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L'approche du Canada en matière de politique monétaire : le bon choix pour les Canadiens

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J'apprécie l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de m'adresser à vous. Ces derniers mois, le débat entourant le système de change du Canada s'est intensifié, et les plaidoyers en faveur de l'adoption d'une monnaie commune avec les États-Unis ont beaucoup retenu l'attention.

J'aimerais revenir aujourd'hui sur la question du régime de change qui convient le mieux au Canada et énoncer aussi clairement que possible la position de la Banque à ce sujet. Et, ce faisant, je me propose d'utiliser, comme cadre de référence, l'approche du Canada en matière de politique monétaire. Je terminerai par quelques commentaires sur la conjoncture économique.

L'objectif de la politique monétaire et les moyens de l'atteindre

La Banque du Canada a le mandat de contribuer au bien-être économique des Canadiens. Cela signifie que nous devons mener une politique monétaire qui favorise une expansion soutenue de l'économie en créant des conditions propices à la hausse de la production, de l'emploi et des revenus et à la stabilité de l'environnement macroéconomique.

Un taux d'inflation bas, stable et prévisible

L'expérience acquise au fil du temps dans les divers pays nous enseigne que la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à la bonne tenue de l'économie est de préserver la confiance dans la valeur de la monnaie. Essentiellement, cela veut dire que les Canadiens devraient pouvoir compter sur une banque centrale qui fera ce qu'elle doit pour maintenir l'inflation future à un niveau bas, stable et prévisible. Ils peuvent ainsi vaquer à leurs activités avec confiance et prendre des décisions économiques judicieuses, ce qui favorise du même coup une meilleure tenue de l'économie à l'échelle nationale.

En ce sens, un taux d'inflation bas n'est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de parvenir à une fin, celle-ci étant l'amélioration du bien-être économique des Canadiens.

Évidemment, une politique axée sur un bas niveau d'inflation ne peut, à elle seule, produire les meilleurs résultats économiques possible. La prudence sur le plan budgétaire et des politiques qui visent à améliorer la structure et la flexibilité de l'économie sont également essentielles. Néanmoins, une faible inflation contribue de façon déterminante au bon fonctionnement de l'économie.

Si l'objectif de la politique monétaire est la réalisation et le maintien d'un bas taux d'inflation, comment la banque centrale doit-elle s'y prendre pour l'atteindre?

Les points d'ancrage de la politique monétaire

Quand une banque centrale augmente ou abaisse son taux directeur, elle met en branle toute une série d'événements qui touchent dans un premier temps les marchés financiers, entraînent ensuite des changements sur le plan de la dépense, de la production et de l'emploi, et se répercutent enfin sur le taux d'inflation. On appelle cette série d'événements le mécanisme de transmission de la politique monétaire.

Le problème est que le processus de transmission est long, de sorte que les interventions mettent du temps avant d'influer sur la production et l'inflation. Quelques-uns des effets des mesures de politique monétaire se font sentir relativement vite, mais ces mesures n'opèrent pleinement qu'au bout d'un certain temps, soit de trois à six trimestres dans le cas de la production et de six à huit dans le cas de l'inflation. Par conséquent, les banquiers centraux doivent considérer l'avenir et tenir compte de ce qui est susceptible de se produire à un horizon assez lointain dans les décisions qu'ils prennent au jour le jour pour mettre en oeuvre la politique monétaire. Ils doivent se fonder sur des hypothèses et se forger un jugement à propos de l'évolution future de l'économie ainsi que du moment où ils doivent intervenir et du résultat final des mesures de politique monétaire qu'ils adoptent. Tout ce processus comporte une grande part d'incertitude.

Cela dit, quand on observe ce qui se passe partout dans le monde, on constate qu'il existe différentes façons d'orienter la conduite de la politique monétaire et de rassurer les gens sur le fait que les choses sont sur la bonne voie, et ainsi de fixer ou d'« ancrer » les attentes d'inflation.

