Base de données de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre sur les défauts souverains : quoi de neuf en 2025?

Introduction

Depuis 2014, la Banque du Canada tient à jour une base de données complète des défauts souverains afin de calculer de façon systématique la valeur nominale des différents types de défauts souverains et de les regrouper. Cette base repose sur des ensembles de données compilées et publiées par diverses sources publiques et privées. Elle permet de produire, à partir de données tirées de ces sources et de nouvelles informations, des estimations complètes du montant des engagements financiers étatiques, à savoir les prêts bancaires, les obligations et autres titres négociables, de même que les prêts publics en situation de défaut, tous exprimés en dollars américains, pour la période allant de 1960 à 2024. Cette information est présentée à la fois pays par pays et de manière agrégée, c’est-à-dire à l’échelle mondiale.

On considère qu’il y a défaut souverain lorsque le service de la dette aux échéances prévues est interrompu ou que l’emprunteur souverain cherche à renégocier les modalités contractuelles existantes, ou une combinaison des deux. Ce type de restructuration peut inclure l’amortissement du principal, la réduction du taux d’intérêt ou le report des échéances. Habituellement, cela s’accompagne d’une perte pour les créanciers sur le plan de la valeur actualisée nette. Une fois la restructuration complétée, on cesse de considérer qu’il y a défaut souverain.

Les créanciers publics comprennent le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement, les créanciers du Club de Paris, les créanciers membres du G20 qui n’appartiennent pas au Club de Paris (notamment la Chine, l’Inde et l’Afrique du Sud) et d’autres organismes gouvernementaux de développement. Les créanciers privés sont des banques, des fournisseurs et des porteurs d’obligations internationaux.

La base de données, qui se trouve sur le site Internet de la Banque du Canada, est mise à jour annuellement en partenariat avec la Banque d’Angleterre. Les mises à jour régulières de la base sont utiles aux chercheuses et chercheurs souhaitant analyser les effets économiques et financiers des défauts d’emprunteurs souverains spécifiques ainsi que – dimension importante – les impacts sur la stabilité financière mondiale de multiples défauts souverains simultanés.

Dans la présente étude, nous :

  • mettons en lumière l’évolution des défauts souverains en 2024, notamment en expliquant la baisse estimée de 10 % de la valeur en dollars américains des défauts souverains par rapport à 2023
  • revenons sur des points importants concernant le nombre, la taille et les types de défauts
  • présentons un survol historique des défauts et de leur persistance dans les États souverains lourdement endettés et à faible revenu
  • examinons la place grandissante de la Chine dans le financement bilatéral public, aux dépens des créanciers du Club de Paris1
  • mettons à jour nos estimations des arriérés budgétaires au sein des États, exprimés en dollars américains

La version 2025 de la base de données et les recherches connexes comprennent plusieurs améliorations :

  • ajout de données concernant les défauts de paiement sur les prêts publics octroyés par la Chine
  • révisions des données agrégées et des données par pays sur les défauts de paiement pour la période allant de 1960 à 2024, notamment :
    • intégration de nouvelles données, par pays et à l’échelle mondiale, sur les arriérés intérieurs – les données les plus complètes sont fournies pour les années 1990 à 2024
    • précisions sur les caractéristiques des défauts souverains et des arriérés intérieurs souverains
    • nouvelle carte (figure 1) montrant les dettes en défaut dans différentes régions
    • nouveau graphique illustrant la part de la dette souveraine en défaut et de la dette souveraine en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) par pays
    • mises à jour des documents présentant la méthode, ainsi que l’annexe et les références bibliographiques

Toutes les données peuvent être téléchargées en format CSV, JSON et XML.

2024

2024

1990

Points importants tirés de la mise à jour de 2025

La valeur totale des défauts souverains a baissé de 10 % l’année dernière

Selon notre estimation préliminaire, la valeur totale des défauts souverains s’établissait à 425 milliards de dollars américains en 2024, ou 0,4 % de la dette publique mondiale. Cela représente une réduction de 46 milliards de dollars américains, ou 10 %, par rapport au total révisé de 471 milliards pour 2023. En même temps, nous estimons que le nombre de défauts souverains a reculé, passant de 92 à 86, ce qui constitue la troisième baisse consécutive depuis le début de la pandémie de COVID-19. Les défauts souverains concernant les pays participant à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) du FMI et de la Banque mondiale ont diminué de 37 % pour s’établir à 55 milliards de dollars américains, et ceux concernant les marchés émergents et les marchés frontières ont diminué de 4 % pour s’établir à 327 milliards de dollars américains. Cela dit, le resserrement des conditions de financement touche encore de nombreux pays lourdement endettés et à faible revenu. En revanche, les défauts souverains dans les économies avancées sont restés à zéro l’année dernière.

