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Défis et perspectives de l'économie canadienne

Une fois par année, le Conseil d'administration de la Banque du Canada se réunit dans une autre ville qu'Ottawa, en changeant de province chaque fois. Je suis ravi que la réunion de cette année se tienne dans la belle ville historique de Québec.

Je voudrais profiter de cette occasion pour vous parler aujourd'hui de l'évolution récente de notre économie. Mais auparavant, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous informer des initiatives qu'a lancées la Banque récemment pour renforcer sa présence dans les régions. En effet, nous venons de mettre sur pied de nouveaux bureaux régionaux à Calgary et à Halifax, et nous sommes en train d'augmenter les effectifs de nos bureaux de Montréal, de Toronto et de Vancouver.

Nous avons pris cette décision parce que nous savons, par expérience, que l'économie et la politique monétaire fonctionnent mieux lorsque les Canadiens sont bien renseignés sur les principales questions économiques de l'heure et sur l'orientation de la politique monétaire. C'est pourquoi nous essayons depuis quelques années de sensibiliser davantage le public à ces questions. Par exemple, nous fournissons régulièrement davantage d'informations sur l'économie et nous expliquons les mesures de politique monétaire qui ont été prises et les raisons qui les ont motivées.

Mais pour bien faire son travail, la Banque doit être informée de ce qui se passe dans l'économie d'un bout à l'autre du pays. Elle doit aussi être à l'écoute des opinions et des préoccupations de la population au sujet de l'économie et de la politique monétaire.

La Banque a toujours été en contact avec les régions et suivi l'évolution économique de chacune d'elles. Ce que nous voulons, c'est améliorer notre capacité d'interpréter les données économiques relatives aux régions. Pour cela, nous devons renforcer nos liens avec les entreprises, les gouvernements, les associations, les analystes économiques et les gens de chaque région. Nous croyons que la mise sur pied de nouveaux bureaux régionaux et l'expansion de ceux qui existent déjà nous permettront d'y arriver.

L'économie et la politique monétaire seront au coeur des activités de nos représentants régionaux, mais nous nous attendons aussi à ce qu'ils jouent un plus grand rôle en matière de communication avec le public sur tous les aspects des fonctions de la Banque. Par exemple, nous allons augmenter nos efforts pour sensibiliser la population canadienne aux éléments qui protègent les billets de banque canadiens de la contrefaçon. L'éducation est un élément important de la prévention de la contrefaçon.

Le personnel des bureaux régionaux va aussi surveiller les nouveaux arrangements concernant la distribution des billets aux institutions financières. Il va ainsi veiller au respect de ces arrangements et s'assurer que le nouveau système continue de fournir un service de qualité aux Canadiens. Notre second projet pilote pour ce nouveau système s'est déroulé ici même, à Québec. En vertu du nouveau système, les institutions financières qui ont des billets en surplus les envoient directement aux institutions qui en ont besoin. Seuls les billets trop usés sont maintenant déposés à la Banque du Canada aux fins de destruction.

Je compte sur votre appui pour assurer le succès des initiatives relatives à la présence régionale de la Banque du Canada. Je vous invite tout spécialement à communiquer avec nos deux représentants principaux à notre bureau régional pour le Québec, situé à Montréal. Ce sont Louis-Robert Lafleur, pour le secteur de l'analyse économique, et Lorraine Laviolette, pour le secteur des opérations. Vous pouvez vous adresser à eux pour obtenir des renseignements, exprimer votre point de vue ou entrer en contact avec la Banque à Ottawa.

Comme je l'ai signalé tout à l'heure, il est important que les Canadiens soient bien renseignés au sujet de l'économie et de la politique monétaire. Je me réjouis donc de l'attention que les questions économiques ont reçue ces dernières années. J'aimerais en examiner trois avec vous aujourd'hui, qui ont été fréquemment soulevées au sujet de la politique monétaire.

