Bonjour. Je suis très heureux d’être parmi vous à la Ivey Business School, à London.
J’aime toujours avoir l’occasion de m’adresser à de futurs entrepreneurs et entrepreneuses. Dans un monde de plus en plus complexe, je crois qu’il est plus important que jamais de faire le lien entre les décisions qui sont prises par les dirigeants de la Banque du Canada et le travail qui s’y fait. Dans cet esprit, j’aimerais vous parler d’un concept qui est utile dans de nombreux domaines, dont ceux des affaires et de l’économie. Il s’agit de distinguer les signaux du bruit.
Voyons d’abord ce que cela signifie dans le domaine des affaires. Imaginez que vous écoutez la présentation des résultats financiers d’une entreprise. Vous devez être en mesure de reconnaître le bruit (la directrice ou le directeur général parle d’« optimiser l’impact » ou de « tirer parti des synergies ») du signal (par exemple, une baisse soutenue des revenus).
C’est exactement ce que font les banques centrales avec l’inflation. Elles doivent isoler le bruit pour que la politique monétaire puisse réagir aux signaux. Aujourd’hui, je vais vous expliquer comment et pourquoi les banques centrales le font. Mais d’abord, passons en revue quelques notions de base.
Le Canada a fixé à 2 % sa cible relative à l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC), autrement dit l’inflation globale. Cette cible aide les ménages, les entreprises et les marchés financiers à savoir à quoi s’attendre en ce qui concerne les prix. Notre travail à la Banque consiste à maintenir l’inflation près de la cible. On y parvient en ajustant notre taux directeur.
Toutefois, les modifications du taux directeur mettent du temps à produire leurs effets. Cela signifie qu’on ne peut pas, et qu’on ne devrait pas, essayer de réagir au moindre changement dans les chiffres mensuels de l’inflation. Pour atteindre la cible de 2 %, on doit éliminer le bruit pour repérer la composante de l’inflation qui persiste, qu’on appelle « l’inflation sous-jacente ». C’est ça notre signal.
Mon discours aujourd’hui porte sur la manière dont on évalue l’inflation sous-jacente. Pour ce faire, on observe, entre autres choses, les mesures de l’inflation fondamentale. Je tiens à préciser que l’inflation fondamentale n’est pas le seul indicateur qu’on utilise. On a toujours adopté une approche plus large.
Je vais d’abord vous expliquer ce qu’est l’inflation fondamentale et pourquoi les banques centrales s’y intéressent. Je vous présenterai aussi certaines des mesures de l’inflation fondamentale qu’on utilise à la Banque. Ensuite, je décrirai comment on utilise l’inflation fondamentale et d’autres indicateurs pour isoler le bruit et faire ressortir les signaux, et comment tout ça nous aide à atteindre la cible de 2 % visant l’inflation globale.
Enfin, j’aimerais dire quelques mots sur le renouvellement à venir du régime de ciblage de l’inflation. Tous les cinq ans, on examine et renouvelle notre cadre de politique monétaire avec le gouvernement fédéral. Le prochain renouvellement aura lieu en 2026. Cette fois-ci, l’un des points qu’on prend en considération est la façon dont on évalue l’inflation sous-jacente, notamment la manière dont on utilise les mesures de l’inflation fondamentale dans nos analyses et nos communications. C’est particulièrement important dans un monde plus sujet aux chocs d’envergure, comme le conflit commercial.
Plongeons maintenant dans le vif du sujet.
Qu’est-ce que l’inflation fondamentale et pourquoi on l’utilise?
Je vais beaucoup à la rencontre des gens dans le cadre de mon travail, et ils me demandent souvent si la Banque prend pour cible l’inflation globale ou l’inflation fondamentale. Dans le cas où la Banque ciblerait l’inflation fondamentale, ils veulent savoir si on ignore les coûts qui comptent pour eux au quotidien, comme les prix des aliments ou de l’essence, ou encore les loyers. Autant vous le dire tout de suite : on cible l’inflation globale, et non l’inflation fondamentale.
Il serait utile à ce stade-ci de définir certains termes. L’inflation sous-jacente et l’inflation fondamentale sont deux termes courants qui sont souvent confondus. Ce sont deux termes connexes mais distincts.
