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La transparence a-t-elle des limites?

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La transparence est la pierre angulaire d'un système financier efficient. Ce point a beaucoup retenu l'attention, à juste titre d'ailleurs, alors que nous nous penchions sur l'origine des bouleversements survenus sur le marché du papier commercial adossé à des actifs. Je serai ravie de répondre à toute interrogation que vous pourriez avoir à ce sujet durant la période de questions qui suivra mon discours. Mais dans un premier temps, je souhaite aborder la question de la transparence sous l'angle des activités de banque centrale et de la formulation de la politique monétaire. Puis, en guise de conclusion et pour illustrer mes principales observations, je passerai en revue l'évolution des perspectives en matière de politique monétaire au cours des six derniers mois.

Donc, qu'avons-nous fait et que pouvons-nous faire de plus pour accroître la transparence de la politique monétaire? A-t-elle des limites? Je répondrai à ces questions selon trois aspects : la transparence du cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire adopté par la Banque; la transparence de l'information, des processus et du raisonnement à l'appui des décisions de politique monétaire; et la transparence de notre évaluation des perspectives de l'économie et de la politique monétaire.

Ce dernier élément, qui consiste à intensifier les communications de la Banque portant sur son évaluation des perspectives, y compris les déclarations prospectives concernant les mesures de politique monétaire, est particulièrement délicat et teste réellement les limites de la transparence. Quoi qu'il en soit, c'est un domaine où les possibilités d'accroître la transparence sont peut-être les plus grandes. Mais d'abord, nous devons déterminer s'il serait bénéfique de fournir plus d'information aux participants des marchés, aux entreprises et aux particuliers. Plus fondamentalement, est-ce que cela aurait pour effet d'améliorer l'efficacité de la politique monétaire? Le cas échéant, comment pouvons-nous transmettre cette information d'une manière facile à comprendre, et surtout, qui ne prête pas à confusion?

À la Banque du Canada, nous ne croyons pas à l'ambiguïté constructive ni à la pratique consistant à saturer le marché d'information sans message clair. La vraie transparence s'accompagne de jugement : il convient de communiquer ce qui est important, et ce qui contribue à éclaircir le débat et non à l'obscurcir. Je reviendrai sur cette question dans quelques minutes.

Pourquoi faire preuve de transparence?

Mais tout d'abord, revenons en arrière pour examiner plus attentivement pourquoi la transparence est essentielle à la conduite de la politique monétaire. Il est devenu très clair au fil du temps et avec l'expérience que la politique monétaire est d'autant plus efficace que l'objectif qu'elle vise est bien compris et accepté. Quand les consommateurs et les épargnants, les chefs d'entreprise et les acteurs du marché financier comprennent l'objectif de politique monétaire de la Banque du Canada – et croient qu'il est réalisable –, ils peuvent prendre des décisions et faire des plans à long terme plus judicieux. Et quand tout le monde s'attend à ce que la cible visée sera maintenue et agit en conséquence, cette cible a tendance à se renforcer elle-même.

Mais les avantages de la transparence ne s'arrêtent pas là. À mon avis, celle-ci nous aide aussi à prendre de meilleures décisions. Le fait de soumettre les raisons à l'appui de nos décisions à l'examen d'intervenants de l'extérieur implique une rigueur additionnelle qui se traduit par des résultats plus probants.

Enfin, la Banque du Canada est une institution publique financée par les contribuables, à qui elle doit rendre compte de ses actes. L'information recueillie et les analyses réalisées dans le cadre des fonctions de la Banque doivent être considérées comme un bien public, sauf quand la diffusion de cette information risque de compromettre la réalisation du mandat de l'institution.

La transparence a-t-elle des limites?

En général, plus de transparence est préférable à moins. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'elle n'a pas de limites. Premièrement, il faut préserver la confidentialité de certains renseignements et analyses fournis à la Banque par des intervenants de l'extérieur, que ce soit des institutions publiques ou privées. De fait, la divulgation de renseignements confidentiels sur une tierce partie empêcherait la banque centrale d'obtenir toute l'information dont elle a besoin pour prendre de bonnes décisions en matière de politique monétaire.

Deuxièmement, on doit veiller à la protection de l'intégrité de certaines délibérations internes concernant la politique monétaire. Par exemple, la diffusion de conseils stratégiques et de recommandations pourrait nuire à la liberté du débat et à l'établissement d'un consensus, lesquels sont nécessaires à la formulation judicieuse de politiques. Nous souhaitons connaître tous les aspects d'un argument, mais il pourrait être difficile pour le personnel de se faire l'avocat du diable en sachant qu'une telle position sera rendue publique et pourrait être citée hors contexte. Par ailleurs, certains renseignements ne devraient pas être révélés tant que la politique est en voie de formulation ou que son effet ne s'est pas encore fait complètement sentir. En pareils cas, une transparence prématurée pourrait semer la confusion ou entraîner des mesures inappropriées, ce qui irait à l'encontre des bonnes intentions derrière la politique monétaire et pourrait être dommageable pour l'économie canadienne.