La première est celle de savoir pourquoi la Banque continue de se préoccuper de l'inflation maintenant que celle-ci est très faible et ne semble plus être une menace. N'y a-t-il pas un risque que la politique monétaire, en restant axée sur l'inflation, ne fournisse pas le soutien nécessaire à la croissance des revenus et de l'emploi?

La deuxième question est la suivante : si un bas taux d'inflation est bon pour l'économie, pourquoi cela ne s'est-il pas manifesté davantage dans nos résultats économiques?

La troisième, enfin, concerne l'optimisme de la Banque au sujet des perspectives de croissance de l'économie canadienne cette année et l'an prochain. Sur quoi se fonde cet optimisme, étant donné que la restructuration économique se poursuit et qu'elle peut encore influer sur la confiance des consommateurs?

L'engagement envers la maîtrise de l'inflation est-il encore de mise?

Au cours des cinq dernières années, le taux annuel d'inflation a été inférieur en moyenne à 2 % au Canada. Pourquoi, dans ces conditions, la Banque du Canada tient-elle autant à maintenir le cap sur sa fourchette cible de maîtrise de l'inflation? Pourquoi ne met-elle pas plus l'accent sur la croissance économique et l'emploi?

Ma réponse à cette question est claire : l'engagement à réaliser et à maintenir un bas taux d'inflation est la meilleure contribution que la politique monétaire peut faire avec le temps au bon fonctionnement de l'économie, donc à la croissance de la production et de l'emploi. Et la raison à cela est qu'un tel engagement donne aux Canadiens l'assurance que la valeur de leur monnaie ne va pas être grugée par l'inflation. En général, une faible inflation rend l'avenir moins incertain, de sorte que les gens peuvent prendre de meilleures décisions en matière économique. Et à mesure que l'incertitude à propos de l'inflation diminue, les taux d'intérêt baissent. Une forte inflation, par contre, rend les variations des prix difficiles à interpréter et encourage les investissements spéculatifs plutôt que productifs, ce qui tend à rendre l'économie inefficiente. L'expérience nous a enseigné qu'il ne peut résulter de tout cela que de pénibles cycles de surchauffe et de récession, et non pas la stabilité économique.

Passons maintenant à la crainte que l'attention constante que la Banque accorde à la maîtrise de l'inflation puisse nuire à la pleine reprise de l'économie et à la création d'emplois. En fait, lorsque la Banque prend des mesures pour maintenir l'inflation à l'intérieur de sa fourchette cible, la politique monétaire qu'elle poursuit joue un rôle important de stabilisateur de l'économie et contribue à la réalisation d'une croissance durable de la production et de l'emploi.

Comment cela fonctionne-t-il? Eh bien! lorsque l'économie progresse à un rythme insoutenable, ce qui exerce de fortes pressions sur les capacités de production et menace de pousser la tendance de l'inflation au delà de la limite supérieure de la fourchette cible, la Banque resserre les conditions monétaires pour ralentir ce rythme. Mais la Banque va aussi agir, en relâchant les conditions monétaires, lorsque l'économie est faible et que la tendance de l'inflation risque de tomber en dessous du plancher de la fourchette cible. C'est ce que nous avons fait de novembre 1995 à novembre 1996.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression que la Banque peut d'une certaine façon régler avec précision le fonctionnement de l'économie. Elle ne le peut pas. Il faut en effet beaucoup de temps avant que les mesures de politique monétaire fassent sentir leur incidence sur l'économie. Toutefois, l'approche suivie fournit à l'économie un soutien monétaire qui, au fil du temps, aide la production et l'emploi à atteindre leur niveau potentiel. Donc, en se concentrant sur ses cibles de maîtrise de l'inflation, la Banque fait ce qu'il y a de mieux pour l'économie.

Comme vous le voyez, nous avons de bonnes raisons de maintenir l'engagement que nous avons pris d'atteindre nos cibles. Au départ, celles-ci devaient nous aider à réduire l'inflation, qui était élevée. Mais je suis convaincu que ces cibles demeurent le meilleur point de repère que nous ayons dans la conduite de la politique monétaire, même maintenant que l'inflation est faible, et notre but est qu'elle reste faible.

