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La promesse du potentiel

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Introduction

Je vous remercie. C’est un réel plaisir d’être ici.

Aujourd’hui, je vais vous parler de potentiel, un terme qui donne une perspective optimiste de l’avenir, de ce qu’il peut nous réserver.

C’est un terme qui prend une signification différente selon les personnes et les circonstances.

C’est une abstraction : un concept qui évoque le chemin de la réussite. C’est le fil d’arrivée, la destination promise. Là où les choses se corsent, c’est quand il faut trouver le moyen d’y parvenir. La voie à suivre est rarement directe et pour atteindre le potentiel, le parcours est aussi important que la destination, particulièrement pour la « science lugubre » qu’est l’économique.

Pour nous représenter le potentiel économique du Canada, pensons à ce que nous pouvons atteindre si nous faisons de notre mieux et prenons toutes les bonnes décisions. C’est ce que nous pouvons espérer réaliser à long terme.

Comme la croissance de la production potentielle est un élément clé du niveau de vie d’un pays, elle devrait être d’un grand intérêt pour nous tous. Imaginez : si la production potentielle gagnait un point de pourcentage de plus chaque année pendant les dix prochaines années, l’augmentation cumulative de revenus serait de presque 30 000 dollars par Canadien.

À la Banque du Canada, nous nous préoccupons de la production potentielle pour deux raisons. Premièrement, le taux de croissance de la production potentielle nous renseigne sur les perspectives de croissance de notre pays. Deuxièmement, la différence entre le niveau de la production observée et celui de la production potentielle - ou l’écart de production - est une mesure importante des pressions inflationnistes. Et le maintien de l’inflation au taux cible de 2 % est la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter au bien-être financier des Canadiens.

L’évaluation faite par la Banque de l’écart de production actuel et la croissance projetée de la production potentielle influent directement sur les perspectives de l’institution relatives à l’inflation et sur les décisions de politique monétaire. Toutes choses égales par ailleurs, une marge plus grande de capacités excédentaires dans l’économie implique un besoin accru de détente monétaire. En outre, plus le taux de croissance projeté de la production potentielle est élevé, plus l’économie peut croître fortement sans attiser l’inflation 1.

Chaque année en octobre, la Banque révise ses estimations de la production potentielle. Permettez-moi de vous faire part de certaines de nos conclusions et de ce qu’elles nous révèlent à propos du profil d’évolution de l’économie canadienne.

Même si le Canada est sorti de la récession plus tôt et a connu une reprise plus rapide que les autres pays du G7, la croissance de notre économie a été décevante au cours de la dernière année. Je crois que nous sommes tous d’accord pour dire que le fil d’arrivée s’avère difficile à atteindre; bref, la partie n’est pas encore gagnée.

La Banque s’attend à ce que l’économie affiche un regain de vigueur en 2014 et 2015, mais nos perspectives sont entachées d’incertitude et de risques.

Si mon discours aujourd’hui réalise son potentiel, vous comprendrez mieux la production potentielle au Canada, pourquoi elle est difficile à mesurer, pourquoi elle a ralenti, où nous en sommes aujourd’hui et ce que l’avenir pourrait réserver à notre économie. 

Déconstruire l’immesurable

La production potentielle et l’écart de production sont difficiles à mesurer, car le potentiel ne peut être observé directement : il n’est pas facile de mesurer ce qui pourrait être.

Ce que nous tentons de faire, c’est de déterminer le niveau de production pouvant être atteint avec les ressources disponibles (main-d’œuvre, capital et matériel) sans créer de pressions inflationnistes. 

Le concept de production potentielle, et son lien avec l’inflation, est très sensé. Le temps est extrêmement précieux et, comme vous le savez fort bien, la conciliation travail-vie personnelle n’est pas une mince affaire. Et l’histoire montre que quand le travail empiète sur la vie personnelle, des pressions sur les salaires commencent à apparaître, qui se traduisent à la longue par une hausse des prix. Parallèlement, lorsque la production d’une entreprise ne peut suivre le rythme de la demande, celle-ci augmente ses prix afin de tenter de rétablir l’équilibre.