Troisièmement, l'information doit être de bonne qualité. Il est beaucoup plus important de communiquer de l'information utile et pertinente que d'inonder les gens de renseignements de qualité douteuse. Trop d'information peut en fait masquer ce qui est important. Ainsi, les actions et les décisions peuvent perdre en transparence, car l'information vraiment importante et pertinente est perdue dans les détails insignifiants.

Une information de bonne qualité doit non seulement être juste, mais aussi être communiquée de façon claire et simple afin de ne pas être mal comprise. Cela est particulièrement vrai quand nous tentons de faire preuve de transparence au sujet de notre évaluation des perspectives en publiant nos projections économiques, accompagnées des risques et des incertitudes dont elles sont entachées, ainsi que les déclarations prospectives concernant de possibles mesures de politique futures.

La transparence dans la formulation de la politique monétaire

La Banque du Canada n'est certainement pas la seule à tenir des débats sur les limites de la transparence en vue de l'élaboration d'une politique monétaire efficace. Les banques centrales à l'échelle du monde sont encore en train d'apprendre les meilleures façons de communiquer la politique monétaire. Il s'agit là d'un élément important de l'art, plutôt que de la science exacte, de l'exercice des activités de banque centrale. J'estime qu'à la Banque du Canada, nous avons fait des progrès remarquables dans ce domaine.

Examinons maintenant de plus près la question de la transparence dans l'établissement de la politique monétaire selon les trois aspects que j'ai mentionnés au début : la transparence du cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire; la transparence de l'information, des processus et du raisonnement à l'appui de la politique monétaire; et la transparence de notre évaluation des perspectives.

La Banque a fait un grand pas en avant dans le renforcement de la transparence du cadre de mise en oeuvre de la politique monétaire lorsqu'elle a adopté une cible explicite d'inflation en 1991. Cette cible énonce clairement l'objectif de la politique monétaire, qui a contribué à ancrer les décisions économiques et financières. Elle facilite la mesure du succès obtenu par la politique monétaire et tient la Banque responsable de ses actes. Les particuliers et les entreprises du pays peuvent harmoniser leurs plans d'épargne, d'investissement et de dépense avec un objectif commun de maîtrise de l'inflation. Dans le cas où l'inflation s'écarterait de façon persistante de la cible, nous nous sommes engagés à expliquer les raisons de cet écart, les mesures que nous prendrons afin de ramener l'inflation au taux visé et le temps que nous jugeons nécessaire pour y parvenir. Auparavant, lorsque nous prenions pour cibles des agrégats monétaires, par exemple, on ne savait pas trop quel était l'objectif de la Banque et celle-ci n'était pas toujours claire quant aux implications d'une telle cible pour la production, l'inflation et les taux d'intérêt.

Maintenant, en plus d'énoncer clairement notre objectif, nous faisons aussi preuve de transparence au sujet de notre évaluation des facteurs qui influent sur l'inflation et sur la façon dont nous mettons en oeuvre la politique monétaire. Nous menons cette politique de manière symétrique, c'est-à-dire que nous sommes aussi préoccupés lorsque l'inflation tendancielle tombe en deçà de la cible que lorsqu'elle la dépasse. Pour maintenir l'inflation à la cible visée, nous tentons de faire en sorte que l'économie continue de tourner près de son plein potentiel. Lorsque la demande de biens et services pousse l'économie canadienne aux limites de sa capacité et qu'elle menace de faire monter l'inflation au-dessus de la cible, la Banque majore les taux d'intérêt pour ralentir le rythme d'expansion de l'économie. Lorsqu'elle estime que l'économie canadienne fonctionnera en deçà des limites de sa capacité et que l'inflation risque de glisser sous la cible, la Banque abaisse les taux d'intérêt pour stimuler la croissance. Nous tenons également compte des chocs qui touchent directement l'inflation.

Parce que nous avons pour cible l'inflation intérieure, nous avons un dollar flottant. Une banque centrale ne peut pas réussir à contrôler à la fois la valeur interne et la valeur externe de sa monnaie. De plus, un taux de change flottant est un important signal de changement des réalités mondiales et nationales qui peut aider à faciliter l'ajustement nécessaire.