La plupart des pays sont maintenant dotés d'une cible ou d'un point d'ancrage explicite pour la politique monétaire. La principale exception est les États-Unis, où une déclaration d'intention générale au sujet de l'inflation s'est révélée suffisante ces dernières années pour ancrer la politique monétaire, ce qui témoigne de la forte crédibilité dont jouit la Réserve fédérale américaine.

Les points d'ancrage explicites ont jusqu'ici pris les formes suivantes : les cibles pour les agrégats monétaires, les taux de change fixes et les cibles d'inflation.

... cibler les agrégats monétaires

La majorité des pays industrialisés, y compris le Canada, ont par le passé tenter de viser des cibles de croissance de la masse monétaire.

Toutefois, au Canada comme aux États-Unis, les cibles monétaires ne se sont pas avérées un moyen efficace d'ancrer la politique monétaire. La déréglementation et les innovations financières ont réduit la fiabilité des mesures de la monnaie, et le lien entre l'expansion monétaire et le taux d'inflation s'est révélé instable. Nous continuons cependant de suivre la masse monétaire pour en tirer des renseignements sur l'évolution actuelle et future de la production et de l'inflation.

Donc, en pratique, il ne s'offre à nous plus que deux types de points d'ancrage explicites pour la politique monétaire : le taux de change fixe et les cibles d'inflation.

... établir un taux de change fixe

Pour de nombreux pays, particulièrement les plus petits, un moyen de réaliser de bas niveaux d'inflation consiste à lier sa monnaie nationale à celle d'un voisin plus grand ou d'un partenaire commercial important, qui jouit depuis longtemps d'une faible inflation.

Il existe, bien sûr, différents types de régimes de change fixe. Ceux-ci vont des systèmes « souples » — comme la parité fixe — aux régimes « rigides » qui sont tout à l'opposé du flottement libre. Ces régimes peuvent prendre la forme d'une caisse d'émission, de l'utilisation pure et simple de la monnaie d'un autre pays (comme la « dollarisation ») ou d'une union monétaire complète.

Une parité fixe pouvant être ajustée (c'est-à-dire réévaluée ou dévaluée) a été le point d'ancrage le plus couramment utilisé après la Seconde Guerre mondiale. Elle était la norme en vertu du système de Bretton Woods, qui a été instauré au lendemain de la Guerre et s'est maintenu jusqu'au début des années 1970, lorsque l'ouverture croissante des marchés financiers, l'ampleur des flux de capitaux et les politiques expansionnistes des États-Unis l'ont fait s'écrouler.

Le problème que posent les taux de change fixes mais ajustables est qu'ils ne garantissent pas que la valeur d'une monnaie par rapport aux autres monnaies, son pouvoir d'achat donc, ne va ni augmenter ni diminuer. Ainsi, des pressions à la baisse peuvent s'exercer sur le cours de la monnaie si les parités établies se situent à un niveau qui ne cadre pas avec la conjoncture économique du pays (à cause de graves problèmes d'endettement et de déficit budgétaire croissants, par exemple). Si les marchés se mettaient alors à douter de la résolution des autorités à maintenir la parité fixe, les investisseurs nationaux et étrangers s'empresseraient de retirer leurs fonds, ce qui déclencherait une crise monétaire. Le passé récent ne manque pas d'exemples de telles situations : les épisodes répétés en Amérique latine depuis les années 1980, les crises en Europe, en 1992 et 1993, ainsi qu'en Asie du Sud-Est et en Russie, en 1997-1998.

Étant donné que les parités fixes posent problème, une approche plus réaliste serait d'opter pour l'un des régimes plus rigides. J'y reviendrai plus tard. Pour l'instant, permettez-moi de passer à la troisième solution en matière de point d'ancrage explicite, c'est-à-dire les cibles d'inflation.

... poursuivre des cibles d'inflation

Parmi les pays industrialisés qui, à l'instar du Canada, se sont dotés d'un régime de changes flottants, il s'est dessiné, au cours de la dernière décennie, une tendance à choisir des cibles d'inflation explicites comme point d'ancrage de la politique monétaire. Cette même tendance se manifeste maintenant chez un nombre croissant d'économies de marché émergentes, qui ont récemment adopté un taux de change flexible par suite de la chute de leur système de changes fixes. L'objectif poursuivi est de maintenir l'inflation à un niveau bas et stable; à cet égard, le taux de change flottant aide l'économie à s'ajuster aux chocs.

