Rapport sur la politique monétaire – Octobre 2025 – Économie canadienne
La croissance de l’économie au Canada a ralenti en raison des effets perturbateurs des droits de douane américains et de la baisse de la croissance démographique. Les exportations et les investissements des entreprises ont chuté. Après s’être située à près de 2 % pendant plusieurs mois, l’inflation mesurée par l’IPC s’est établie à 2,4 % en septembre.
Au début du conflit commercial, on s’attendait à ce que les droits de douane réduisent les exportations. On craignait que les répercussions sur le reste de l’économie et l’incertitude accrue ralentiraient la croissance de la demande intérieure privée. On s’attendait à ce que les contre-mesures tarifaires canadiennes, l’augmentation des coûts de production mondiaux et la restructuration des chaînes d’approvisionnement et des activités commerciales au Canada génèrent des pressions à la hausse sur l’inflation. Tout compte fait, la portée et l’incidence des droits de douane, et leurs effets économiques plus globaux, étaient très incertains.
Maintenant que les droits de douane sont en place et que le protectionnisme américain s’est enraciné, les effets sur le Canada sont devenus plus clairs, même si l’incertitude quant au niveau et à la portée des futurs droits de douane subsiste. Les exportations et les investissements des entreprises ont nettement chuté au deuxième trimestre de 2025; le taux de chômage s’est accru étant donné que les entreprises ont reporté leurs embauches. Néanmoins, les dépenses de consommation se sont maintenues, stimulées par l’assouplissement des conditions financières.
L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) s’établissait à 2,4 % en septembre après avoir été près de 2 % pendant plusieurs mois. Les mesures privilégiées de l’inflation fondamentale se sont maintenues autour de 3 %, alors qu’un ensemble élargi d’indicateurs tend à montrer que l’inflation sous-jacente est demeurée proche de 2½ %.
Les récents mouvements de l’inflation s’expliquent par des forces opposées. Pour ce qui est des forces haussières, l’augmentation des frais de logement demeure élevée. De plus, les droits de douane et la restructuration du commerce mondial et de la production intérieure font monter les coûts. Du côté des forces baissières, l’offre excédentaire modère les pressions inflationnistes. Le retrait de la taxe sur le carbone a aussi fait reculer temporairement l’inflation.
Activité économique
Le PIB a chuté au deuxième trimestre en raison de la baisse des exportations
Le produit intérieur brut (PIB) réel s’est contracté de 1,6 % au deuxième trimestre de 2025, comme on le prévoyait dans le Rapport de juillet (graphique 1). Ce recul s’explique par les effets perturbateurs des droits de douane américains sur les exportations ainsi que par l’incertitude accrue. La hausse des prix des actions et la baisse des coûts d’emprunt ont contribué à atténuer l’effet modérateur sur le PIB.
Le volume des exportations a chuté de façon marquée au deuxième trimestre. L’activité commerciale qui avait été devancée au cours des trimestres précédents s’est inversée et les nouveaux droits de douane ont commencé à peser directement sur les exportations. Par exemple, les exportations d’acier et d’aluminium ont diminué d’environ 25 % par rapport à l’année précédente. Dans l’ensemble, les exportations sont environ 5 % moins élevées au deuxième trimestre qu’il y a un an. Face à cette évolution des échanges commerciaux et à l’incertitude élevée, les entreprises ont aussi réduit leurs investissements, tout particulièrement en machines et matériel industriels, poste qui a enregistré la plus forte baisse des dépenses.
D’autres composantes de la demande intérieure ont soutenu la croissance du PIB au deuxième trimestre. La croissance des dépenses de consommation s’est redressée, stimulée par une hausse des achats de véhicules automobiles. Les dépenses par habitant ont été fortes et ont monté de 3,4 % (graphique 2). La hausse récente de la consommation a été plus importante que la croissance des revenus, faisant passer le taux d’épargne de 7,2 % au troisième trimestre de 2024 à 5 % au deuxième trimestre de 2025.
