Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la  décision de politique monétaire annoncée le 30 juillet 2025.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 22 juillet 2025. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent, le sous-gouverneur Rhys Mendes et la sous-gouverneure Michelle Alexopoulos y ont participé.

Économie internationale

Les membres du Conseil ont ouvert leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale. Comme en juin, les discussions ont avant tout porté sur les droits de douane et les négociations commerciales en cours entre les États-Unis et d’autres pays. D’importants accords commerciaux avaient été annoncés, notamment avec le Japon et l’Union européenne, et le risque d’une guerre commerciale prolongée et qui s’envenime à l’échelle mondiale avait diminué. Même si l’incertitude était encore très élevée, il était clair que les États-Unis n’étaient plus disposés à faire du commerce libre et ouvert. Les membres ont discuté des implications de ce changement pour la croissance économique à l’avenir, les échanges se réorganisant et les entreprises s’adaptant à de nouvelles relations commerciales.

Les membres ont convenu que, jusque-là, l’économie mondiale avait mieux résisté que prévu aux turbulences commerciales. Les données disponibles au moment des délibérations indiquaient que, aux États-Unis, la demande intérieure était soutenue par un marché du travail solide, des investissements liés à l’intelligence artificielle et une reprise des marchés boursiers. Cependant, la croissance américaine s’était modérée – les dépenses des ménages ayant été freinées par la baisse de confiance due à la plus grande incertitude entourant la politique commerciale. La croissance de la Chine avait aussi ralenti, même si la hausse des exportations vers d’autres pays compensait la baisse de celles vers les États-Unis. Dans la zone euro, la croissance s’était affaiblie, sous l’effet d’une plus lente progression de la demande intérieure.

Le Conseil a discuté des conditions financières récentes, qui s’étaient fortement redressées depuis l’épisode de turbulence d’avril. Les membres ont noté que les prix des actions et d’autres actifs risqués étaient revenus aux niveaux observés au début de l’année, ce qui semblait cadrer avec les évaluations des marchés selon lesquelles les droits de douane et leur incidence seraient moins élevés que prévu. Les rendements des obligations d’État à long terme étaient également en hausse dans de nombreux pays en raison des fortes émissions de titres d’État, en cours et escomptées, et des attentes révisées quant au degré de détente monétaire. Le dollar canadien s’était apprécié par rapport au dollar américain, mais s’était déprécié comparativement à d’autres monnaies.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

L’économie canadienne semblait s’être contractée au deuxième trimestre de 2025, après avoir affiché une robuste progression au premier trimestre. Les exportations et les stocks avaient fortement contribué à la croissance au premier trimestre, les entreprises s’étant empressées d’expédier ou de recevoir des biens avant l’imposition des droits de douane. Une grande partie de ce devancement de l’activité s’était inversée au deuxième trimestre, ce qui avait provoqué une chute marquée des exportations. La consommation globale et les dépenses publiques semblaient avoir augmenté, tandis que les investissements des entreprises et l’investissement résidentiel semblaient avoir diminué. L’affaiblissement de l’activité avait entraîné une hausse de l’offre excédentaire dans l’économie.

Le Conseil a discuté de la durée possible des effets de l’incertitude sur les investissements et la consommation. Les membres ont convenu que, jusqu’à ce moment, l’économie canadienne dans son ensemble avait montré une certaine résilience. La confiance des entreprises et des consommateurs s’était quelque peu améliorée selon les dernières enquêtes, bien qu’elle soit restée faible.

Le Conseil a convenu que les conditions du marché du travail étaient encore détendues. Les pertes d’emploi étaient concentrées dans les secteurs tributaires du commerce international. Dans le reste de l’économie, l’emploi avait continué de croître. Même si la croissance de l’emploi s’était redressée en juin, le taux de chômage était alors de 6,9 % et, pour certains groupes comme les jeunes, il était nettement plus élevé depuis le début de l’année. Des membres ont dit craindre de nouvelles hausses du taux de chômage et les contrecoups que les ménages pourraient subir si le conflit commercial s’intensifiait ou si ses effets se propageaient dans l’économie de façon plus générale.

