C’est formidable d’être ici avec vous pour célébrer le 100e anniversaire de la Banque du Mexique. Il s’agit d’un jalon important de sa riche histoire marquée par la Grande Dépression et la flambée des prix de l’argent; par la stabilisation après la Seconde Guerre mondiale; par son indépendance; et, enfin, par la mise en place d’un régime flexible de ciblage de l’inflation.

Pour beaucoup de banques centrales, dont la Banque du Mexique et la Banque du Canada, le ciblage flexible de l’inflation1 est devenu un phare qui nous aide à réaliser nos mandats de politique monétaire. Jusqu’à présent, ce régime a connu plus de succès et est plus durable que tout ce qui l’a précédé. Mais la politique monétaire a continué d’évoluer, même après l’adoption du ciblage de l’inflation. Et pour continuer à répondre aux besoins des personnes qu’elles servent, les banques centrales doivent revoir régulièrement leurs cadres pour s’assurer qu’ils restent adaptés à nos objectifs.

Aujourd’hui, je vais commencer par parler de certains cadres qui ont été utilisés dans le passé. Je vais expliquer comment leurs lacunes ont mené au ciblage de l’inflation, et les résultats que celui-ci a donnés au cours des dernières décennies.

Ensuite, je vais me pencher sur certains changements structurels auxquels font actuellement face les économies du monde entier. Les grands changements structurels ne se produisent jamais sans heurts, et ils créent souvent des chocs importants. Je vais donc parler de ce que la politique monétaire peut et ne peut pas faire dans un monde plus enclin aux chocs. Je vais aussi vous parler des façons dont la Banque du Canada adapte la mise en œuvre de son régime flexible de ciblage de l’inflation pour faire face à ces nouvelles réalités, notamment les perturbations plus fréquentes de l’approvisionnement et l’incertitude élevée.

Enfin, je vais revenir sur l’idée de revoir périodiquement le cadre de politique monétaire afin de nous assurer qu’il demeure optimal pour atteindre nos objectifs. Au Canada, nous sommes en train de revoir notre cadre pour nous préparer à son renouvellement l’an prochain. Je vais résumer les questions que nous nous posons, surtout dans le contexte d’un monde plus sujet aux chocs. Au risque de gâcher la surprise, je vous dis tout de suite qu’un élément que nous ne remettons pas en question cette fois-ci est la cible d’inflation de 2 %.

Le ciblage de l’inflation : un moyen de faire mieux

Pour comprendre le contexte actuel, il faut jeter un regard sur le passé.

Après la Seconde Guerre mondiale, les banques centrales ont cessé d’arrimer leur monnaie au prix de l’or et, de concert avec leurs gouvernements nationaux, elles ont tenté différentes approches pour stabiliser l’économie et l’inflation. Pendant un certain temps, dans la plupart des grandes économies, l’inflation est demeurée basse et relativement stable. Mais à la fin des années 1960, les pressions inflationnistes mondiales ont commencé à s’accentuer. Et quand les principaux pays producteurs de pétrole ont réduit leur production de façon marquée en 1973, le choc des prix du pétrole a fait bondir l’inflation dans une grande partie du monde.

Au Canada, comme dans bien d’autres pays, le gouvernement a eu recours au contrôle des salaires et des prix. Même si ces mesures de contrôle ont généralement permis de contenir l’inflation, elles n’ont pas permis de s’attaquer à ses causes sous-jacentes. Donc, une fois ces mesures levées, l’inflation a rebondi. Et le maintien artificiel des prix à un niveau bas a entraîné des pénuries.

Pour tenter de s’attaquer aux causes fondamentales de l’inflation, bon nombre de banques centrales se sont tournées vers les cibles de croissance monétaire. Puisque « l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire »2, la solution privilégiée à l’époque était de mettre fin à la croissance de la masse monétaire. De 1975 à 1981, la politique monétaire canadienne était guidée par une série de cibles de croissance successivement plus faibles pour M1, une mesure étroite de la monnaie constituée principalement de monnaie physique et de fonds détenus dans des comptes de chèques. La politique monétaire a réussi à ralentir la croissance de M1, et a permis d’atteindre chaque cible. Mais l’inflation a continué d’augmenter. Le cadre a échoué parce que la relation entre l’argent, les prix et le revenu n’était pas stable. Pour reprendre la formule célèbre du gouverneur Gerald Bouey, en 1983 : « Nous n’avons pas abandonné M1, c’est M1 qui nous a abandonnés. »3

Certains pays ont adopté un régime de taux de change fixes, arrimant leur monnaie à celle d’une grande économie afin de maîtriser l’inflation. Bien sûr, cela ne fonctionnait que si celle-ci réussissait à contrôler sa propre inflation. Il y avait aussi un autre problème : l’instabilité – surtout quand les politiques de différents pays n’étaient pas harmonisées.

