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Défis mondiaux et possibilités pour le Canada

Bonjour, Mesdames et Messieurs. Permettez-moi d'abord de féliciter le Bureau des partenariats et des compétences de pointe (BPCP) pour l'énergie qu'il met à promouvoir les partenariats entre les entreprises et les universités. Cette coopération sera de plus en plus précieuse pour le Canada dans les années à venir. Je tiens également à vous dire que vous me faites un très grand honneur en me décernant le Prix du visionnaire 2003 du BPCP. Je suis absolument ravi de voir mon nom s'ajouter à la liste des Charles Baillie, John Cleghorn, Ted Rogers, Mike Lazaridis, John Sheridan et Jean Monty, tous d'éminents chefs d'entreprise qui se sont vu accorder cette distinction par le passé.

Je suis d'autant plus heureux de recevoir ce prix que c'est la première fois qu'il est remis à une personne ayant fait carrière dans le secteur public. On souligne ainsi la contribution importante que ce secteur apporte au bien-être économique du pays. Trop souvent, les gens pensent qu'il revient au seul secteur privé de créer de la richesse, et que le rôle du secteur public se limite, au mieux, à redistribuer cette richesse. Or, la réalité est bien plus complexe. C'est d'ailleurs l'objet de mon propos aujourd'hui : expliquer en quoi cette complexité est porteuse de défis, mais aussi de possibilités. En particulier, je vous parlerai des défis posés par la mondialisation de l'économie et de la façon dont les Canadiens, dans les secteurs public et privé, peuvent tirer profit des possibilités nouvelles qui s'offrent à eux dans ce contexte.

Je ne vous apprends rien en vous disant que les économies nationales se mondialisent de plus en plus. Dans son ouvrage paru en 1962, La Galaxie Gutenberg, Marshall McLuhan constatait que les médias de masse électroniques faisaient tomber les barrières de l'espace et du temps, ce qui ouvrait une ère de communications sans frontières. C'est ce qu'il a appelé l'avènement du « village planétaire ».

Évidemment, McLuhan lui-même n'aurait pu prévoir les progrès qui ont été accomplis dans le monde des transports et des communications au cours des quatre décennies suivant la publication de son livre, et qui ont transformé sa vision abstraite en une réalité concrète.

La technologie des satellites nous permet de capter des images en direct de partout sur la planète. Internet rend les idées accessibles simultanément à tous ses utilisateurs, dont le nombre continue de croître à un rythme exponentiel. J'ai la possibilité, en ce moment même, de dialoguer en même temps avec des milliers de personnes réparties dans tout le pays. Essentiellement, ces progrès technologiques permettent aux marchés — non seulement des biens et des services, mais aussi des idées — de connaître une expansion sans précédent.

La technologie a joué un rôle de catalyseur à l'égard des nombreuses tendances qui ont mené à la mondialisation. Les avancées technologiques ont réduit radicalement la somme de temps et d'argent que requièrent les activités transfrontières. S'agit-il d'une bonne ou d'une mauvaise chose? La réponse à cette question dépend de nous tous. Car si la technologie rend possibles d'immenses progrès, elle ne garantit pas pour autant qu'ils se réaliseront.

Nous essayons tous de saisir les effets de la mondialisation sur le développement économique et social, et il nous reste beaucoup à apprendre. Mais une chose est certaine : les sociétés qui ont le plus avancé, au siècle dernier, sont celles qui ont su profiter des possibilités offertes par une attitude d'ouverture et d'adaptation.

Je vois, partout dans le monde, plusieurs sociétés tirer réellement parti de ces possibilités. Je constate aussi que les sociétés qui sont ouvertes à la fois aux idées et à la concurrence économique de l'étranger sont celles qui parviennent le mieux à améliorer le bien-être de leur population.

Les progrès technologiques qui ont fait du village planétaire de McLuhan une réalité vont se poursuivre. On ne sait pas si le rythme de l'évolution va s'accélérer ou se ralentir; néanmoins, l'économie semble vouée à se mondialiser sans cesse davantage. La question suivante se pose alors : quels défis et quelles possibilités cette situation amènera-t-elle? À cet égard, j'aimerais soulever trois points, qui pourront servir à alimenter notre discussion tout à l'heure.

