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La politique monétaire et les variations du taux de change

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Bonjour. Je suis toujours ravi de revenir à Vancouver, où j'ai habité pendant un an. Et comme je vis maintenant à Ottawa, je puis vous assurer que j'apprécie particulièrement la chance que j'ai de me retrouver ici au milieu de février.

Chaque année, la Presse canadienne réalise un sondage auprès des chefs des nouvelles et des rédacteurs en chef au sujet de l'événement de l'année dans le monde des affaires. En 2004, ceux-ci ont arrêté leur choix sur la montée du dollar canadien. Cela n'est guère surprenant. L'appréciation de notre monnaie a beaucoup retenu l'attention des médias, des gens d'affaires, de l'ensemble des Canadiens et, il va sans dire, de la Banque du Canada. Nous suivons de près, entre autres facteurs clés, les variations de la valeur externe du dollar et déployons de nombreux efforts pour en comprendre les causes. C'est ce que nous avons fait lorsque notre monnaie s'est dépréciée pendant les années 1990, lorsqu'elle a touché un creux historique par rapport au dollar américain au début de 2002, et quand elle s'est redressée de quelque 25 % entre janvier 2003 et janvier 2005.

L'appréciation rapide de notre dollar a suscité une multiplication des commentaires publics à propos de la monnaie ainsi que de ses effets sur l'économie canadienne en général et sur la politique monétaire de la Banque du Canada en particulier. Les reportages et les articles à ce sujet n'ont pas manqué. À la Banque, nous voyons cet intérêt accru d'un très bon oeil. Les Canadiens et les Canadiennes se doivent de discuter des grandes questions économiques qui ont une incidence sur leur vie quotidienne. Toutefois, certains de ces commentaires ont présenté une vision trop simplifiée de la façon dont les variations du taux de change influent sur l'économie canadienne et la politique monétaire. Il ne faut pas voir là une critique de ma part. La relation entre le taux de change, l'économie et la politique monétaire est complexe. J'ai donc décidé de parler aujourd'hui des divers facteurs qui agissent sur le taux de change, d'examiner comment ils influencent l'économie canadienne et d'exposer de quelle manière la Banque en tient compte dans la conduite de la politique monétaire. Ce faisant, j'approfondirai l'explication que nous avons fournie, sous forme de note technique, dans la dernière livraison de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire, parue le 27 janvier dernier.

Le taux de change sous un régime de cibles d'inflation

Pour commencer, j'aimerais passer brièvement en revue le cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire du Canada. Celle-ci part du principe que la meilleure contribution que la Banque puisse apporter à l'économie canadienne est de garder l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible. En visant, à moyen terme, à maintenir le taux annuel d'inflation au point médian de 2 % de la fourchette cible, qui va de 1 à 3 %, nous jetons les bases d'une croissance robuste et durable de l'économie.

Pour garder l'inflation à un niveau bas et stable, nous cherchons à maintenir la demande et l'offre à peu près en équilibre au sein de l'économie. Lorsque la demande globale excède l'offre globale, des pressions se font sentir sur les capacités de production et des tensions inflationnistes tendent à s'accumuler au fil du temps. Si la Banque constate que l'inflation risque de dépasser la cible au cours des 18 à 24 mois suivants, elle resserrera les conditions monétaires pour freiner la demande. Inversement, si la demande globale est trop faible par rapport à l'offre, l'économie tournera en deçà de ses capacités. Et si l'écart entre la demande et l'offre globales persiste, le niveau prévu de l'inflation tendancielle tombera au-dessous de la cible. La Banque assouplira alors les conditions monétaires afin de stimuler la demande et de combler l'écart. Voilà pourquoi il est essentiel que nous comprenions comment l'évolution des économies canadienne et mondiale agit sur l'équilibre entre la demande et l'offre au pays.

Voyons maintenant le rôle du taux de change. Pour comprendre l'effet des variations de ce dernier, nous devons savoir pourquoi ces variations se produisent et comment elles influent sur l'équilibre entre la demande et l'offre. Les mouvements du taux de change nous renseignent sur les événements économiques qui peuvent avoir une incidence directe sur la demande globale au Canada. Et les mouvements eux-mêmes ont leur effet propre sur la demande globale : ils modifient les prix relatifs des biens et services canadiens et entraînent un déplacement de la demande entre les biens nationaux et ceux produits à l'étranger. Le défi qui se pose pour la Banque est d'analyser ces variations, ainsi que d'autres données, et d'orienter la politique monétaire de telle sorte qu'elle contribue à maintenir la demande et l'offre en équilibre, et l'inflation à un niveau bas et stable.

