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Allocution d’ouverture

Disponible en format(s) : PDF

Bonjour tout le monde et bienvenue à notre colloque virtuel. Merci de vous joindre à nous pour cet atelier de la Banque du Canada sur le renouvellement du cadre de conduite de la politique monétaire en 2021.

Le renouvellement est à nos portes! J’ai peine à y croire. Les recherches à la Banque ont avancé à pas de géant depuis le lancement de notre plan de travail, en 2018. Avec le contexte sanitaire et économique actuel, on dirait que nous sommes à des années-lumière de là. À l’époque, dans un discours à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill, j’avais exposé les grands enjeux auxquels nous avons été confrontés alors que nous menions nos travaux. La conférence sur ce thème que l’École tiendra en septembre s’annonce fort prometteuse.

L’un des défis que j’avais évoqués dans ce discours saute aux yeux maintenant : les banques centrales sont susceptibles d’épuiser leur arsenal d’outils traditionnels advenant un ralentissement économique en contexte général de taux d’intérêt bas. J’en avais cité un autre, à savoir que de longues périodes de bas taux d’intérêt peuvent encourager les investisseurs à prendre des risques peut-être excessifs. C’est ce que montrent les hauts niveaux d’endettement au Canada, mais ailleurs aussi. À l’échelle de la planète, le ratio de la dette au PIB atteint presque 350 %, ce qui est bien plus élevé qu’au moment de la crise financière mondiale.

Ces enjeux nous ont amenés à axer la recherche autour de trois questions :

D’abord : un autre cadre de politique monétaire pourrait-il surpasser le régime de ciblage de l’inflation en place depuis plus de 25 ans? Pour y répondre, nous faisons une évaluation comparative d’autres cadres, comme le ciblage de l’inflation moyenne, du niveau des prix, de la croissance et du niveau du PIB nominal, ainsi que l’exercice d’un double mandat emploi-inflation. Le relèvement de la cible d’inflation est une autre possibilité.

Nous évaluons ces cadres en fonction d’un ensemble de critères clairs. Il va sans dire que nous étudions leur capacité à stabiliser l’économie et les prix pour que les entreprises et les familles puissent prendre des décisions avec une plus grande confiance. Nous examinons ce qu’ils impliquent pour la reddition de comptes, les communications et la crédibilité. Nous nous basons aussi sur des critères plus novateurs : les effets de chaque cadre sur la distribution du revenu et de la richesse, et la robustesse de chacun en période de prospérité comme en période de crise. Les résultats de l’analyse comparative seront présentés plus tard aujourd’hui.

Deuxièmement : comment la panoplie d’outils dont dispose la Banque du Canada pourrait-elle appuyer le cadre de politique monétaire qui sera retenu? Pour répondre à cette question, nous étudions les effets qu’ont eus les outils déployés récemment par la Banque, tant sur les marchés financiers que sur l’économie réelle. Je peux dire qu’en 2018, j’étais loin de me douter qu’il nous faudrait déployer autant d’outils pour affronter une pandémie mondiale. Heureusement, grâce au travail préparatoire de notre personnel, nous étions prêts à réagir rapidement.

Enfin : comment d’autres politiques publiques et la politique monétaire peuvent-elles s’articuler pour soutenir une croissance durable et la stabilité des prix? Comme d’autres banques centrales, nous suivons attentivement les travaux qui examinent comment la politique monétaire interagit avec la politique budgétaire et les autres politiques publiques. Les deux panélistes de la deuxième séance sont d’éminents experts de ces questions, et (si vous ne l’aviez pas remarqué déjà!) nous sommes en plein terrain d’expérimentation de la capacité des politiques monétaire et budgétaire à se compléter mutuellement en période de crise.  

L’objet de cet atelier est d’échanger avec vous sur ce que nous a appris jusqu’ici la somme importante de travaux de notre personnel et d’avoir votre avis sur ces questions de recherche. Le dialogue avec vous est une façon parmi bien d’autres d’aller à la rencontre des Canadiens : cette semaine, nous avons lancé une consultation publique en ligne pour recueillir leurs points de vue sur notre approche de la politique monétaire.

Les avis du public, tout comme les résultats de consultations menées auprès de divers groupes représentant les consommateurs, le milieu syndical, les entreprises, les communautés autochtones, la société civile et le monde universitaire, viendront enrichir la réflexion de la Banque sur le meilleur cadre de politique monétaire pour le Canada. Nous entendons publier dans les prochains mois un rapport résumant ce que nous aurons entendu.

