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Un solide argument en faveur de la transparence

La dernière fois que j'ai pris la parole devant vous, ici à Londres, c'était il y a environ deux ans, et il est clair que depuis les choses ont bien changé dans le monde. La croissance robuste observée à l'échelle du globe, alimentée par une intensification du commerce international et facilitée par l'évolution et l'expansion continues des marchés de capitaux, s'est poursuivie de façon remarquable. La progression de la demande intérieure a commencé à s'accélérer en Europe et en Asie et à ralentir aux États-Unis, ce qui a calmé quelque peu les inquiétudes entourant les déséquilibres mondiaux dont je vous avais entretenu lors de ma dernière visite.

Les écarts de taux ont toutefois continué de se resserrer et les critères en matière d'octroi de prêts se sont assouplis jusqu'aux premiers mois de 2007, alors que l'utilisation croissante des produits financiers structurés augmentait la distance entre les investisseurs et les créances sous-jacentes. Même si, depuis environ un an et demi, les banquiers centraux s'inquiètent de l'évaluation qui est faite du crédit et de la mesure dans laquelle elle reflète adéquatement le risque, ce n'est qu'à la fin du printemps dernier que les écarts de taux sur les actifs risqués ont commencé à s'élargir, en grande partie sous l'effet des préoccupations liées au marché américain des prêts hypothécaires à risque. En août, ces préoccupations ont fait place à la consternation lorsque les détenteurs de produits structurés, surtout du papier commercial adossé à des actifs (PCAA), ont découvert que des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis pouvaient avoir été incorporés aux actifs sous-jacents à leurs produits. À cette consternation s'est ajoutée l'inquiétude que la situation financière des contreparties soit moins reluisante que ce à quoi on s'attendait précédemment en raison de leur propre exposition à ces actifs. Ces facteurs ont entraîné un resserrement des conditions et des bouleversements sur les marchés monétaires de manière plus générale.

À mon avis, l'une des principales causes des difficultés éprouvées récemment par les marchés monétaires était un manque de transparence. Évidemment, cette notion peut vouloir dire différentes choses selon le contexte. Dans celui des marchés financiers, j'entends par « transparence » la capacité – et la volonté – des participants d'obtenir et d'utiliser de l'information financière complète et à jour, notamment sur la nature exacte de ce qui fait l'objet de l'échange. Ce sont les événements survenus en août ainsi que les efforts déployés constamment par la Banque du Canada afin d'améliorer le fonctionnement des institutions financières internationales qui m'ont amené à profiter de mon discours d'aujourd'hui pour mettre en avant un solide argument en faveur de la transparence. Ce faisant, je ne limiterai pas mes propos aux marchés financiers. La transparence est un thème fondamental qui touche la plupart des mesures que doivent prendre les décideurs publics, sur le plan tant national qu'international.

Donc, je discuterai en premier lieu des marchés financiers et du rôle joué par le manque de transparence dans les bouleversements qu'ils ont subis récemment. Puis, je reviendrai sur un thème que j'avais abordé la dernière fois que je suis venu ici, à savoir l'importance de renforcer les institutions financières internationales et d'accroître la transparence des conseils qu'elles fournissent et de leurs opérations. Enfin, je dirai quelques mots sur la santé de l'économie canadienne.

Les marchés financiers – Le besoin de transparence

J'aimerais tout d'abord rappeler la période 2005-2006, au cours de laquelle de nombreux banquiers centraux, dont moi-même, s'inquiétaient de ce qui paraissait être un assouplissement excessif des conditions du crédit, c'est-à-dire de la formation dans le monde de ce que l'on a appelé un « mur de liquidité ». À quoi exactement celui-ci était-il dû? Comme je l'ai mentionné lors de mon dernier passage devant cette chambre de commerce, il s'expliquait principalement par un excédent à l'échelle internationale du niveau désiré de l'épargne sur celui de l'investissement. Cette épargne excédentaire exerçait une pression à la baisse sur les taux d'intérêt réels à long terme, même à un moment où bon nombre de banques centrales relevaient leurs taux directeurs.