Comme vous le savez bien, le Mexique a arrimé sa monnaie au dollar américain pendant de nombreuses décennies. Mais l’effondrement des prix du pétrole au début des années 1980 a entraîné des déficits budgétaires. Pour financer le manque à gagner, la banque centrale a accru l’offre de monnaie. Cette action, combinée à la dévaluation de la monnaie, a entraîné une poussée de l’inflation. Les réformes structurelles de la fin des années 1980 ont aidé à la faire baisser, mais les pressions sur les prix sont demeurées élevées.

De toute évidence, les cadres de politique monétaire de l’époque n’assuraient pas la stabilité des prix. Les banques centrales avaient besoin de quelque chose de différent, et ce qu’elles souhaitaient était clair : premièrement, le cadre devait être simple – cibler des variables intermédiaires, comme la croissance monétaire, s’était avéré trop compliqué; deuxièmement, il devait être flexible – les banques centrales devaient être en mesure d’adapter la politique monétaire aux conditions de leur propre pays; troisièmement, il devait pouvoir maîtriser l’inflation au fil du temps, tout en permettant l’ajustement des différents prix aux variations de l’offre et de la demande.

Lorsqu’il est combiné à un taux de change flottant, le ciblage de l’inflation répond à ces critères4.

En 1990, la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande est devenue la première banque centrale à adopter un régime de ciblage de l’inflation. Neuf mois plus tard, en 1991, la Banque du Canada lui a emboîté le pas. À ce moment-là, je venais d’obtenir mon doctorat et je menais des recherches et des analyses à la Banque. C’était une période stimulante, car on tentait de faire du ciblage de l’inflation – un concept qui n’avait pas encore fait ses preuves – un cadre de politique monétaire à part entière qui fonctionnerait tant en théorie qu’en pratique. Par la suite, de nombreuses autres banques centrales, dont la Banque du Mexique, ont aussi adopté un régime de ciblage de l’inflation.

Depuis, ce cadre s’est avéré un grand succès.

Prenons le Canada et le Mexique. Au cours des 25 années qui ont précédé la pandémie, l’inflation au Canada était en moyenne très près de la cible de 2 %, et elle s’est située à l’intérieur de la fourchette de maîtrise de l’inflation de 1 à 3 % environ 80 % du temps. À titre de comparaison, au cours des 25 années précédentes, l’inflation s’établissait en moyenne à un peu plus de 6 % et elle variait beaucoup plus. Ici, au Mexique, l’inflation s’est établie en moyenne à 130 % en 1987. En 2002, la Banque du Mexique a fixé sa cible d’inflation à 3 %, et sa fourchette cible, de 2 à 4 %. Du début des années 2000 à la pandémie, l’inflation s’est située en moyenne à environ 4 %. Grâce au ciblage de l’inflation, nos deux pays ont une inflation qui est beaucoup plus basse et plus stable.

Le ciblage de l’inflation a également rendu plus crédible la capacité des banques centrales à maintenir la stabilité des prix, ce qui a rendu le régime de ciblage de l’inflation résilient. Au fil du temps, les attentes d’inflation sont devenues plus centrées sur la cible et moins sensibles aux variations à court terme de l’inflation. Cela a été renforcé par une transformation de la façon dont les banques centrales interagissent avec le public. Le ciblage de l’inflation est intrinsèquement transparent : la banque centrale établit une valeur numérique comme cible et s’engage à l’atteindre. Elle explique aussi comment ses mesures de politique monétaire permettront d’atteindre la cible, ce qui crée une obligation de rendre des comptes. Quand les banques centrales ont des objectifs clairs, qu’elles expliquent comment elles les atteindront et qu’elles réussissent à les atteindre, leur crédibilité en est renforcée.