Commençons par l’inflation sous-jacente. L’inflation sous-jacente est un concept, et non une mesure statistique. Elle représente la composante persistante, ou durable, de l’inflation qui est liée aux facteurs économiques fondamentaux. Parmi ces facteurs, il peut-être notamment question de déséquilibres entre l’offre et la demande globales, ou encore de pressions soutenues sur les coûts.
On s’intéresse à l’inflation sous-jacente parce qu’on ne veut pas réagir au bruit. Il peut s’écouler jusqu’à deux ans avant que les modifications du taux directeur fassent pleinement sentir leurs effets sur l’inflation. Donc, si on réagit aux variations passagères, on risque de causer plus de volatilité.
Comme l’inflation sous-jacente ne peut pas être observée directement, on doit utiliser d’autres indicateurs pour l’évaluer. Les mesures de l’inflation fondamentale sont un moyen d’y parvenir.
Mais c’est quoi l’inflation fondamentale, me direz-vous? En termes simples, les mesures de l’inflation fondamentale s’appuient sur l’inflation globale et tentent d’éliminer les variations à court terme pour faire ressortir les tendances sous-jacentes durables. D’habitude, cela consiste à enlever les changements des prix volatils1. Par exemple, une façon courante de mesurer l’inflation fondamentale est d’exclure l’alimentation et l’énergie, les variations de prix dans ces catégories étant souvent de courte durée.
Idéalement, une mesure de l’inflation fondamentale devrait être moins volatile que l’inflation globale tout en suivant les variations de l’inflation globale à long terme. Cela signifie que si l’on regardait les deux mesures sur un graphique, la courbe représentant l’inflation fondamentale devrait normalement moins osciller que celle de l’inflation globale, et afficher des variations moins prononcées d’un mois à l’autre (graphique 1). C’est dû au fait que les mesures de l’inflation fondamentale ont tendance à rendre compte des facteurs qui influent sur l’inflation au fil du temps, plutôt que des chocs isolés.
À la Banque, on cible l’inflation depuis plus de trois décennies, et on a utilisé différentes mesures de l’inflation fondamentale. L’expérience nous a appris qu’il n’y a pas de mesure unique, ni parfaite, de l’inflation fondamentale. Chaque mesure, aussi bien conçue soit-elle, donnera parfois des indications trompeuses.
De 1991 à 2016, nos principales mesures de l’inflation fondamentale excluaient seulement un ensemble fixe de composantes volatiles. Puis, en 2016, on a adopté une approche plus dynamique et plus flexible, c’est-à-dire trois mesures privilégiées de l’inflation fondamentale :
- l’IPC-tronq, qui retranche 20 % des variations de prix mensuelles à la fois du haut et du bas de la distribution des variations de prix
- l’IPC-méd, qui donne le point médian de la distribution des variations de prix au cours d’un mois donné
- l’IPC-comm, qui vise à extraire les mouvements communs des prix entre les catégories
Ces mesures nous ont été très utiles avant la pandémie. Toutefois, comme l’inflation a monté en flèche après celle-ci, il est devenu difficile d’utiliser l’IPC-comm en temps réel en raison des révisions historiques exceptionnellement importantes2. C’est pourquoi, en 2022, on a arrêté d’inclure l’IPC-comm dans notre ensemble de mesures privilégiées.
Même si nos deux autres mesures privilégiées ont généralement été utiles, elles ont été moins fiables à l’occasion. Cela nous rappelle une fois de plus que, pour évaluer l’inflation sous-jacente, on doit tenir compte de différents types d’indicateurs.
Évaluer l’inflation sous-jacente
Avant d’expliquer comment on évalue l’inflation sous-jacente, j’aimerais réitérer l’importance de savoir distinguer les signaux du bruit. Imaginez que vous dirigez en ce moment le déploiement d’une nouvelle application. Certains utilisateurs vantent l’interface de l’application, tandis que d’autres se plaignent que l’application arrête soudainement de fonctionner lors de la synchronisation et d’autres font des blagues ou publient des mèmes sarcastiques. Le bruit ici est les blagues et les mèmes, alors que les commentaires positifs et les plaintes sont les signaux.
