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Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des Finances nationales

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Bonsoir, Monsieur le Président et honorables sénateurs. Je suis heureux de m’adresser à vous ce soir afin de vous présenter le point de vue de la Banque du Canada sur la pièce de un cent. Permettez-moi tout d’abord d’expliquer brièvement le rôle de la Banque à l’égard de la monnaie du pays. La Banque est chargée de fournir aux Canadiens des billets de banque qu’ils peuvent utiliser en toute confiance. À la fin de l’année 2009, le nombre de billets de banque en circulation s’élevait à 1,8 milliard, et leur valeur totalisait 55,5 milliards de dollars – soit environ 1 630 $ par Canadien. La Banque n’est pas responsable de la production des pièces de monnaie. Les décisions en la matière relèvent du gouvernement fédéral, plus particulièrement du ministère des Finances, et de la Monnaie royale canadienne. Les pièces de monnaie constituent toutefois un complément essentiel aux billets de banque dans le règlement des transactions au comptant. Le dossier des pièces de monnaie présente donc un intérêt certain pour la Banque, et nous accueillons favorablement votre réflexion sur le maintien ou l’élimination de la pièce de un cent.

J’aimerais vous rappeler que l’argent liquide demeure très important pour les Canadiens, malgré la popularité des autres modes de paiement. Les enquêtes réalisées par la Banque du Canada démontrent que près des trois quarts des Canadiens paient en espèces au moins une fois par semaine, contre 64 % par carte de débit et 36 % par carte de crédit 1. Ces enquêtes indiquent que l’argent comptant est le mode de paiement le plus utilisé pour les achats de moins de 25 $. (Les cartes de débit sont les plus utilisées pour les transactions de 25 à 100 $, et les cartes de crédit, pour les transactions de plus de 100 $.)

L’intérêt que porte la Banque aux pièces de monnaie peut aussi être vu dans le contexte de sa responsabilité à l’égard de la politique monétaire, dont le point d’ancrage est l’engagement de la Banque à maintenir l’inflation au taux visé de 2 %. L’expérience révèle que la meilleure façon dont la politique monétaire peut contribuer à la bonne tenue de l’économie consiste à garder l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible. La Banque envisage donc la suppression possible de la pièce de un cent sous l’angle de l’effet potentiel d’une telle mesure sur l’inflation. Elle a réalisé un certain nombre de travaux de recherche préliminaires sur le sujet, et les conclusions, qui ont été mises à la disposition d’autres chercheurs, montrent que toute incidence sur l’inflation serait négligeable et, fort probablement, inexistante.

Un sujet de préoccupation fréquent est que, dans l’éventualité où la pièce de un cent serait éliminée, les détaillants, qui affichent souvent des prix se terminant par 9 cents, pourraient arrondir les prix au nombre pair supérieur, ce qui ferait grimper l’inflation. Cette préoccupation est injustifiée, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, même si la suppression de la pièce de un cent entraînait l’arrondissement des prix au multiple de cinq cents supérieur – ce qui est improbable –, il s’agirait là d’une augmentation de prix unique, et non d’une variation de l’inflation tendancielle.

Deuxièmement, cette hausse de prix ponctuelle de un ou deux cents serait si minime – sur l’ensemble du panier de biens et de services qui composent l’indice global des prix à la consommation – qu’elle ne transparaîtrait pas dans cet indice étant donné que l’IPC est arrondi au 0,1 % le plus près.

Troisièmement, il serait très improbable que les prix soient arrondis à la hausse, car cette mesure ne se répercuterait pas sur le prix final une fois les taxes de vente ajoutées, et les détaillants se trouveraient à perdre l’avantage psychologique que présentent les prix se terminant par 9 cents.

Si la pièce de un cent était éliminée, l’arrondissement ne serait nécessaire que pour les transactions réglées en espèces et il ne s’appliquerait qu’au montant total après taxes, et non au prix de chaque article acheté. Dans l’hypothèse où le processus d’arrondissement serait symétrique, les arrondissements à la baisse des prix finaux se terminant par 1, 2, 6 et 7 cents se trouveraient compensés par les arrondissements à la hausse des prix finaux se terminant par 3, 4, 8 et 9 cents.

La Nouvelle-Zélande, par exemple, a décidé en 1989 de supprimer ses pièces de un et de deux cents. Les autorités ont laissé les commerçants libres de choisir d’arrondir à la hausse ou à la baisse les prix des transactions au comptant. Bon nombre de grands détaillants ont choisi d’arrondir à la baisse, tandis que quelques petits ont choisi d’arrondir à la hausse. En définitive, aucun effet sur l’inflation n’a été observé dans ce pays.

De fait, les résultats que nous avons observés à l’étranger vont dans le même sens. Tant en Australie qu’en Nouvelle-Zélande, l’élimination des pièces de monnaie de faible valeur (celles de un et de deux cents) n’a eu aucune incidence notable sur l’inflation.

L’inflation, par contre, a une réelle influence sur la valeur de la pièce de un cent. Depuis 1908, année où la Monnaie royale canadienne a frappé la première pièce de un cent, celle-ci a perdu 95 % de son pouvoir d’achat. En d’autres termes, la pièce de un cent de cette époque avait le même pouvoir d’achat qu’une somme de 20 cents aurait aujourd’hui. En 1908, effectivement, le journal ne coûtait que deux cents, et une miche de pain, cinq cents.

Sur ce, je vous remercie de votre invitation de ce soir. Je serais heureux de répondre à vos questions au sujet de l’avenir de la pièce de un cent.

  1. 1. Varya Taylor, « Tendances en matière de paiement de détail et résultats d’un sondage mené auprès du public », Revue de la Banque du Canada, printemps 2006, p. 27-40.[]