Deux catégories de fluctuations du taux de change

En gardant ce cadre général à l'esprit, permettez-moi maintenant de décrire plus en détail les forces qui peuvent exercer une influence sur le taux de change. Ce que je veux faire ressortir, c'est que, du point de vue de la Banque, les causes d'une variation du taux de change sont tout aussi importantes que la variation elle-même. Je consacrerai le reste de mon allocution à expliquer pourquoi.

Pour les autorités monétaires, les fluctuations du taux de change se répartissent en deux catégories, et je n'entends pas par là les mouvements à la hausse ou à la baisse. Je veux plutôt parler des fluctuations de notre dollar qui découlent directement d'une variation de la demande de biens et de services canadiens et de celles qui n'en découlent pas.

Examinons la première catégorie. Un essor de la demande mondiale de biens canadiens ou un renchérissement de ceux-ci à l'échelle du globe provoqueront une augmentation directe de la demande globale au pays et auront tendance à faire monter le cours du dollar canadien. En termes plus simples, lorsque la demande à l'égard de nos biens et services s'amplifie, notre monnaie tend à s'apprécier. Et inversement, lorsque la demande pour nos biens et services se contracte, notre monnaie tend à se déprécier.

Mais tous les mouvements du taux de change n'appartiennent pas à la première catégorie. Certains — que j'appellerai de la deuxième catégorie — sont dus aux opérations de rééquilibrage de portefeuilles dans les marchés financiers et peuvent être sans rapport avec la demande courante de biens et de services canadiens 1. Un exemple de ce type de cause serait une ruée vers les « valeurs refuges » pendant une crise financière internationale. Un autre exemple est une variation dont l'origine est liée aux attentes quant aux mesures jugées nécessaires pour corriger des déséquilibres mondiaux. Je donnerai plus de détails à ce sujet plus tard. Je me contenterai pour le moment de faire cette distinction générale : si elles sont plus difficiles à définir, les causes qui relèvent de la seconde catégorie sont celles qui, fondamentalement, ne découlent pas des variations courantes de la demande de biens et de services canadiens.

Il est important pour nous à la Banque de tenter de distinguer les mouvements du taux de change qui sont le résultat d'une variation de la demande de biens et de services canadiens de ceux qui ne le sont pas. Les uns et les autres n'ont pas les mêmes conséquences sur la demande globale, et, partant, sur la politique monétaire. Il s'agit là d'une question d'autant plus complexe que les mouvements des deux catégories peuvent parfois survenir en même temps. C'est pourquoi je veux m'y attarder, en citant des exemples concrets pour chaque catégorie et en expliquant les implications différentes qu'ils ont pour la politique monétaire.

Commençons par la première catégorie. Comme je l'ai déjà mentionné, lorsque la demande mondiale pour nos biens et services augmente, la demande de dollars canadiens s'accroît également, si bien que notre monnaie a tendance à s'apprécier. Inversement, lorsque la demande mondiale à l'égard de nos biens et services diminue, la demande de dollars canadiens fait de même, et notre monnaie tend à se déprécier. Toutefois, en réagissant à cette variation de la demande, le taux de change sert aussi d'amortisseur. Par exemple, lorsque la demande de biens et services canadiens se tasse, et que notre dollar recule en conséquence, cette dépréciation pousse à la baisse les prix relatifs de nos biens et services et les rend plus attrayants. Et, bien entendu, le contraire se produit lorsque la demande mondiale pour nos biens et services progresse; l'essor de la demande est freiné par l'appréciation consécutive de notre dollar.

Un épisode qui est survenu ici, en Colombie-Britannique, illustre bien ce propos. En 1997 et 1998, le monde entier subissait le contrecoup des crises économiques qui secouaient l'Asie, la Russie et d'autres marchés émergents. Dans ce contexte, la demande de produits de base canadiens à l'échelle du globe était atone. Cette atonie s'est traduite par la chute des prix de nombreux produits de base, dont certaines des matières premières produites en Colombie-Britannique ou transitant par ses ports. À cette époque, on observait une forte dépréciation des monnaies des pays exportateurs de matières premières, à savoir le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, alors que le dollar É.-U. gagnait du terrain. Même si d'autres forces agissaient sur le taux de change à ce moment-là, le tassement de la demande mondiale de matières premières a constitué un choc négatif direct pour la demande globale au pays, choc qui a exercé des pressions à la baisse sur notre dollar. Cette dépréciation a contribué à son tour à amortir le choc en rendant les autres exportations canadiennes plus attrayantes pour les marchés internationaux, tandis que les produits et services étrangers l'étaient moins aux yeux des Canadiens.

