Changez de thème
Changez de thème

Les effets macroéconomiques des déficits budgétaires : résultats d'un modèle de simulation

Une augmentation du déficit des administrations publiques peut produire deux effets : elle peut stimuler la demande globale et l'emploi dans le court terme et provoquer une diminution de la production potentielle dans le long terme. Dans la présente étude, ces effets sont illustrés au moyen d'un modèle macroéconomique de simulation dynamique. Ce modèle n'est pas un outil de prévision, mais vise plutôt à combler le fossé entre les keynésiens et les économistes de l'offre et à faire le jour sur l'effet d'éviction d'une augmentation du déficit budgétaire sur l'investissement. Par souci de simplicité, les auteurs ont choisi un modèle d'économie fermée.

Synthèse assez conventionnelle du schéma keynésien traditionnel de type IS-LM et du schéma néoclassique de croissance élaboré par Solow et Tobin, le modèle en question résulte de l'incorporation au modèle statique IS-LM d'une fonction de production et d'une fonction d'investissement néoclassiques ainsi que d'une courbe de Phillips avec anticipations inflationnistes. La courbe de Phillips avec anticipations adaptatives établit le lien entre le court terme keynésien, où les niveaux de production et d'emploi sont déterminés par la demande, et le long terme monétariste, où ils sont déterminés par l'offre.

Les études sur le financement des déficits publics par voie d'emprunt font ressortir deux questions cruciales pour la compréhension des effets macroéconomiques des déficits publics. La première a trait au risque que l'État n'arrive pas à contenir l'aggravation de son déficit à cause de l'effet de capitalisation des charges d'intérêt; la seconde concerne la question de savoir si les ménages considèrent un accroissement de la dette publique comme une augmentation de la richesse.

Pour tenir compte du risque de dérapage des déficits publics, les auteurs font l'hypothèse que l'État réagit aux variations des charges d'intérêt réelles en modifiant sa fiscalité et ses programmes de dépenses. Ils croient que cette règle de simulation, quoique arbitraire, éclaire mieux le processus d'accumulation de la dette que ne le ferait une règle autorisant le dérapage de la dette publique.

Le modèle n'offre pas de réponse à la question de savoir si, dans leurs décisions de consommation et d'épargne, les ménages prennent en compte les impôts futurs visant le financement de la dette publique. Les auteurs ont préféré faire des simulations sous trois hypothèses différentes : l'hypothèse, soutenue par Barro, que les impôts futurs sont pleinement pris en considération; l'hypothèse, soutenue par Modigliani, qu'ils sont partiellement pris en considération; l'hypothèse qu'ils ne sont pas du tout pris en considération.

Si les ménages considèrent que le montant de la dette publique est supérieur à la valeur actualisée des impôts futurs qui s'y rapportent, le financement du déficit peut avoir un important effet d'éviction sur la formation du capital. Un accroissement des dépenses publiques peut aussi entraîner un effet d'éviction (peu importe son mode de financement) si la propension marginale à consommer est inférieure à l'unité. Pour bien distinguer les deux effets d'éviction l'un de l'autre, les auteurs ont simulé une réduction de l'impôt et un accroissement des dépenses.

Les résultats obtenus sont strictement théoriques, car basés sur un modèle assez imparfait d'une économie très simple. Sur la base de l'hypothèse de Barro mais d'une faible propension marginale à consommer (60 %) par rapport au revenu disponible, une hausse des dépenses équivalant à 1 % du PIB provoquerait une diminution de 2,5 % de la production potentielle à long terme. Par contre, sous l'hypothèse keynésienne que les ménages ne tiennent aucun compte des impôts futurs, une augmentation des dépenses de même ampleur entraînerait une réduction de 7 % de la production potentielle, dont 2,5 % serait liée à l'accroissement des dépenses, et 4,5 % au financement du déficit.

Les simulations du modèle, qui s'appuient sur des coefficients établis à partir d'un vaste éventail de travaux empiriques sur l'économie canadienne, ont permis de définir le profil temporel des réactions de cette dernière à divers chocs de dépenses ou d'impôts effectués sous différentes conditions. Les résultats des simulations montrent que l'effet expansionniste keynésien d'une hausse du déficit public est de très courte durée et beaucoup plus faible que l'effet de contraction sur la production potentielle en longue période. Le multiplicateur des dépenses culmine aux alentours de 0,6 à 0,7 au cours de la deuxième année, devient négatif après cinq ans et varie, selon l'hypothèse retenue relativement aux impôts futurs, de -2,5 à -7 au voisinage de l'équilibre. Les taux d'intérêt réels augmentent d'environ 0,3 point de pourcentage sous l'hypothèse barrovienne et d'environ 1 % si les ménages ne tiennent aucun compte des taux futurs de l'impôt.

L'étude fait ressortir que le coût de financement du déficit peut être très élevé dans le modèle en question; il pourrait l'être davantage encore si on laissait l'offre de travail diminuer par suite d'une baisse du salaire réel après impôts. Cependant, il faut noter que les résultats dépendent beaucoup de l'élasticité de la production par rapport au capital (part du capital) qui est probablement trop élevée comme le reconnaissent les auteurs.

Les auteurs présentent aussi les résultats de simulations partielles afin d'illustrer la nature de la contrainte d'offre dans le modèle. Ceux-ci font état d'un multiplicateur keynésien « pur » d'environ 2 lorsque le salaire nominal est exogène et que la politique monétaire accompagne la politique budgétaire.

DOI : https://doi.org/10.34989/tr-47