Le Conseil avait convenu de ne pas présenter la prévision habituelle de croissance et d’inflation dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) de juillet, afin de refléter le niveau élevé d’incertitude entourant la politique commerciale des États-Unis : les droits de douane et les contre-mesures qui seront imposés, la durée des droits de douane et l’issue des négociations commerciales. Le RPM a plutôt présenté trois scénarios :

  • Le scénario de maintien des droits de douane décrit l’évolution de la croissance et de l’inflation si les niveaux des droits de douane en vigueur ou convenus au 27 juillet devaient rester en place et que les accords commerciaux annoncés récemment devaient se concrétiser. Dans ce scénario, la croissance économique reprend au troisième trimestre et l’inflation reste autour de 2 %.
  • Le scénario de désescalade des droits de douane explore les implications d’une baisse des droits de douane américains et de la réduction ou du retrait des contre-mesures tarifaires. Dans ce scénario, la croissance rebondit et l’inflation est sous 2 %.
  • Le scénario d’escalade des droits de douane examine les implications d’une hausse importante des droits de douane. Dans ce scénario, l’économie entre en récession et l’inflation monte pour atteindre environ 2½ % l’an prochain.

Le Conseil a convenu que ces trois scénarios englobent un large éventail d’issues possibles. Des membres ont aussi envisagé une deuxième couche d’incertitude liée au commerce : la manière dont les ménages, les entreprises et les gouvernements vont réagir et s’adapter aux droits de douane.

Une grande partie des délibérations a porté sur différents indicateurs des pressions inflationnistes et la trajectoire de l’inflation globale. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était de 1,9 % en juin, tirée vers le bas par le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs en avril (l’effet de cette suppression continuera de se refléter dans les données de l’IPC jusqu’en mars 2026). L’inflation mesurée par l’IPC hors impôts indirects était quant à elle passée d’environ 2 % dans la deuxième moitié de 2024 à 2,5 % en juin 2025. Elle était maintenue à ce niveau du fait de la croissance marquée des prix des services liés au logement. L’inflation hors impôts indirects avait augmenté progressivement, sous l’effet de la hausse des prix des biens non énergétiques attribuable en partie à des facteurs temporaires comme la dépréciation passée du dollar canadien. Cette hausse des prix des biens non énergétiques avait plus que compensé le ralentissement continu de la croissance des prix des services liés au logement.

En se basant sur une gamme d’indicateurs, les membres ont estimé que l’inflation sous-jacente était passée d’environ 2 % durant la seconde moitié de 2024 à autour de 2½ % récemment. Les mesures de l’inflation fondamentale se situaient entre 2,5 et 3,0 % en juin. La distribution des taux d’inflation au sein des composantes de l’IPC tendait plutôt vers le haut, un plus grand nombre de composantes affichant des taux supérieurs à 3 %, et un plus petit nombre des taux inférieurs à 1 %.

Les enquêtes menées par la Banque depuis avril indiquaient que les attentes d’inflation des entreprises avaient un peu diminué après avoir augmenté au premier trimestre, alors que celles des consommateurs n’avaient pas baissé.

Le Conseil a discuté des perspectives d’inflation. Il a indiqué que l’incidence des droits de douane sur les prix à la consommation semblait modeste jusque-là. Les membres ont également noté que les augmentations des salaires et des coûts unitaires de main-d’œuvre avaient continué de ralentir, et que la récente appréciation du dollar canadien avait fait baisser les prix des importations. Rien n’indiquait un désancrage des attentes d’inflation. De plus, aucun des trois scénarios tarifaires ne laissait entrevoir une forte hausse de l’inflation.

Les membres ont aussi examiné la possibilité que la récente vigueur de l’augmentation des prix des biens non énergétiques persiste. L’incidence directe des hausses de coûts attribuables aux droits de douane et aux contre-mesures tarifaires sur les prix à la consommation commençait à peine à se manifester dans les données. Et les coûts supplémentaires que doivent assumer les entreprises pour trouver d’autres fournisseurs et se tailler une place sur de nouveaux marchés pourraient venir ajouter aux pressions à la hausse sur les prix à la consommation. De façon plus générale, la réorganisation fondamentale du commerce mondial pourrait avoir des effets inflationnistes pendant un certain temps.

Les membres étaient d’accord pour dire que le degré de vigueur de l’inflation sous-jacente était une considération importante dans la décision de politique monétaire.

Considérations pour la politique monétaire

Au moment d’évaluer l’orientation actuelle et la trajectoire de la politique monétaire, le Conseil a discuté des risques et des incertitudes pesant sur l’économie canadienne.