Voilà le paradigme qui guide nos décisions de politique monétaire, et nous avons fait preuve d'une telle transparence à son égard que nous avons consacré des discours entiers et publié de nombreuses recherches menées par notre personnel à son sujet. Nous voulons faire en sorte qu'un observateur attentif soit en mesure de comprendre précisément la façon dont la politique monétaire s'ajustera aux circonstances changeantes.

Notre cible d'inflation est établie en vertu d'une entente avec le gouvernement fédéral. Lors de nos revues périodiques de celle-ci, nous cherchons des moyens d'améliorer la conduite de la politique monétaire en nous fondant sur l'expérience récente et la recherche afin de clarifier des aspects de notre cadre de mise en oeuvre. À l'occasion du dernier examen, par exemple, nous nous sommes penchés sur la façon de composer avec les bulles d'actifs et sur l'horizon approprié pour le retour de l'inflation à la cible après un choc financier ou économique. En prévision de notre prochain examen de l'entente en 2011, nous menons un programme intensif de recherche sur des possibilités d'amélioration de notre cadre de mise en oeuvre. Nous analysons plus précisément les avantages d'une réduction de la cible d'inflation et de l'adoption d'un régime de cibles de niveau des prix.

Permettez-moi maintenant d'aborder la transparence de l'information, des processus et du raisonnement à l'appui des décisions de politique monétaire. Il y a un peu plus de dix ans, la Banque ne diffusait même pas de communiqué lorsqu'elle prenait une décision à propos du taux directeur. De nos jours, les annonces relatives à ce taux sont très attendues et, tant dans les foyers que dans les tours de bureaux, on porte un grand intérêt à ce que la Banque du Canada a à dire sur les taux d'intérêt, l'inflation et l'économie.

Cet intérêt découle, du moins en partie, d'une série de mesures prises par l'institution afin d'accroître la transparence. Après avoir adopté le régime de cibles d'inflation, en 1994, la Banque a pris le virage d'une plus grande ouverture dans la mise en oeuvre de la politique monétaire en établissant une cible pour le taux du financement à un jour. La publication périodique, à partir de 1995, du Rapport sur la politique monétaire et, plus tard, de la Mise à jour de celui-ci, visant à informer les marchés financiers et le public de l'analyse qui sous-tend la conduite de la politique monétaire, a marqué un autre jalon important sur la voie d'une transparence accrue. Peu après, la Banque a commencé à annoncer publiquement les modifications apportées au taux directeur au moyen de communiqués. Ces mesures ont aidé à améliorer la compréhension et l'acceptation de l'objectif de politique monétaire visé par la Banque.

Or, beaucoup d'ambiguïté et d'incertitude subsistaient sur les marchés financiers quant au moment exact où la Banque du Canada pourrait modifier l'orientation de sa politique monétaire. C'est pourquoi, en 2000, elle a décidé de fixer, chaque année, huit dates d'annonce du taux directeur, que celui-ci soit changé ou non. Cet engagement à l'égard d'un calendrier a procuré une plus grande certitude aux marchés, a aidé les observateurs extérieurs à se former leur propre opinion sur les perspectives économiques, et a fourni au personnel de la Banque des occasions régulières d'examiner les données recueillies et de faire le point sur les perspectives en matière d'inflation et sur l'orientation appropriée de la politique monétaire. À mon avis, cette rigueur additionnelle a amélioré notre processus de prise de décision. Bien sûr, la Banque peut toujours intervenir entre ces dates lorsque des circonstances exceptionnelles l'exigent, ce qu'elle n'a fait qu'une seule fois depuis l'instauration des dates d'annonce préétablies.

La plupart de l'information et de l'analyse dont la Banque se sert pour prendre des décisions relativement à la politique monétaire se fonde sur des données qui sont aussi à la disposition du public. L'information tirée de notre enquête sur les perspectives des entreprises n'était pas diffusée à une certaine époque. Mais après avoir effectué des recherches pour savoir quelles questions de notre enquête permettraient d'obtenir les renseignements les plus utiles, nous avons commencé à publier les réponses à ces questions. Nous voulions non seulement améliorer la compréhension du public mais également faire preuve d'autant d'ouverture et de transparence que possible, étant donné les responsabilités qui nous incombent à titre d'institution publique. Nous continuons d'examiner si nous pouvons rendre publics d'autres renseignements à l'appui de la formulation de la politique monétaire sans en compromettre le processus. De fait, la livraison de janvier de l'Enquête sur les perspectives des entreprises, qui paraîtra sous peu, comportera les réponses données à deux questions additionnelles, l'une sur la croissance passée des ventes et l'autre sur les conditions du crédit.