Penser et agir mondialement

Premièrement, il est important d'adopter une perspective mondiale. Selon une formule bien connue, il nous faudrait « penser mondialement et agir localement ». Mais en fait, nous devons penser et agir mondialement.

Voyons ce que cela signifie plus concrètement. Durant les années 1980 et 1990, à la suite des accords de libre-échange conclus avec les États-Unis et le Mexique, le Canada a centré son attention sur les débouchés qui existaient au sud de sa frontière. Les travailleurs et les entreprises du pays ont dû se livrer à de pénibles ajustements pour pouvoir faire face à la concurrence accrue et tirer parti de la nouvelle donne. Tout en poursuivant ces efforts à l'échelle continentale, les Canadiens doivent aujourd'hui élargir leurs vues et saisir les occasions qui se présentent dans le reste du monde.

À vrai dire, le reste du monde fait de plus en plus partie de notre monde. À la faveur de l'accroissement des revenus, beaucoup d'étrangers s'intéressent aux produits et aux idées du Canada. Et inversement, nos propres goûts et intérêts prennent un accent de plus en plus universel. Dans le village planétaire, nous sommes tous les clients d'un même marché de produits, de services et d'idées.

Cela dit, nous vivons encore dans un monde vaste et composé d'une multitude de cultures ayant chacune sa propre façon de voir et de faire les choses. En tant que Canadiens, nous devons continuer d'élargir nos horizons, de nous considérer comme des citoyens du monde et de nous ouvrir autant que possible sur l'extérieur.

Les Canadiens ont la chance de voir la diversité du monde se refléter dans leur pays et dans leurs universités. Le coeur des cinq continents bat chez nous, parfois dans une même ville. Cette diversité est source d'enrichissement collectif. Il est important que nos concitoyens d'autres origines apprennent des forces et des riches traditions de notre nation, tout comme il importe que les Canadiens de souche tirent profit de l'héritage et de la culture des personnes venues d'ailleurs. En nous écoutant les uns les autres, nous apprenons à écouter le monde. En nous parlant les uns aux autres, nous apprenons à parler au monde. Ces échanges ajoutent une nouvelle dimension à la métaphore de la mosaïque canadienne : les couleurs de la mosaïque demeurent distinctes, mais elles se marient pour créer un tableau débordant de vitalité et de dynamisme.

En résumé, on peut dire que cette diversité constitue vraiment un atout pour le Canada. Et c'est à vous, les leaders de la prochaine génération, qu'il appartiendra de veiller à ce que notre pays profite au maximum de cet avantage. Tel est mon premier message : pensez mondialement, agissez mondialement et imprégnez-vous de la diversité du monde.

L'importance de la finance

Au cours de ma carrière, j'ai passé beaucoup de temps à travailler de près ou de loin avec le secteur financier. À l'échelle mondiale, j'ai pu constater comment un pays peut améliorer la vie de ses citoyens quand il décide d'ouvrir son économie aux investissements étrangers. J'aimerais donc prendre quelques minutes pour développer mon deuxième point, à savoir les perspectives qui s'offrent au sein du secteur financier, dans le contexte d'une ouverture et d'une mondialisation croissantes.

C'est sur le secteur financier que les innovations dans le domaine des technologies des communications et de l'information ont eu la plus grande incidence. Les progrès technologiques et l'ouverture accrue ont donné lieu à une intensification des flux de capitaux ainsi qu'à de nouveaux modes de financement du développement. Les flux de capitaux se sont mondialisés, les investisseurs s'étant mis à chercher à l'étranger les meilleures possibilités de placement pour leur épargne. Cela a non seulement profité aux pays bénéficiaires des investissements, mais a également permis à notre société vieillissante d'augmenter le rendement de son épargne, tant privée que publique.

