Bonjour. La première sous-gouverneure Carolyn Rogers et moi sommes heureux d’être ici pour parler du Rapport sur la stabilité financière de la Banque du Canada.

Chaque année, la Banque évalue la stabilité du système financier canadien et souligne les risques qui pourraient menacer cette stabilité. Bien que certains risques aient diminué, le contexte commercial actuel a généralement fait augmenter les risques.

Mais revenons un peu en arrière avant de nous tourner vers l’avenir.

Le système financier du pays a été confronté à des chocs sans précédent ces dernières années, et il s’est montré résilient. Les ménages, les entreprises, les banques et les autres institutions financières ont surmonté les bouleversements causés par la pandémie de même que la forte hausse de l’inflation et des taux d’intérêt qui a suivi. Cette période a été difficile pour beaucoup de Canadiennes et Canadiens, et des foyers de tension sont toujours présents. Cependant, les mesures proactives prises par les ménages et les entreprises, conjuguées à des taux d’intérêt nettement plus bas, ont rendu le système plus résilient au tournant de 2025.

Aujourd’hui, l’économie et le système financier du Canada font face à une nouvelle menace. La politique commerciale des États-Unis a pris un virage protectionniste radical. Les droits de douane et l’incertitude ont fortement réduit les perspectives de croissance de l’économie mondiale, et les marchés financiers ont été secoués par les annonces et revirements chaotiques en matière de politiques.

Une longue guerre commerciale est la plus grande menace pour l’économie canadienne. Elle accroît aussi les risques pour la stabilité financière.

Il y a deux grandes préoccupations.

À court terme, l’imprévisibilité de la politique commerciale américaine pourrait accroître la volatilité des marchés et causer des problèmes de liquidités. Dans des cas extrêmes, la volatilité des marchés pourrait perturber leur fonctionnement.

À moyen terme, une guerre commerciale mondiale prolongée aurait de graves conséquences économiques. Elle ferait diminuer la croissance et monter le chômage, ce qui pourrait avoir des répercussions importantes sur notre système financier. Comme l’endettement est encore élevé, certains ménages et entreprises pourraient avoir de la difficulté à faire leurs versements. S’il y a beaucoup de pertes sur prêts, les banques pourraient accorder moins de financement. Cela ferait ralentir encore plus l’économie, et causerait plus de pressions sur les entreprises et les ménages.

Dans ce rapport, nous évaluons les signes de tensions globales dans le système financier. Les incertitudes sont nombreuses : on ne sait toujours pas quels droits de douane resteront en vigueur, s’ils seront réduits ou augmentés, ni quelle sera leur durée. Il est donc particulièrement difficile d’anticiper les risques pour le système financier.

Dans le Rapport sur la politique monétaire d’avril, nous avons présenté deux scénarios indicatifs de l’incidence possible d’une guerre commerciale sur l’économie. Dans le Rapport sur la stabilité financière, nous nous sommes concentrés sur le plus pessimiste de ces scénarios pour explorer comment la guerre commerciale pourrait influer sur différentes parties du système financier. Pour être clairs, notre analyse n’est pas une projection. Il s’agit d’une évaluation des vulnérabilités – les foyers de tensions existantes ou potentielles – et de la façon dont elles pourraient se propager dans le système financier.

Je vais maintenant passer la parole à la première sous-gouverneure, pour qu’elle décrive comment ces vulnérabilités touchent les quatre principaux secteurs du système financier : les ménages, les entreprises, les banques et les institutions appelées intermédiaires financiers non bancaires – une vaste catégorie comprenant les sociétés financières, les fonds de pension, les sociétés d’assurance et les gestionnaires de fonds.

Commençons par les ménages. Le ratio de la dette totale au revenu disponible est inférieur à ce qu’il était il y a un an, mais reste élevé par rapport au passé. Malgré les taux d’intérêt plus bas, les signes de tensions financières se sont accrus au cours des douze derniers mois, en particulier chez les ménages sans prêt hypothécaire. Par exemple, la proportion de ces ménages qui sont en retard dans leurs paiements de carte de crédit et de prêt automobile a continué d’augmenter.

Parmi les ménages détenant un prêt hypothécaire, 60 % devront le renouveler cette année ou en 2026. La plupart de ceux-ci verront leurs versements augmenter parce qu’ils ont contracté leur prêt pendant la pandémie, quand les taux étaient très bas. Mais l’augmentation moyenne sera plus faible que nous l’anticipions il y a un an.

Néanmoins, si un choc économique majeur entraînait des pertes d’emplois, il serait plus difficile pour certains ménages d’arriver à faire leurs versements. 