Mais même si, en théorie, il apparaît intéressant de mesurer la production potentielle avec précision, il s’agit d’une tâche colossale. Pour y arriver, nous devons nous faire une idée non seulement du nombre d’heures que les gens sont prêts à travailler à un salaire donné, mais aussi de la productivité de ces travailleurs compte tenu d’autres intrants, comme les machines et le matériel ou la formation en cours d’emploi.

De façon globale, la trajectoire future de la production potentielle sera fonction de nombreuses variables : la vigueur de la demande visant nos biens et services, la mesure dans laquelle les entreprises décident d’investir dans la recherche-développement et la technologie, le nombre de nouvelles entreprises créées et d’autres inconnues 2. Elle dépendra aussi de notre population active - qui travaille et jusqu’à quel âge, et si les travailleurs peuvent se déplacer facilement vers les endroits où les emplois sont les meilleurs et la demande de travailleurs est la plus forte.

Face à toutes ces inconnues, la Banque du Canada doit recourir à divers modèles et indicateurs, ainsi qu’à des renseignements recueillis auprès d’entreprises, et user d’une bonne dose de jugement pour formuler ses estimations 3. Son analyse porte principalement sur les deux variables qui permettent de mesurer la production observée et dont les tendances déterminent la production potentielle, à savoir le facteur travail (nombre total d’heures travaillées) et la productivité du travail (production réelle par heure travaillée).

Selon les conclusions de nos dernières analyses, l’écart de production est considérable et il est probable que le taux de croissance de la production potentielle demeure relativement stable autour de 2 % dans les années à venir. Mais avant d’entrer dans le détail des perspectives, j’aimerais d’abord reculer dans le temps pour expliquer comment nous en sommes arrivés là.

Des creux et des tendances 

Il y a l’histoire courte et l’histoire longue.

Je commencerai par l’histoire courte : la récession.

Comme je l’ai précisé, le Canada a assez bien résisté à la crise financière mondiale, mais il a quand même grandement souffert. En l’espace de trois trimestres en 2008 et 2009, le niveau de la production a chuté de 4 %. Les secteurs à vocation exportatrice (y compris celui des ressources) ont été les plus fortement touchés et le PIB a reculé de 15 % (Graphique 1). Dans l’ensemble du pays, près de 400 000 emplois ont été perdus.

La récession a aussi provoqué une baisse du taux de croissance de la production potentielle (Graphique 2). Certaines entreprises ont fermé leurs portes. Des machines et d’autres biens d’équipement ont été mis à l’arrêt ou carrément au rebut. Plutôt qu’investir dans du nouveau matériel, d’autres firmes ont continué d’utiliser leur vieil équipement. La conjugaison de ces facteurs a rendu les travailleurs moins productifs. Selon notre meilleure estimation, le taux de croissance tendanciel de la productivité du travail pourrait avoir baissé pour s’établir à moins de 0,5 % pendant cette période, et la production potentielle, avoir touché un creux à environ 1,5 %.

Mais, comme je l’ai indiqué, il existe aussi une histoire longue, qui a deux parties : la croissance tendancielle de la productivité du travail et la croissance tendancielle du facteur travail.

La croissance tendancielle de la productivité du travail

Prenons tout d’abord la croissance tendancielle de la productivité du travail. Du milieu des années 1990 à environ 2000, l’essor du secteur des technologies a été associé à une vive augmentation du taux d’expansion de la productivité et de la production potentielle au Canada. Depuis lors, toutefois, la croissance de la productivité est tombée à des niveaux historiquement bas et elle stagne bien en deçà des taux observés aux États-Unis. Si les entreprises américaines ont commencé à utiliser le capital en technologies de l’information et de la communication (TIC) - surtout des logiciels - afin d’améliorer leurs processus et leurs pratiques commerciales, il semble que les entreprises canadiennes n’en ont pas fait autant.

De nombreux autres facteurs ont vraisemblablement contribué au ralentissement de la croissance de la productivité au Canada et à l’élargissement de l’écart avec les États-Unis (Graphique 3). Mentionnons entre autres des problèmes de mesure, une restructuration économique en réaction à des variations importantes des cours des produits de base, des déterminants structurels plus profonds, notamment une piètre tenue du Canada en matière d’innovation, une faible concurrence dans certains secteurs et une main-d’œuvre moins spécialisée 4. L’écart entre le Canada et les États-Unis reflète peut-être aussi une délocalisation plus importante par des entreprises américaines et les ventes des filiales étrangères de ces entreprises.