Au Canada, la pandémie a mis à l’épreuve notre cadre comme jamais auparavant. Nous avons été confrontés à d’énormes chocs de demande et d’offre, à une grave récession puis à une reprise rapide. L’inflation est montée en flèche à mesure que l’économie rouvrait, atteignant 8,1 % – un sommet en 40 ans. Je tiens à préciser que cela n’était pas dû à une défaillance du régime de ciblage de l’inflation. L’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie était imprévisible, et nous avons mal évalué la vigueur et la persistance de l’inflation en 2021 et au début de 2022. Mais quand il est devenu clair que l’inflation élevée n’était pas temporaire, le régime a guidé notre réponse, et nous avons relevé le taux directeur de façon marquée pour faire baisser l’inflation. L’ajustement a été pénible pour beaucoup de gens, mais à l’été 2024, l’inflation est revenue à 2 %. Et nous y sommes arrivés sans provoquer de récession ni de pertes d’emplois importantes.

La crédibilité de notre cible de 2 % était à la base de ce succès. Au Canada, bien que les attentes d’inflation à court terme aient augmenté temporairement quand la crise de l’inflation a éclaté, les attentes à long terme, elles, sont restées ancrées. Après que nous avons commencé à relever les taux d’intérêt et que l’inflation a commencé à ralentir, les attentes à court terme se sont normalisées. Nous avons dit aux Canadiennes et Canadiens que nos mesures réduiraient l’inflation, après quoi elle a effectivement commencé à diminuer. Cela a renforcé la crédibilité de notre cible et facilité le retour de l’inflation à 2 %.

La situation au Mexique a été semblable. Je tiens d’ailleurs à féliciter la Banque du Mexique d’avoir relevé ses taux d’intérêt avant la Banque du Canada et beaucoup d’autres banques centrales. Votre réaction rapide et décisive a rendu votre économie résiliente face aux pressions de l’inflation élevée, et a fait que les attentes d’inflation à long terme sont demeurées ancrées. Vos mesures ont renforcé la crédibilité de votre cible.

Ce que je veux dire, c’est que le succès ne consiste pas seulement à maintenir l’inflation à la cible. Il dépend aussi des résultats produits par le cadre lors de chocs importants, comme une pandémie mondiale.

Plus de changements structurels et d’incertitude

Tout ça nous ramène à aujourd’hui. Le monde change.

Les forces structurelles qu’étaient la paix, la mondialisation et la démographie favorable font place à des forces contraires, et le monde semble de plus en plus enclin aux chocs. La dette souveraine élevée, le ralentissement de la croissance économique et le faible niveau de productivité rendent aussi nos économies plus vulnérables. L’accentuation des risques géopolitiques et la fréquence accrue des phénomènes climatiques aggravent ces vulnérabilités. De plus, il faut s’attendre à ce que les nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle, perturbent les industries actuelles et en fassent émerger de nouvelles.

En plus de ces changements structurels, les règles du commerce mondial sont en train d’être réécrites. Les nouveaux droits de douane élevés appliqués par l’administration américaine et l’imprévisibilité de ses politiques ont réduit l’efficience économique et accru l’incertitude. En tant que principaux partenaires commerciaux des États-Unis, le Mexique et le Canada sont particulièrement touchés. Comme les entreprises de nos deux pays cherchent de nouveaux fournisseurs et tentent de se tailler une place sur de nouveaux marchés, les chaînes d’approvisionnement transfrontalières sont en pleine transformation.

Les obstacles qui limitent l’offre pourraient accentuer les pressions haussières sur l’inflation dans l’avenir. Et des chocs d’offre plus fréquents pourraient se traduire par plus de variabilité de l’inflation.

Malheureusement, la politique monétaire ne peut pas neutraliser l’incidence économique des changements structurels à venir. Elle ne peut pas non plus compenser la perte d’efficience due aux droits de douane plus élevés et à la réorganisation du commerce. Et nous ne pouvons pas réduire l’incertitude causée par les politiques d’autres pays ou par des chocs qui sont hors de notre contrôle.

Mais ce que nous pouvons faire, c’est nous efforcer de mieux comprendre ces chocs d’offre et leurs répercussions sur nos économies. Nous pouvons aussi adapter nos analyses, nos processus décisionnels et nos communications pour faire face à l’incertitude élevée. Ce que nous ne pouvons pas faire, c’est laisser la volatilité accrue et la forte incertitude économique semer le doute sur notre engagement à maintenir la stabilité des prix. Je vous explique.