À mesure que les taux d'intérêt à long terme reculaient, les investisseurs intensifiaient leur recherche de meilleurs rendements, entraînant ainsi un resserrement des écarts de taux sur les actifs risqués. En outre, on assistait à un assouplissement des normes en matière d'octroi de prêts sur certains marchés, les prêteurs devenant plus disposés à prendre des risques. Cette situation a aussi donné lieu à un accroissement de l'émission de produits structurés. Le conditionnement et la vente de prêts dotés d'une structure permettant d'intégrer des caractéristiques de prêts à faible risque à des actifs plus risqués ont stimulé la demande de ce type d'actifs et incorporé un effet de levier important. Cette ingénierie financière a contribué à encourager les fusions et les acquisitions, dont les prises de contrôle d'entreprises par des sociétés de capital-investissement, ainsi que l'octroi de prêts sur des marchés comme celui des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis.

Dans bien des cas, ces produits structurés se sont complexifiés et sont devenus plus difficiles à comprendre pour les investisseurs. Les titres, pour lesquels on utilisait fréquemment l'effet de levier, comportaient des produits dérivés composés de tranches adossés à divers types d'actifs, actifs qui étaient conditionnés et reconditionnés, vendus et revendus, sous toutes sortes de formes. Or, dans ce processus complexe, les créances sous-jacentes perdaient souvent en transparence. Comme les initiateurs des prêts avaient l'intention de titriser ces derniers plutôt que de les conserver dans leur bilan, rien ne les incitait à évaluer avec soin la solvabilité de l'emprunteur. Et les investisseurs, dans bien des cas, étaient incapables, ou ne faisaient pas l'effort, de voir au-delà de la complexité de l'instrument. Ils n'avaient donc aucune idée de la qualité de l'actif sous-jacent ni des difficultés potentielles touchant la liquidité de l'instrument lui-même. Les problèmes étaient aggravés par le fait que les modèles servant à l'évaluation de ces produits structurés supposaient que ceux-ci pouvaient être échangés aisément sur un marché liquide. En août, cette hypothèse a été mise à l'épreuve et l'on a pu constater qu'elle n'était pas tout à fait fondée.

Je tiens à souligner que la création de ces nouveaux instruments complexes comportait des avantages appréciables. Ils permettaient de séparer différents types de risques, comme le risque de crédit ou le risque de marché, et en favorisaient ainsi une meilleure gestion. Les risques pouvaient donc être assumés par ceux qui étaient le mieux en mesure de le faire. Tant les banques que les institutions non bancaires ont mis au point divers types de prêts pouvant être conditionnés et vendus à différents investisseurs dans l'ensemble de l'économie mondiale. Et le fait de retirer un grand nombre de prêts des bilans augmentait la capacité du secteur bancaire de créer de nouveaux prêts tout en demeurant bien doté en capital.

Comme je l'ai indiqué plus tôt, les banquiers centraux s'inquiétaient depuis un bon moment de ce que les écarts de taux ne reflètent pas correctement le risque. C'est pourquoi nous avons vu d'un bon oeil la hausse des primes de risque qui s'est amorcée au printemps dernier. De fait, en mai, les écarts sur les obligations de société à rendement élevé et les obligations émises par des pays à marché émergent ont commencé à s'élargir et à se rapprocher de niveaux avoisinant les normes historiques. Par ailleurs, les primes de risque sur les prêts hypothécaires à risque aux États-Unis ont été relevées pour tenir compte de l'augmentation des taux de défaillance. À cause de ce processus, certaines personnes qui avaient pris beaucoup de risques ont dû subir des pertes. Mais, en général, la réévaluation nécessaire des risques se déroulait sans nuire au bon fonctionnement des marchés.