Au cours des deux dernières années, un mouvement similaire s'est opéré dans le sens contraire. En 2003 et durant la majeure partie de 2004, tant la demande de produits canadiens que les prix de ceux-ci se sont redressés. Là encore, d'autres facteurs agissaient sur le taux de change durant cette période. Mais le choc positif direct subi par la demande globale au Canada a donné lieu à une augmentation de la demande de dollars canadiens et à une appréciation de notre monnaie. À son tour, cette appréciation a eu comme résultat de pousser à la hausse les prix relatifs des produits canadiens par rapport à ceux des produits étrangers et a contribué à rétablir l'équilibre entre la demande et l'offre. Dans les deux cas, le taux de change flexible a aidé à absorber les chocs positifs et négatifs qui ont frappé notre économie.

Voilà ce que j'entends par les variations du taux de change de la première catégorie. Passons maintenant à la seconde. Vous vous demandez peut-être : si les variations ne sont pas liées à une évolution de la demande de biens et de services canadiens, quelles peuvent en être les causes? Quels sont les facteurs qui entrent en jeu dans le cas des fluctuations appartenant à la seconde catégorie?

En fait, celles-ci résultent assez souvent de variations de la demande étrangère d'actifs financiers canadiens, ou de la demande canadienne d'actifs financiers étrangers 2. Par exemple, un intérêt accru des investisseurs à l'égard des actions ou des obligations canadiennes gonfle la demande pour notre monnaie, qui tend alors à s'apprécier. L'inverse est vrai également. Lorsque les investisseurs délaissent nos actions et nos obligations, la demande de dollars canadiens fléchit et notre monnaie tend à se déprécier. Il convient toutefois de garder à l'esprit que ces variations de la demande d'actions et d'obligations ne sont pas liées aux mouvements courants de la demande globale de biens et services canadiens. Le fait que ces variations soient indépendantes de l'évolution de la demande globale est l'élément essentiel qui distingue la deuxième catégorie de fluctuations de la première.

La crise du peso mexicain, en 1994-1995, est un très bon exemple de fluctuations du taux de change relevant de la seconde catégorie. À la suite des événements survenus au Mexique, les investisseurs sont devenus de plus en plus réticents à détenir des actifs financiers de pays aux prises avec une lourde dette publique, ce qui, à l'époque, incluait le Canada. Ils se sont donc départis des actifs de ces pays, pour se tourner plutôt vers la sécurité relative que leur offraient des placements aux États-Unis. Ce facteur, parmi d'autres, a été à l'origine du recul marqué qu'a subi le dollar canadien durant cette période.

Laissez-moi vous donner un autre exemple de fluctuations du taux de change ne découlant pas d'une variation de la demande globale au Canada. Vers la fin des années 1990, les investisseurs se sont mis à afficher un optimisme de plus en plus grand — certains ont parlé d'une « exubérance irrationnelle » — à l'égard des perspectives d'évolution de l'économie américaine. Les flux financiers vers les États-Unis qui en ont résulté ont favorisé l'appréciation du dollar américain durant cette période, au détriment d'autres monnaies comme les dollars canadien et australien, l'euro et le yen. Cet optimisme, conjugué au repli des prix des produits de base dont j'ai parlé précédemment, a contribué à faire chuter le dollar canadien, de 71 cents É.-U. en mars 1998 à environ 62 cents É.-U. en janvier 2002.

Bien entendu, ce processus joue aussi dans l'autre sens. Depuis deux ans, les investisseurs s'inquiètent de plus en plus du niveau élevé et sans cesse croissant du déficit courant américain, qui s'explique par l'imposant déficit budgétaire et par la très faible épargne privée dans ce pays. Alors que les États-Unis n'épargnent pas assez, les pays asiatiques épargnent trop. Or, cette situation ne peut durer indéfiniment. Pour contribuer à rétablir l'équilibre économique à l'échelle internationale, il faudrait à la fois que la demande intérieure progresse en Asie et dans certains autres pays, et que le taux d'épargne augmente aux États-Unis. Dans ce contexte, les participants aux marchés en sont venus à croire qu'une dépréciation du dollar américain sera nécessaire pour corriger ces déséquilibres. L'« exubérance irrationnelle » manifestée initialement envers les perspectives de l'économie américaine a été tempérée par la mise en lumière des risques auxquels cette dernière est exposée. C'est pourquoi le cours du dollar américain a chuté par rapport à celui de beaucoup d'autres grandes monnaies, dont la nôtre.