Lorsque vient le temps d’apporter des correctifs, allez-vous vous fier à une seule plainte? Vous allez probablement lire de nombreux avis différents pour tenter de dresser un portrait de la performance de l’application et décider des mesures à prendre pour l’améliorer.
On procède de la même façon pour évaluer l’inflation sous-jacente. Nos mesures privilégiées de l’inflation fondamentale sont une composante importante de cette évaluation, mais ce n’est qu’une seule source d’information. Comme pour l’application, on ne peut pas baser l’ensemble de notre évaluation sur un seul point.
Levons donc un peu le voile sur notre processus d’évaluation.
Le point de départ est, évidemment, l’inflation globale. En août, l’inflation mesurée par l’IPC global se situait à 1,9 %. À première vue, ça semble plutôt bien; tout près de la cible de 2 %. Cependant, nos mesures privilégiées de l’inflation fondamentale nous donnaient des signaux très différents, car elles avoisinaient 3 %. Cette différence s’explique en grande partie par le retrait de la taxe sur le carbone pour les consommateurs3. Abstraction faite des taxes, l’inflation se chiffrait à 2,4 % en août.
Si on examine de plus près l’inflation fondamentale, on remarque que toutes les mesures qu’on surveille ont augmenté au début de 2025. En août, nos mesures privilégiées de l’inflation fondamentale se situaient à environ 3 %, mais d’autres mesures affichaient environ 2½ %. Donc, même si nos mesures de l’inflation fondamentale nous indiquaient toutes que l’inflation sous-jacente avait augmenté, elles nous envoyaient des signaux contradictoires sur son niveau actuel.
Si on regarde au-delà de l’inflation fondamentale, les mesures qui permettent de suivre l’étendue de l’inflation, ou la manière dont les pressions inflationnistes se sont généralisées, étaient cohérentes et indiquaient que l’inflation se situait à environ 2½ %. Laissez-moi vous montrer à quoi cela ressemble. Dans le graphique 2, la partie du haut montre la distribution des taux d’inflation pour toutes les composantes du panier de l’IPC avant la pandémie. Ça ressemble à une montagne parfaite parce que ces taux sont répartis de façon égale autour de la cible de 2 %. Si vous regardez la partie du bas, vous pouvez voir que le sommet de la montagne penche vers la droite, ce qui signifie que la distribution présente une légère asymétrie positive.
Graphique 2 : La distribution des taux d’inflation dans le panier de l’IPC présente une asymétrie positive
Densité du taux de variation sur un an, données mensuelles
Nota : La distribution montre les variations de prix des 55 composantes de l’IPC. Les composantes de l’IPC excluent les impôts indirects et sont pondérées en fonction de leur poids respectif dans le panier. La ligne pointillée indique la cible d’inflation de 2 %.
Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada
Dernière observation : août 2025
De même, la part des composantes de l’IPC qui affichent un taux d’augmentation de plus de 3 % se situe maintenant au-dessus de sa moyenne historique, alors que celle dont la croissance est inférieure à 1 % a légèrement diminué et se situe sous la moyenne historique (graphique 3). Le graphique 4 représente l’étendue actuelle de l’inflation par rapport à l’inflation globale. La situation en août aurait été historiquement compatible avec une inflation globale avoisinant 2½ %.
Dans l’ensemble, les données indiquaient que les pressions inflationnistes sous-jacentes étaient supérieures au niveau de 1,9 % de l’inflation globale, mais inférieures au niveau de 3 % que laissaient entrevoir les mesures de l’inflation fondamentale privilégiées par la Banque. D’après la plupart des indicateurs, l’inflation sous-jacente se situait près de 2½ %.
J’aimerais préciser quelques points concernant cette évaluation. D’abord, elle vise à donner une idée générale du niveau où se situe l’inflation sous-jacente selon nous. Mais il ne s’agit pas d’une estimation précise.
Ensuite, puisque l’inflation sous-jacente est un concept et non une mesure, on ne la chiffre pas toujours. Souvent, notre évaluation de l’inflation sous-jacente nous amène à conclure qu’elle concorde largement avec les signaux provenant de nos mesures privilégiées de l’inflation fondamentale. Quand c’est le cas, on n’a pas besoin de donner de chiffres sur l’inflation sous-jacente.