En août, toutefois, la situation s'est sensiblement compliquée. D'abord, la répartition des risques inhérents aux produits structurés a aussi supposé une vaste propagation des problèmes associés aux actifs sous-jacents à ces instruments. Qui plus est, la complexité et le manque de transparence de nombreux produits structurés ont aggravé les bouleversements sur les marchés. Il était extrêmement difficile pour les investisseurs de voir au-delà des tranches de ces titres et produits dérivés et de déterminer avec confiance la qualité des actifs auxquels était adossé un titre en particulier, ainsi que la valeur de marché du titre lui-même. Même les investisseurs dits avertis étaient en proie à une grande incertitude, ce qui a créé de la peur. Cette peur a rendu les marchés moins liquides, notamment le marché monétaire, et le « mur de liquidité » a fondu comme neige au soleil. Les investisseurs ont cherché refuge et sécurité dans les actifs les moins risqués, les plus transparents et assortis des échéances les plus courtes.

La réévaluation du risque de crédit est un processus qui se poursuit. Malheureusement, elle pourrait se prolonger un peu plus longtemps que lors des précédentes périodes de turbulence, en raison de l'opacité et de la complexité juridique d'un très grand nombre de ces produits structurés. Il est par conséquent encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives de cette expérience. Mais l'une des leçons à retenir – qui, je l'espère, coule de source pour tout le monde – a trait à l'absolue nécessité de la transparence pour que les marchés fonctionnent bien. Les vendeurs d'instruments financiers doivent structurer ces placements de manière à ce que les acteurs du marché puissent avoir une idée claire de ce qu'ils achètent. Les agences de notation doivent indiquer clairement que les cotes qu'elles attribuent à des produits très structurés ne devraient pas être utilisées avec la même certitude que les cotes qu'elles accordent à des instruments portant sur un emprunteur déterminé. Parallèlement, il faudra que les investisseurs tâchent davantage d'effectuer des recherches approfondies afin de pouvoir mieux comprendre la nature de leurs investissements et qu'ils exigent une transparence accrue là où elle se révèle déficiente. Les investisseurs ne devraient pas se contenter de l'avis favorable des agences de notation! Ils doivent faire eux-mêmes leurs devoirs et déployer des efforts concertés pour comprendre ce qu'ils achètent. Ils ne peuvent cependant y parvenir que s'ils ont en main toute l'information dont ils ont besoin.

J'aimerais maintenant consacrer quelques minutes au rôle joué par les banques centrales, et la Banque du Canada en particulier, en août dernier. À mesure que les liquidités se sont évaporées, les banques centrales dans de nombreuses parties du monde sont intervenues fort judicieusement. Bon nombre d'entre elles ont injecté au besoin des liquidités à court terme sur les marchés monétaires, s'acquittant en cela de deux de leurs responsabilités fondamentales.

Premièrement, il est tout à fait normal et approprié pour les banques centrales d'injecter des liquidités quand les banques qui sont solvables se trouvent aux prises avec des marchés devenus illiquides – un point qui a été reconnu par Walter Bagehot il y a plus d'un siècle. Les banques doivent savoir qu'elles peuvent compter sur les facilités de trésorerie de leur banque centrale en cas de nécessité. La Banque du Canada met un mécanisme permanent d'octroi de liquidités à la disposition des institutions pouvant donner en nantissement une vaste gamme de titres dont la valeur est facile à établir. Les institutions peuvent se prévaloir de ce mécanisme en fin de journée à un taux dissuasif, à savoir le taux cible du financement à un jour majoré de 25 points de base. Quand les bouleversements ont commencé sur les marchés, nous avons augmenté notre offre d'encaisses de règlement comme nous le faisons normalement lorsque nous observons une hausse de la demande d'encaisses.

La deuxième responsabilité fondamentale qui nous incombe consiste à mener la politique monétaire d'une manière transparente, propre à maintenir notre taux directeur près de sa cible, et ce, afin de maîtriser l'inflation. Les événements du mois d'août ont exercé une forte pression à la hausse sur le taux du financement à un jour qui sert à la conduite de la politique monétaire. C'est pourquoi nous avons procédé à des opérations de prise en pension sur le marché afin d'injecter des liquidités et de maintenir ce taux. Nous avons aussi élargi temporairement la liste des titres pouvant être utilisés par les participants au marché aux fins de ces prises en pension.