Pourquoi recourir à des cibles d'inflation, et comment celles-ci servent-elles à guider la politique monétaire?

Lorsque des cibles d'inflation sont en place, la banque centrale vise un taux d'inflation — 2 %, par exemple — à un horizon de plusieurs trimestres. Puis, en se fondant sur son évaluation de la vigueur actuelle et projetée de la demande par rapport à la capacité de production de l'économie, ainsi que de l'incidence sur le niveau futur de l'inflation par rapport à la cible, l'institution prend des mesures maintenant — vu les longs délais en cause — pour faire en sorte que la cible soit atteinte à l'avenir.

L'utilité de la cible d'inflation en tant que point d'ancrage : l'expérience canadienne

En 1991, le gouvernement fédéral et la Banque du Canada ont annoncé conjointement l'établissement de cibles explicites en matière d'inflation. Depuis 1995, l'objectif consiste à maintenir la tendance de l'inflation à l'intérieur d'une fourchette de 1 à 3 %.

En adoptant ces cibles, la Banque cherchait à établir un cadre utile dans lequel elle pourrait offrir aux Canadiens l'assurance que l'inflation resterait à un niveau bas et stable, ce qui atténuerait les fluctuations sur le plan de la production et de l'emploi. Nous prévoyions également que les cibles fourniraient un objectif précis nous permettant d'évaluer la conduite de la politique monétaire, et de contribuer ainsi à accroître la responsabilité de la Banque envers le public.

Après une dizaine d'années, force est de constater que les cibles constituent un moyen efficace de maintenir l'inflation à un bas niveau. De plus, elles ont fourni un point d'ancrage aux attentes d'inflation.

Les cibles d'inflation ont également procuré à la Banque un mécanisme pour mesurer les pressions qu'exerce la demande sur l'inflation future et pour faire face à ces pressions d'une manière qui aide à maintenir un meilleur équilibre au sein de l'économie. D'ailleurs, on observe déjà des signes indiquant que les fortes fluctuations de l'activité économique, si typiques du passé, se sont atténuées.

Voici comment l'adoption d'une cible aide la Banque à stabiliser l'économie. Si la demande exerce des pressions sur l'appareil de production de telle sorte que l'inflation future semble susceptible d'augmenter et de s'éloigner de la cible, la Banque interviendra pour relever les taux d'intérêt. Cette mesure permettra de tempérer la demande et d'alléger les pressions inflationnistes. Tout aussi important est le fait que, si la demande est faible et paraît de nature à faire baisser l'inflation future par rapport à la cible, la Banque réduira les taux d'intérêt. L'économie dispose alors d'une plus grande latitude pour croître.

Bref, l'importance accordée à la maîtrise de l'inflation permet à la Banque de soutenir la croissance en période d'atonie et d'éviter la surchauffe lorsque l'économie est vigoureuse et exerce des pressions sur les capacités de production. J'en reviens maintenant à ce que je disais au début, soit que la politique monétaire contribue à la bonne tenue de l'économie en visant un bas taux d'inflation.

Grâce au climat de faible inflation, qui encourage les entreprises canadiennes à prendre d'autres initiatives en vue d'augmenter leur emprise sur les coûts, leur efficience et leur productivité, ainsi qu'aux grands progrès réalisés par tous les ordres de gouvernement sur le plan budgétaire, notre économie affiche une bonne tenue depuis les dernières années. Elle a de plus marqué de solides gains au chapitre de l'emploi et des revenus.

Compte tenu des importants avantages que comportent, sur le plan économique et social, un bas niveau d'inflation et les cibles d'inflation, le gouvernement canadien et la Banque ont récemment convenu de reconduire la cible actuelle d'inflation de 1 à 3 %. Afin d'accroître les chances que l'inflation demeure à l'intérieur des limites de cette fourchette, la Banque visera désormais expressément le point médian de 2 %. De plus, la nouvelle entente porte sur une période de cinq ans, au lieu de trois, soit jusqu'à la fin de 2006. Ces deux changements devraient aider à améliorer la prévisibilité et à convaincre les Canadiens que le niveau de l'inflation va continuer de demeurer bas.