Mais ce n’était pas le cas quand on a dû prendre nos décisions concernant le taux directeur en juillet et en septembre dernier. L’inflation sous-jacente était inférieure d’environ un demi-point de pourcentage à nos mesures privilégiées. Cet écart peut sembler minime, mais il est important dans le domaine de la politique monétaire. De fait, un demi-point de pourcentage peut faire la différence entre décider de maintenir les taux d’intérêt à leur niveau ou bien de les abaisser.
Cela m’amène à un autre point important. Lorsque nous évaluons l’inflation sous-jacente, il ne nous suffit pas de connaître son niveau; nous devons aussi savoir quels facteurs la déterminent et dans quelle mesure ces facteurs sont susceptibles d’être persistants. Pour établir tout cela, nous scrutons les composantes du panier de l’IPC.
Deux grandes catégories se sont démarquées, ces derniers mois, comme étant à l’origine de la majorité des pressions haussières sur l’inflation (graphique 5). On retient en premier lieu la croissance des prix des services liés au logement, qui continue de ralentir, mais est encore nettement au-dessus de sa moyenne prépandémique. En deuxième lieu vient la croissance des prix des biens non énergétiques, qui a augmenté et est maintenant aussi supérieure à sa moyenne prépandémique.
En considérant les perspectives à venir, nous avons vu des raisons de croire que l’inflation sous-jacente allait diminuer. Par exemple, il y a un relâchement des tensions sur les marchés locatifs qui devrait aider à maintenir la croissance des prix des services liés au logement sur une trajectoire baissière. Et la croissance des coûts des intrants s’est en grande partie normalisée, ce qui devrait contribuer à modérer l’inflation des prix des biens non énergétiques.
Comme vous pouvez le constater, notre évaluation de l’inflation sous-jacente repose sur beaucoup plus de choses que nos mesures privilégiées de l’inflation fondamentale.
J’ai donc défini l’inflation sous-jacente et expliqué en quoi elle diffère de l’inflation fondamentale. J’ai aussi passé en revue certains des indicateurs qu’on examine pour évaluer l’inflation sous-jacente. Parlons maintenant de l’avenir, et du renouvellement de notre cadre de conduite de la politique monétaire.
L’inflation sous-jacente et le renouvellement de notre cadre de politique monétaire
Tous les cinq ans, on réexamine et renouvelle notre cadre de la politique monétaire. Ces examens réguliers sont une force de notre système. Ils nous donnent l’occasion d’évaluer les résultats obtenus grâce à notre cadre, de réfléchir à ce qui fonctionne bien et de déterminer si notre approche actuelle demeure la meilleure pour l’avenir.
Comme je l’ai dit au début, la façon dont on évalue l’inflation sous-jacente – y compris comment on utilise les mesures de l’inflation fondamentale – est l’un des thèmes sur lesquels on se penche, en préparation du renouvellement prévu en 2026. Il n’est jamais facile de distinguer les signaux du bruit lorsqu’il est question d’inflation. Mais dans le contexte actuel, c’est plus important que jamais.
Comme l’a indiqué le gouverneur Tiff Macklem, les forces structurelles qu’étaient la paix, la mondialisation et la démographie favorable font place à des forces contraires, et le monde semble de plus en plus enclin aux chocs4. Des chocs d’offre plus fréquents pourraient entraîner une plus grande variabilité de l’inflation. C'est pourquoi, devant cette nouvelle réalité, on doit réfléchir à notre façon d’évaluer l’inflation sous-jacente, et d’en discuter.
Avant de me concentrer sur le sujet, je tiens à préciser que cet examen est toujours en cours. Je n’ai donc pas de réponse définitive à vous donner aujourd’hui. Mais je peux vous faire part de certaines des questions qu’on explore sur ce thème, ainsi que de certaines de nos premières conclusions. Je vais diviser le tout en trois parties.
