Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse
Bonjour. Je suis ravi d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de notre décision de politique monétaire.
Aujourd’hui, le Conseil de direction a maintenu le taux directeur à 2,75 %. Cette décision reflète trois grandes considérations.
Premièrement, l’incertitude au sujet des droits de douane imposés par les États-Unis au Canada est encore élevée. Les discussions entre les deux pays sont en cours et la politique commerciale américaine reste imprévisible.
Deuxièmement, même si les droits de douane américains perturbent le commerce, l’économie canadienne montre une certaine résilience jusqu’à présent.
Troisièmement, l’inflation est près de notre cible de 2 %, mais nous voyons des signes de pressions inflationnistes sous-jacentes.
En plus d’annoncer le taux directeur, la Banque publie aujourd’hui le Rapport sur la politique monétaire (RPM) de juillet. Comme en avril, nous avons décidé de ne pas présenter notre prévision habituelle de croissance et d’inflation. Les droits de douane américains sont encore trop imprévisibles pour que nous puissions fournir une seule prévision pour l’économie canadienne. Nous présentons donc trois scénarios. Le premier, que nous appelons le scénario de maintien des droits de douane, montre comment la croissance et l’inflation pourraient évoluer si les accords commerciaux actuellement en vigueur ou convenus devaient rester en place. Les deux autres scénarios examinent ce qui pourrait se produire en cas d’escalade ou de désescalade des droits de douane actuels. Ces trois scénarios sont conçus pour illustrer l’incertitude entourant la politique commerciale américaine.
Il y a aussi de l’incertitude quant à la façon dont les entreprises et les particuliers au Canada et aux États-Unis vont s’adapter au nouveau contexte commercial. Les hausses des taux des droits de douane effectivement imposés sont inférieures à celles que l’administration américaine avait menacé d’appliquer, mais elles se situent quand même en dehors de ce qu’on a vu dans la période d’après-guerre.
Alors, en plus d’utiliser des scénarios pour nous aider à mener la politique monétaire, nous avons accru nos activités de rayonnement régional pour mieux comprendre l’incidence des droits de douane et de l’incertitude commerciale partout au pays. Et nous ajoutons des questions à nos enquêtes auprès des entreprises et des ménages canadiens.
Je tiens à souligner que l’absence de notre prévision habituelle ne nuit pas à notre capacité de prendre des décisions de politique monétaire. Toutefois, le degré inhabituel d’incertitude signifie que nous devons accorder plus de poids aux risques, faire porter nos analyses sur un horizon plus court que d’ordinaire et être prêts à réagir à de nouveaux renseignements.
Laissez-moi parler plus en détail de ce que nous avons observé depuis juin.
Certains accords tarifaires ont été négociés entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux, ce qui a réduit le risque d’une guerre commerciale grave qui s’envenime à l’échelle internationale. Malheureusement, les droits de douane établis dans ces accords donnent aussi à penser que les États-Unis n’envisagent pas un retour à l’ouverture des échanges.
Jusqu’à présent, les conséquences économiques mondiales de la politique commerciale des États-Unis ont été moins néfastes qu’on le craignait. Les droits de douane américains ont perturbé le commerce dans les grandes économies et cela ralentit l’expansion à l’échelle mondiale, mais moins que de nombreux observateurs s’y attendaient. Même si la croissance américaine semble se modérer, le marché du travail est resté solide. En Chine, la baisse des exportations vers les États-Unis a été en grande partie compensée par une hausse des exportations vers d’autres pays.
Le Canada a affiché une croissance robuste au premier trimestre de 2025, surtout parce que les entreprises ont devancé leurs commandes en anticipation de l’entrée en vigueur des droits de douane. Au deuxième trimestre, l’économie semble s’être contractée, les exportations vers les États-Unis ayant nettement chuté en raison du ralentissement qui a suivi le devancement des achats et des droits de douane qui ont freiné la demande américaine.
La croissance des dépenses des entreprises et des ménages canadiens est freinée par l’incertitude. Et les nouveaux droits de douane américains ont des répercussions profondes sur les secteurs directement touchés. Certains indicateurs portent à croire que l’offre excédentaire dans l’économie s’est accrue depuis janvier.
Néanmoins, l’économie canadienne montre une certaine résilience jusqu’à présent. Des enquêtes donnent à penser que la confiance des consommateurs et des entreprises est encore faible, mais s’est améliorée. Sur le marché du travail, on voit des pertes d’emploi dans les secteurs qui dépendent du commerce avec les États-Unis, mais l’emploi a continué de croître dans le reste de l’économie. Le taux de chômage a légèrement augmenté et atteint 6,9 %.