La politique commerciale américaine s’était quelque peu concrétisée dans les semaines qui ont précédé les délibérations. Toutefois, les taux des droits de douane américains avaient fortement augmenté depuis l’arrivée au pouvoir du président Trump, et l’incertitude entourant le commerce semblait susceptible de se prolonger. Quant aux accords qui avaient été conclus, leurs détails n’avaient pas encore été établis de façon définitive et leur durabilité n’était pas assurée. En outre, des menaces de nouveaux droits de douane propres à certains produits planaient toujours. Au moment des délibérations, un accord commercial entre le Canada et les États-Unis était toujours en cours de négociation. Les membres du Conseil ont convenu que les trois scénarios présentés dans le RPM constituaient un cadre utile pour évaluer les effets de différentes hypothèses tarifaires sur l’économie canadienne.

Les trois scénarios présentaient un éventail d’issues pour la croissance économique au Canada. Dans chacun d’eux, l’inflation se maintient dans la fourchette, et l’inflation globale culmine autour de 2½ % dans le scénario d’escalade des droits de douane. Cela a quelque peu rassuré le Conseil quant au fait que les pressions sur les prix seraient contenues. Les membres croyaient cependant que les risques concernant l’inflation étaient élevés compte tenu des pressions évidentes sur l’inflation sous-jacente et de l’incertitude entourant les effets possibles des droits de douane et des perturbations commerciales sur l’économie canadienne au fil du temps.

La deuxième couche d’incertitude, à savoir la façon dont les ménages, les entreprises et les gouvernements réagiront et s’adapteront aux droits de douane, a suscité beaucoup de discussions au sein du Conseil. Les membres ont examiné l’évolution des quatre principaux indicateurs sur leur radar.

Premièrement, les données sur les exportations des derniers mois montraient clairement une baisse marquée. Cette baisse reflétait tant le ralentissement qui a suivi le devancement de l’activité commerciale au cours des mois précédents que la diminution de la demande américaine pour les exportations canadiennes en raison des droits de douane. Dans le scénario de maintien des droits de douane, les exportations se stabilisent durant la deuxième moitié de l’année. Elles progressent à nouveau en 2026, mais en suivant une trajectoire de croissance plus faible que celle d’avant les mesures tarifaires. La forme d’un futur accord commercial entre le Canada et les États-Unis déterminerait dans quelle mesure la demande d’exportations canadiennes serait touchée. Plus précisément, de nouveaux droits de douane sectoriels pourraient être imposés, ce qui réduirait les exportations canadiennes et ferait augmenter encore plus les coûts.

Deuxièmement, les membres ont convenu que la baisse de la demande d’exportations avait eu des effets limités à ce stade sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages. Les membres ont noté que la confiance des consommateurs, bien qu’encore faible, s’était améliorée et pesait moins sur la consommation et sur l’activité dans le secteur du logement. Le Conseil a aussi discuté de la mesure dans laquelle les dépenses de tous les ordres de gouvernement pourraient partiellement compenser la faiblesse des secteurs touchés par les droits de douane.

Troisièmement, les membres ont convenu qu’il était trop tôt pour dire dans quelle mesure et à quelle vitesse les hausses de coûts découlant des droits de douane et des perturbations commerciales seraient répercutées sur les prix à la consommation. Les membres ont reconnu que ces coûts sont difficiles à évaluer et pourraient venir ajouter aux pressions à la hausse sur les prix à la consommation au fil du temps. Il faudra continuer d’évaluer si ces pressions haussières pourront être contrebalancées par les pressions baissières découlant du ralentissement de la croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre et de l’offre excédentaire dans l’économie.

Quatrièmement, les membres ont noté que les données d’enquête récentes sur les attentes d’inflation montraient que les attentes à long terme des consommateurs et des entreprises étaient bien ancrées. Cela dit, vu l’incertitude entourant le degré d’augmentation des coûts et la transmission future aux prix à la consommation, les membres étaient d’accord pour continuer à surveiller de près l’évolution des attentes d’inflation.

Dans l’ensemble, le Conseil a convenu qu’il était encore trop tôt pour évaluer l’incidence des droits de douane et de la réorganisation du commerce sur l’activité économique et l’inflation au Canada.