Pourquoi les avantages d'une faible inflation ont-ils été lents à se manifester?

Étant donné tous les succès que nous avons remportés dans la lutte contre l'inflation ces cinq dernières années, comment expliquer que la tenue globale de l'économie canadienne n'ait pas été plus reluisante?

À mon avis, cela est dû en grande partie à l'ampleur et à la complexité de la transformation qui s'opère dans notre économie depuis quelques années en réponse à deux défis de taille. Le premier est d'ordre mondial et il découle des progrès rapides de la technologie ainsi que de l'ouverture et de la compétitivité croissantes des marchés mondiaux. Le second est d'envergure nationale et il provient de la nécessité de corriger les déséquilibres économiques et les excès commis durant les années 70 et 80. Je pense ici à la croissance rapide des coûts de production, aux opérations spéculatives (en particulier dans le secteur immobilier), aux importants déficits budgétaires des administrations publiques canadiennes et à l'accumulation de leur dette.

Chose certaine, le processus de restructuration a été pénible et source de tensions. Il a entraîné des mises à pied — dans le secteur privé d'abord, puis dans le secteur public — créant beaucoup d'incertitude. De plus, en 1994 et au début de 1995, dans la foulée de la turbulence qui agitait les marchés financiers internationaux, la nervosité des investisseurs au sujet de notre situation budgétaire et politique a fait grimper temporairement nos taux d'intérêt intérieurs. Cela a rendu les Canadiens inquiets quant à leur avenir et peu enclins à dépenser. Il n'est pas vraiment étonnant, dans ces circonstances, que les avantages d'une faible inflation aient tardé à se faire sentir et que la reprise qui a suivi la récession du début des années 90 ait été plus graduelle que prévu.

Les Canadiens ne pouvaient échapper aux coûts immédiats de ces ajustements structurels difficiles, mais combien nécessaires. N'oublions pas toutefois que notre économie a fait des progrès impressionnants, qui vont porter leurs fruits à long terme.

J'ai déjà mentionné notre bonne tenue dans le domaine de l'inflation. Le ralentissement marqué de l'inflation par rapport aux niveaux élevés des années 70 et 80 a contribué à la baisse des taux d'intérêt, au meilleur contrôle des entreprises sur leurs coûts et au climat économique plus stable dans l'ensemble que nous connaissons actuellement.

Les entreprises canadiennes ont investi dans les nouvelles technologies et ont rationalisé leurs opérations pour devenir plus efficientes et plus productives. Grâce à cela et au fait qu'elles sont maintenant plus tournées vers l'extérieur, elles ont pu tirer parti du taux de change compétitif de notre monnaie pour percer sur de nouveaux marchés mondiaux et accroître leurs parts de marché.

Des progrès considérables ont aussi été accomplis au chapitre de la restructuration du secteur public. Les déficits ont été nettement réduits, et les administrations publiques deviennent moins vulnérables en matière d'endettement. On s'attend à ce que le niveau de la dette publique par rapport à la taille de l'économie diminue cette année et continue de diminuer au cours des prochaines années. Ce sont là d'excellentes nouvelles, car une baisse de ce ratio est indispensable pour que notre pays recouvre pleinement sa santé financière.

Et ce n'est pas tout. Grâce à l'essor de nos exportations et à l'assainissement des finances publiques des gouvernements canadiens, le déficit persistant de notre balance des paiements courants a fortement diminué. Cela veut dire que, comme pays, nous avons cessé d'augmenter rapidement notre dette envers l'étranger.