Je traiterai maintenant du troisième aspect, qui porte sur la transparence de notre évaluation des perspectives de l'économie et de la politique monétaire. Comme il peut s'écouler jusqu'à deux ans avant que les mesures de politique monétaire fassent pleinement sentir leurs effets sur l'inflation, nous devons toujours porter notre regard loin en avant. Cela nous amène à nous poser les questions suivantes : comment pouvons-nous communiquer efficacement l'incertitude et les nombreux risques qui vont de pair avec tout point de vue concernant l'avenir? Et comment pouvons-nous parler ouvertement des possibilités et des risques sans créer de malentendus? On ne peut faire avancer la cause de la transparence si nos hypothèses et nos projections à propos de ce qui pourrait arriver – des évaluations qui sont, de par leur nature même, conditionnelles – étaient prises pour des prévisions plus concrètes ou des engagements.

Le Conseil de direction de la Banque du Canada fait état de son scénario de référence relatif à l'inflation et à la croissance de l'économie canadienne quatre fois par année dans le Rapport sur la politique monétaire de l'institution ou dans la Mise à jour de celui-ci. Ce scénario reflète les meilleures estimations du Conseil de direction sur l'issue la plus probable, fondées sur un certain nombre d'hypothèses. Au fil des ans, nous avons présenté nos projections et nos hypothèses de base en faisant preuve de toujours plus de transparence. Dans la livraison de janvier de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire, nous publierons des tableaux de projections sur la croissance économique à l'échelle internationale, qui ne paraissaient jusqu'à maintenant que dans le rapport complet.

Nous avons fourni davantage de détails au sujet de notre perception de l'évolution de l'économie, des forces qui pourraient influer sur l'inflation, et des hypothèses que nous avons dû formuler pour des variables plus volatiles ou incertaines. Cette transparence accrue, à son tour, contribue à expliquer les raisons de nos décisions les plus récentes et à donner un aperçu des mesures que nous pourrions prendre dans l'avenir.

Dans notre scénario de référence, nous indiquons les changements qu'il faudrait apporter au taux directeur pour atteindre notre cible d'inflation à moyen terme, soit 2 %. Nous décrivons brièvement l'orientation et l'amplitude de la trajectoire de ce taux à la Section 4 du Rapport sur la politique monétaire, et dans la Mise à jour lorsque nous actualisons nos prévisions. Il arrive également que nous fournissions une indication de l'horizon temporel de cette trajectoire.

Ces dernières années, nous avons manifesté une plus grande ouverture en parlant des risques que nous voyons planer sur le scénario de référence et en indiquant si nous jugeons qu'ils sont équilibrés ou non. Nos déclarations concernant le taux directeur, présentées dans les communiqués, dans la vue d'ensemble du Rapport sur la politique monétaire ainsi que dans la Mise à jour, reflètent nos meilleures estimations dans le contexte d'une perspective globale, incluant la résultante des risques, au moment de leur diffusion. Mais là encore, il n'y a aucune garantie que nos prévisions se réaliseront.

Plusieurs moyens s'offrent à nous pour accroître la transparence relativement aux risques et aux incertitudes entourant nos scénarios de référence. Quelques banques centrales recourent à des graphiques en éventail dans lesquels figurent des intervalles de confiance pouvant exprimer le degré d'incertitude lié à un facteur particulier dans une prévision d'ensemble. Une autre approche consiste à publier un scénario de référence accompagné de scénarios de rechange complets. Et certains universitaires estiment que les autorités monétaires pourraient faire preuve de plus de transparence en communiquant leurs estimations de probabilité des divers risques. Nous comptons examiner certaines de ces possibilités au cours de l'année qui vient.

Par contre, il est une chose que nous n'avons pas l'intention de faire, c'est d'employer des expressions consacrées pour signaler nos objectifs en matière de politique monétaire. Nous n'avons pas recours à cette pratique à la Banque du Canada. Au contraire, nous nous efforçons d'expliquer la situation telle que nous la percevons. Nous présentons nos projections économiques et les principaux risques qui pèsent sur elles, précisons quels indicateurs nous suivons de près et, en établissant un paradigme clair, nous tentons de mieux faire comprendre à un observateur attentif comment la politique monétaire pourrait évoluer selon les circonstances changeantes.