Maintenant, examinons la place qu'occupe le régime de change dans tout cela et les raisons pour lesquelles le Canada a besoin d'un taux de change flottant.

Pourquoi avons-nous besoin d'un taux de change flottant?

Si nous voulons établir notre propre cible d'inflation, ou, ce qui est plus pertinent encore — car tous les pays industriels poursuivent aujourd'hui des objectifs similaires de faible inflation —, si nous voulons pratiquer une politique monétaire adaptée à nos propres conditions économiques, nous avons besoin d'une indépendance monétaire. Et cette dernière ne peut exister que sous un régime de changes flottants.

La valeur réelle d'un taux de change flottant pour notre pays réside dans sa capacité d'absorber une partie des chocs externes. Un exemple classique de cette situation est la variation marquée de la valeur de nos exportations par rapport à la valeur de nos importations, comme celle qui s'est produite en 1997-1998 lorsque les cours mondiaux des produits de base ont chuté dans la foulée de la crise asiatique. Le fléchissement du dollar canadien, dans ce cas, a contribué à compenser certaines des pertes subies par les producteurs de matières premières du pays. Mais surtout, il a renforcé la compétitivité des fabricants canadiens. Ces derniers ont pu alors accroître leur production et atténuer les répercussions du ralentissement du secteur des produits de base sur la production et les revenus. Ainsi, notre économie nationale a pu s'ajuster plus rapidement et avec moins de fluctuations générales sur les plans de la production et de l'emploi que si le taux de change n'avait pas bougé.

Pensons à ce qui se serait passé sous un régime de changes fixes. Le taux de change ne pouvant fluctuer, une diminution des prix et des salaires intérieurs aurait été nécessaire pour rétablir la compétitivité du Canada sur les marchés internationaux. Mais comme ni les prix ni les salaires ne sont suffisamment souples pour changer rapidement, l'ajustement aurait dû s'opérer en grande partie par l'entremise d'un recul de la production et de l'emploi.

Dans un monde où les capitaux peuvent circuler librement d'un pays à l'autre, un taux de change flottant peut aussi aider à absorber une partie des pressions associées aux grands flux de capitaux et faciliter les ajustements économiques requis. D'ailleurs, je vous rappelle que la décision prise en 1950, et de nouveau en 1970, de laisser flotter le dollar canadien s'inscrivait dans le contexte des entrées massives de capitaux (et de la montée des prix des produits de base), dont on craignait les effets inflationnistes sur notre économie et qui exerçaient une forte pression à la hausse sur notre monnaie.

Le point essentiel à retenir ici est que le Canada ne peut se soustraire aux chocs externes. Que nous vivions sous un régime de changes fixes ou flexibles, notre économie devra ultimement, d'une façon ou d'une autre, s'ajuster à ces chocs. Mais sans le coussin que procure un taux de change flottant, ces ajustements seront plus longs, plus pénibles et plus coûteux dans l'ensemble au chapitre de la production et de l'emploi.

Mais lorsqu'une monnaie flotte, les attentes relatives à sa valeur doivent pouvoir s'arrimer à certains points de repère. Autrement, dans le cas d'un mouvement à la baisse, le libre flottement pourrait entraîner une perte de confiance dans la valeur de la devise, tant sur les marchés nationaux qu'internationaux. Dans notre approche en matière de politique monétaire, la cible de maîtrise de l'inflation intérieure joue ce rôle crucial de point d'ancrage pour le taux de change.

La cible de maîtrise de l'inflation et le régime de changes flottants fonctionnent bien ensemble, voire se renforcent mutuellement. Et tous deux procurent des avantages économiques substantiels au Canada.

