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La promotion de la prospérité économique et financière du Canada

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Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui. L'année 2002 aura été difficile pour un bon nombre de secteurs de l'économie albertaine. Beaucoup de fermiers ont souffert de la grave sécheresse qui a sévi dans l'ouest du pays, et les faibles cours du pétrole et du gaz ont restreint les investissements dans le secteur énergétique. De plus, la ville de Calgary s'est ressentie de la dégringolade de l'industrie des télécommunications. Cela dit, nous sommes convaincus que les perspectives de croissance de la province sont favorables, et j'aimerais entendre votre avis à ce sujet au cours de la période de discussion.

D'ici quelques minutes, je passerai en revue la situation et les perspectives d'évolution de l'économie canadienne. Mais, d'abord, j'aimerais vous entretenir d'un sujet qui a été au coeur des préoccupations des chefs d'entreprise et des dirigeants de l'État pendant la majeure partie de l'année, à savoir la nécessité de restaurer la confiance des investisseurs à l'égard des marchés financiers, des sociétés qui mobilisent des capitaux sur ces marchés et des spécialistes de la finance chargés de les surveiller.

Le rétablissement de la confiance à l'égard des marchés financiers

Permettez-moi d'expliquer pourquoi la Banque du Canada prête beaucoup d'attention à cette question. La Banque ne réglemente pas les institutions financières ni les marchés, mais elle a pour mandat de promouvoir la stabilité financière et d'assurer la surveillance générale des principaux systèmes de paiement et de règlement. De plus, à titre d'agent financier du gouvernement, nous prenons une part active au fonctionnement des marchés des titres à revenu fixe. Nous avons donc tout intérêt à ce que les marchés financiers fonctionnent de manière efficiente.

La confiance est essentielle au fonctionnement efficient des marchés financiers. Aux États-Unis, cette confiance a été ébranlée à la suite de la découverte des pratiques douteuses de comptabilité et de gouvernance des sociétés Enron, WorldCom et autres. Malgré le fait que des problèmes de cette ampleur n'aient pas surgi au Canada, la confiance dans les marchés canadiens et étrangers se ressent des événements survenus chez nos voisins du sud. Voilà pourquoi nous suivons de près les initiatives lancées dernièrement pour rétablir la confiance à l'égard des rapports financiers soumis par les sociétés et, plus généralement, à l'égard des marchés financiers. Il semble que faisaient défaut les bonnes mesures qui auraient incité les dirigeants de sociétés, les membres de leurs conseils d'administration, leurs vérificateurs et les banques d'investissement avec lesquelles ils traitent à divulguer toute l'information financière voulue et à toujours agir d'une manière qui favorise pleinement l'équité et l'ouverture des marchés.

Le marché apportera lui-même des solutions à certains des problèmes qui minent actuellement la confiance des investisseurs, tandis qu'il sera probablement préférable d'en régler d'autres au moyen de la réglementation.

Le marché impose de fait sa propre discipline. Il récompense les sociétés qui parviennent à préserver la confiance des investisseurs et pénalise celles qui abusent de cette confiance ou qui manquent de transparence. J'ai été impressionné de voir le sérieux avec lequel le secteur privé s'est attaqué aux problèmes soulevés par les affaires récentes. La profession comptable et les organismes de réglementation cherchent aussi des façons d'améliorer les pratiques et de rétablir la confiance. Ils réexaminent le rôle et les responsabilités qu'ont les vérificateurs externes envers les administrateurs et les actionnaires, et la manière dont ces rôle et responsabilités peuvent différer des autres fonctions que les dirigeants demandent aux vérificateurs d'assumer. Ils tentent également de savoir si les actionnaires et les conseils d'administration disposent des instruments et des pouvoirs nécessaires pour tenir les dirigeants responsables de leurs actions.

Il importe que nous continuions de nous pencher sur ces questions et, plus encore, que l'on nous voie travailler à leur résolution. Nous vivons dans un monde où les impressions sont marquantes et où les marchés des capitaux s'internationalisent sans cesse. Les sociétés canadiennes émettrices seront jugées non seulement par rapport aux normes du pays, mais aussi au regard des normes en vigueur ailleurs dans le monde en matière de comptabilité, de divulgation de l'information financière et de gouvernance.

Néanmoins, nous devons nous garder d'imposer des procédures et un fardeau administratifs trop lourd aux entreprises, surtout aux plus petites d'entre elles, étant donné l'importance qu'elles revêtent pour l'économie du pays. Mais que cela soit clair : les mêmes principes doivent s'appliquer à toutes les sociétés ouvertes au public. Si l'ensemble des sociétés doivent respecter l'esprit de ces nouvelles normes, il conviendrait peut-être, cependant, que les plus grandes d'entre elles, qui sont détenues par un vaste nombre d'actionnaires, aient à se conformer à des normes plus strictes que les petites entreprises, à l'actionnariat plus restreint.