Le fait que l’essentiel du fléchissement de la croissance observée de la productivité dans la première moitié des années 2000 ait coïncidé avec une forte expansion économique globale donne à penser qu’une part importante de ce recul était structurelle (et non seulement cyclique) et, par conséquent, que la croissance tendancielle de la productivité du travail s’en est ressentie. Depuis 2008, toutefois, la faiblesse de la croissance tient en partie à des facteurs cycliques associés à la récession.

Il convient de souligner que malgré la faible productivité, les Canadiens ont perçu des revenus relativement élevés ces dernières années. Notre niveau de vie dépend non seulement du volume de production mais aussi de la valeur d’échange de cette production. Les prix des produits de base ayant augmenté, nos termes de l’échange - le rapport entre les prix que nous touchons pour nos exportations et celui que nous payons pour nos importations - se sont améliorés, ce qui a favorisé la hausse des revenus au Canada. Cependant, à l’avenir, la productivité pourrait devenir plus essentielle à notre bien-être financier, car les prix réels des produits de base, même si on s’attend à ce qu’ils restent élevés, pourraient ne pas augmenter autant qu’au cours de la dernière décennie.   

La croissance tendancielle du facteur travail

Permettez-moi maintenant de passer à la seconde partie de l’histoire : la croissance tendancielle du facteur travail.

Le nombre total d’heures travaillées par la main-d’œuvre est fonction de la population en âge de travailler, du taux d’emploi et du nombre moyen d’heures travaillées. Les facteurs démographiques sont déterminants pour toutes ces composantes.

Jusqu’en 2008 environ, le taux de croissance de la population en âge de travailler était demeuré plutôt stable (Graphique 4) et la hausse du taux d’activité des femmes contrebalançait presque complètement la diminution de celui des hommes. Toutefois, depuis lors, les répercussions du vieillissement de la population sont devenues plus visibles. Nous vieillissons, vivons plus longtemps et avons moins d’enfants 5. Les baby-boomers partent à la retraite ou réduisent leur nombre d’heures de travail, et la baisse des taux de fécondité ces vingt dernières années font qu’il y a plus de personnes qui quittent le marché du travail que de personnes qui y entrent. Bien que l’immigration nette soit importante et qu’elle représente actuellement la moitié de l’accroissement de la population au Canada, elle ne peut freiner la décélération du rythme d’augmentation de la main-d’œuvre.

Il est clair que des facteurs autres que démographiques influent sur le facteur travail, mais leur incidence sur la tendance est plus difficile à cerner. Par exemple, la récession a touché tant la demande que l’offre de main-d’œuvre. D’une part, les entreprises ont réduit les embauches et le nombre d’heures travaillées a diminué. D’autre part, les gens comptaient travailler davantage afin de compenser la perte de richesse et de revenu. On ne sait pas précisément dans quelle mesure ces deux facteurs se neutralisent l’un l’autre en ce qui a trait à la tendance et combien de temps ils vont persister. La Banque estime cependant que, dans l’ensemble, la récession a eu peu d’effet sur l’augmentation tendancielle du facteur travail 6.

Le bilan

En résumé, la croissance de la productivité affichait une tendance à la baisse au début de la récession, et celle-ci a exacerbé cette tendance. C’est essentiellement pourquoi on estime que le taux de croissance de la production potentielle a baissé, passant de plus de 3,5 % à la fin des années 1990 à environ 1,5 % en 2009. La production ayant été nettement inférieure à son potentiel durant la récession, la marge de capacités excédentaires a atteint jusqu’à 3,5 à 4,5 %.

Grâce à la forte demande intérieure, le Canada s’est remis assez rapidement de la récession et a enregistré une solide croissance en 2010 et 2011. Comme la production a progressé et que les investissements des entreprises se sont accélérés, nous estimons que le rythme d’augmentation tendanciel de la productivité du travail s’est accru lentement, ce qui a fait grimper le taux de croissance de la production potentielle aux environs de 2 % au cours de la dernière année.

