Changez de thème
Changez de thème

Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

Disponible en format(s) : PDF

Merci, Monsieur le Président, de me donner la possibilité de témoigner devant ce comité. Je suis accompagné de John Murray, sous-gouverneur et membre du Conseil de direction de la Banque du Canada.

J'aimerais d'entrée de jeu souligner l'extrême importance de la question des obstacles au commerce intérieur et vous dire à quel point je suis ravi, Monsieur le Président, que votre comité se penche sur le sujet. Nous avons passé en revue nos témoignages précédents devant ce comité, et vous pourrez constater que notre approche cette fois-ci sera un peu différente. Au lieu de m'attarder sur les détails de restrictions particulières au commerce intérieur, je m'intéresserai plutôt à l'influence du commerce et des barrières au commerce intérieur sur la tenue générale de l'économie canadienne.

Mes observations porteront sur deux enjeux cruciaux selon cette perspective : l'importance de la flexibilité au regard des ajustements économiques et la nécessité d'adopter des politiques économiques favorables à cette flexibilité sur les marchés des biens, des services, des capitaux et du travail.

J'entends par flexibilité économique la capacité d'une économie de s'adapter à des conditions changeantes. L'évolution de la conjoncture est souvent liée aux variations des prix relatifs, qui à leur tour envoient des signaux importants aux marchés. Une économie flexible s'ajuste à ces signaux et revient au niveau de la production potentielle de la façon la plus rapide et la moins coûteuse possible. Depuis une dizaine d'années, l'expansion économique a été vive au Canada et dans le monde, en dépit d'une série de grands chocs, à savoir :

  • la crise financière asiatique de 1997-1998, qui allait se propager en Russie et en Amérique latine;
  • l'éclatement de la bulle technologique à l'échelle du globe;
  • les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis;
  • le SRAS et la maladie de la vache folle;
  • l'intensification de la concurrence de la Chine et de l'Inde;
  • et, depuis 2003, l'augmentation marquée des prix des matières premières et la montée appréciable de la valeur externe de notre monnaie qui l'a accompagnée.

Bien entendu, dernièrement, nous avons été aux prises avec les répercussions de la turbulence sur les marchés du crédit découlant des problèmes liés au marché américain des prêts hypothécaires à risque et de l'utilisation accrue des produits financiers structurés. Il importe de noter que tous ces chocs étaient d'origine ou d'envergure internationale.

Bon nombre de ces chocs, notamment la crise asiatique et la récente flambée des prix des matières premières, ont entraîné de grandes variations des prix relatifs, c'est-à-dire des prix des produits de base énergétiques et non énergétiques, ainsi que du taux de change du dollar canadien. Ces fluctuations ont, à leur tour, donné lieu à des déplacements importants de l'activité économique ainsi qu'à la réaffectation des ressources de production entre les divers secteurs industriels et les régions du pays.

Toute cette évolution met en lumière le fait que nous vivons une époque de changements rapides et que la conjoncture internationale est en constante mutation. L'incertitude, les risques et les chocs font désormais partie du paysage économique. Cette nouvelle réalité revêt une importance particulière pour le Canada, compte tenu de l'ouverture de notre économie au commerce et aux flux de capitaux internationaux.

La meilleure stratégie pour faire face aux risques et aux changements soudains est de nous demander constamment quelles mesures nous pouvons prendre pour rendre notre économie et nos marchés intérieurs plus flexibles, et donc mieux à même de s'adapter aux conditions changeantes. Il nous faut également être conscients qu'il s'agit d'une responsabilité commune des entreprises, des travailleurs et des décideurs publics.

Les entreprises et leurs travailleurs doivent être capables de réagir rapidement aux progrès technologiques et aux chocs qui requièrent des changements aux chapitres de leurs méthodes de gestion, des types de biens et de services qu'ils produisent et des marchés qu'ils souhaitent développer. Dans ce contexte, il est essentiel de pouvoir compter sur une économie de marché qui fonctionne bien et sur des indications claires en ce qui a trait à l'évolution des prix relatifs.

En même temps, les décideurs publics doivent se méfier des obstacles à l'ajustement, tels les règlements qui empêchent les travailleurs de changer de type d'emploi, de région ou de secteur. Des politiques qui favorisent les réformes structurelles sont également nécessaires pour rendre l'économie plus souple et plus résistante aux chocs, ainsi que pour en augmenter le potentiel de croissance. Au Canada, la réforme structurelle s'inscrit dans un champ très vaste, qui recouvre des priorités dans plusieurs provinces et territoires.

Le système financier, de par la contribution essentielle qu'il apporte à la bonne santé d'une économie moderne, a été et restera une priorité. Un système efficient et solide améliore la flexibilité générale de l'économie en aidant à réaffecter le capital et les ressources vers les fins les plus productives, et avec le maximum d'efficience, à la suite d'un choc.

L'élimination des barrières internes qui font obstacle à la libre circulation des biens, des services et de la main-d'oeuvre est une autre grande priorité. Elle suscite à juste titre un intérêt au Canada, alors que la disparité des résultats économiques s'accroît d'une région à l'autre, que les pénuries de main-d'oeuvre qualifiée s'accentuent et que les défis démographiques se font plus complexes.

Un certain nombre d'initiatives vouées à la suppression des barrières internes ont été lancées au fil des ans, mais elles ont donné des résultats variables et généralement modestes. Le programme du « Sceau rouge » a été instauré il y a plus de 45 ans afin de promouvoir la standardisation et la reconnaissance des qualifications professionnelles des travailleurs. L'Accord sur le commerce intérieur (ACI), signé par les premiers ministres en 1994, visait pour sa part à réduire les obstacles à la libre circulation des biens, des services, des investissements et du travail. Un exemple récent très important est l'Accord sur le commerce, l'investissement et la mobilité de la main-d'oeuvre que la Colombie-Britannique et l'Alberta ont conclu en avril 2006 afin de renforcer le cadre d'application des règles et de résolution des différends, et pour harmoniser, d'ici le début de 2009, les titres de compétences des travailleurs ainsi que la réglementation et les normes auxquelles sont assujetties les entreprises.

Il reste beaucoup à faire pour améliorer la souplesse et le fonctionnement de nos marchés intérieurs d'un océan à l'autre. Les règlements et les normes qui régissent les entreprises, y compris dans le secteur financier, doivent être harmonisés d'un bout à l'autre du pays. Le cadre de résolution des différends et d'application des règles relevant de l'ACI doit être renforcé. Et pour que nos marchés du travail deviennent plus flexibles encore, les qualifications professionnelles doivent être reconnues et transférables dans toutes les régions du pays. L'adoption par d'autres de l'Accord conclu entre la Colombie-Britannique et l'Alberta constituerait un pas important dans cette direction.

La Banque du Canada a aussi un rôle appréciable à jouer pour aider notre économie à s'adapter aux changements économiques. La politique monétaire axée sur un taux d'inflation bas, stable et prévisible qu'elle met en oeuvre aide les entreprises canadiennes à décoder plus clairement les signaux transmis par les prix, à réagir plus rapidement aux variations des prix relatifs, et à allouer plus efficacement les ressources de production.

Je dirai pour conclure que le paysage économique ne sera pas moins exempt d'incertitude, de risques et de chocs demain qu'il ne l'a été jusqu'à présent. Nous devons tous contribuer au bien-être économique du Canada et nous avons tous un rôle à jouer pour améliorer notre flexibilité et notre adaptabilité. De cette seule perspective, l'étude de questions relatives aux barrières internes au commerce qui est faite par ce comité est importante et arrive à point nommé.

Merci, Monsieur le Président. John et moi nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions et commentaires.