La mise au point d'une solution bien adaptée à la situation canadienne est d'autant plus difficile qu'il n'y a pas chez nous, comme c'est le cas aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, un seul grand organisme de réglementation des valeurs mobilières. Je ne suis pas ici pour débattre la question de savoir si le Canada devrait ou non être doté d'une telle instance. Mais il est indéniable que nous devons améliorer le système actuel, et ce, dès maintenant. Sans cela, nous risquons de nuire à notre réputation sur les marchés de capitaux mondiaux.

En somme, la meilleure façon de restaurer la confiance des investisseurs est de mettre en place une gamme de mesures incitant les dirigeants et les conseils d'administration à toujours agir dans l'intérêt des actionnaires. La question de la divulgation de l'information financière est déterminante à cet égard. En aucun cas les actionnaires ne sont mieux protégés que lorsque les données financières sont divulguées de manière complète, équitable et exacte. Permettez-moi de citer ici un passage d'un récent rapport de l'Institut C. D. Howe : Si les réformes ne peuvent aider les investisseurs à séparer le bon grain de l'ivraie en matière de placements, il n'y a pas moyen d'améliorer la confiance (traduction).

Cela m'amène à un sujet qui revêt une grande importance pour la Banque. Celle-ci a le mandat, qu'elle partage avec le ministère des Finances, le Surintendant des institutions financières, la Société d'assurance-dépôts du Canada et les organes de réglementation provinciaux et autres, de promouvoir la solidité du système financier. Depuis des années, la Banque effectue des recherches et des analyses portant sur le système financier canadien, dont la majeure partie est publiée dans la Revue de la Banque du Canada, ainsi que dans des rapports techniques et des documents de travail. Nous sommes maintenant prêts à franchir une nouvelle étape en vue d'accroître la diffusion de l'information sur notre système financier. J'ai le plaisir d'annoncer que la Banque lancera une nouvelle publication semestrielle, intitulée Revue du système financier, dont la première livraison devrait paraître vers la fin du mois prochain. Cette publication fera état de certains des travaux entrepris par la Banque pour surveiller l'évolution du système financier canadien et analyser l'orientation des politiques publiques le concernant. La Revue du système financier vise à promouvoir une meilleure connaissance des changements et de l'évolution du système financier et à favoriser la discussion à leur sujet. J'ajouterai que nous ne sommes pas les seuls à publier un tel document. Par exemple, la Banque d'Angleterre, la Riksbank de Suède et le Fonds monétaire international publient également des rapports similaires.

Promouvoir la prospérité économique au moyen de la maîtrise de l'inflation

Bien que nous cherchions à promouvoir la stabilité financière en collaboration avec d'autres organismes, nous sommes seuls responsables de la conduite de la politique monétaire. Celle-ci repose sur notre régime de cibles d'inflation. Il se peut que le fonctionnement de ce régime soit familier à certains d'entre vous, mais il est toujours utile d'y revenir, surtout en cette époque d'incertitude économique.

La Loi sur la Banque du Canada stipule que nous devons « favoriser la prospérité économique et financière du Canada ». Nous aspirons à une croissance solide et durable de l'économie et de l'emploi. Le meilleur moyen d'y parvenir est d'accroître la confiance des Canadiens à l'égard du pouvoir d'achat futur de leur monnaie. Autrement dit, nous voulons que les Canadiens soient convaincus que l'inflation demeurera à un niveau bas, stable et prévisible.

Cela fait plus de dix ans que la Banque, à la suite d'une entente avec le gouvernement fédéral, utilise un système fondé sur des cibles de maîtrise de l'inflation. Selon les dispositions actuelles, la Banque s'efforce de maintenir le taux d'inflation tendanciel des prix à la consommation à 2 %, soit le point médian d'une fourchette qui va de 1 à 3 %.

Depuis que nous avons conclu cette entente, les attentes inflationnistes sont devenues solidement arrimées à notre cible de 2 %. Des attentes bien ancrées favorisent la croissance et la stabilité économiques. En effet, les investisseurs peuvent ainsi mieux évaluer la valeur future de leurs placements; les épargnants ont davantage l'assurance que leur pouvoir d'achat ne sera pas miné inopinément par l'inflation; les emprunteurs peuvent mieux évaluer le fardeau réel que représente le service de leur dette; et la durée des ententes salariales et des contrats financiers peut être allongée. Tout cela est possible parce que les gens croient que le taux d'inflation se maintiendra aux alentours de 2 % à moyen terme.