Tout bien considéré, ces mesures liées à nos responsabilités ont permis d'améliorer le fonctionnement du marché du financement à un jour. C'est pourquoi nous avons rétabli notre liste originale de titres admissibles aux fins des prises en pension, et réduit progressivement le niveau des encaisses de règlement.

Je tiens à insister sur un point : les interventions que nous avons faites pour fournir des liquidités et ainsi favoriser le fonctionnement harmonieux des marchés financiers ne visaient absolument pas à signaler un changement d'orientation de notre politique monétaire. En fait, elles représentaient une étape dans la poursuite de cette orientation en gardant le taux cible du financement à un jour à 4 1/2 %, niveau que nous estimions approprié au maintien de l'inflation à la cible à moyen terme.

Le fait que le marché du financement à un jour au Canada soit en bonne voie de revenir à la normale ne signifie toutefois pas que tous les problèmes ont été résolus sur les marchés monétaires. Le financement à terme demeure relativement cher et les écarts de taux entre les acceptations bancaires et les bons du Trésor restent anormalement élevés. En ce qui regarde le marché du PCAA, le Canada, à l'instar d'autres pays, a rencontré quelques embûches. Un segment bien circonscrit de ce marché, à savoir le marché du PCAA structuré non bancaire, a connu des problèmes particuliers. Celui-ci compte pour environ le tiers du marché canadien du PCAA, dont la valeur s'élève à quelque 120 milliards de dollars. Au coeur du problème se trouvent les garanties de liquidité associées à ces titres, qui diffèrent de celles fournies aux États-Unis et en Europe. Le PCAA non bancaire canadien comporte souvent une clause garantissant la liquidité seulement en cas de « perturbation générale du marché ». Un grand nombre de pourvoyeurs de liquidités, mais pas tous, ont refusé de se manifester lorsque ce papier est arrivé à échéance, prétextant pour l'essentiel que le fonctionnement continu de certains segments du marché du papier commercial montre bien qu'il n'y a pas eu de « perturbation générale du marché ». Des efforts en vue de résoudre les problèmes du marché du PCAA non bancaire sont en cours et les discussions se poursuivent à Montréal entre les investisseurs et les fournisseurs de liquidités, dont la plupart sont des banques internationales. J'ai des raisons d'espérer qu'avec le temps ces démarches donneront des résultats utiles.

Le reste du PCAA canadien est composé de véhicules dont les grandes banques du pays sont les promoteurs et auxquels elles ont convenu de fournir un soutien de liquidité de style international. Ces institutions n'ont toutefois pas été préservées des problèmes survenus à l'échelle mondiale et locale. Ainsi, les véhicules des banques se renouvellent en étant assortis d'échéances plus brèves et de taux d'intérêt plus élevés et, dans certains cas, les banques inscrivent une partie du papier arrivant à échéance dans leur bilan. Quoi qu'il en soit, les grandes banques semblent en bonne posture pour faire face aux bouleversements actuels. Et, dans la déclaration commune qu'elles ont publiée le mois dernier, elles ont affirmé que leur engagement à soutenir le marché du PCAA est étayé par la solidité de leur position financière, la confiance qu'elles ont dans les actifs sous-jacents et leur détermination soutenue à fournir des liquidités lorsque leurs véhicules arrivent à échéance. Par ailleurs, les données rendues publiques par le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada montrent que notre secteur bancaire est bien capitalisé. La Banque du Canada a accueilli favorablement cette initiative visant à rétablir le bon fonctionnement des marchés monétaires au pays, et a la conviction que les banques canadiennes peuvent continuer à soutenir leurs véhicules selon les besoins.