Améliorer l’information et les modèles liés à l’offre

À la Banque du Canada, nous avons augmenté notre utilisation de données non traditionnelles et d’enquêtes pour mieux comprendre comment les entreprises et les consommateurs s’adaptent aux changements structurels et aux réorientations des politiques américaines. Nous avons aussi accru nos activités de rayonnement partout au Canada. Mes collègues du Conseil de direction et moi-même nous rendons régulièrement dans différentes régions du pays pour rencontrer des leaders communautaires et du milieu des affaires. Nous pouvons ainsi voir directement quelle incidence les perturbations économiques ont sur les gens et sur les décisions des entreprises. Cela nous permet de prendre des décisions de politique monétaire plus éclairées.

Nous investissons aussi dans de nouveaux modèles économiques qui rendent compte de ce qui se passe dans des secteurs particuliers de l’économie, et aussi de l’interconnectivité entre les secteurs. Nous élaborons ces nouveaux modèles parce que nos modèles existants se sont avérés mal adaptés au choc de la COVID‑19. En effet, comme ils étaient axés sur l’économie en général, qui affichait une offre excédentaire durant cette période, ils n’ont donc pas permis de bien cerner les conséquences inflationnistes des goulots d’étranglement et des pénuries dans certains secteurs.

Les événements récents – marqués entre autres par des tensions géopolitiques et l’imposition de droits de douane américains – n’a fait que renforcer le besoin de modèles qui peuvent nous aider à évaluer l’incidence des perturbations sectorielles sur l’ensemble de l’économie et leurs conséquences pour la politique monétaire.

Gérer l’incertitude dans un monde imprévisible

De meilleures informations et analyses peuvent réduire l’incertitude, mais elles ne compenseront pas l’imprévisibilité fondamentale d’un monde plus sujet aux chocs. Si nous ne pouvons pas éviter l’incertitude, nous devons l’accepter et la gérer du mieux que nous pouvons.

Face à une incertitude élevée, les prévisions ponctuelles de l’évolution de l’économie et de l’inflation deviennent des guides moins utiles. Ça veut dire deux choses. Premièrement, lorsque les perspectives sont brouillées, nous accordons naturellement plus de poids que d’habitude aux données récentes, jusqu’à ce que nous ayons une meilleure idée de la façon dont l’économie réagit aux nouveaux chocs. Deuxièmement, nous accordons moins d’importance à la projection de référence et davantage d’importance aux risques. C’est là que les scénarios peuvent être utiles. Ils nous permettent d’analyser comment l’économie pourrait évoluer en fonction de différentes hypothèses sur les principaux facteurs inconnus. Chacune de ces hypothèses peut impliquer différents effets économiques, ce qui nous permet d’examiner comment la politique monétaire pourrait répondre à chaque situation. Cela nous aide à comprendre dans quelle mesure nos décisions de politique monétaire produiront les effets voulus si la situation évolue différemment de nos attentes.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Pour nos dernières décisions de taux d’intérêt à la Banque du Canada, nous avons utilisé des scénarios au lieu des prévisions habituelles parce que la politique commerciale des États-Unis était tout simplement trop imprévisible. En avril, nous avons examiné deux scénarios : l’un avec des droits de douane américains élevés et des mesures de rétorsion partout dans le monde, et l’autre avec des droits de douane modestes et peu de représailles. En juillet, nous avons examiné trois scénarios : un scénario basé sur les droits de douane en place ou convenus à la fin du mois, un scénario de droits de douane beaucoup plus élevés et un scénario de droits de douane plus bas5. Ceux-ci nous ont permis de prendre une décision de politique monétaire adaptée à un éventail d’issues économiques possibles. Ils ont aussi mis en relief l’importance pour l’économie canadienne des relations commerciales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Améliorer notre prise de décisions et nos communications

Nous avons aussi adapté notre gouvernance et nos communications. Dans un monde où les chocs d’offre sont plus nombreux, nous sommes confrontés à des choix plus difficiles : nous ne pouvons pas stabiliser l’inflation et la production en même temps. Et quand l’incertitude est plus grande, il est plus probable que nous commettions des erreurs. Les choix difficiles et l’incertitude augmentent le risque de déception, de frustration et de critiques de la part de la population. C’est pourquoi il est important que les banques centrales restent indépendantes de l’appareil politique. Mais nous ne pouvons pas nous cacher derrière notre indépendance. Nous devons nous appuyer sur une diversité de points de vue et faire preuve de transparence et d’imputabilité dans tout ce que nous faisons.