D’abord, je vais expliquer comment on réexamine certains aspects de nos mesures actuelles de l’inflation fondamentale. Ensuite, j’exposerai de nouvelles mesures et méthodes qui sont à l’étude dans le cadre de notre évaluation générale de l’inflation sous-jacente. Enfin, je vous présenterai quelques-uns des travaux entrepris sur notre manière de parler de l’inflation sous-jacente.
Peut-on améliorer nos mesures actuelles de l’inflation fondamentale?
J’espère avoir maintenant établi que les mesures de l’inflation fondamentale ne reflètent pas toute la réalité, mais qu’elles sont un élément important. Partant de ce constat, on se demande s’il serait possible d’améliorer nos mesures actuelles de l’inflation fondamentale5.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de l’une des composantes les plus délicates du panier de l’IPC, qui est le coût de l’intérêt hypothécaire. Quand on relève les taux d’intérêt, on veut que l’inflation baisse. Mais quand les taux d’intérêt montent, l’augmentation du coût de l’intérêt hypothécaire s’élève aussi automatiquement. Et comme au Canada, de nombreux prêts hypothécaires doivent être renégociés à des échéances fixes, leur renouvellement à de nouveaux taux n’a lieu que graduellement. Cela signifie que l’effet sur l’inflation du coût de l’intérêt hypothécaire peut être persistant.
Cela pose un défi, car les variations du coût de l’intérêt hypothécaire peuvent masquer la réaction plus large de l’inflation aux modifications de notre taux directeur. Cela peut être une source de bruit.
Certaines de nos mesures de l’inflation fondamentale excluent automatiquement le coût de l’intérêt hypothécaire, tandis que d’autres ont été conçues pour en faire abstraction lorsque ses variations deviennent extrêmes. C’est une bonne idée en théorie, mais elle n’a pas toujours marché en pratique.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Après qu’on a commencé à relever le taux directeur en 2022, l’IPC-tronq n’a, correctement, plus tenu compte du coût de l’intérêt hypothécaire. Mais puisque c’est une composante relativement importante, le fait de l’écarter durablement a limité la capacité de l’IPC-tronq d’exclure d’autres sources plus passagères de pressions haussières sur l’inflation. Par conséquent, l’IPC-tronq a été de 2,5 % en décembre 2024, tandis qu’une autre version de cette mesure qui excluait d’emblée le coût de l’intérêt hypothécaire s’établissait à 2,1 %. Or, cette mesure-là était beaucoup plus proche de ce qu’on estimait être le niveau de l’inflation sous-jacente à ce moment-là.
Une des questions que nous nous posons maintenant est : faudrait-il revoir nos mesures privilégiées et nos autres mesures de l’inflation fondamentale de sorte qu’elles excluent toutes d’emblée le coût de l’intérêt hypothécaire? C’est une option qu’on étudie sérieusement, en particulier quand on réfléchit aux interactions entre la politique monétaire et les déséquilibres sur le marché du logement – l’un des autres grands thèmes qu’on explore en vue du renouvellement en 2026.
Y a-t-il de nouvelles mesures de l’inflation fondamentale qu’on devrait envisager?
Le perfectionnement de nos mesures existantes ne forme que la première partie de nos travaux. La deuxième partie consiste à nous pencher sur de nouvelles mesures de l’inflation fondamentale. Elles ne remplaceraient pas nécessairement nos mesures actuelles, mais viendraient plutôt les renforcer.
Et on estime devoir traiter chaque nouvelle mesure potentielle de l’inflation fondamentale comme une étude de cas de MBA, en nous demandant si elle serait suffisamment avantageuse pour qu’on l’inclue dans notre gamme déjà étendue d’indicateurs.
Une mesure qui a retenu l’attention ces dernières années est l’inflation sous-jacente tendancielle multivariée, ou MCT, en anglais6. Cette mesure permet d’isoler la composante persistante de l’inflation, qu’elle décompose ensuite en deux catégories : les pressions inflationnistes qui influent sur de nombreux prix dans l’ensemble de l’économie et celles qui ne touchent les prix que dans certains secteurs7.
Les premiers résultats sont prometteurs (graphique 6)8. En effet, cette mesure semble être un moyen efficace de savoir si la composante persistante de l’inflation provient de mouvements communs à de nombreux prix. C’est important, car on peut remédier à ces pressions généralisées à l’aide de la politique monétaire.
