Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 29 octobre 2025.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées, présidées par le gouverneur Tiff Macklem, ont débuté le 21 octobre 2025. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent, le sous-gouverneur Rhys Mendes et la sous-gouverneure Michelle Alexopoulos y ont participé.

Économie internationale

Les membres du Conseil ont ouvert leurs délibérations en discutant de l’évolution de l’économie mondiale depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire de juillet. Les conséquences du protectionnisme américain sur les grandes économies du monde étaient devenues plus évidentes. Les flux commerciaux avaient commencé à se réorienter, et l’incertitude commerciale persistante avait pesé sur les investissements dans la plupart des économies avancées. Malgré cela, la croissance mondiale était résiliente, mais on s’attendait à ce qu’elle ralentisse au cours des deux prochaines années.

Aux États-Unis, la croissance économique demeurait forte en dépit des droits de douane plus élevés sur les importations. Selon les membres, une grande partie de cette vigueur était attribuable à l’essor des investissements dans l’intelligence artificielle. Les dépenses de consommation globalement robustes y contribuaient également. La consommation était probablement soutenue par les segments de la population qui avaient tiré profit du dynamisme des marchés boursiers. La croissance de l’emploi avait ralenti, et les droits de douane commençaient à faire monter les prix à la consommation. Les membres s’attendaient à ce que la croissance du produit intérieur brut (PIB) américain, après avoir rebondi au deuxième trimestre de 2025, se modère dans la deuxième moitié de l’année et en 2026.

Dans la zone euro, on s’attendait à ce que la croissance se modère dans la deuxième moitié de 2025 en raison de l’affaiblissement des exportations et du ralentissement de la croissance de la demande intérieure. Il était possible que les dépenses budgétaires consacrées à la défense et aux infrastructures apportent un certain soutien dans l’avenir. En Chine, la croissance était robuste, stimulée par un fort soutien gouvernemental aux ménages et par une hausse des exportations vers des pays autres que les États-Unis, compensant la part perdue des exportations à destination de ce pays. Toutefois, il était attendu qu’une forte baisse des investissements contribue à un léger ralentissement de la croissance au cours des deux prochaines années. Les membres ont souligné que la croissance moins rapide que prévu du PIB chinois pourrait se traduire par une baisse de la demande et des prix pour les matières premières exportées par le Canada.

Les conditions financières mondiales s’étaient encore assouplies depuis la parution du Rapport de juillet, soutenant les dépenses dans de nombreuses économies avancées. Les prix du pétrole se situaient à peu près au même niveau qu’en juillet, malgré une certaine volatilité liée aux événements géopolitiques.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres ont ensuite porté leur attention sur l’évolution récente de l’économie ainsi que sur les perspectives de croissance et d’inflation au Canada. Depuis la parution du Rapport de juillet (qui présentait différents scénarios possibles pour les droits de douane), les conséquences de la politique commerciale américaine sur l’économie canadienne étaient devenues plus claires. Pour le Rapport d’octobre, les membres ont convenu qu’il était approprié de revenir à l’approche habituelle consistant à présenter une prévision de référence, reconnaissant toutefois que la politique commerciale des États-Unis était encore imprévisible.

L’incidence des mesures commerciales américaines sur l’économie canadienne était devenue plus visible dans les derniers mois. Les secteurs visés, comme l’automobile, l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre, avaient été durement touchés, mais le reste de l’économie ressentait également les effets de la demande plus faible des États-Unis pour les biens et services canadiens. L’embauche était faible dans l’ensemble de l’économie, tout comme les investissements des entreprises.

Les dépenses de consommation étaient résilientes. Les mises en chantier et les reventes de logements avaient toutes deux augmenté depuis le printemps, malgré des disparités régionales. Les membres ont noté que la croissance de la consommation par habitant avait été forte au deuxième trimestre. Toutefois, le Conseil s’attendait à ce que son ralentissement, conjugué à celui de la croissance démographique, se traduise par une croissance de la consommation globale modeste dans la deuxième moitié de l’année. De plus, même si les conditions financières accommodantes allaient soutenir les dépenses des ménages dans l’avenir, les gens inquiets pour leur emploi seraient susceptibles de dépenser avec prudence.

Les membres s’entendaient pour dire que le marché du travail était détendu. Les gains d’emplois enregistrés en septembre avaient fait suite à deux mois de pertes substantielles, et le taux de chômage était passé à 7,1 %, contre 6,6 % en janvier et en février. Les membres ont noté que la progression de l’emploi était faible dans l’ensemble de l’économie, mais que le ralentissement de la croissance démographique signifiait qu’un moins grand nombre de nouveaux emplois était nécessaire pour garder le taux d’emploi stable. Les pertes d’emplois observées depuis janvier s’étaient concentrées dans les secteurs liés au commerce extérieur; les entreprises des autres secteurs semblaient maintenir leurs effectifs pour le moment. Néanmoins, les membres ont dit s’inquiéter que la faiblesse du marché du travail persiste et se généralise. Selon les réponses à l’enquête sur les perspectives des entreprises, la plupart des entreprises ne prévoyaient pas augmenter leurs effectifs. De plus, les discussions avec les entreprises lors des visites dans les régions avaient indiqué que si la demande des États-Unis venait à s’affaiblir encore, il pourrait en résulter davantage de pertes d’emplois.

