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Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Je suis très reconnaissant de la chance qui m'est donnée régulièrement de me présenter devant votre comité. J'aimerais profiter de l'occasion qui s'offre à moi aujourd'hui pour vous entretenir de l'évolution de l'économie et des conditions monétaires et pour discuter avec vous de toute autre question que vous aimeriez soulever.

Laissez-moi d'abord vous donner un aperçu de ce qui s'est passé au cours de la dernière année. Lorsque je me suis présenté devant vous en avril dernier, il planait encore sur l'économie mondiale une grande incertitude découlant de la crise financière qui a frappé les pays à marché émergent en 1997 et 1998 et de la chute des cours internationaux des produits de base qui a accompagné cette crise. Ces difficultés ont eu pour effet de modérer le rythme de l'activité économique au Canada. Mais, au milieu de 1999, notre économie s'était ressaisie, soutenue par la forte demande aux États-Unis, le redressement des cours des produits de base et l'essor de la dépense intérieure. Sur les quatre trimestres de 1999, la production a augmenté d'environ 4 3/4 %, et 425 000 nouveaux emplois ont été créés; grâce à cela, le taux de chômage à l'échelle nationale est tombé à 6,8 % en février dernier, son plus bas niveau depuis 23 ans. Parallèlement, le taux de l'inflation tendancielle est demeuré bas.

Comment expliquer que le Canada se soit remis si rapidement des chocs d'origine externe qui l'ont secoué en 1997 et 1998? À mon avis, une importante raison à cela est que l'assise sur laquelle repose la politique économique canadienne est plus solide maintenant qu'elle ne l'a été depuis plusieurs décennies, ce qui s'explique par deux facteurs fondamentaux. Le premier est l'assainissement des finances publiques, qui a fait baisser le ratio de la dette publique à la taille de notre économie. Le second est la création d'un climat d'inflation faible et stable, et la perception que ce climat devrait se maintenir étant donné l'objectif de maîtrise de l'inflation que poursuit la Banque du Canada.

Depuis le début des années 1990, la conduite de la politique monétaire canadienne est axée sur cet engagement qu'a pris la Banque d'atteindre des cibles explicites de maîtrise de l'inflation. Cette approche a contribué à calmer les craintes d'une montée de l'inflation et a aidé la Banque à réagir à point nommé aux modifications de la conjoncture économique et financière et à mieux rendre compte de ses actions auprès du public.

Un élément essentiel du cadre de mise en oeuvre de notre politique monétaire est le régime de changes flottants que nous avons au Canada. Sans lui, notre pays n'aurait pas pu établir ses propres cibles de maîtrise de l'inflation. On peut avoir une bonne idée du succès de notre approche fondée sur des cibles de maîtrise de l'inflation et un régime de changes flottants lorsqu'on voit que les taux d'intérêt canadiens sont demeurés inférieurs aux taux américains, sauf pendant la période de turbulence enregistrée en 1998. Si cela a été possible, c'est parce que le niveau de l'inflation était plus bas au Canada qu'aux États-Unis et qu'on s'attendait à ce que l'inflation reste faible. Par le passé, les dépréciations de notre monnaie ont souvent eu pour effet de nourrir les craintes d'une montée de l'inflation et provoqué des hausses de taux d'intérêt.

Les difficultés survenues ces deux dernières années ont aussi montré qu'un taux de change flottant permet d'amortir efficacement les chocs économiques. La dépréciation qu'a subie le dollar canadien entre le milieu de 1997 et la fin de 1998 était due, dans une grande mesure, à la chute des cours mondiaux des produits de base que le Canada exporte. Notre économie devait s'adapter à cette réalité; la baisse du taux de change a facilité un déplacement de l'activité du secteur primaire vers le secteur manufacturier et vers d'autres secteurs d'exportation; de plus, elle a encouragé nos entreprises à profiter du dynamisme de l'activité aux États-Unis. Grâce à ces ajustements, l'économie canadienne a pu poursuivre son expansion en 1998, et sa croissance s'est beaucoup accélérée l'année dernière.