Bien que nos estimations laissent supposer que l’économie se rapprochait de son potentiel à la fin de 2011, le ralentissement de la croissance qui a été observé depuis a donné lieu à une accumulation importante de capacités excédentaires. Tenant compte d’un éventail d’indicateurs et de modèles, la Banque est d’avis que la marge de capacités inutilisées se situe à l’heure actuelle entre 1 et 2 %.

En raison de la complexité énorme que représente l’estimation de la production potentielle, il n’est pas surprenant que la Banque l’exprime sous forme de fourchette plutôt que d’une valeur ponctuelle, en se fondant sur les divers indicateurs qu’elle surveille.

De plus, il est très difficile de distinguer les variations d’indicateurs qui reflètent des facteurs cycliques liés à la demande de celles axées sur des facteurs plus structurels. Prenons l’exemple du ratio de l’emploi à la population. Ce ratio oscille aux alentours de 0,62 depuis plus de deux ans, ce qui est nettement plus bas que le sommet de 0,637 atteint avant la récession (Graphique 5). À première vue, il témoigne d’une marge notable de ressources inutilisées sur le marché du travail. Cependant, notre examen des facteurs démographiques semble indiquer que d’autres forces sans lien avec la demande de travail cyclique sont en jeu. Chaque année, la proportion de travailleurs d’âge mûr dans la population active augmente et ces travailleurs affichent à juste titre un taux d’activité beaucoup plus faible. Si nous considérons plutôt le ratio de l’emploi à la population dans la force de l’âge, nous constatons qu’une part bien plus importante des emplois perdus durant la récession a été récupérée.

La question de savoir si nous devrions escompter un retour au sommet d’avant la récession est aussi discutable, puisque cette période a connu le ratio de l’emploi à la population le plus élevé depuis plusieurs décennies. Le problème que pose le recours aux sommets historiques atteints par l’emploi, ou l’établissement de liens avec les sommets historiques du PIB, est que, par définition, la demande ne peut jamais être excédentaire au sein de l’économie. Mais, naturellement, l’histoire montre le contraire. Les économies non seulement peuvent produire, mais produisent, au-delà du niveau soutenable à long terme.

Parvenir à notre destination

La Banque du Canada prévoit que l’offre excédentaire se résorbera lentement avec le temps et que l’économie canadienne retournera à son plein potentiel vers la fin de 2015.

Ces perspectives reposent sur les diverses forces en jeu qui influenceront la progression de la demande au Canada, ainsi que sur l’évolution de la croissance de la production potentielle.

La Banque s’attend à un renforcement de la vigueur sous-jacente de l’économie au fil du temps. Le raffermissement de la demande étrangère favorisera notre secteur des exportations. L’expansion dans ce secteur, conjuguée à la hausse modérée et continue des dépenses des ménages, devrait stimuler la confiance et les investissements des entreprises - des investissements qui contribueront à accentuer la croissance de la productivité. Toutefois, cette croissance devrait être contrebalancée par un ralentissement plus prononcé de l’accroissement tendanciel du facteur travail, si bien que le taux d’augmentation de la production potentielle demeure assez stable, soit aux environs de 2 % (dans une fourchette de ± 0,3 point de pourcentage).

Le ralentissement projeté du rythme d’accroissement tendanciel du facteur travail (de 0,8 % en 2013 à 0,5 % en 2016) résulte de la poursuite des tendances démographiques que j’ai mentionnées plus tôt. Ces chiffres pourraient être légèrement différents si les travailleurs d’âge mûr restaient plus longtemps sur le marché du travail ou si le nombre moyen d’heures qu’ils effectuent s’accroissait. Les choix qu’ils feront à cet égard sont intimement liés à leur situation financière, à savoir s’ils pensent qu’ils peuvent se permettre de prendre leur retraite. Par exemple, si un nombre additionnel de 15 000 travailleurs de plus de 55 ans décidaient de rester dans la population active l’an prochain, nous pourrions nous attendre à ce que le taux de croissance tendanciel du facteur travail demeure stable.

La croissance tendancielle de la productivité du travail devrait continuer d’augmenter durant les prochaines années et atteindre un taux supérieur à la moyenne, soit 1,4 % en 2015.