L’investissement résidentiel a aussi progressé. Les mises en chantier et les reventes de logements ont toutes deux augmenté depuis le printemps, même si l’activité a été d’une vigueur inégale d’une région à l’autre (graphique 3). Dans certains marchés, comme ceux de Toronto et de Vancouver, les ménages continuent de faire face à de graves problèmes d’abordabilité.
Une croissance faible est probable dans la deuxième moitié de 2025
Après une contraction au deuxième trimestre, on estime que la croissance du PIB aura atteint environ 0,75 % en moyenne dans la deuxième moitié de l’année. Les données semblent indiquer que l’effet du choc commercial se généralise.
On s’attend à ce que le volume des exportations soit demeuré faible au cours de la deuxième moitié de 2025. Les droits de douane américains continuent de peser sur les exportations de véhicules automobiles, d’acier et d’aluminium, tandis que de nouveaux droits de douane, comme ceux sur le cuivre, les meubles et le bois d’œuvre résineux, devraient accentuer les tensions. Les droits de douane imposés par la Chine sur le canola, les pois, le porc et les fruits de mer aggravent ces difficultés (graphique 4).
Les exportations vers les États-Unis seront grevées par les droits de douane et la croissance anémique de la demande industrielle. Les exportations de services ont aussi subi des pressions, le nombre de touristes américains en visite au Canada étant resté inférieur aux niveaux de 2024. On estime que les exportations d’énergie ont augmenté.
La Banque s’attend à ce que les exportations vers les marchés autres que les États-Unis aient monté, ce qui témoignerait du succès des efforts déployés par les entreprises pour trouver de nouveaux débouchés. Toutefois, ces gains ne compenseraient que partiellement la faiblesse des exportations vers les États-Unis (graphique 5).
Les importations ont aussi diminué, en partie parce que les entreprises ont moins importé d’intrants nécessaires à la production des biens d’exportation. De plus, les Canadiennes et les Canadiens ont moins voyagé aux États-Unis.
On estime que les investissements des entreprises auront encore baissé dans la deuxième moitié de l’année. Cette situation sera en partie due à l’incertitude persistante autour des échanges commerciaux.
Malgré les taux d’intérêt plus bas, la croissance de la consommation sera probablement modeste, freinée par une croissance démographique limitée et la faiblesse du marché du travail. On s’attend à ce que l’activité sur le marché du logement augmente encore, mais reste inégale d’une région à l’autre.
Pressions sur la capacité
Avec la baisse du PIB au deuxième trimestre, l’offre excédentaire dans l’économie s’est accrue. Au troisième trimestre, la croissance du PIB aurait été un peu inférieure à celle de la production potentielle, laissant ainsi l’écart de production pratiquement inchangé, entre -1,5 et -0,5 %, par rapport au deuxième trimestre.
Les principaux indicateurs du marché du travail montrent que l’offre excédentaire augmente, le taux de chômage étant en hausse et les entreprises recrutant à un moindre rythme (graphique 6).
La détente sur le marché du travail se poursuit
Il y a eu une forte création d’emplois en septembre, mais elle succédait à deux mois de pertes importantes. Dans l’ensemble, la croissance de l’emploi a été faible, en raison du ralentissement de la demande et de la basse croissance démographique.
Les secteurs d’activité sensibles aux échanges commerciaux ont été la principale source de faiblesse pour la croissance de l’emploi depuis le début de l’année (graphique 7). Des mises à pied ont été signalées dans les industries de l’aluminium, de l’acier et de l’automobile. Dans d’autres secteurs, les mises à pied restent peu élevées, comme en témoigne le bas taux de cessation d’emploi. La plupart des entreprises interrogées s’attendent à ce que la taille de leurs effectifs évolue peu au cours des 12 prochains mois au vu de l’incertitude persistante liée aux droits de douane, de la demande fragile et des pressions minimales sur la capacité1.