Les membres s’attendaient à ce que la croissance du PIB se redresse après la forte contraction enregistrée au deuxième trimestre, mais qu’elle reste faible dans la deuxième moitié de 2025. Il était attendu que la croissance soit soutenue par la consommation et favorisée par l’activité sur le marché du logement et les dépenses publiques. Selon la projection du Rapport d’octobre, la croissance se raffermirait en 2026, à mesure que les exportations et les investissements des entreprises commenceraient à se redresser, puis atteindrait 1,6 % en 2027. L’offre excédentaire ne se résorberait que lentement au cours de la période de projection.

L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était montée à 2,4 % en septembre, soit un taux supérieur à ce qu’avait anticipé la Banque. L’essentiel de la hausse était attribuable aux prix de l’essence. Abstraction faite des taxes, l’inflation s’était établie à 2,9 %. Le Conseil a examiné un large éventail d’indicateurs de l’inflation sous-jacente. L’IPC-tronq et l’IPC-méd, les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque, s’étaient maintenus autour de 3 % en septembre. Les membres ont souligné que les mesures de l’inflation fondamentale sur trois et six mois indiquaient que l’élan observé plus tôt dans l’année s’était essoufflé, même si ces mesures et d’autres mesures de l’inflation fondamentale demeuraient élevées. En examinant l’ensemble des indicateurs de l’inflation, le Conseil de direction a conclu que l’inflation sous-jacente avoisinait encore 2½ %.

Les membres ont reconnu que l’inflation sur un an serait en dents de scie dans les mois à venir en raison des effets de glissement annuel du congé de TPS/TVH sur certains articles en vigueur de la fin de 2024 jusqu’au début de 2025 et du retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs en avril 2025. Le Conseil ferait abstraction de cette irrégularité et surveillerait les indicateurs de l’inflation sous-jacente pour déceler des signaux révélateurs de la tendance de l’inflation globale. Les membres s’attendaient à ce que la hausse des frais de logement et des prix des biens hors énergie se modère. Il était également attendu que l’offre excédentaire dans l’économie vienne exercer des pressions à la baisse sur l’inflation. Toutefois, cet effet serait compensé par les pressions accrues sur les coûts liées aux droits de douane et à la réorganisation du commerce. Compte tenu de ces forces opposées, le Conseil s’attendait à ce que l’inflation mesurée par l’IPC demeure près de 2 % au cours de la période de projection.

Considérations relatives à la politique monétaire

Les membres ont discuté des implications de l’évolution récente de l’économie pour l’orientation de la politique monétaire. Deux grandes questions ont été abordées :

  1. Dans quelle mesure le Conseil devrait-il adopter une approche plus prospective à l’égard de la politique monétaire, compte tenu de l’incertitude élevée qui persiste?
  2. Quel est le rôle approprié de la politique monétaire durant cette période de changements structurels provoqués par le revirement majeur de la politique commerciale américaine?

Pour ce qui est de la première question, les membres étaient d’accord pour dire que même si l’incertitude entourant la politique commerciale américaine demeurait élevée, après six mois d’expérience avec des droits de douane plus élevés, certaines choses étaient désormais plus évidentes :

  • Les États-Unis avaient adopté le protectionnisme et il était peu probable qu’ils fassent marche arrière. Cela signifiait que les relations commerciales mondiales devraient s’adapter aux droits de douane américains plus élevés. De fait, les flux commerciaux mondiaux avaient commencé à se détourner des États-Unis.
  • Les mesures commerciales américaines avaient de graves répercussions sur certains secteurs ciblés au Canada, notamment l’automobile, l’acier, l’aluminium et le bois d’œuvre. Les exportations vers les États-Unis avaient diminué, tandis que celles vers d’autres marchés étrangers avaient augmenté.
  • Le marché du travail s’était affaibli en raison des mesures commerciales et de l’incertitude entourant les politiques de commerce extérieur.
  • La levée de la plupart des contre-mesures tarifaires du Canada avait réduit les pressions à la hausse sur les prix des importations, mais les entreprises continuaient de faire état de nouveaux coûts découlant de la réorganisation du commerce.

Ces évolutions ont donné au Conseil la confiance qu’il lui fallait pour adopter une perspective à plus long terme. En s’appuyant désormais sur une projection de référence dans le Rapport d’octobre, les membres pourraient évaluer les nouvelles données par rapport à leurs prévisions et équilibrer les risques entourant les perspectives d’inflation à moyen terme. En même temps, les membres étaient d’accord pour dire que l’éventail des risques et des incertitudes était plus large qu’en temps normal. Parmi ceux mentionnés, notons le moment et l’issue des discussions commerciales en cours avec les États-Unis, la révision à venir de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique et la façon dont les changements structurels de l’économie amenés par la réorganisation du commerce allaient se dérouler.