Depuis la récession, les secteurs minier, pétrolier et gazier ont fait l’objet d’investissements considérables (Graphique 6). Compte tenu du temps qu’il faut pour que ces investissements se traduisent par une hausse de la production, l’expansion soutenue des infrastructures dans ces secteurs devrait concourir à la progression future de la productivité.

La Banque s’attend à un accroissement des investissements dans la plupart des secteurs de l’économie. Les investissements en machines et matériel et dans la recherche-développement, qui ont mis plus de temps à se redresser, devraient regagner en vigueur, sous l’effet de l’accélération de l’activité étrangère, de la demande américaine surtout.

En plus de contribuer directement à l’amélioration de la productivité par l’approfondissement du capital (la hausse du montant de capital par travailleur), ces investissements sont liés à l’adoption et à la création de nouvelles technologies et de nouveaux processus ayant des retombées positives additionnelles sur la productivité.

Parmi les autres facteurs qui devraient concourir au redressement de la croissance tendancielle de la productivité du travail, mentionnons la main-d’œuvre canadienne très instruite, qui sera en mesure de s’adapter rapidement aux nouvelles technologies 7. En outre, on s’attend à ce que les entreprises continuent à fournir des efforts pour s’adapter à la force du dollar canadien et faire face à la vive concurrence sur les marchés internationaux.

Une hausse des investissements signifie aussi un plus grand nombre de nouveaux emplois. On crée déjà des postes qui exigent un niveau relativement élevé de compétences et qui sont dans des secteurs où les salaires sont supérieurs à la moyenne. Récemment, nous avons vu comment de nouvelles technologies et de nouvelles industries peuvent apparaître dans le sillage des récessions et donner lieu à la création de nouvelles catégories d’emplois et à un cercle vertueux caractérisé par un regain de confiance et une expansion de la capacité de production.

Par ailleurs, des signes positifs semblent indiquer que la productivité du travail s’améliore. Mais une incertitude considérable persiste à plus long terme, et les résultats relativement faibles obtenus dernièrement devraient modérer nos attentes. Cela dit, la productivité pourrait aussi augmenter à un rythme plus vif qu’anticipé actuellement. Cela pourrait se produire si, par exemple, la création nette d’entreprises, qui a été plutôt limitée depuis 2008, s’accélère. Les projets des entreprises canadiennes consistant à accroître les exportations vers les économies émergentes dont la croissance est la plus rapide ainsi que la plus grande intégration dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pourraient aussi être à l’origine d’une croissance plus élevée de la productivité au fil du temps.

Conclusion

Comme je l’ai dit au début, la croissance de la production potentielle est un élément clé du niveau de vie d’un pays.

Pour établir sa prévision concernant la croissance économique et l’inflation au Canada, la Banque analyse l’activité - là où elle pourrait être et là où elle se situe réellement. Elle évalue comment, et quand, cet écart devrait se résorber selon toute probabilité. Cette analyse alimente directement son processus décisionnel en matière de politique monétaire.

Son analyse permet de penser que l’inflation basse observée ces derniers mois tient principalement à l’importante marge de capacités excédentaires présente au sein de l’économie. Elle prévoit que cet excédent se résorbera progressivement au cours des deux prochaines années, de sorte que l’inflation retournera aussi graduellement à 2 % vers la fin de 2015. Compte tenu des risques à la baisse touchant l’inflation par rapport au risque d’une amplification des déséquilibres déjà prononcés dans le secteur des ménages, la Banque estime que la détente monétaire considérable en place actuellement demeure appropriée et a donc décidé de maintenir le taux cible du financement à un jour à 1 %.

Comme je viens de l’indiquer clairement, l’estimation de l’écart de production et le rythme de croissance futur de la production potentielle sont entachés d’une incertitude notable. À mesure qu’elle obtiendra davantage de données, la Banque réévaluera ses hypothèses et la résultante des risques.

Cette analyse offre aussi quelques enseignements cruciaux sur ce que l’avenir pourrait réserver à l’économie du pays. Bien que la production potentielle du Canada ait fléchi durant la récession, les tendances à long terme se sont aussi répercutées sur la croissance tendancielle du facteur travail et sur celle de la productivité du travail.