Les Québécois, comme les autres Canadiens, ont connu leur part des tensions et des difficultés qui découlent de l'ajustement aux nouvelles réalités économiques. Depuis le début de la décennie, un grand nombre d'entreprises québécoises se sont restructurées en profondeur; il leur a fallu acheter de l'équipement ultramoderne, rationaliser leurs activités et accroître les compétences de leur main-d'oeuvre. Le secteur public a entrepris récemment une démarche semblable. Et cette restructuration n'est pas facile. Mais les changements qui en ont résulté ont rendu un bon nombre d'industries québécoises très concurrentielles, entre autres dans les domaines des télécommunications, de l'équipement de bureau, de l'aéronautique et de la construction. Et, de façon plus générale, ces changements devraient jeter les bases d'une meilleure tenue de l'économie du Québec dans l'avenir. À mon avis, l'accent que met la politique monétaire canadienne sur la maîtrise de l'inflation, qui a contribué à une meilleure stabilité économique et au bas niveau des taux d'intérêt actuels, soutient l'économie québécoise dans son processus d'ajustement.

Les raisons de l'optimisme de la Banque quant aux perspectives de l'économie canadienne

La transformation de l'économie canadienne ne s'est pas faite sans douleur et cela a certainement freiné la croissance de la production et de l'emploi. Mais je crois que nous sommes maintenant parvenus au point où les avantages l'emportent sur les désavantages.

Un des principaux avantages est le recul marqué de nos taux d'intérêt depuis la fin de 1995. Un bon nombre des taux d'intérêt pratiqués au Canada sont maintenant à leurs plus bas niveaux depuis les années 60, et pour les échéances allant jusqu'à 10 ans, nos taux sont nettement plus bas que les taux américains correspondants.

Cette baisse est un formidable stimulant pour la dépense des ménages. Mais il faut beaucoup de temps, entre un et deux ans, pour que les mesures de politique monétaire fassent sentir leurs effets sur l'économie. Voilà pourquoi nous n'avons pu observer que récemment les signes certains de la réaction de l'économie aux bas taux d'intérêt. Cela explique en partie certains pronostics sombres exprimés au cours de la dernière année au sujet des perspectives économiques du Canada.

Les signes observés récemment, en particulier dans les secteurs de la dépense sensibles aux variations des taux d'intérêt, sont très encourageants. Les résultats économiques pour le second semestre de 1996 et le premier trimestre de 1997 confirment en gros la hausse importante de la dépense des ménages au titre des logements, des véhicules automobiles et des biens durables que nous avions prévue. Et les entreprises continuent d'augmenter leurs dépenses d'investissement. De plus, la croissance de l'emploi dans le secteur privé s'est ressaisie, après avoir été lente en début d'année.

Compte tenu des décalages dont j'ai parlé tout à l'heure, l'important assouplissement passé des taux d'intérêt devrait continuer d'alimenter la forte croissance de la demande intérieure pendant un certain temps encore. Et comme la demande américaine pour nos exportations est vigoureuse, la Banque estime qu'il y a de bonnes raisons de prévoir une expansion robuste de notre économie pour la période à venir.

Quelles seront donc les conséquences de cette expansion sur l'inflation? Étant donné qu'il reste encore des capacités de production inutilisées assez importantes dans l'économie canadienne, on n'a pas trop à craindre qu'une expansion robuste provoque une remontée de l'inflation. Mais à mesure que la marge de capacités inutilisées va se rétrécir, nous aurons moins besoin de stimulation monétaire qu'à l'heure actuelle pour garder l'économie sur la voie d'une expansion durable, compatible avec une faible inflation. En d'autres mots, c'est seulement en maintenant le bas taux d'inflation que nous avons au Canada que la politique monétaire va aider l'expansion économique à se poursuivre. Et c'est lorsque l'expansion est durable que les conditions économiques s'améliorent et bénéficient aux Canadiens.

Le message que je veux vous livrer aujourd'hui est le suivant : le Canada a traversé une période difficile de changements économiques majeurs, dont certains ne sont pas terminés. Mais nous avons aussi fait des progrès remarquables pour rétablir la crédibilité de nos politiques économiques et jeter les bases d'une économie plus efficiente et plus prospère dans l'avenir. Nous sommes maintenant en meilleure posture que nous ne l'avons été depuis des années pour relever les défis économiques de demain.