Cependant, nous tenons à ce que les observateurs extérieurs effectuent eux aussi des analyses approfondies. En nous préparant en vue de nos décisions liées au taux directeur, nous examinons les prix du marché, des commentaires externes et autres analyses. Nous comptons sur les observateurs pour qu'ils présentent leur propre point de vue sur les perspectives. Si le nôtre diverge fortement de l'opinion exprimée généralement par les observateurs extérieurs, nous pourrions envisager soit de refaire notre analyse, soit d'obtenir de nouvelles informations, soit encore de communiquer notre position et notre analyse de manière plus explicite afin d'aider ces observateurs à saisir les facteurs que nous jugeons importants. Comme je l'ai dit à de nombreuses occasions, si vous avez l'intention de parier entre ce que vous pensez que nous avons dit que nous allions faire et ce que vous pensez que nous devrions faire, je vous suggère de miser sur la deuxième solution.

Les perspectives concernant l'économie et l'inflation au Canada

Permettez-moi de conclure en examinant l'évolution de la politique monétaire ces six derniers mois. Il ne fait pas de doute que nous avons connu une situation fluide, qui montre à quel point des évaluations prospectives peuvent changer rapidement.

En juillet, la Banque du Canada a relevé son taux directeur de un quart de point de pourcentage, parce qu'elle jugeait que l'économie fonctionnait à ce moment-là davantage au-delà de son potentiel que ce qui était projeté dans la livraison d'avril du Rapport sur la politique monétaire. Comme la Banque s'attendait à ce que tant l'inflation mesurée par l'IPC global que celle mesurée par l'indice de référence demeurent au-dessus de la cible de 2 %, elle a conclu qu'elle pourrait devoir relever encore quelque peu le taux du financement à un jour afin de ramener l'inflation à 2 % à moyen terme.

À la fin de l'été, la situation avait changé à bien des égards. L'économie canadienne fonctionnait davantage au-dessus de son potentiel qu'on ne l'avait estimé en juillet, ce qui exerçait une pression à la hausse sur l'inflation. Cependant, l'évolution des marchés financiers avait entraîné un certain resserrement des conditions du crédit pour les emprunteurs canadiens, ce qui devait modérer la croissance de la demande intérieure. Les perspectives de croissance de l'économie américaine s'étaient aussi détériorées. Cette situation, conjuguée à un taux de change du dollar canadien postulé plus élevé, a laissé entrevoir une baisse du volume net des exportations en 2008 et 2009 plus importante que ce à quoi on s'attendait. Devant cette évolution, nous n'avons pas changé le taux directeur en septembre et en octobre. Nous avons cerné plusieurs risques liés aux perspectives en matière d'inflation et avons estimé qu'ils étaient relativement équilibrés, mais que les risques à la baisse pouvaient être légèrement prépondérants.

Par la suite, les risques à la baisse ont bel et bien été prépondérants. Lorsque nous avons examiné de nouveau l'orientation de la politique monétaire au début de décembre, la croissance de l'économie canadienne cadrait généralement avec les attentes de la Banque, en grande partie grâce à la vigueur de la demande intérieure. Toutefois, tant l'inflation mesurée par l'IPC global que celle mesurée par l'indice de référence s'étaient établies en deçà des prévisions de la Banque, par suite de l'intensification des pressions concurrentielles liées au niveau du dollar canadien. Par ailleurs, d'autres événements survenus depuis octobre donnaient à penser que les risques à la baisse entourant la projection de la Banque au sujet de l'inflation avaient augmenté. Les difficultés observées sur les marchés financiers mondiaux s'étaient aggravées, entraînant un nouveau durcissement des conditions du crédit, et les risques planant sur les perspectives d'évolution de la demande d'exportations canadiennes s'étaient accentués en raison de l'assombrissement des perspectives de l'économie américaine. Donc, le 4 décembre, nous avons jugé que la résultante des risques s'était inscrite en baisse et avons ramené le taux cible du financement à un jour à 4 1/4 %.

Aujourd'hui, alors que nous nous préparons en vue de la prochaine annonce du taux directeur, le 22 janvier, et de la publication de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire deux jours plus tard, nous mettons au point notre projection économique trimestrielle régulière et évaluons les risques afin de pouvoir mesurer toutes les implications de l'évolution économique et financière depuis la parution du Rapport en octobre, et décider de l'orientation appropriée pour la politique monétaire.

Conclusion

À la Banque du Canada, nous sommes très désireux de connaître vos idées sur la transparence en matière de politique monétaire, sur ses limites et sur la façon dont nous pouvons continuer de l'améliorer. Selon moi, en général, une plus grande transparence est nettement souhaitable. Si ce n'est le besoin de protéger l'information confidentielle et de ne pas compromettre le processus de formulation de la politique monétaire, les véritables limites de la transparence en ce qui a trait à cette politique résident dans la communication efficace en présence d'incertitude. C'est là une aptitude que nous nous efforçons constamment de maîtriser.