Une évolution démographique implacable est en cours. On ne peut plus s’en remettre à la vigueur du rythme d’accroissement tendanciel du facteur travail pour soutenir la croissance de la production potentielle alors que la progression tendancielle de la productivité du travail est faible. En outre, bien que le Canada dispose d’abondantes ressources naturelles, on ne pourra pas toujours compter sur le fait que les prix des produits de base vont stimuler la croissance des revenus dans l’avenir comme cela a été le cas récemment.

Ici, à Winnipeg, vous avez de nombreuses raisons d’avoir confiance : une main-d’œuvre productive et qualifiée, une industrie diversifiée, des investissements judicieux dans la recherche-développement et un taux de chômage qui se situe constamment parmi les plus bas au Canada. Votre province possède les moyens nécessaires pour accroître la productivité et la prospérité.

Alors que nous continuons notre parcours, la Banque du Canada va poursuivre ses efforts en vue de comprendre les tendances qui touchent l’économie du pays et continuera de communiquer le fruit de ce travail à des dirigeants d’entreprises comme vous.

Nous maintiendrons également notre ferme engagement qui consiste à garder l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible.

Bien qu’un grand nombre de variables soient en jeu, la cible d’inflation de 2 % est une constante à la Banque du Canada et un élément essentiel du rôle que celle-ci joue pour favoriser la prospérité économique et financière du pays.

Je vous remercie de votre attention.

  1. 1. Avec le temps, on peut s’attendre à ce que l’économie tourne à pleine capacité, qu’il n’y ait pas d’écart de production et que l’inflation demeure stable à son taux cible. À ce stade, le taux de croissance de la production potentielle détermine le rythme de l’activité économique. Il convient de noter que si l’économie affiche un rythme de croissance égal à celui de la production potentielle, cela ne signifie pas pour autant qu’elle est retournée à une croissance naturelle ou autosuffisante. Selon les circonstances, la politique monétaire pourrait encore devoir donner l’élan ou le coup de frein nécessaire.[]
  2. 2. Voir S. Poloz (2013), Retour à une croissance naturelle de l’économie, discours prononcé devant la Chambre de commerce de Vancouver, 18 septembre.[]
  3. 3. En pratique, faire une différence entre la production potentielle et la production observée équivaut à établir une distinction entre la tendance sous-jacente et les mouvements cycliques de la production. On peut avoir recours à différentes approches pour dégager ces tendances, allant de filtres mécaniques très simples à des modèles structuraux.[]
  4. 4. Voir M. Carney (2010), La productivité : une vertu dans un monde impitoyable, discours prononcé devant la Ottawa Economics Association, 24 mars; T. Macklem (2012), La pleine mesure du travail, discours prononcé devant la Chambre de commerce de Winnipeg, 4 octobre; et T. Macklem (2011), L’impératif de compétitivité du Canada : investir dans les gains de productivité, discours prononcé devant Productivity Alberta, 1er février.[]
  5. 5. Le Canada est loin d’être le seul dans cette situation. Tous les pays du G7 connaissent une baisse de l’indice synthétique de fécondité et une hausse de l’espérance de vie. Toutefois, le Canada est dans une situation plus favorable que l’Allemagne, l’Italie et le Japon. Voir J. Boivin (2012), Vieillir en beauté : l’inévitable évolution démographique du Canada, discours prononcé devant l’Economic Club of Canada, 4 avril.[]
  6. 6. Une longue période de chômage peut entraîner une perte de capital humain tenant à la déqualification des travailleurs, ce qui rend difficile leur retour sur le marché du travail. Ces effets persistants pourraient finir par avoir une incidence négative sur la croissance de la production potentielle. Toutefois, on ne sait pas encore quelle sera l’ampleur de cette incidence.[]
  7. 7. Bien que nous soyons dotés au Canada d’une main-d’œuvre très instruite (nous avons l’un des niveaux les plus élevés d’obtention de diplôme de niveau tertiaire parmi les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques), nous sommes à la traîne dans certains domaines essentiels à la croissance de la productivité, nous avons notamment moins de gestionnaires possédant un diplôme universitaire et moins de diplômés universitaires en sciences, technologies et commerce qu’aux États-Unis.[]