Aujourd'hui, les bienfaits d'une politique monétaire fondée sur des cibles d'inflation et soutenue par un régime de changes flottants sont de plus en plus reconnus dans le monde. Et le Canada fait souvent figure de modèle à cet égard. Pourquoi, dans ce cas, certains préconisent-ils le retour à un taux de change fixe par rapport au dollar américain ou la conclusion d'une union monétaire avec les États-Unis?

Une parité fixe nous ferait perdre les avantages macroéconomiques d'un taux de change flottant, sans pour autant nous donner l'assurance que la valeur de notre monnaie ne va pas malgré tout être modifiée dans l'avenir. Par conséquent, ce dont on parle actuellement, c'est d'une union monétaire avec les États-Unis.

À première vue, une telle entente peut sembler attrayante. Après tout, le Canada est l'une des économies les plus ouvertes du monde; il exporte plus de 40 % de sa production et importe dans une proportion presque équivalente. En outre, 80 % de ces échanges commerciaux se font avec les États-Unis. Il est vrai qu'en adoptant le dollar américain, les Canadiens s'épargneraient les frais de conversion des devises et de protection contre les mouvements du taux de change. L'incertitude moindre à l'égard du taux de change pourrait également s'avérer bénéfique en favorisant une plus grande efficience.

La question fondamentale, toutefois, est de savoir si les économies découlant d'une telle union compenseraient la perte de l'indépendance monétaire et du coussin contre les chocs économiques qu'offre un taux de change flottant.

Les recherches de la Banque du Canada et de nombreux analystes externes confirment que le fait d'avoir une monnaie distincte et un régime de changes flottants profite nettement au Canada. Notre pays et les États-Unis, il est vrai, ont beaucoup de traits communs. Mais du point de vue de la structure économique, de nombreuses et importantes différences les distinguent. Non seulement notre économie est beaucoup plus ouverte que celle de nos voisins du sud, mais elle reste davantage tributaire des matières premières. Qui plus est, le Canada est un exportateur net de matières premières, alors que les États-Unis en sont un importateur net. De fortes fluctuations des cours mondiaux des produits de base touchent notre économie davantage que celle des États-Unis, et surtout elles la touchent différemment. De toute évidence, notre situation se distingue suffisamment de celle de nos voisins pour qu'un taux de change flottant puisse grandement faciliter l'ajustement de notre économie nationale à de tels chocs.

D'un point de vue strictement économique, il demeure toujours possible que les structures de nos économies respectives finissent par converger à un point où les avantages d'une monnaie commune l'emporteraient sur les coûts macroéconomiques liés à l'abandon du taux de change flottant. En revanche, il est possible aussi que ces structures deviennent encore plus différentes (si l'intensification du commerce devait mener à une spécialisation accrue). Le fait est que nous n'en savons rien. Je voudrais souligner, toutefois, que le facteur crucial ici n'est pas le degré d'intégration entre le Canada et les États-Unis, mais bien dans quelle mesure leurs structures économiques se ressemblent ou se différencient, et ce qu'il en sera dans l'avenir.

L'ancien gouverneur de la Banque du Canada, Gordon Thiessen, a bien résumé ce point en décembre dernier quand il a déclaré ceci : « Tant et aussi longtemps que notre pays sera un grand producteur de matières premières et que nous voudrons mener des politiques économiques qui sont adaptées à nos besoins et exigent des conditions monétaires distinctes, nous avons tout avantage à tirer parti du rôle d'amortisseur que joue un taux de change flexible. »

J'ai souscrit sans réserve à ce point de vue, le mois dernier, lors de ma déclaration devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Comme je l'ai dit, « à ce stade de notre évolution, il est assez clair qu'un taux de change flottant par rapport au dollar américain est très avantageux pour le Canada, en raison des différences structurelles entre nos économies respectives ».

Par conséquent, nul ne peut soutenir qu'une monnaie flottante sera toujours et en toutes circonstances le régime idéal pour le Canada. Mais je peux certainement affirmer que, pour le proche avenir, et pour aussi longtemps que je puisse envisager — compte tenu de la structure de notre économie —, les avantages d'un taux de change flexible, avec une cible pour l'inflation intérieure comme point d'ancrage, dépasseront nettement ceux que nous procurera une union monétaire. Et ils dépasseront certainement ceux qui découleraient d'une parité fixe.