Permettez-moi d'insister sur la principale caractéristique commune à toutes les fluctuations de la seconde catégorie. Ces mouvements ne reflètent pas une variation de la demande globale pour nos produits et services. Toutefois, de par leur effet habituel sur les prix relatifs, les fluctuations de la monnaie se répercutent quand même sur les exportations nettes du Canada et, partant, sur la demande globale au pays.

Les implications pour la politique monétaire

L'intérêt de toutes ces considérations ne saute peut-être pas nécessairement aux yeux. Après tout, il est peu probable que nos concitoyens qui envisagent de prendre des vacances dans le Sud cet hiver se soucient des facteurs qui influent sur le taux de change. Ce qui les intéresse, c'est de savoir combien de dollars américains ou de pesos mexicains ils peuvent acheter avec leur argent canadien durement gagné. Mais, pour la Banque du Canada et tous ceux qui sont attentifs aux mesures qu'elle prend, il importe de bien comprendre les causes à l'origine des variations du taux de change, car les implications pour la politique monétaire sont justement déterminées par ces causes et par les autres forces susceptibles d'être à l'oeuvre au sein de l'économie.

Voyons quelques exemples de fluctuations du taux de change associées à chacune des deux catégories et qui se traduisent par une appréciation du dollar canadien. Dans le premier cas, tout débute par un accroissement de la demande étrangère de biens et services canadiens, qui fait augmenter la demande globale au pays. Notre monnaie s'apprécie en conséquence, poussant à la hausse les prix relatifs des produits canadiens. Cela modère à son tour l'essor de la demande étrangère, en favorisant les importations et en freinant les exportations. Autrement dit, l'appréciation de notre dollar vient ralentir la progression initiale de la demande globale. Dans la mesure où l'effet modérateur exercé sur la demande globale contrebalance parfaitement l'augmentation directe de celle-ci, aucune intervention n'est requise dans l'optique de la politique monétaire.

Une appréciation de la deuxième catégorie est fort différente. Supposons que le dollar américain s'affaiblit par suite des préoccupations des marchés relativement aux déséquilibres mondiaux. Dans ce cas, il n'y a aucune augmentation initiale de la demande globale au Canada. Mais le raffermissement de notre dollar fait quand même monter les prix relatifs des produits fabriqués au pays, et donc décliner les exportations nettes. En définitive, l'incidence sur la demande globale au pays est clairement négative. Et, s'il devait persister, le recul de la demande entraînerait probablement des pressions à la baisse indésirables sur l'inflation. En pareilles circonstances, et toutes choses étant égales par ailleurs, la Banque du Canada devrait mener une politique monétaire plus expansionniste que cela n'aurait été le cas autrement.

J'espère que ces exemples montrent bien pourquoi les deux catégories de fluctuations du taux de change ont des implications différentes pour la politique monétaire. Mais il ne faut pas croire pour autant que la Banque du Canada réagit à ces mouvements en adoptant une approche mécanique et stéréotypée. C'est tout le contraire qui est vrai. L'analyse des variations du taux de change et le choix des mesures de politique monétaire à appliquer dans les circonstances sont des tâches complexes.

Pensons simplement à l'appréciation marquée qu'a connue le dollar canadien par rapport à son pendant américain au cours des deux dernières années. De quel type de mouvement s'agissait-il alors? Quelle était la part du renforcement de la demande de biens et de services canadiens, et quelle était celle de l'affaiblissement généralisé de la devise américaine?

Comme nous l'avons mentionné dans la Mise à jour de notre Rapport sur la politique monétaire parue à la fin janvier, les causes des deux catégories semblent avoir été à l'oeuvre au cours de la dernière année. Mais leur influence relative s'est apparemment modifiée durant cette période, de sorte que la détermination de la politique monétaire à mener n'a pas été aisée.

En examinant les données économiques disponibles au début de 2004, nous avons constaté que les exportations nettes avaient considérablement freiné la croissance de l'économie canadienne en 2003. Nous appréhendions que, dans l'ensemble, la montée du dollar enregistrée cette année-là ait résulté en majeure partie de causes de la deuxième catégorie. Cette évaluation est au nombre des facteurs qui ont incité la Banque à abaisser les taux d'intérêt dans les premiers mois de 2004. À la fin de l'été et au début de l'automne, toutefois, les prix des produits de base et la demande mondiale avaient affiché une solide tenue. Et il s'avérait que les exportations nettes avaient alimenté de façon appréciable l'expansion de l'activité au Canada au premier semestre de 2004 — un effet typique de la première catégorie. Notre économie approchant de ses limites, nous avons relevé les taux d'intérêt afin de réduire le degré de détente monétaire en place.