L'inflation et l'écart de production

Notre régime de cibles d'inflation contribue aussi à atténuer les sommets et les creux du cycle économique, et à éviter l'alternance des périodes de surchauffe et de récession du passé. Cet effet stabilisateur est le résultat d'interventions de nature symétrique, c'est-à-dire que nous accordons autant d'attention à une baisse importante de l'inflation par rapport à la cible de 2 % qu'à une hausse significative au-dessus de celle-ci.

Pour maîtriser l'inflation, il est fondamental de pouvoir évaluer à quel niveau tourne l'économie par rapport à son potentiel. La notion du potentiel de l'économie est cruciale. Je vais donc prendre quelques instants pour vous l'expliquer. La production potentielle, ou capacité de production, est la quantité de biens et de services que l'économie peut produire sans qu'apparaissent des pressions — à la hausse ou à la baisse — sur l'inflation. Lorsque l'économie fonctionne en deçà de sa capacité, les économistes disent qu'il y a un écart de production. Comme l'existence d'un tel écart tend à faire baisser l'inflation, la Banque assouplira sa politique monétaire pour stimuler la croissance. Dans ce cas précis, elle abaissera le taux cible du financement à un jour. Lorsque l'économie tourne au-delà de ses capacités, on voit apparaître une demande excédentaire, qui crée des pressions à la hausse sur l'inflation. Dans ce cas-là, la Banque resserrera la politique monétaire afin de modérer l'activité pour que celle-ci revienne au niveau de la production potentielle et de ramener le taux d'inflation au point médian de la fourchette cible.

Il faut se rappeler que les modifications du taux directeur mettent du temps à se transmettre dans l'économie. Il peut s'écouler jusqu'à deux ans avant qu'elles ne fassent pleinement sentir leurs effets sur la demande, la production et, finalement, sur les prix et l'inflation. Par conséquent, nos décisions en matière de taux d'intérêt doivent être tournées vers l'avenir. À nos dates d'annonce préétablies, nous ne cherchons pas à agir sur le taux d'inflation du moment. Nous visons plutôt l'inflation future et intervenons de façon préventive afin d'assurer un équilibre entre l'offre et la demande dans l'avenir.

Cela peut paraître simple en théorie, mais, dans la pratique, il en va tout autrement. Pour commencer, il est impossible de mesurer avec précision le potentiel de l'économie. Tout ce dont sont capables les économistes, c'est de proposer leur meilleure estimation — qui est certes très sophistiquée, mais qui reste une estimation — du niveau de l'activité économique qui constitue le plein potentiel. Et puisqu'il n'est pas possible d'établir avec précision le potentiel de production, on ne peut pas non plus calculer l'ampleur exacte de l'écart de production ou de la demande excédentaire.

C'est pourquoi la Banque tient compte d'une vaste gamme d'indicateurs pour évaluer les pressions qui s'exercent sur l'appareil de production. Nous examinons les rapports publiés par Statistique Canada sur le taux d'utilisation des capacités industrielles. Nous effectuons des enquêtes auprès d'entreprises des quatre coins du pays pour connaître le genre de contraintes de production qu'elles ressentent. Nous passons en revue les données relatives au marché de l'emploi, ainsi que les chiffres concernant le coût des intrants et les salaires. Enfin, nous étudions les indicateurs du marché de l'immobilier et, bien sûr, nous prêtons une grande attention à l'évolution des marchés financiers.

Nous mesurons, par ailleurs, l'inflation et les attentes inflationnistes. L'un des principaux indicateurs dont nous disposons à cet égard est la mesure que nous obtenons à l'aide d'un indice de référence excluant les huit composantes les plus volatiles de l'indice des prix à la consommation ainsi que l'effet des modifications des impôts indirects sur les autres composantes. L'expérience a montré que cette mesure nous donne une bonne indication de la tendance de l'inflation future. En fait, elle a été jusqu'à présent un meilleur indicateur précurseur de la trajectoire de l'inflation globale que l'IPC lui-même. Rassemblés, ces éléments nous donnent une vue d'ensemble du niveau d'utilisation des capacités au sein de l'économie, aujourd'hui et dans l'avenir. Je signale que vous trouverez dans le site Web de la Banque les plus récentes données relatives aux indicateurs que nous examinons lorsque vient le moment d'évaluer les pressions s'exerçant sur l'appareil de production.