La transparence institutionnelle

J'ai indiqué plus tôt que l'une des leçons à tirer des événements survenus en août est la nécessité absolue de la transparence pour que les marchés des titres de dette fonctionnent bien. Mais ce besoin de transparence ne se limite pas aux marchés monétaires et aux instruments d'emprunt. À mon avis, il existe un solide argument en faveur de la transparence, de façon plus générale, dans le fonctionnement de l'ensemble des marchés financiers. La plupart des pays se sont dotés de règles assez claires exigeant la transparence des opérations liées aux fonds communs de placement, de sorte que les investisseurs puissent avoir une idée bien précise de ce qu'ils achètent. Par contre, les fonds de couverture, de par leur nature, sont plus opaques. Mais je crois qu'il y aurait vraiment lieu d'en accroître la transparence, à tout le moins pour ce qui est des objectifs, des procédures opérationnelles et de la gouvernance.

Les normes comptables ont elles aussi pour objet d'accroître la transparence. Mais il est très difficile pour les sociétés d'attribuer une valeur précise aux instruments complexes aux fins de divulgation de l'information financière. Pour bon nombre d'entre eux, il n'existe pas de marché préétabli qui pourrait servir de référence. Et les modèles qu'on utilise pour évaluer ces instruments ne sont que des modèles statistiques pouvant uniquement fournir des valeurs estimatives à l'intérieur de ce qui est souvent une fourchette très large. Il est donc essentiel que les sociétés fassent preuve d'une grande transparence au sujet des méthodes qu'elles emploient pour estimer les valeurs ainsi que des plages possibles entourant ces valeurs estimatives.

Je voudrais maintenant traiter brièvement de l'importance de la transparence des institutions, nationales et internationales, bénéficiant de garanties de l'État. Je parlerai d'abord des fonds de richesse nationale, ces acteurs financiers mondiaux de premier plan qui contrôlent des sommes d'argent de plus en plus considérables. Certains d'entre eux, comme les fonds de pension publics au Canada, se conforment déjà à des normes de transparence très élevées. Mais dans d'autres cas, les opérations liées à ces fonds manquent fréquemment de transparence. Trop souvent, les buts fixés ne sont pas clairement définis, ce qui peut donner lieu à des idées fausses à cet égard, notamment lorsque les fonds sont issus des réserves de change. Comme pour ce qui est des sources privées de capitaux, des normes rigoureuses de transparence sur le plan de la divulgation de l'information et de la gouvernance, ainsi que des objectifs poursuivis, seraient utiles pour ces sources publiques.

Enfin, j'ajouterais que le même besoin de transparence s'applique aux institutions financières internationales. Dans cet ordre d'idées, la Banque du Canada, de concert avec la Banque d'Angleterre, s'attache à promouvoir le renforcement des capacités de surveillance et des pratiques de gouvernance du Fonds monétaire international (FMI). Et, tout en travaillant à améliorer la surveillance, il convient aussi d'élargir la portée des efforts consentis pour faire du FMI une institution véritablement représentative des différents pays du monde, en donnant aux économies émergentes une voix au chapitre au sein de l'institution. Il faut également s'assurer que le Fonds est régi de manière transparente et que le directeur général et le personnel rendent compte de leurs actes.

La santé économique du Canada

Avant de conclure, permettez-moi de dire quelques mots sur la tenue de l'économie canadienne. Depuis une quinzaine d'années, le Canada profite d'une croissance soutenue, d'un taux d'inflation bas et stable ainsi que d'une gestion de plus en plus saine des finances publiques. Le taux de chômage est à son niveau le plus faible depuis une trentaine d'années, et une proportion record de la population occupe aujourd'hui un emploi. Le Canada doit sa santé économique durable, du moins en partie, à son solide cadre de politique macroéconomique, qui repose entre autres sur une politique monétaire transparente axée sur le régime de poursuite de cibles d'inflation dont j'ai parlé un peu plus tôt et sur une saine politique budgétaire.