Parallèlement, la baisse de la croissance démographique signifie qu’il n’est pas nécessaire de créer autant d’emplois qu’avant pour maintenir le taux d’emploi à un niveau stable (graphique 8). D’ici la fin de 2025, on estime que moins de 5 000 emplois devront être créés chaque mois pour que le taux d’emploi soit préservé. À titre de comparaison, il fallait en moyenne 18 000 nouveaux emplois par mois entre 2000 et 2019, et plus de 60 000 nouveaux emplois dans la première moitié de 2024 lorsque la croissance démographique était beaucoup plus forte.
Le taux de chômage était de 7,1 % en août et en septembre, son plus haut niveau depuis 2016 si l’on exclut la période de la pandémie. Le taux de chômage de longue durée était aussi plus élevé2. Du fait de la détente sur le marché du travail, la croissance des salaires est au ralenti, la plupart des mesures avoisinant maintenant 3 % (graphique 9).
Inflation
L’inflation mesurée par l’IPC est montée à 2,4 % en septembre dans un contexte où l’effet modérateur des prix de l’essence s’érodait. L’inflation hors impôts indirects a atteint 2,9 % (graphique 10).
La croissance des prix des biens non énergétiques reste supérieure à sa moyenne historique, à 2,3 %, sous l’effet de pressions intenses sur les coûts et de contre-mesures tarifaires vigoureuses. Les prix de l’énergie font ralentir l’inflation globale depuis le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs en avril, même si la hausse des marges de raffinage a partiellement contrebalancé cet effet. En septembre, la croissance des prix de l’énergie s’établissait à -2,6 %.
L’inflation dans le secteur des services demeure proche de 3 %, nourrie par la forte croissance des prix de certaines composantes liés au logement, mais aussi des prix des services financiers, de la restauration rapide et de l’assurance automobile. Cependant, les pressions inflationnistes provenant des prix des services liés au logement s’atténuent, car l’augmentation du coût de l’intérêt hypothécaire a continué de se modérer (graphique 11).
L’inflation devrait baisser en octobre avec les prix de l’énergie, dont le recul s’explique à la fois par des cours du pétrole en baisse et par la réduction des marges des raffineries. La Banque estime que l’inflation devrait avoir augmenté légèrement en janvier 2026 par rapport à il y a un an. C’est principalement parce que les prix seront comparés à ceux de l’an dernier à la même période lorsque le congé de TPS/TVH avait fait temporairement baisser certains prix. Après janvier 2026, l’inflation devrait descendre en deçà de 2 %, en raison des prix plus bas de l’énergie et de la fin de la volatilité associée au congé de TPS/TVH.
L’inflation sous-jacente demeure près de 2½ %
Une large gamme d’indicateurs continuent de donner à penser que l’inflation sous-jacente reste à près de 2½ % (Point de mire : L’évaluation de l’inflation sous-jacente). La plupart des mesures de l’inflation fondamentale ont oscillé entre 2½ et 3¼ % au cours des derniers mois (graphique 12). Cependant, la dynamique haussière observée plus tôt dans l’année semble s’être estompée, les taux sur trois mois ayant fléchi. La part des composantes de l’IPC dont le taux d’augmentation des prix est supérieur à 3 % sur un an a également diminué modérément depuis le sommet atteint en mars, mais elle demeure au-dessus de sa moyenne historique.
Les pressions sur les coûts s’atténuent, mais demeurent préoccupantes (Point de mire : L’évolution des pressions sur les coûts). Plusieurs facteurs concourent à cette modération des pressions sur les coûts, à savoir :
- La levée de la plupart des contre-mesures tarifaires sur les marchandises importées des États-Unis.
- L’allègement des pressions sur le coût de la main-d’œuvre. La croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre dans le secteur des entreprises était d’environ 2 % durant les quatre derniers trimestres.
- L’incidence des pressions causées auparavant par les coûts élevés du fret à l’échelle internationale, par les conditions météorologiques extrêmes et par la dépréciation du dollar canadien a aussi diminué.
Les entreprises interrogées au troisième trimestre ont fait état de pressions modestes sur leurs coûts, souvent liées aux tensions commerciales.