Les perspectives de croissance actuelles du Canada

J'aimerais maintenant vous faire part de nos projections économiques et vous exposer comment notre point de vue a évolué durant l'année. Dans la livraison d'avril 2002 du Rapport sur la politique monétaire, nous prévoyions que la croissance de l'activité s'établirait dans une fourchette de 3 à 4 %, en chiffres annuels, du second semestre de cette année à la fin de 2003. Nous pensions que les capacités excédentaires présentes au sein de l'économie seraient entièrement absorbées au second semestre de l'an prochain. De plus, nous faisions observer qu'étant donné qu'en 2001 nous avions abaissé nos taux d'intérêt directeurs à des niveaux correspondant à des creux historiques, il nous faudrait les relever en temps opportun et avec mesure. Et, de fait, nous avons commencé à resserrer les conditions monétaires en augmentant le taux cible du financement à un jour à trois reprises entre avril et juillet, le haussant de trois quarts de point de pourcentage au total.

À la fin de l'été, cependant, des signes d'incertitude provenant de l'étranger avaient commencé à s'accumuler. Nous constations que le ralentissement de la croissance de la demande aux États-Unis nuirait probablement à nos exportations à court terme. De plus, les vents contraires financiers à l'échelle mondiale pourraient avoir des conséquences sur les dépenses des entreprises et des ménages canadiens. Enfin, les inquiétudes à l'égard des pratiques des sociétés en matière de gouvernance et l'instabilité du climat géopolitique pourraient inciter une partie des entreprises et des ménages à différer leurs dépenses.

En octobre, l'incidence cumulative du tassement de l'activité à l'échelon mondial et des vents contraires financiers nous a amenés à revoir à la baisse nos projections à court terme pour la croissance au pays. Dans la dernière livraison du Rapport sur la politique monétaire, nous affirmons nous attendre à ce que le taux d'expansion se situe en moyenne légèrement sous les 3 %, en taux annualisé, jusqu'au milieu de 2003. Mais, en supposant que les vents contraires financiers et les préoccupations liées à la conjoncture géopolitique se dissipent au second semestre de l'an prochain, la demande intérieure et extérieure devrait se raffermir et notre économie, renouer avec une croissance supérieure à celle de la production potentielle.

Il convient de souligner que nos projections actuelles concernant le niveau qu'affichera l'activité économique au Canada au milieu de l'année prochaine ne diffèrent pas sensiblement de celles d'avril, bien que le profil de croissance trimestriel ait été modifié. Nous prévoyons toujours que les capacités inutilisées qui restent seront absorbées à mesure que la croissance de la production dépassera celle de son potentiel, dans la seconde moitié de 2003.

Avant de terminer, j'aimerais dire quelques mots sur l'inflation. Dans la livraison d'octobre du Rapport sur la politique monétaire, nous signalions que l'inflation mesurée par l'indice de référence dépasserait probablement les prévisions antérieures au cours des prochains mois. Nous invoquions les variations ponctuelles de certains prix relatifs, dont la majoration des primes d'assurance et les effets de la restructuration du marché de l'électricité en Ontario. En outre, nous estimions que le rythme d'accroissement de l'indice de référence s'accélérerait probablement au quatrième trimestre de cette année, en raison de l'« effet d'écho » des rabais accordés en 2001 à la suite des attentats terroristes du 11 septembre. Mais nous ajoutions que l'inflation mesurée par l'indice de référence devrait revenir à 2 % au second semestre de l'an prochain. Nous sommes toujours de cet avis. Cependant, en raison des changements apportés à la tarification de l'électricité en Ontario, le profil d'évolution mensuel des prix sera probablement différent de celui auquel on s'attendait.

En octobre, nous faisions remarquer que la hausse des prix du pétrole brut pourrait continuer de pousser à la hausse l'inflation mesurée par l'IPC global, qui passerait ainsi bien au-dessus de la limite supérieure de la fourchette cible vers la fin de l'année. Mais les cours du brut ont reculé quelque peu ces dernières semaines. Si cette tendance devait se poursuivre, l'inflation globale atteindrait vraisemblablement un sommet moins élevé que nous ne le pensions en octobre.

Nous nous attendons encore à ce que le taux d'accroissement de l'IPC global converge avec celui de l'indice de référence, aux alentours de 2 %, dans la deuxième moitié de 2003. Toutefois, nous continuerons de suivre la situation de près, afin de veiller à ce que les variations ponctuelles que j'ai mentionnées tout à l'heure ne se répercutent pas sur les autres prix.

Pour conclure, je reprendrai certaines idées énoncées dans le Rapport sur la politique monétaire d'octobre. Pour l'avenir, il nous faudra réduire le degré de détente monétaire en place avant que l'économie n'atteigne son plein potentiel. Le rythme des mesures prises en ce sens continuera de dépendre de l'équilibre des forces internes et externes à l'oeuvre au sein de l'économie et de leurs implications pour les pressions s'exerçant sur l'appareil de production et l'inflation au pays.

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