À la Banque du Canada, nous avons ajouté une sous-gouverneure et un sous-gouverneur externes à notre Conseil de direction. Nous avons aussi amélioré la transparence en tenant une conférence de presse après chaque annonce du taux directeur, en publiant un résumé écrit de nos délibérations concernant la politique monétaire et en renforçant notre présence dans les médias. 

La forte progression des prix de 2022 nous a rappelé que, même si l’inflation a été basse et stable pendant des années avant la pandémie, les banques centrales ne peuvent pas tenir la confiance du public pour acquise. Nous devons constamment mériter cette confiance en énonçant clairement nos objectifs, en rendant compte de nos actions et en faisant preuve d’humilité face à l’incertitude.

Un cadre adapté à nos objectifs

Au Canada, nous ciblons l’inflation depuis presque 35 ans. Tous les cinq ans, nous examinons et renouvelons notre cadre de politique monétaire avec le gouvernement fédéral. Ces examens sont une force de notre système. Ils nous donnent l’occasion d’évaluer les résultats obtenus et de déterminer si notre cadre actuel reste le meilleur pour l’avenir.

Notre dernier renouvellement remonte à 2021, donc le prochain aura lieu en 2026. En guise de préparation, nous avons examiné de près les mesures que nous avons prises face à l’urgence pandémique, en particulier les mesures exceptionnelles6. Il est important de tirer des leçons de la pandémie afin de nous préparer aux crises futures. Pour l’examen de notre cadre, nous nous penchons sur trois groupes de questions.

Premièrement, quelles sont les implications d’un monde plus sujet aux chocs d’offre pour l’inflation et l’économie? Comment la politique monétaire devrait-elle réagir? Quand devrions-nous faire abstraction des chocs d’offre, et quand devrions-nous les contrer ou même nous y adapter? Notre réaction devrait-elle dépendre de l’ampleur et de la persistance du choc, ou encore de la conjoncture économique? Bref, comment pouvons-nous tirer le meilleur parti de la flexibilité du cadre face aux chocs d’offre?

Deuxièmement, vu l’augmentation du nombre de chocs d’offre et de la volatilité de l’inflation, quel est la meilleure façon de mesurer l’inflation fondamentale? À la Banque du Canada, nous avons utilisé diverses mesures de l’inflation fondamentale au cours des dernières décennies. En pratique, nous utilisons souvent un éventail encore plus large d’indicateurs pour évaluer l’inflation sous-jacente. Quelle est la meilleure approche à adopter pour l’avenir – restrictive ou élargie – et quels sont les meilleurs indicateurs?

Le troisième groupe de questions porte sur l’interaction entre la politique monétaire, l’abordabilité des logements et l’inflation. Beaucoup de Canadiennes et Canadiens ont du mal à trouver un logement abordable, un problème qui touche bien d’autres pays, y compris le Mexique. La politique monétaire ne peut pas accroître directement l’offre de logements – c’est un enjeu qui relève des gouvernements élus. Mais, par l’intermédiaire des taux d’intérêt, la politique monétaire a un effet direct sur la demande de logements. Et le logement est une composante importante de l’indice canadien des prix à la consommation, ce qui veut dire que les coûts d’habitation influent sur l’inflation. Par conséquent, il convient d’examiner les effets de la politique monétaire sur la dynamique du secteur du logement, et quelle est la meilleure façon de prendre en compte l’abordabilité des logements dans notre objectif de la stabilité globale des prix.

Comme je l’ai dit au début, il y a une question clé que nous ne nous poserons pas cette fois-ci. Au cours de nos examens depuis 1995, nous nous sommes demandé à plusieurs reprises si la cible de 2 % était la bonne, ou si elle devrait être plus basse ou plus élevée. Nous avons aussi évalué des solutions de rechange au ciblage de l’inflation, notamment le ciblage du niveau des prix et le ciblage du produit intérieur brut nominal. Chaque fois, nous avons conclu que le ciblage de l’inflation avec une cible de 2 % est le cadre approprié pour nous.

