Déclaration préliminaire à la conférence de presse suivant la décision de politique monétaire
Bonjour. Je suis ravi d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler de notre décision de politique monétaire.
Aujourd’hui, nous avons abaissé le taux directeur de 25 points de base, le faisant passer à 2,75 %.
L’économie canadienne a fini l’année 2024 en bonne posture. L’inflation est autour de la cible de 2 % depuis l’été dernier. Les baisses importantes du taux directeur dans la deuxième moitié de 2024 ont stimulé les dépenses des ménages et la croissance économique.
Mais l’incertitude généralisée des derniers mois – causée par les menaces tarifaires américaines qui changent de jour en jour – a ébranlé la confiance des entreprises et des consommateurs. Résultat : les ménages ont l’intention de moins dépenser et les entreprises, de moins embaucher et investir.
Dans ce contexte, et comme l’inflation est près de la cible de 2 %, le Conseil de direction a décidé de réduire encore le taux directeur de 25 points de base.
On s’attend à ce que le conflit commercial avec les États-Unis pèse sur l’activité économique et qu’il fasse monter les prix et l’inflation. Le Conseil de direction va aborder avec prudence tout changement futur du taux directeur, car il sera essentiel d’évaluer les pressions à la hausse sur l’inflation causées par les coûts plus élevés, et les pressions à la baisse causées par la demande plus faible.
Laissez-moi vous parler plus en détail de ces grandes considérations.
Les données économiques publiées depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire de janvier semblent indiquer que l’économie canadienne était en meilleure posture que prévu à la fin de 2024. Les baisses passées de taux d’intérêt ont stimulé les dépenses des consommateurs et les investissements des entreprises, ce qui a fait augmenter d’un robuste 5,6 % la demande intérieure au quatrième trimestre. Dans l’ensemble, le produit intérieur brut a progressé de 2,6 % au quatrième trimestre, après avoir connu une croissance révisée à la hausse de 2,2 % au troisième trimestre. Cette trajectoire de croissance est beaucoup plus élevée que celle que nous prévoyions en janvier selon les informations dont nous disposions.
La croissance de l’emploi s’est aussi raffermie vers la fin de l’année, avant de stagner en février. Elle a progressé de novembre à janvier inclusivement, dépassant l’expansion de la population active, et le taux de chômage a baissé pour s’établir à 6,6 %. La croissance des salaires a également montré des signes de modération.
L’inflation reste près de la cible de 2 %. Même si la suspension temporaire de la TPS et de la TVH a fait baisser certains prix à la consommation, en janvier, l’inflation a été légèrement plus forte que prévu, s’établissant à 1,9 %. Elle devrait augmenter pour atteindre environ 2½ % en mars, sous l’effet de la fin du congé de TPS et de TVH.
Aujourd’hui, nous avons publié de nouvelles données d’enquêtes que nous menons auprès d’entreprises et de ménages. Même s’il est encore trop tôt pour voir l’ampleur des effets des nouveaux droits de douane sur l’activité économique, les résultats de ces enquêtes semblent indiquer que les menaces tarifaires et l’incertitude entourant la relation commerciale canado-américaine ont déjà une incidence importante sur les intentions des entreprises et des consommateurs.
Les gens sont plus inquiets par rapport à leur sécurité d’emploi et à leur santé financière à cause des tensions commerciales, et ils ont l’intention de dépenser avec plus de prudence. Les préoccupations liées à la sécurité d’emploi se sont surtout accrues dans les secteurs à vocation exportatrice, notamment les secteurs manufacturier, minier et pétrolier et gazier.
Les entreprises ont revu à la baisse leurs perspectives de ventes, tout particulièrement dans le secteur manufacturier et des secteurs qui dépendent des dépenses de consommation non essentielles des ménages. Pour certaines, l’accès au crédit est devenu plus difficile. Et comme la valeur du dollar canadien a baissé, il coûte plus cher d’importer des machines et du matériel. À cause de tous ces facteurs liés au commerce, de nombreuses entreprises ont réduit l’envergure de leurs projets d’embauche et d’investissement.
Les résultats de nos enquêtes permettent aussi de penser que les entreprises ont davantage l’intention de monter leurs prix du fait qu’elles doivent composer avec les coûts plus élevés découlant de l’incertitude et des droits de douane. En même temps, les attentes d’inflation ont augmenté, les Canadiennes et Canadiens anticipant de possibles hausses de prix.
On s’attend à ce que le récent changement dans les intentions des consommateurs et des entreprises se traduise en un affaiblissement marqué de la demande intérieure au premier trimestre de 2025. Parallèlement, les données sur le commerce de marchandises donnent à penser que les entreprises des deux côtés de la frontière ont fait des réserves de produits d’importation dans l’anticipation de l’entrée en vigueur des nouveaux droits de douane. On prévoit donc que les exportations et les importations canadiennes seront toutes deux plus élevées au premier trimestre. Mais la situation semble toucher davantage les exportations, ce qui devrait quelque peu contrebalancer le ralentissement de la demande intérieure au cours de ce trimestre.
Bien sûr, vu ce devancement des exportations, celles-ci seront probablement plus basses dans l’avenir. Si les ménages et les entreprises continuent de prévoir limiter leurs dépenses, la diminution des exportations combinée au ralentissement de la demande intérieure viendrait nuire encore plus à l’activité économique au deuxième trimestre.
Les effets de l’incertitude et des droits de douane sur l’inflation sont plus difficiles à évaluer. L’incertitude qui pèse sur les dépenses des ménages et des entreprises tend à créer des pressions baissières sur l’inflation. Et les nouveaux droits de douane vont nuire aux exportations canadiennes et faire baisser les investissements des entreprises. Mais les coûts montent aussi, ce qui créera des pressions haussières sur l’inflation. La dépréciation du dollar canadien et les nouvelles mesures de rétorsion tarifaires rendent les importations canadiennes plus chères. Les entreprises nous disent aussi que l’incertitude en soi entraîne de nouveaux coûts.
Il faudra un certain temps avant que la hausse des coûts et la baisse de la demande se répercutent sur l’économie et influent sur les prix que paient les Canadiennes et les Canadiens. Le Conseil de direction mesurera l’incidence des pressions sur les coûts à travers les prix à la consommation. Nous allons aussi surveiller de près les attentes d’inflation. Il est essentiel de garder les attentes à moyen et à long terme bien ancrées pour veiller à ce que toute augmentation de l’inflation ne soit que temporaire.
Permettez-moi de conclure.
L’économie était en bonne posture à la fin de 2024. Mais nous voilà face à une nouvelle crise. Selon l’ampleur et la durée des nouveaux droits de douane américains, les répercussions économiques pourraient être graves. À elle seule, l’incertitude cause déjà des torts.
La politique monétaire ne peut pas neutraliser les effets d’une guerre commerciale. Mais elle peut – et elle doit – empêcher les hausses de prix d’alimenter l’inflation de façon durable. La priorité du Conseil de direction sera de mesurer l’évolution et la force des pressions sur l’inflation – celles à la baisse dues à l’affaiblissement de l’économie et celles à la hausse découlant de la montée des coûts.
Comme toujours, la Banque sera guidée par son cadre de politique monétaire et son engagement à maintenir la stabilité des prix au fil du temps.
Sur ce, la première sous-gouverneure et moi répondrons avec plaisir à vos questions.