Ces cinq dernières années, la forte demande mondiale, en particulier de produits énergétiques et d'autres matières premières, a contribué de manière déterminante à la vive expansion de l'économie canadienne et à l'amélioration notable des termes de l'échange du pays. Dans l'ensemble, notre économie s'adapte bien aux variations des prix relatifs, à la faveur notamment de son régime de changes flexibles. La main-d'oeuvre s'est déplacée des régions et des secteurs où la demande est moindre vers ceux où elle est plus grande. Depuis trois ans environ, l'économie canadienne fonctionne près ou au-dessus de son potentiel. La vigueur de la croissance a fait monter les salaires partout au pays. La pénurie de travailleurs spécialisés se fait sentir dans toutes les régions, mais principalement dans les provinces de l'Ouest. Dans ces circonstances, une pression à la hausse s'est exercée sur l'inflation. Avec, en toile de fond, une augmentation des revenus et de l'emploi, il n'est guère étonnant que les ventes et les prix des maisons aient continué de progresser, malgré les pratiques d'octroi de prêts hypothécaires plus prudentes au Canada.

Que nous réserve l'avenir? La dernière projection économique complète de la Banque a été effectuée pour la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire qu'elle a fait paraître à la mi-juillet. Dans ce document, nous prévoyions que l'expansion robuste observée en dehors de l'Amérique du Nord se poursuivrait et que le rythme de croissance ralentirait quelque peu aux États-Unis au cours des prochains trimestres. Dans ce contexte, notre scénario de référence pour le Canada supposait que le taux de croissance annuel moyen avoisinerait 2 1/2 % jusqu'à la fin de 2009, soit un niveau légèrement inférieur à notre estimation du taux d'accroissement de la production potentielle, ce qui devrait permettre à l'économie de retourner à son potentiel en 2009. L'inflation, pour sa part, reviendrait à la cible de 2 % d'ici le début de la même année.

Les événements survenus récemment donnent à penser que les perspectives économiques à court terme aux États-Unis sont plus sombres qu'on ne s'y attendait précédemment. Il semble maintenant probable que l'ajustement dans le secteur américain du logement, accentué par les bouleversements des marchés financiers, sera plus prononcé et qu'il se prolongera. Ces facteurs impliquent une demande des exportations canadiennes plus faible qu'on ne l'escomptait antérieurement. En revanche, la croissance au Canada s'est avérée supérieure aux projections au premier semestre de l'année. Et, comme la Banque l'indiquait la semaine dernière, à sa date d'annonce préétablie, il semble maintenant que l'économie canadienne fonctionne davantage au-dessus de son potentiel qu'on ne l'avait estimé en juillet. La demande intérieure demeure robuste, soutenue par la vigueur continue du marché du travail et des augmentations plus élevées que prévu des ventes et des prix des maisons. Cependant, l'évolution récente des marchés financiers a entraîné un certain resserrement des conditions du crédit pour les emprunteurs canadiens, ce qui devrait modérer la croissance de la demande intérieure. Dans ce contexte, la Banque jugeait que le taux cible du financement à un jour, à 4 1/2 %, se trouve à un niveau approprié.

Toutefois, des risques importants, tant à la hausse qu'à la baisse, pèsent sur les perspectives en matière d'inflation. Du côté des risques à la hausse, il y a la possibilité que la demande des ménages au Canada se révèle plus forte que prévu, alors que du côté des risques à la baisse, l'ajustement en cours dans le secteur du logement aux États-Unis pourrait être plus marqué encore et se répercuter de façon plus généralisée sur l'économie américaine. En outre, il existe une incertitude en ce qui concerne l'ampleur et la durée du resserrement des conditions du crédit au Canada et, par conséquent, l'effet modérateur que ce resserrement aura sur la croissance de la demande intérieure.

Conclusion

Permettez-moi de conclure. Il n'est pas facile de composer avec les bouleversements des marchés financiers, et ce sont là des événements dont on se passerait très volontiers. Mais si nous pouvons en apprendre et en retenir les leçons extrêmement précieuses, surtout quant à l'importance cruciale de la transparence, alors les marchés financiers mondiaux pourront en ressortir plus forts et plus efficients qu'auparavant, et ce, dans l'intérêt de tous.

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