J'espère avoir démontré aujourd'hui que l'approche actuelle du Canada en matière de politique monétaire, fondée sur un taux de change flottant avec une cible de maîtrise de l'inflation comme point d'ancrage, est adéquate. Rien ne justifie que nous la changions.

J'aimerais, en guise de conclusion, vous faire part de notre point de vue sur la situation actuelle de l'économie.

L'évolution économique récente

Le rythme de l'expansion économique du Canada s'est considérablement ralenti depuis le dernier trimestre de l'an dernier, en raison surtout d'une demande américaine beaucoup moins élevée que prévu à l'égard de nos produits. Les fabricants canadiens, en particulier dans les secteurs de l'automobile, des produits électroniques et du matériel de télécommunication, ont dû procéder à des ajustements importants. Parallèlement, la demande intérieure finale est demeurée ferme au Canada, soutenue par une activité fondamentalement vigoureuse dans les secteurs de l'énergie, des ventes au détail, du logement et de la construction non résidentielle ainsi que dans la plupart des services. Les données des comptes nationaux à la fin mars et des indicateurs plus récents montrent que l'économie a progressé à un rythme modéré depuis le dernier trimestre de 2000.

Nous nous attendons à ce que la demande intérieure poursuive sa croissance au pays, à la faveur de conditions monétaires plus souples, de l'augmentation du revenu disponible résultant des récentes réductions d'impôt, de gains au chapitre de l'emploi ainsi que de la fin projetée de la correction actuelle des stocks.

Nous continuons aussi de prévoir que la progression de la demande américaine s'accélérera au deuxième semestre de 2001, compte tenu du repli considérable des taux d'intérêt, des niveaux relativement soutenus des dépenses de consommation, de la fin prochaine de la correction des stocks ainsi que des baisses d'impôt annoncées récemment (dont des remises à compter de juillet). Mais, à cause de la faiblesse continue des perspectives d'investissement aux États-Unis, on ne sait pas encore quand exactement au deuxième semestre de 2001 se produira la reprise attendue de l'économie américaine ni quelle sera son ampleur.

Bien que cette incertitude fasse peser certains risques sur les perspectives canadiennes, nous croyons toujours que le rythme d'expansion économique augmentera chez nous au second semestre de cette année et qu'il se raffermira encore en 2002.

Résultat de la montée des prix de l'énergie, y compris les tarifs d'électricité, l'inflation mesurée par l'IPC global a récemment dépassé la limite supérieure de la fourchette de 1 à 3 % que vise la Banque. Le taux d'accroissement de l'IPC global restera probablement instable au cours des prochains mois, puis il devrait redescendre à environ 2 % d'ici la fin de l'année si les prix du pétrole brut et du gaz naturel se stabilisent à leurs niveaux actuels.

Le principal risque qui continue de peser sur les perspectives de l'économie canadienne est que la reprise prévue de la croissance aux États-Unis se fasse attendre. Par ailleurs, bien que les prix du pétrole brut et du gaz naturel aient fléchi par rapport aux sommets atteints récemment, la Banque sera à l'affût des signes indiquant que le renchérissement de l'énergie se répercute sur le reste des prix à la consommation, faisant ainsi naître des pressions à la hausse sur l'inflation tendancielle. Devant ces risques, la Banque devra continuer de surveiller la situation de très près.

Somme toute, nous restons, à la Banque, généralement optimistes face aux perspectives de l'économie canadienne. Nous continuons de croire que l'activité progressera à un rythme se situant entre 2 et 3 % cette année, et qu'elle renouera avec une croissance un peu plus soutenue en 2002. Ce jugement repose sur les données recueillies récemment, lesquelles corroborent les prévisions de la Banque. Il est renforcé par la nette amélioration des variables économiques fondamentales, grâce à laquelle le Canada est en très bonne posture pour surmonter les difficultés économiques actuelles.

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