Après s’être inscrites en légère hausse au début de 2025 sous l’effet des inquiétudes suscitées par les droits de douane, les attentes d’inflation à court terme des entreprises ont baissé au troisième trimestre et ne dépassent maintenant que de peu les niveaux de la fin de 2024 (graphique 13). Les attentes d’inflation à court terme des consommateurs sont restées globalement inchangées en 2025 et se maintiennent au-dessus des moyennes d’avant la pandémie.
Graphique 13 : Les attentes d’inflation des entreprises ont diminué, tandis que celles des consommateurs ont été stables
Données trimestrielles et mensuelles
Sources : Consensus Economics, Banque du Canada et calculs de la Banque du Canada
Dernières observations : septembre 2025 (Consensus Economics et Le Pouls des leaders d’entreprise); 2025T3 (enquête sur les attentes des consommateurs au Canada et enquête sur les perspectives des entreprises)
Produits de base
Les prix du pétrole restent généralement conformes aux niveaux postulés dans le Rapport de juillet. Depuis, l’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque du Canada a augmenté.
Énergie
Les cours du Brent fluctuent autour de 65 $ US depuis le début d’août (graphique 14). La montée inattendue de l’offre de pétrole par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole a été largement absorbée par la forte demande de la Chine, qui cherchait à remplir ses réserves. En conséquence, le prix du baril de pétrole brut Brent demeure près du niveau de 65 $ US postulé dans le Rapport de juillet. Les prix du gaz naturel ont crû depuis la publication du Rapport de juillet.
Prix des produits de base hors énergie
L’indice des prix des produits de base non énergétiques de la Banque a augmenté depuis la parution du Rapport de juillet, les cours plus élevés de l’or et des bovins ayant plus que compensé les baisses pour d’autres composantes.
Les cours de l’or ont enregistré une hausse de 25 % depuis la fin de juillet (graphique 15). C’est la résultante d’une demande vigoureuse dans un climat d’incertitude causé par des facteurs géopolitiques et les orientations de l’administration américaine. La demande pour l’or comme actif de réserve a aussi crû, alors que certaines banques centrales diversifient leurs avoirs en délaissant le dollar américain.
Le prix des bovins a augmenté de 6 % depuis juillet, soutenu par des cheptels historiquement bas. Ce gain a été partiellement contrebalancé par les prix plus bas du bois d’œuvre (-15 %) et du canola (-11 %) dans le contexte des mesures commerciales qui restreignent l’accès des producteurs canadiens aux marchés.
Conditions financières
Les conditions financières au Canada et aux États-Unis se sont assouplies depuis juillet. Les signes récents d’un affaiblissement de l’activité économique ont amené à s’attendre à de nouvelles réductions des taux directeurs et à des rendements plus bas des obligations d’État canadiennes et américaines (graphique 16). La baisse des taux et la robustesse continue des bénéfices renforcent la vigueur actuelle des actifs risqués. Les cours de la plupart des marchés boursiers enregistrent en ce moment des sommets presque inégalés et dépassent ceux de juillet (graphique 17). Les écarts de taux des titres de sociétés sont relativement inchangés et demeurent inférieurs à leurs moyennes historiques.
Graphique 16 : Les rendements obligataires ont diminué aux États-Unis et au Canada depuis la parution du Rapport de juillet
Données quotidiennes
Dernière observation : 24 octobre 2025
Le dollar canadien a légèrement diminué face au dollar américain depuis juillet et se négocie actuellement sous les 72 cents US. Toutefois, les deux monnaies se sont dépréciées par rapport à plusieurs devises, en partie en raison de récents signes de ralentissement économique en Amérique du Nord.
L’érosion continue de la valeur du dollar américain s’inscrit dans la tendance générale observée depuis le début de 2025. Le dollar américain s’est déprécié d’environ 7 % par rapport aux autres grandes monnaies depuis le début de l’année et il a perdu environ 3 % de sa valeur devant le dollar canadien.
Notes
- 1. Banque du Canada, Enquête sur les perspectives des entreprises — Troisième trimestre de 2025 (octobre 2025).[←]
- 2. Le chômage de longue durée désigne la situation des personnes au chômage depuis 27 semaines ou plus.[←]