Une guerre commerciale prolongée pourrait constituer un tel choc. Elle ferait chuter la demande d’exportations canadiennes et perturberait les chaînes d’approvisionnement, menaçant les emplois et les revenus. Les travailleurs des secteurs qui dépendent du commerce, en particulier, pourraient avoir du mal à continuer de gérer leur dette.

Les entreprises ne seraient pas épargnées. La plupart des entreprises canadiennes ont réussi à s’adapter aux hausses de taux d’intérêt passées, et la flambée des cas d’insolvabilité de petites entreprises observée l’an dernier s’est avérée temporaire. Toutefois, les entreprises des secteurs liés au commerce, en particulier celles qui ont une dette importante, une rentabilité peu élevée ou de faibles réserves de liquidités, pourraient également prendre du retard dans le remboursement de leurs dettes.

Une des forces de notre système financier est que les banques canadiennes sont en bonne posture pour absorber des pertes sur créances plus élevées. Ces dernières années, elles ont accru leurs réserves de fonds propres et, plus récemment, leurs provisions pour pertes sur créances, ce qui a renforcé leur résilience. Les niveaux de liquidité restent élevés et l’accès des banques au financement demeure solide. Cela dit, si les pertes sur créances devenaient assez importantes, les banques pourraient réduire leur offre de prêts. Les ménages et les entreprises en difficulté auraient moins accès au crédit pour traverser les périodes difficiles. Un tel cycle pourrait accentuer le ralentissement économique.

Dans le secteur financier non bancaire, la présence grandissante de fonds de couverture sur le marché des obligations du gouvernement du Canada suscite certaines préoccupations. Les marchés des obligations d’État sont le fondement même du système financier. Ils doivent tourner rondement pour assurer le bon fonctionnement des autres marchés. L’activité accrue des fonds de couverture a contribué à absorber l’augmentation des émissions de titres d’État, ce qui a maintenu les rendements plus bas et les liquidités plus élevées. Cependant, les fonds de couverture ont aussi eu de plus en plus recours au levier financier pour financer leurs achats d’obligations d’État. Ils sont donc plus susceptibles de se retirer de ces marchés essentiels en périodes de tensions, ce qui ajoute à la volatilité.

Les récentes turbulences sur le marché des bons du Trésor américain ont clairement mis ce risque en lumière. Si la guerre commerciale provoque une hausse de la volatilité plus importante qu’observé jusqu’à présent, les fonds de couverture qui ont recours à l’effet de levier pourraient se précipiter pour vendre les titres qu’ils détiennent. Cela pourrait restreindre la liquidité des marchés essentiels et accroître les tensions dans l’ensemble du système financier. De plus, la multiplication des liens entre les banques et les institutions financières non bancaires pourrait faciliter la propagation des tensions. Dans un contexte de volatilité accrue des marchés et compte tenu de leur importance sur les marchés des obligations d’État, les fonds de couverture doivent s’assurer d’être prêts à réagir à des besoins de liquidité soudains sans perturber le fonctionnement des marchés.

C’est maintenant le temps de conclure.

Le système financier canadien est résilient. Malgré l’endettement élevé et les turbulences économiques causées par la pandémie, les ménages, les entreprises et les banques ont résisté à une hausse rapide des taux d’intérêt. C’était un test majeur, et le système financier s’est avéré être une source de stabilité. 

Mais il nous faut rester vigilants. Des vulnérabilités subsistent et un autre test se profile à l’horizon.

En mettant en relief les vulnérabilités, nous pouvons aider le système financier à se préparer aux tensions futures. Nous surveillons attentivement l’évolution de la situation et nous nous entretenons régulièrement avec les participants au système financier ainsi qu’avec d’autres autorités financières au Canada et dans le monde. Un système financier stable et résilient absorbe les chocs au lieu de les amplifier, ce qui profite à toute la population canadienne.

Sur ce, le gouverneur et moi répondrons avec plaisir à vos questions.

Rapport sur la stabilité financière – 2025

Le système financier canadien est résilient. Dans l’ensemble, les ménages, les entreprises, les banques et les intermédiaires financiers non bancaires ont réussi à surmonter la pandémie, une période de forte inflation et des hausses marquées des taux d’intérêt. Mais, à l’heure actuelle, la guerre commerciale menace l’économie canadienne et présente des risques pour la stabilité financière.

Conférence de presse : Rapport sur la stabilité financière – 2025

Publication du Rapport sur la stabilité financière — Conférence de presse donnée par le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Rogers. (vers 11 h, heure de l’Est).