Il va de soi qu'un pays qui ouvre véritablement ses marchés s'expose à des risques accrus. Nous avons tous été à même de voir ce qui peut se produire quand des investissements sont dirigés vers des pays dont le secteur financier est peu fiable ou sous-développé, ou lorsque les investisseurs envoient d'importants capitaux à l'étranger sans avoir fait preuve de la diligence voulue. Pour bien saisir les occasions qui se sont présentées grâce à l'ouverture des marchés, il a donc fallu exercer une gestion plus efficace des risques. Pour assurer le flux harmonieux de l'épargne partout dans le monde, le secteur financier a dû évoluer, en créant de nouveaux instruments financiers qui facilitent les investissements appropriés. Ces tendances se poursuivront vraisemblablement, et les économies dont le secteur financier est en mesure de fournir des services de manière efficiente, au pays comme à l'étranger, jouiront d'un avantage appréciable.

Mais il n'y a pas que dans le secteur privé que l'on a enregistré des gains au chapitre de la gestion des risques. Les institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international, ont accompli de grands progrès dans le renforcement de l'architecture financière internationale. La collaboration entre les gouvernements et les banques centrales a aussi joué un rôle de premier plan, que ce soit dans le cadre du G7 ou du G20 ou auprès des différents groupes spécialisés qui ont vu le jour, tel le Forum sur la stabilité financière.

Ces efforts ont porté leurs fruits. Malgré plusieurs événements graves qui auraient pu ébranler les systèmes financiers dans le monde entier, les travaux de ces groupes ont permis d'élaborer des moyens d'atténuer les chocs qui, dans les décennies précédentes, auraient eu des effets dévastateurs.

De toute évidence, cependant, d'énormes défis se posent encore tant aux institutions financières du secteur privé qu'au secteur public, sur les plans national et international. Le secteur public de chaque pays doit prendre les mesures nécessaires pour que ses institutions financières soient adéquatement réglementées. De plus, les pays doivent continuer à coopérer afin de mettre au point et d'appliquer les meilleures pratiques en matière de promotion de la stabilité financière. Je le répète, dans le contexte d'une mondialisation sans cesse grandissante, l'importance du secteur financier et d'une réglementation adéquate de celui-ci va encore s'accroître.

Voilà donc mon deuxième message : soyez conscients des possibilités que le domaine de la finance offre, non seulement dans le secteur privé, mais aussi dans le secteur public. Cela m'amène à mon troisième point, le rôle du secteur public.

Le rôle du secteur public

Comme je le disais plus tôt, beaucoup de gens partagent l'avis simpliste que c'est uniquement au secteur privé qu'il incombe de créer de la richesse, et que le secteur public devrait se limiter à faire de très modestes efforts pour redistribuer les revenus. En adoptant un tel point de vue, on sous-estime considérablement la nature et la portée du rôle que joue le secteur public dans la promotion de la santé économique d'un pays. On ne tient pas compte de l'histoire, qui montre clairement que les sociétés qui ont le mieux réussi à améliorer le bien-être économique de leurs citoyens sont celles dont le secteur public a su fournir un climat social où le dynamisme et la créativité des personnes et des entreprises peuvent se développer.

En pratique, cela signifie qu'il faut trouver les bonnes façons d'inciter les employés du gouvernement à établir le cadre approprié, c'est-à-dire un cadre qui encouragera le secteur privé à accroître la productivité et l'innovation. À l'inverse, nous devrions aussi trouver les bonnes façons d'amener le secteur privé à oeuvrer pour l'amélioration du bien commun et de la productivité des mesures collectives prises par les gouvernements.

Ce qu'il faut retenir ici, c'est que nous ne pouvons nous permettre que les secteurs privé et public se comportent comme deux solitudes. Pour travailler efficacement, les particuliers et les entreprises ont besoin d'un secteur public aux rouages bien huilés et d'un cadre qui fournit les bonnes mesures d'incitation. Le secteur public doit comprendre comment les entreprises et les particuliers fonctionnent afin d'offrir l'environnement et le soutien adéquats. Si ce principe s'applique à toutes les composantes du secteur public, il est peut-être plus pertinent encore pour les responsables du cadre économique et financier du pays, y compris nous, à la Banque du Canada.