L’expérience acquise depuis le dernier renouvellement en 2021 n’a fait que renforcer cette conclusion. La flambée de l’inflation en 2022 nous a rappelé à quel point la population canadienne n’aime pas l’inflation élevée. Nous savons aussi que les Canadiennes et Canadiens comprennent et appuient généralement la cible de 2 %. Cette familiarité a contribué à ancrer les attentes d’inflation de manière durable, y compris durant la crise pandémique. 

Bref, la cible de 2 % a été efficace pour stabiliser les prix au fil du temps. Comme le monde est plus incertain et imprévisible, ce n’est pas le moment de la remettre en question.

Conclusion

C’est maintenant le temps de conclure.

Le ciblage de l’inflation a bien fonctionné pour les banques centrales au cours des dernières décennies. Il a été mis à l’épreuve par la crise financière mondiale, la pandémie et la poussée d’inflation qui a suivi celle-ci. Contrairement aux cadres de politique monétaire précédents, le ciblage de l’inflation s’est avéré durable – un cadre adapté à toutes les situations. Alors que la Banque du Mexique entame son deuxième siècle d’existence, cela mérite d’être célébré.

Les banques centrales donnent le meilleur d’elles-mêmes lorsqu’elles apprennent du passé et se préparent pour l’avenir. Pour être prêtes à faire face à plus de changements structurels et de volatilité, elles doivent réduire l’incertitude lorsqu’elles le peuvent, et à tout le moins la gérer, ce qui nécessite de meilleures informations et des modèles plus riches. Cela signifie qu’elles doivent accorder plus de poids aux risques et envisager une politique monétaire adaptée à différentes issues. Elles doivent aussi être ouvertes, responsables et libres de toute influence politique. C’est de cette manière que nous pouvons gagner et conserver la confiance des personnes que nous servons. Nous devons mériter cette confiance chaque jour.  

La Banque du Canada et la Banque du Mexique travaillent ensemble depuis longtemps, et votre expertise a souvent été une ressource inestimable pour nous. Je suis honoré d’être ici aujourd’hui pour célébrer ce moment marquant avec vous. Votre centenaire témoigne de la riche histoire des banques centrales du monde entier. S’il y a un message que j’aimerais que vous reteniez, c’est que dans un monde plus incertain, la confiance de la population dans les banques centrales et dans notre capacité à assurer la stabilité des prix est plus importante que jamais. Merci.

J’aimerais remercier Jing Yang, Oleksiy Kryvtsov et Louis Poirier pour leur aide dans la préparation de ce discours. 

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26 août 2025

Le ciblage de l’inflation : un cadre actuel et adapté pour l’avenir

Sommaire du discours Tiff Macklem Séminaire du 100ᵉ anniversaire de la Banque du Mexique Mexico (Mexique)
Le gouverneur Tiff Macklem explique comment le ciblage de l’inflation est devenu une stratégie de premier plan des banques centrales pour maintenir la stabilité des prix. Il parle également des changements structurels à venir, des transformations du commerce international et de la façon de nous assurer que la politique monétaire est adaptée à l’avenir.
  1. 1. Le régime flexible de ciblage de l’inflation est un cadre de politique monétaire auquel les banques centrales ont recours pour maîtriser l’inflation et qui leur permet de tenir compte d’autres objectifs économiques, comme la stabilité de la production. Bien que ce régime soit axé sur une cible d’inflation, sa flexibilité implique que la politique monétaire peut réagir aux chocs économiques temporaires et aplanir les fluctuations en vue de stabiliser l’économie en général.[]
  2. 2. M. Friedman, Inflation: Causes and Consequences (New York : Asia Publishing House, 1963).[]
  3. 3. Voir Chambre des communes du Canada, Procès-verbaux et témoignages du Comité permanent des finances, du commerce et des questions économiques (32e législature, 1re session, volume 1, 1983).[]
  4. 4. Avec une monnaie flottante, une banque centrale peut se concentrer sur la maîtrise de l’inflation plutôt que sur le maintien d’un taux de change fixe. Dans bien des cas, un taux de change flottant aide aussi l’économie à absorber les chocs et à s’y adapter.[]
  5. 5. Voir Banque du Canada, Rapport sur la politique monétaire (avril 2025) et Banque du Canada, Rapport sur la politique monétaire (juillet 2025).[]
  6. 6. Voir Banque du Canada, Examen des mesures exceptionnelles prises par la Banque du Canada durant la pandémie : Sommaire (janvier 2025).[]