Compte tenu de tout cela, le Conseil s’est penché sur le rôle approprié de la politique monétaire dans le contexte d’un choc qui touche à la fois l’offre et la demande. Les membres ont convenu que les mesures commerciales prises par les États-Unis constituent un choc structurel pour les économies mondiale et canadienne. La politique monétaire permet de maîtriser l’inflation en influant sur la demande et n’est pas bien adaptée aux chocs qui font monter les prix en raison d’une baisse de l’offre globale. Ainsi, il y avait différents avis sur ce que la politique monétaire pourrait faire pour soutenir l’économie pendant cette période de bouleversements.

Une partie des membres était d’avis qu’après avoir ramené le taux directeur au milieu de la fourchette estimée du taux d’intérêt neutre, et vu que l’économie montrait une certaine résilience face aux droits de douane américains, la Banque avait peut-être déjà fourni assez de soutien pour faciliter cette période de transition. Les entreprises et les consommateurs étaient en train de s’adapter, et la croissance des secteurs de l’économie moins touchés par les mesures commerciales américaines pourrait favoriser l’économie dans son ensemble, mais le niveau d’activité suivrait une trajectoire plus faible. Comme la politique monétaire agit avec un décalage, les effets d’un assouplissement supplémentaire risqueraient de se faire sentir seulement au moment où la demande se redresserait, ce qui pourrait accentuer les pressions sur les prix.

D’autres membres ont souligné que des mesures de soutien monétaire supplémentaires seraient probablement nécessaires compte tenu de l’ampleur et de la persistance estimées des capacités excédentaires dans l’économie, surtout si le marché du travail continuait de se tempérer. Si les nouvelles données montraient que les risques à la hausse pesant sur l’inflation sous-jacente ne se concrétisaient pas, la Banque aurait plus de latitude pour assouplir davantage la politique monétaire, ce qui réduirait les capacités excédentaires au sein de l’économie et aiderait cette dernière à s’ajuster à la réorganisation du commerce mondial.

Étant donné l’incertitude entourant, d’une part, les estimations de la capacité excédentaire et de l’inflation sous-jacente et, d’autre part, la façon dont les ménages, les entreprises et les gouvernements s’adapteront aux droits de douane, les membres étaient d’accord pour dire qu’il était nécessaire d’attendre plus de précisions avant de tirer des conclusions définitives. Les membres ont convenu qu’il était important de souligner qu’en raison du degré inhabituel d’incertitude, il fallait porter leur attention sur un horizon plus court que d’ordinaire lors des délibérations sur la politique monétaire.

Enfin, en ce qui concerne les opérations relatives à la politique monétaire, les membres ont noté que les soldes de règlement avaient continué de baisser. Cela n’avait pas créé de pressions soutenues sur le taux des opérations de pension à un jour (taux CORRA). Comme annoncé précédemment, les opérations de prise en pension à plus d’un jour étaient en train d’augmenter et les soldes de règlement étaient en voie de s’établir dans une fourchette d’environ 50 à 70 milliards de dollars.

Décision de politique monétaire

Les membres ont discuté de l’orientation appropriée à donner à la politique monétaire, compte tenu des risques et des incertitudes pesant sur l’économie et l’inflation. Deux options ont fait l’objet de discussions : maintenir le taux directeur à 2,75 % ou l’abaisser de 25 points de base.

Les délibérations ont porté sur trois grands facteurs. Premièrement, le degré d’incertitude entourant la politique commerciale américaine demeurait élevé. Deuxièmement, malgré une contraction attendue de l’activité économique au deuxième trimestre en raison de la baisse des exportations qui a suivi leur devancement, l’économie canadienne faisait jusque-là preuve d’une certaine résilience. Troisièmement, des pressions inflationnistes sous-jacentes subsistaient, et des risques découlant des perturbations commerciales et des droits de douane continuaient de peser sur l’inflation.

À la lumière de ces facteurs, le Conseil a décidé de maintenir le taux directeur à 2,75 %.

Les membres ont aussi discuté de la trajectoire future des taux d’intérêt. Lors de la réunion précédente, les membres étaient d’accord pour dire que si l’affaiblissement de l’économie faisait peser des pressions à la baisse supplémentaires sur l’inflation et que les pressions à la hausse sur les prix dues aux perturbations commerciales étaient contenues, une réduction du taux directeur pourrait être nécessaire. Les membres ont convenu de l’importance de réitérer ce point de vue dans leurs communications à l’occasion de cette décision.

Vu l’assombrissement des perspectives, les membres du Conseil ont convenu de procéder avec prudence, en portant une attention particulière aux risques.

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