La création et le maintien de ce cadre, dans le contexte d'une conjoncture mondiale en pleine mutation, constituera bel et bien un défi de taille. Ce défi viendra en partie de la mise au point d'un cadre de politiques publiques qui présente deux caractéristiques. Premièrement, il doit être suffisamment en harmonie avec le reste du monde pour que nous demeurions ouverts à la concurrence et aux idées venant de l'étranger. Deuxièmement, il doit procurer au Canada des atouts particuliers de manière que notre secteur public soit une source d'avantages concurrentiels et ne porte pas atteinte à nos autres avantages.

Sur le plan des perspectives d'avenir, que signifient toutes ces considérations pour les étudiants? Elles signifient que vous devriez envisager des carrières qui combinent des expériences acquises dans les secteurs public et privé, ainsi que dans le domaine universitaire. Les leçons que vous tirez d'un milieu amélioreront votre aptitude à travailler et à apporter une contribution ailleurs. En diversifiant ainsi votre expérience, vous acquerrez des compétences très recherchées.

La sphère d'activité où vous commencez n'a d'ailleurs pas vraiment d'importance. Par exemple, si vous voulez faire oeuvre utile en tant qu'universitaires, une certaine expérience du secteur privé ou public ajoutera énormément à la valeur de votre enseignement. Dans le secteur privé, de l'expérience dans le milieu universitaire ou le secteur public vous permettra d'envisager le monde d'un point de vue stratégique, ce qui est difficile si vous n'avez travaillé que dans une seule entreprise ou branche d'activité. Et si vous souhaitez apporter votre pierre à l'édifice public, comme je l'ai déjà mentionné, il est extrêmement important que vous soyez passés par le secteur privé pour pouvoir mieux comprendre le fonctionnement du monde des affaires. Pourquoi? Parce que, au bout du compte, les politiques publiques doivent favoriser la fourniture efficace et efficiente des biens publics et encourager les activités privées qui généreront des résultats positifs pour le bien de tous.

Élaborer de telles politiques est beaucoup plus facile à dire qu'à faire. Mais ces quinze dernières années, nous avons fait des pas importants au Canada en ce qui concerne nos politiques macroéconomiques. Le défi qui se posera dans l'avenir sera de maintenir ces acquis et d'accomplir des avancées comparables sur le plan des politiques microéconomiques. Les progrès devront être réalisés par le gouvernement fédéral, les provinces et les municipalités, dans des domaines aussi divers que les politiques relatives au marché du travail, le droit de la propriété intellectuelle, la santé, l'environnement et les investissements d'infrastructure. C'est là que résident les défis, mais c'est également là que se présentent les possibilités.

Conclusion

J'aimerais terminer, d'ailleurs, par quelques remarques au sujet des possibilités qui s'offriront au Canada et aux jeunes Canadiens dans les années à venir.

J'ai parlé un peu plus tôt du grand avantage qu'offre la mosaïque culturelle canadienne. En cette ère de mondialisation, elle constitue un véritable atout, car elle nous permet de comprendre ce qui se passe ailleurs sur la planète, tout en mettant à profit les vraies forces que nous procure notre culture sociale et économique unique en son genre.

Quand je voyage à l'étranger, je suis toujours surpris de voir le bon accueil que réservent les entreprises et les organismes publics à la participation du Canada. En même temps, je m'étonne du peu d'effort que nous mettons parfois à profiter de ces dispositions favorables. En tant que jeunes, vous devrez tirer parti de ces occasions.

J'espère que vous prendrez mes trois messages à coeur : adoptez une perspective mondiale, mesurez l'importance du secteur financier et comprenez le rôle crucial du secteur public. Vu l'évolution constante de l'économie mondiale, il deviendra de plus en plus important de donner suite à ces idées, quel que soit le chemin qu'empruntera votre carrière.