Lorsque je me suis présenté devant votre comité la dernière fois, Monsieur le Président, on se posait un certain nombre de questions sur la croissance de la productivité au Canada et sur l'écart entre le niveau de la productivité chez nous et aux États-Unis. Je suis heureux de vous signaler que l'évolution dans ce domaine a été prometteuse au cours de la dernière année. Non seulement nos gains de productivité ont-ils été meilleurs en 1999, mais en plus les achats de machines et de matériel ont augmenté de 18 % pendant l'année. Cette augmentation prolonge l'essor des investissements en machines et matériel et dans les nouvelles technologies que l'on observe depuis 1996; celui-ci n'est pas sans rappeler la relance des investissements qui s'était amorcée un peu plus tôt aux États-Unis.

Bien sûr, nous trouvons encourageante l'amélioration des perspectives de croissance de la productivité au Canada, mais nous ne savons pas très bien quelle sera l'ampleur et la durée des gains éventuels, ni jusqu'où ils pousseront la capacité de production de notre économie. Cette incertitude soulève une importante question pour la conduite de la politique monétaire canadienne, compte tenu surtout du fait que, selon certaines mesures, l'économie canadienne fonctionne actuellement tout près des limites de sa capacité de production.

Par ailleurs, notre climat de faible inflation et l'engagement de la Banque du Canada à en assurer le maintien nous donnent davantage de latitude que nous n'en avons eu depuis un bon moment pour explorer les limites de notre appareil de production. Cependant, étant donné les niveaux d'activité élevés et la vigueur actuelle de l'économie, la Banque doit veiller à empêcher cette dernière de s'approcher trop rapidement des limites de sa capacité de production. Nous ne voulons pas provoquer de goulots d'étranglement ni de pénuries susceptibles d'exercer des pressions inutiles sur l'inflation. Vu le temps qu'il faut pour que les mesures de politique monétaire fassent pleinement sentir leurs effets, nous serons mieux en mesure d'aider l'économie à atteindre son plein potentiel et à le conserver si nous amenons celle-ci à absorber les capacités inutilisées de façon graduelle et prudente.

Nous avons pris tous ces facteurs en considération lorsque nous avons décidé, en novembre, février et mars derniers, d'augmenter le taux d'escompte, après que la Réserve fédérale américaine eut opéré des hausses équivalentes. Les mesures prises par nos voisins du sud sont un autre signe d'une accentuation possible des retombées de la demande américaine sur notre secteur des exportations. Par conséquent, la demande globale de produits canadiens pourrait être plus forte qu'on ne l'avait d'abord prévu. Dans un tel contexte, la Banque du Canada se doit de faire preuve de vigilance.

Comme je l'ai déjà indiqué, les résultats que nous avons obtenus jusqu'ici au chapitre de l'inflation ont été bons; en fait, je dirais même qu'ils ont été meilleurs que ce à quoi nous nous attendions. Il est vrai qu'en raison d'une hausse marquée des cours de l'énergie, le taux d'accroissement sur douze mois de l'indice global des prix à la consommation a augmenté en février pour s'établir à 2,7 %; mais si l'on s'en tient à la tendance fondamentale de l'inflation, on constate que la hausse des prix à la consommation mesurée par notre indice de référence (qui exclut l'alimentation et l'énergie ainsi que l'effet des modifications des impôts indirects) se situait à 1,6 % en février, soit dans la moitié inférieure de notre fourchette cible de maîtrise de l'inflation, qui va de 1 à 3 %.

Pour ce qui est de la montée des prix de l'énergie, je dirai simplement que la Banque du Canada va suivre de près la situation afin de veiller à ce que la récente augmentation n'entraîne pas un renforcement des attentes relatives à l'inflation. Nous pensons que la diminution des prix de l'énergie observée dernièrement à l'échelle mondiale va se poursuivre et entraîner une baisse du taux d'accroissement de l'IPC global, qui devrait se rapprocher du point médian de notre fourchette cible d'ici la fin de l'année.

Je n'insisterai jamais assez sur l'importance que nous accordons, à la Banque du Canada, au maintien de la tendance future de l'inflation au Canada à un niveau bas et stable. C'est là la principale contribution que la politique monétaire peut apporter à l'expansion durable de l'économie canadienne et à de nouveaux gains de productivité.