Les défauts sur les prêts de créanciers publics internationaux ont augmenté de 4 % en 2024

Les défauts sur les prêts de créanciers publics se sont accrus de 6,9 milliards de dollars américains, ou 4 %, entre 2023 et 2024, pour atteindre 177 milliards, mais chaque principal sous-groupe de créanciers s’en est tiré différemment. Pour seulement la troisième fois depuis 1974, aucun défaut n’a touché le Fonds monétaire international. En revanche, les défauts touchant la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l’Association internationale de développement – qui font partie du Groupe de la Banque mondiale – ainsi que la Banque interaméricaine de développement ont augmenté collectivement de 0,3 milliard de dollars américains, ou 6 %, pour s’établir à 4,8 milliards. Dans le cas des créanciers bilatéraux, les défauts touchant la Chine ont connu une hausse de 17,8 milliards de dollars américains, ou 49 %, pour atteindre 54 milliards, tandis que les défauts touchant les membres du Club de Paris ont diminué de près de 10 milliards. Les défauts touchant les autres créanciers publics, soit ceux que nous n’avons pas nommés séparément, ont enregistré une baisse de 1,4 milliard de dollars, ou 2 %, pour s’établir à 70 milliards.

Les défauts sur les prêts de créanciers privés internationaux ont diminué de 12 %

Les défauts touchant les créanciers privés ont diminué de 32 milliards de dollars américains, ou 12 %, pour s’établir à 243 milliards en 2024. Comme dans le cas des créanciers publics, on a constaté des écarts importants entre les catégories de créanciers privés. Les défauts sur les obligations en devises, qui ont représenté la plus grande part des défauts (graphique 1), ont enregistré une baisse de 32 milliards de dollars, ou 14 %. Cinq pays – soit le Salvador, le Ghana, le Mozambique, le Niger et le Suriname – ont restructuré leur dette et ne sont donc plus considérés comme en défaut de paiement. Parmi les 11 pays restés en défaut sur leurs obligations en devises, les défauts les plus importants, exprimés en dollars américains, sont les suivants : Venezuela (53 milliards), Russie (49 milliards), Liban (43 milliards), Ukraine (27 milliards), Sri Lanka (15 milliards) et Zambie (3 milliards). Les défauts de paiement sur les prêts bancaires ont reculé de 2 milliards de dollars américains, ou 11 %, tandis que les défauts sur les prêts d’autres créanciers privés internationaux (principalement des fournisseurs) ont augmenté de 1,7 milliard de dollars américains, ou 7 %, pour s’établir à 28 milliards2.

Les défauts de paiement en monnaie nationale ont chuté de 80 %

Les défauts sur la dette libellée en monnaie nationale ont chuté, passant de 27 milliards de dollars américains en 2023 à seulement 5,4 milliards en 2023, ce qui représente une baisse marquée de 80 %. Cette somme, la plus faible depuis trois ans, se compose uniquement de deux défauts souverains : le défaut de paiement de l’Éthiopie sur sa dette en monnaie locale de 5,3 milliards de dollars, et une petite portion de la dette en pesos de l’Argentine qui n’a pas été restructurée.

La distribution des défauts demeure concentrée

Comme par les années précédentes, en 2024, la distribution des défauts exprimés en valeur absolue était très concentrée : mondialement, 90 % de la dette souveraine en souffrance exprimée en dollars américains était imputable à 13 entités souveraines. Par ailleurs, 55 % de la dette souveraine en souffrance était attribuable à seulement quatre pays, soit le Venezuela, la Russie, l’Irak et le Liban.

La dette publique continue à grimper dans le monde en raison des taux d’intérêt élevés dans de nombreux pays

Le FMI estime qu’à l’échelle mondiale, l’encours de la dette publique, exprimé en dollars américains, a atteint le niveau record de 104 000 milliards de dollars en 2022, soit 95 % du produit intérieur brut mondial. Le FMI prévoit également que le fardeau de la dette publique mondiale continuera de s’alourdir à moyen terme, en partie en raison des taux d’intérêt nominaux élevés et des paiements au titre du service de la dette. La Banque mondiale constate que les paiements d’intérêts pour les 78 pays admissibles à l’emprunt auprès de l’Association internationale de développement représentent maintenant près de 6 % de leurs recettes totales d’exportation en moyenne, soit le pourcentage le plus élevé depuis 19993. Dans certains de ces pays, les paiements au titre du service de la dette représentent jusqu’à 38 % des recettes d’exportation.

  1. 1. Le Club de Paris est un groupe informel composé essentiellement d’économies avancées. Les membres permanents sont les suivants : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Russie, Suède et Suisse. Pour de plus amples renseignements, consulter le site Web du Club de Paris.[]
  2. 2. Pour une discussion concernant les révisions aux données sur les défauts touchant les prêts de créanciers privés, voir D. Beers, O. Ndukwe et J. Berry, « BoC– BoE Sovereign Default Database : Methodology and Assumptions », rapport technique 124 de la Banque du Canada (mis à jour en octobre 2025).[]
  3. 3. Groupe de la Banque mondiale, « Dette extérieure : les pays en développement ont déboursé un montant record de 1 400 milliards de dollars en 2023 », communiqué de presse, 3 décembre 2024.[]

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

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Database of Sovereign Defaults, 2017

Rapport technique n° 101 David Beers, Jamshid Mavalwalla
Jusqu’à tout récemment, peu d’efforts étaient consacrés à l’évaluation systématique des différents types de défauts souverains ainsi qu’au calcul de la valeur nominale globale des engagements qu’ils représentent. Afin de remédier à cette lacune, le groupe chargé de la notation du crédit de la Banque du Canada a développé une base de données exhaustive de défauts souverains.
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DOI : https://doi.org/10.34989/san-2025-24

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