur l’activité économique et l’inflation. Dans le scénario 1, la plupart des droits de douane sont de courte durée, mais l’incertitude entourant les politiques commerciales persiste pendant un certain temps. Cette incertitude pèse sur la croissance, mais son incidence sur l’inflation est relativement modeste. Dans le scénario 2, les droits de douane sont plus élevés et permanents, ce qui entraîne une récession et pousse temporairement l’inflation au-dessus de 3 % en 2026. Toujours dans ce scénario, le conflit commercial est prolongé et produit des forces opposées sur l’inflation : une économie plus faible exerce une pression à la baisse sur les prix, tandis que des coûts plus élevés attribuables aux droits de douane et aux perturbations des chaînes d’approvisionnement exercent une pression à la hausse.

Les membres ont échangé sur leur perception de la situation actuelle par rapport aux deux scénarios. Mais comme les États-Unis ont continué à faire de nouvelles annonces pendant leurs délibérations, ils ont convenu qu’il n’était pas pertinent d’essayer de déterminer la position de la politique commerciale américaine, la situation évoluant sans cesse. Il était néanmoins clair qu’advenant des issues plus proches du scénario 2, la conduite de la politique monétaire nécessiterait un arbitrage difficile entre le soutien à la croissance et la lutte contre les pressions inflationnistes.

Pour mieux comprendre les risques inhérents à ces scénarios, les membres ont jugé utile de faire la distinction entre deux couches d’incertitude. La première, à savoir l’incertitude quant à la trajectoire de la politique commerciale américaine, a orienté la décision d’avoir recours à des scénarios plutôt qu’à une projection de référence. La seconde couche était l’incertitude entourant les répercussions des droits de douane. Les membres ont discuté de la façon dont les hypothèses des modèles utilisées dans les scénarios pouvaient surestimer ou sous-estimer les issues de chacun de ceux-ci pour l’économie et l’inflation :

  • Les répercussions des droits de douane sur l’activité économique et l’inflation pourraient être plus prononcées, en particulier dans le scénario 2 où l’ampleur du choc est sans précédent. Les exportations canadiennes soumises à des droits de douane pourraient être plus sensibles qu’anticipé à la baisse de la demande américaine, ce qui entraînerait une croissance plus faible au Canada. La demande moins importante d’exportations canadiennes pourrait avoir une incidence plus grande qu’attendu sur les investissements des entreprises, l’emploi, les dépenses des ménages et le logement, ce qui exercerait des pressions à la baisse supplémentaires sur l’inflation. Ces effets pourraient se produire plus rapidement qu’anticipé et les conséquences pourraient être plus graves.
  • La volatilité financière, comme la réévaluation rapide des prix des actifs qui a suivi l’annonce des droits de douane le 2 avril, pourrait entraîner un resserrement marqué des conditions financières ou, pire encore, une interruption du processus d’affectation du capital et du crédit, entraînant une baisse plus importante de l’activité économique. L’augmentation des tensions financières chez les entreprises et les ménages pourrait provoquer un recul plus important des investissements, de l’embauche et des dépenses.
  • À l’inverse, la politique commerciale pourrait se stabiliser, par exemple grâce à la signature de nouveaux accords commerciaux, et l’incertitude, se dissiper plus tôt que dans le scénario 1. Cela réduirait potentiellement l’incidence négative de l’incertitude sur les investissements des entreprises et les dépenses de consommation de même que le risque à la baisse sur l’inflation.
  • Des mesures de soutien budgétaire ciblées, combinées à une redistribution des recettes tirées des droits de douane, pourraient atténuer certaines des répercussions négatives des droits de douane américains sur l’activité économique. De plus, des obstacles structurels à long terme à la croissance au Canada, comme les barrières commerciales entre les provinces, pourraient être éliminés. Cela aurait une incidence sur la croissance et l’inflation, même si les effets importants ne se feraient sentir qu’à long terme.
  • Les entreprises pourraient répercuter les hausses de coût sur les prix à la consommation plus rapidement qu’anticipé. Si cela se produisait et que l’inflation s’étendait à d’autres biens et services, les attentes d’inflation pourraient augmenter plus rapidement qu’attendu étant donné l’épisode récent de forte inflation. Une augmentation des attentes d’inflation à moyen et à long terme pourrait se traduire par une inflation et des coûts de main-d’œuvre plus élevés.
  • La réorganisation des relations commerciales à l’échelle internationale pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales. Ces perturbations pourraient accentuer les pressions à la hausse sur les coûts et, ultimement, sur les prix.

Les membres ont convenu qu’en raison des deux couches d’incertitude – l’une liée à la politique commerciale et l’autre aux répercussions des droits de douane –, il leur était difficile d’évaluer la probabilité que ces risques se matérialisent. Ils ont dit avoir bon espoir qu’à l’avenir, une clarification de la politique commerciale des États-Unis et de nouvelles données permettant d’évaluer les incidences économiques du conflit commercial pourraient réduire l’éventail des scénarios.