Un inconvénient de la mesure MCT est qu’elle est sensible aux révisions des données historiques, ce qui veut dire que les estimations mensuelles risquent de changer au fil du temps9.
Une autre piste que nous explorons est d’établir si l’intelligence artificielle – combinée à une technique basée sur les algorithmes de partitionnement, pour être précis – pourrait nous aider à mesurer l’inflation fondamentale. Les résultats préliminaires sont positifs, mais nous en sommes encore à évaluer la robustesse de cette approche.
Comment devrait-on parler de l’inflation sous-jacente?
Cela m’amène au troisième volet de nos travaux, soit la façon dont on parle de l’inflation sous-jacente et des mesures de l’inflation fondamentale.
On a longtemps désigné une ou plusieurs mesures de l’inflation fondamentale comme étant nos mesures « privilégiées ». Et on a même précisé qu’elles « servaient de guide à la Banque pour l’aider à atteindre sa cible d’inflation ». À l’occasion, ce langage a peut-être amené les marchés à leur accorder davantage d’importance que nous.
En réalité, nos mesures privilégiées ne constituent que quelques-uns des nombreux indicateurs qu’on utilise pour atteindre notre cible d’inflation. Cela soulève donc des questions. Devrait-on élargir notre liste de mesures privilégiées? Ou, peut-être même, mettre fin à la pratique consistant à désigner certaines mesures ainsi?
Eh bien, il n’y a pas de réponses toutes faites. Tandis que toutes les mesures de l’inflation fondamentale donnent parfois des signaux trompeurs, nos mesures privilégiées se sont généralement avérées utiles. Et bien souvent, elles nous ont permis de parler clairement de l’inflation sous-jacente. Mais on ne veut pas non plus que les particuliers ou les marchés financiers se concentrent exagérément sur un seul indicateur.
Peu importe l’orientation qu’on prendra finalement, il nous appartient de mieux préciser les indicateurs qu’on examine réellement. À cette fin, on envisage de commencer à publier, l’an prochain, un tableau de bord interactif de notre vaste gamme d’indicateurs de l’inflation. Même si on le fait déjà d’une certaine manière, notre nouveau tableau de bord comprendra plus de mesures et sera plus facile à utiliser.
Conclusion
Le moment est venu de conclure. C’est notre travail à la Banque du Canada de veiller à ce que votre argent conserve sa valeur. On y parvient en maintenant l’inflation près de 2 %. On vient de traverser une période où l’inflation était bien plus élevée que ça. Cela a créé des difficultés pour tout le monde au pays. Notre cible d’inflation de 2 % a servi de point d’ancrage pour nos interventions et nous a aidés à rétablir la stabilité des prix. C’est pourquoi, alors qu’on réexamine certains aspects liés à notre régime de ciblage de l’inflation, un élément sur lequel on ne revient pas cette fois-ci est la cible de 2 % elle-même.
Cela dit, le monde qui nous entoure est en pleine transformation. Les brusques revirements de la politique commerciale américaine ont ébranlé l’économie canadienne. Et on doit aussi faire face à des changements structurels et à une montée des conflits géopolitiques. Ces bouleversements s’accompagnent d’un risque accru de chocs plus nombreux et plus importants. Cela se traduit par une plus grande volatilité des prix et la possibilité d’une hausse des pressions inflationnistes. Dans ce contexte, il est plus important que jamais de distinguer les signaux du bruit.
Comme je l’ai dit plus tôt, les recherches et les consultations en vue du renouvellement de 2026 sont en cours. Face à une incertitude accrue, nous devons nous assurer que nous avons les outils adéquats pour comprendre les facteurs qui influent sur l’inflation. Et nous devons être clairs quand nous expliquons comment nous utilisons ces outils.
Je vous remercie de votre attention, et je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.
Je tiens à remercier Mikael Khan et Luis Uzeda pour leur aide dans la préparation de ce discours.
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Discours : Ivey Business School
L’inflation sous-jacente : distinguer les signaux du bruit — Le sous-gouverneur Rhys Mendes prononce un discours à la Ivey Business School (vers 13 h 40, heure de l’Est).