Le sous-gouverneur externe Nicolas Vincent parle de la productivité qui laisse à désirer depuis longtemps au Canada, de ce qui peut être fait pour renverser la tendance et des retombées positives que ça aurait pour tout le monde si nous y arrivions.
Le sous-gouverneur externe Nicolas Vincent s’adresse à l'Association des économistes québécois (ASDEQ) et CFA Québec. Lisez le discours complet.
Qu’est-ce que la productivité et pourquoi c’est important
La faible croissance de la productivité au Canada retient beaucoup l’attention ces temps-ci. Il y a de bonnes raisons pour ça.
Elle rend notre économie vulnérable à des perturbations majeures, comme le conflit commercial avec les États-Unis. Une plus forte productivité viendrait nous protéger contre de tels chocs et nous donner l’élan pour saisir les opportunités dans un monde en profond changement.
Une productivité élevée, c’est un peu comme avoir un bon système immunitaire qui stimule la résilience de notre économie. Contrairement à ce que bien des gens pensent, être productif, ça ne veut pas dire travailler plus longtemps et plus fort. Ça veut plutôt dire faire plus avec ce qu’on a déjà – produire mieux.
Ça fait 25 ans que la productivité est faible au Canada. Nous sommes moins productifs que d’autres grandes économies, et cet écart s’est creusé depuis l’an 2000, surtout avec les États-Unis.
Une amélioration de la productivité nous permettrait de gagner plus d’argent tout en maintenant l’inflation à un niveau bas. Si notre croissance de la productivité depuis l’an 2000 avait été similaire à celle des autres pays du G7, notre PIB serait aujourd’hui environ 9 % plus élevé, ce qui correspond à presque 7 000 $ par habitant.
Au fond, le problème d’abordabilité au Canada est un problème de productivité… Si nous voulons rendre la vie plus abordable, il faut augmenter nos revenus. Et pour augmenter nos revenus, il faut accroître notre productivité. »
Coincés dans un cercle vicieux
Pourquoi c’est si difficile de régler le problème? Il faut se le dire : le Canada est coincé dans un cercle vicieux.
À cause des faibles investissements des entreprises depuis des années, la productivité au Canada est moins élevée qu’elle pourrait l’être. Quand la productivité est plus faible, les salaires n’augmentent pas aussi rapidement, alors les dépenses des ménages ralentissent et, avec elles, la demande de biens et de services. Face à une plus faible demande, les entreprises sont moins enclines à investir dans du nouvel équipement ou de nouvelles technologies pour accroître leur productivité. Quand les salaires sont plus bas, c’est aussi plus difficile d’attirer les meilleurs talents.
Tous les facteurs qui contribuent à la faible productivité se renforcent mutuellement, ce qui fait que la productivité s’affaiblit davantage.
C’est l’heure de briser le cercle vicieux.
Renverser la vapeur
Il y a trois principaux leviers à actionner pour transformer le cercle vicieux en un cercle vertueux.
- Inciter les entreprises à investir davantage en simplifiant la réglementation, en mettant à niveau nos infrastructures et en adoptant des politiques qui vont aider les petites entreprises à prendre de l’expansion.
- Favoriser une saine concurrence dans les secteurs qui soutiennent l’économie en général, comme les télécommunications, les transports et les services financiers. Ça va accroître l’efficacité et l’innovation, et se traduire par des prix plus avantageux.
- Investir dans la main-d’œuvre. Soutenir l’éducation, la formation et la reconnaissance des titres de compétences d’une province et d’un territoire à l’autre, ainsi que de l’étranger.
La Banque du Canada n’a pas de rôle direct à jouer pour résoudre le problème de productivité. Notre mandat est de maintenir l’inflation à un niveau bas et stable. Ce faisant, nous créons les conditions nécessaires pour que les entreprises et les gouvernements puissent concentrer leur attention et leurs efforts sur la relance de notre productivité.
Ça ne sera pas facile de renverser la vapeur. Mais le jeu en vaut la chandelle pour améliorer notre niveau de vie dans les années à venir et pour les générations futures.
Même quand l’ampleur de la tâche est indéniable, c’est possible d’aborder un problème systémique avec optimisme. »