Décision de politique monétaire

Les membres ont discuté longuement des divers risques et incertitudes qui pourraient influer sur l’économie et l’inflation. Ils se sont aussi interrogés sur l’orientation appropriée à donner à la politique monétaire compte tenu du très large éventail d’éléments inconnus brouillant les perspectives.

Ils ont reconnu que leurs décisions des sept dernières réunions avaient mené à une réduction considérable du taux directeur. Les effets de ces baisses continuaient de se propager dans l’économie, ce qui contribuait à renforcer l’activité économique tout en maintenant l’inflation près de 2 %. En janvier et en mars, le Conseil avait réduit le taux directeur de 25 points de base dans un contexte d’augmentation des tensions commerciales avec les États-Unis et de l’incertitude. À la suite de ces baisses, le taux directeur se situait au milieu de la fourchette du taux neutre estimée par la Banque.

Depuis mars, les annonces erratiques de droits de douane par l’administration américaine avaient ajouté à l’incertitude. Comme ils l’avaient fait lors de leur réunion de mars, les membres ont discuté de deux options pour la décision de politique monétaire d’avril : maintenir le taux directeur au même niveau ou le réduire de 25 points de base.

Certains membres étaient d’avis que comme l’économie reposait sur des bases solides au début de 2025 et que le taux directeur avait été abaissé lors des deux réunions précédentes, le Conseil devait garder le taux directeur inchangé pendant que l’orientation des droits de douane et leurs effets se précisaient. Ils estimaient qu’une nouvelle baisse du taux directeur lors de cette réunion pourrait s’avérer prématurée puisque les effets des réductions passées se propageaient encore dans l’économie et que les droits de douane étaient susceptibles d’entraîner rapidement des pressions à la hausse sur l’inflation. En discutant de cette option, les membres ont souligné que l’incertitude entourant la politique tarifaire américaine ainsi que les contre-mesures et autres mesures de politique prises par le Canada et d’autres pays justifiait une approche attentiste.

D’autres membres se sont dit préoccupés par le fait que les récentes enquêtes sur la confiance des entreprises et des consommateurs, ainsi que les données plus faibles sur l’emploi, le logement et le commerce de détail, indiquaient un affaiblissement de l’économie. De plus, à la suite des annonces tarifaires du 2 avril et des perturbations sur les marchés financiers qui avaient suivi, les craintes d’une récession plus profonde aux États-Unis et d’un ralentissement économique mondial s’étaient accrues. Dans ce contexte, ils estimaient qu’une nouvelle réduction du taux directeur pour soutenir l’économie serait appropriée étant donné que les risques d’inflation à court terme étaient modérés. En discutant des avantages de cette option, les membres ont noté que l’incidence initiale des droits de douane représentait une augmentation ponctuelle du niveau des prix à la consommation. Tant que les attentes d’inflation à moyen et à long terme restaient ancrées, ils considéraient avoir la flexibilité de réduire davantage le taux directeur pour soutenir la croissance. Ils ont également souligné la nécessité d’agir rapidement compte tenu des délais de transmission des effets des mesures de politique monétaire à l’économie et à l’inflation.

Malgré les divergences de points de vue, tout le monde était d’avis qu’il y avait beaucoup d’incertitude et que la situation pouvait changer rapidement. Les membres ont également convenu qu’ils devaient être moins tournés vers l’avenir que d’habitude. Dans ce contexte, ils ont décidé par consensus de maintenir le taux directeur à 2,75 %.

Les membres se sont entendus pour continuer d’affiner et d’évaluer différents scénarios de l’évolution de la politique commerciale. Ils ont donc convenu d’analyser les nouvelles données, les annonces relatives aux droits de douane et les mesures de politique mises en œuvre. Ils ont aussi décidé de maintenir un solide plan d’enquête et d’activités de liaison pour mieux comprendre en temps réel comment l’économie allait s’adapter.

Les membres ont convenu de continuer à mettre l’accent sur l’évaluation des pressions opposées exercées sur l’inflation par la demande plus faible et les coûts plus élevés, en portant une attention particulière aux aspects suivants :

  • dans quelle mesure les droits de douane plus élevés allaient faire baisser la demande pour les exportations canadiennes
  • quelle serait l’incidence d’une baisse de cette demande sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages
  • avec quelle ampleur et à quelle vitesse les hausses de coûts allaient être répercutées sur les prix à la consommation
  • comment allaient évoluer les attentes d’inflation

Si de nouvelles informations pointaient clairement dans la direction de l’une ou l’autre de ces forces opposées, le Conseil serait prêt à agir de manière décisive. Les membres ont convenu que, compte tenu de la situation entourant les droits de douane, la politique monétaire devait soutenir l’économie tout en continuant de maintenir la stabilité des prix, son objectif principal.

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