Vers la fin de 2004, cependant, le rapport entre les forces de la première et de la deuxième catégorie avait de nouveau changé, les secondes étant devenues prédominantes. Le dollar américain avait perdu du terrain par rapport à toutes les autres grandes monnaies flottantes, alors que le dollar canadien s'établissait à environ 85,5 cents É.-U., son niveau le plus élevé en treize ans. Ces changements étaient survenus en dépit d'un certain repli des cours des produits de base à l'échelle du globe et de l'assombrissement des perspectives d'évolution de l'économie mondiale. La Banque a donc laissé inchangé son taux cible du financement à un jour aux dates d'annonces préétablies de décembre 2004 et janvier 2005.

Chacune de nos décisions de politique monétaire est compliquée par l'incertitude entourant la persistance des fluctuations du taux de change et le temps qu'il faut pour que ces fluctuations et les mesures de politique monétaire agissent sur l'économie. C'est là un des principaux problèmes que la Banque a dû surmonter récemment dans la conduite de sa politique. S'il est facile d'observer un mouvement du taux de change, il est bien plus ardu de déterminer ses implications pour la demande globale et, par le fait même, pour la politique monétaire.

Nous sommes aux prises avec les mêmes difficultés aujourd'hui, alors que nous nous employons à tracer l'orientation de la politique monétaire. Au Canada, les taux d'intérêt demeurent bas par rapport aux normes historiques. Tôt ou tard, il faudra réduire la forte détente monétaire en place, c'est-à-dire relever les taux d'intérêt. Mais, comme je l'ai dit, les forces de la deuxième catégorie de variations du taux de change semblent avoir pris le pas sur celles de la première depuis quelques mois, ce qui signifie que la demande globale au Canada sera plus faible que ce que nous avions prévu l'automne dernier. C'est pourquoi, dans notre récente Mise à jour, nous avons légèrement révisé à la baisse nos perspectives de croissance pour 2005, les ramenant de 2,9 % à 2,8 %. C'est pour cette raison également que nous avons déclaré dans cette publication que « l'atténuation du degré de détente monétaire au cours de la période de projection se fera vraisemblablement à un rythme plus lent qu'on ne l'envisageait en octobre dernier ». En modérant ce rythme, nous continuerons de permettre à la demande intérieure d'absorber la contraction supplémentaire des exportations nettes à laquelle nous nous attendons.

Conclusion

Permettez moi de conclure en vous rappelant un point que j'ai mentionné au début de mon allocution. La relation entre le taux de change, l'économie et la politique monétaire est complexe. Et les effets des fluctuations de la monnaie sont étalés dans le temps. Il est impossible d'observer les variations du dollar canadien un jour donné, voire une semaine donnée, et d'en discerner les causes exactes. Il n'existe aucun moyen précis de mesurer l'importance relative des deux catégories de mouvements que j'ai décrites, ou de connaître leur persistance probable. Lorsque, à la Banque, nous formulons la politique monétaire, nous utilisons un cadre d'analyse s'appuyant sur les constats de l'expérience passée et évaluons une grande quantité de données récentes. Néanmoins, nous devons mettre encore une bonne dose de jugement dans nos analyses. Et nos analyses comme nos jugements sont appelés à changer au fil du temps, à mesure que de nouvelles informations sont disponibles.

En définitive, l'engagement de la Banque du Canada envers la population canadienne, en ce qui a trait à la politique monétaire, se résume à ceci : viser sans relâche à garder la demande et l'offre à peu près en équilibre au sein de l'économie, afin de maintenir l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible. Et dans la poursuite de cet objectif, nous continuerons d'expliquer les raisons qui motivent nos mesures de politique monétaire et d'exposer notre point de vue sur l'évolution de l'inflation et de la croissance économique au Canada.

Information connexe

  1. 1. Cela ne veut pas dire que tous les mouvements du taux de change de la deuxième catégorie émanent du compte de capital de la balance des paiements et sont dus à des flux d'investissement. Même si la plupart des exemples décrits plus loin dans le texte sont fondés sur une modification des attentes des investisseurs et le rééquilibrage des portefeuilles, d'autres mouvements de la deuxième catégorie sont possibles et peuvent être imputables à des facteurs non financiers. Parallèlement, bien que la majeure partie de la discussion présentée ici porte sur la demande globale et les effets des variations du taux de change sur les exportations nettes, l'offre globale peut aussi être un facteur important qui exerce une incidence appréciable sur les taux de change. Si j'ai choisi de me concentrer sur la demande dans mon allocution, c'est en raison de sa pertinence plus grande dans le contexte économique actuel.[]
  2. 2. Je fais référence ici à une variation de la demande d'actifs canadiens qui n'aurait pas d'effet sur les investissements en capital physique au pays.[]