Dans notre scénario de maintien des droits de douane, la croissance reprend après la contraction du deuxième trimestre. La croissance du PIB est d’environ 1 % durant la seconde moitié de l’année, sous l’effet des exportations qui se stabilisent et des dépenses des ménages qui augmentent graduellement. Le scénario suppose ensuite que la croissance s’accélère encore plus en 2026 et atteint environ 2 % en 2027, mais que le PIB reste durablement sur une trajectoire plus basse en raison des droits de douane.
Pour ce qui est de l’inflation, le retrait de la taxe sur le carbone a tiré vers le bas l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), qui se situe juste en dessous de 2 %. Toutefois, une gamme d’indicateurs portent à croire que l’inflation sous-jacente est passée d’environ 2 % durant la seconde moitié de 2024 à autour de 2½ % plus récemment. Cela témoigne en grande partie d’une hausse des prix des biens non énergétiques. L’augmentation des frais de logement demeure le facteur qui contribue le plus à l’inflation mesurée par l’IPC, mais elle continue de ralentir. Nos enquêtes indiquent que les attentes d’inflation des entreprises sont redescendues après avoir augmenté au premier trimestre, alors que celles des consommateurs n’ont pas baissé.
Le scénario de maintien des droits de douane suppose que les forces qui exercent des pressions à la hausse et à la baisse se contrebalancent. Ces forces sont décrites dans le RPM. Au bout du compte, il y a des raisons de penser que la récente augmentation de l’inflation sous-jacente se dissipera progressivement. Le dollar canadien s’est apprécié, ce qui réduit les coûts d’importation. La croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre s’est modérée et l’économie est en situation d’offre excédentaire. En même temps, les droits de douane imposent de nouveaux coûts directs, qui seront graduellement répercutés sur les consommateurs. Dans le scénario de maintien, les pressions à la hausse et à la baisse se font plus ou moins contrepoids, alors l’inflation reste près de 2 %.
Le portrait est quelque peu différent quand on regarde les autres scénarios. Dans le scénario de désescalade, les droits de douane moins élevés améliorent les perspectives de croissance et réduisent les pressions exercées par les coûts directs sur l’inflation. Dans le scénario d’escalade, les droits de douane plus élevés affaiblissent l’économie et accroissent les pressions des coûts directs.
Il y a aussi de l’incertitude quant à l’incidence des droits de douane. De nombreuses entreprises indiquent qu’elles doivent assumer des coûts pour trouver d’autres fournisseurs et se tailler une place sur de nouveaux marchés. Ces coûts sont difficiles à évaluer et pourraient venir ajouter aux pressions à la hausse sur les prix à la consommation.
Nous suivrons de près les changements touchant les droits de douane et évaluerons des indicateurs de l’inflation sous-jacente.
Lors de cette décision, le consensus était clair : laisser le taux directeur inchangé. Nous avons aussi convenu qu’il faut procéder avec prudence, en portant une attention particulière aux risques et aux incertitudes auxquels l’économie canadienne est confrontée, notamment : dans quelle mesure les droits de douane américains plus élevés font baisser la demande pour les exportations canadiennes; à quel point cela a une incidence sur les investissements des entreprises, l’emploi et les dépenses des ménages; avec quelle ampleur et à quelle vitesse les hausses de coûts découlant des droits de douane et des perturbations commerciales sont répercutées sur les prix à la consommation; et comment évoluent les attentes d’inflation.
Nous continuerons d’analyser l’évolution et la force des pressions sur l’inflation – celles à la baisse dues à l’affaiblissement de l’économie et celles à la hausse découlant de la montée des coûts attribuable aux droits de douane et à la réorganisation du commerce. Si l’affaiblissement de l’économie fait peser des pressions à la baisse supplémentaires sur l’inflation et que les pressions à la hausse sur les prix dues aux perturbations commerciales sont contenues, une réduction du taux directeur pourrait être nécessaire.
Notre priorité est de préserver la confiance des Canadiennes et Canadiens dans la stabilité des prix pendant cette période de bouleversements mondiaux. Nous allons continuer de soutenir la croissance économique tout en veillant à ce que l’inflation reste bien maîtrisée.
Sur ce, la première sous-gouverneure et moi répondrons avec plaisir à vos questions.