Le Conseil a poursuivi ses discussions des réunions précédentes au sujet du rôle de la politique monétaire en période de changements structurels. Les membres ont exprimé leur point de vue sur la mesure dans laquelle la faiblesse actuelle était due au choc commercial, au débordement des effets subis par les secteurs ciblés sur le reste de l’économie ou à l’incertitude générale. Le consensus était que tous ces facteurs y contribuaient. Même si on s’attendait à ce que la croissance se redresse graduellement, l’économie suivrait indéfiniment une trajectoire plus basse. Il était attendu qu’à la fin de 2026, le niveau du PIB soit environ 1½ % plus bas que ce qui était prévu en janvier 2025. Les membres étaient à l’aise avec l’évaluation présentée dans le Rapport d’octobre, qui attribuait environ la moitié de la baisse à la demande plus faible, et l’autre moitié aux ajustements structurels précipités par le conflit commercial. Toutefois, le Conseil a reconnu que cette évaluation était empreinte d’une grande incertitude.

Les membres ont admis que les ajustements structurels de l’économie pourraient prendre beaucoup de temps. Étant donné que ces ajustements entraîneraient aussi des coûts supplémentaires pour les entreprises du fait de l’ajustement de leurs chaînes d’approvisionnement, de leurs clientèles et de leurs modèles d’affaires, la politique monétaire ne pourrait apporter qu’un soutien limité pour stimuler la demande tout en maintenant l’inflation à un niveau bas. En effet, la politique monétaire ne peut pas cibler des secteurs en particulier ni ouvrir de nouveaux marchés. Toutefois, les membres ont convenu qu’elle pourrait jouer un rôle en atténuant le débordement des effets subis par les secteurs durement touchés sur le reste de l’économie. Elle pourrait aussi donner une certaine impulsion pour faciliter l’ajustement économique, à condition que l’inflation reste bien maîtrisée.

Décision de politique monétaire

Étant d’accord sur le fait que la politique monétaire pouvait apporter un certain soutien à l’économie pendant cette période de changements structurels, les membres ont discuté de l’orientation appropriée à lui donner pour ce faire, à la lumière de leurs perspectives de croissance et d’inflation.

Le Conseil a convenu qu’une nouvelle réduction de 25 points de base serait justifiée en octobre ou lors d’une prochaine décision, anticipant que l’économie serait faible et que l’inflation resterait proche de la cible de 2 %. Le taux directeur se situerait ainsi à la limite inférieure de la fourchette du taux neutre estimée par la Banque, soit du côté de la fourchette où il a un effet expansionniste.

Bien que les membres étaient d’accord pour dire qu’il serait nécessaire de baisser le taux directeur, les avis étaient partagés quant au moment approprié pour le faire.

Attendre une prochaine date d’annonce pour réduire le taux directeur donnerait au Conseil plus d’information sur l’économie, notamment sur l’ampleur de la faiblesse du marché du travail, les pressions sur les coûts des intrants et la persistance récente de l’inflation sous-jacente. Cela lui permettrait également d’en savoir plus sur l’évolution de la politique commerciale des États-Unis et la politique budgétaire du Canada. Toutefois, compte tenu de l’offre excédentaire persistante, de la faiblesse du marché du travail, de la croissance économique timide attendue dans la deuxième moitié de l’année et de la projection voulant que l’inflation reste proche de la cible, les arguments en faveur d’une baisse de taux en octobre ont été jugés plus convaincants. C’est pourquoi le Conseil a finalement décidé, à l’occasion de cette annonce, de réduire de nouveau le taux directeur de 25 points de base pour le faire passer à 2,25 %.

Le Conseil a également reconnu que la politique monétaire était probablement proche de la limite de ce qu’elle pouvait faire pour soutenir l’économie dans les circonstances actuelles. Dans un souci de clarté maximale, les membres étaient d’accord pour communiquer que, selon leurs perspectives, le taux directeur convenu était à leur avis essentiellement au niveau approprié pour garder l’inflation près de 2 % tout en aidant l’économie à traverser cette période d’ajustement structurel. Les membres tenaient à souligner que la justesse de cette évaluation était conditionnelle à ce que l’évolution de l’inflation et de l’activité économique soit généralement conforme à la projection d’octobre.

Les membres ont aussi reconnu que l’incertitude demeurait élevée et que les risques entourant les perspectives étaient plus grands qu’à l’habitude. Le Conseil allait évaluer les nouvelles données par rapport à ses perspectives. Si d’autres informations l’amenaient à conclure que les perspectives avaient changé de façon importante, il était prêt à ajuster le taux directeur.

La priorité du Conseil était de préserver la confiance des Canadiennes et Canadiens dans la stabilité des prix pendant cette période de bouleversements mondiaux.

Sur cette page
Table des matières