Nous souhaitons aujourd’hui recevoir vos commentaires et avis, car nous voulons nous assurer que nos décisions finales sont étayées par une analyse complète, rigoureuse et probante.

Avant de passer au programme de la journée, j’aimerais vous faire part de mes premières réflexions sur le rôle utile qu’a joué le cadre de politique monétaire actuel durant la pandémie.

D’abord, le fait que ce cadre soit clair et simple vaut de l’or. Nous avons une cible claire – une inflation de 2 % –, ce qui fait que les entreprises et les familles savent que l’atteinte de cet objectif est au cœur de notre action. Les banques centrales doivent faire preuve de transparence, surtout en temps de crise. Or, comme la cible d’inflation de 2 % est définie en fonction du taux d’augmentation annuel de l’indice des prix à la consommation (IPC), il est facile d’évaluer si nous avons bien fait notre travail.

Ensuite, notre cadre intègre une marge de flexibilité pour le retour de l’inflation à la cible. Cette flexibilité implique que nous pouvons aussi prendre en compte la conjoncture de l’emploi quand nous déterminons à quelle vitesse nous voudrions atteindre la cible d’inflation. Cette marge est aussi utile dans les cas où un retour plus lent de l’inflation à la cible peut contribuer à soutenir la stabilité financière.

Enfin, je suis frappée de voir à quel point nous avons progressé dans notre compréhension des limites de la capacité de la politique monétaire à résoudre tous les problèmes. Cela a suscité un intérêt renouvelé pour le rôle que devrait jouer la politique budgétaire afin de stimuler la croissance, et pour la façon dont les politiques structurelles favorisent la prospérité économique à long terme du Canada. Cela a aussi mis en évidence le rôle des politiques macroprudentielles pour éviter l’accumulation des vulnérabilités financières quand les taux d’intérêt sont bas. J’entends ici des politiques comme les tests de résistance appliqués aux prêts hypothécaires et d’autres mesures réglementaires visant à soutenir de saines pratiques de souscription des prêts hypothécaires.

Je veux le dire clairement : la politique monétaire n’est pas conçue pour s’attaquer aux difficultés sectorielles. Il faut bien en tenir compte dans nos décisions de politique monétaire, mais nous devons avoir le regard tourné vers la macroéconomie si nous voulons soutenir une croissance durable et la stabilité des prix. Dans le contexte actuel de sortie d’une crise qui a frappé l’emploi et l’activité économique de plein fouet, la Banque doit garder les yeux rivés sur son objectif. Il y a heureusement bien d’autres politiques qui sont plus à même de s’occuper des difficultés sectorielles.

Tout ceci met en relief les défis de la coordination des politiques et l’importance de l’indépendance de la banque centrale. Comme d’autres banques centrales, la Banque du Canada a réagi à la pandémie en déployant une batterie d’outils de politique monétaire afin de soutenir l’économie et le système financier. La Banque a clairement fait savoir que les efforts consentis, y compris ses mesures d’assouplissement quantitatif, sont là pour soutenir la poursuite de l’objectif de sa politique monétaire et, à travers elle, le bien-être économique et financier des Canadiens.

Cela dit, il y a à mon avis une autre question sur laquelle nous devrions mener plus loin notre réflexion. C’est celle de la mesure de la cible d’inflation, soit l’IPC. Durant les consultations l’année dernière, on nous a dit haut et clair qu’il nous fallait revoir la mesure de l’inflation. Bien des gens ont l’impression que l’inflation est supérieure aux chiffres publiés. C’est pourquoi nous avons commencé à examiner avec Statistique Canada s’il y aurait des façons d’améliorer cette mesure. Le sous-gouverneur Schembri a traité de cette question hier devant l’Association canadienne de science économique des affaires.

Nous accélérons maintenant la cadence de ces travaux, car la COVID-19 n’a fait qu’exacerber la perception d’une hausse de l’inflation. Les prix qui baissent, comme ceux de tout ce qui touche les voyages, ne sont pas pertinents pour la plupart des gens; mais on peut tous remarquer chaque semaine des hausses de prix, comme ceux des aliments. Le prix de la viande a augmenté de plus de 4 % depuis février – soit avant que la pandémie frappe le Canada. Cela ne correspond pas à ma conception – ni à celle de nombreuses familles – d’une inflation basse. Pourtant, l’inflation est proche de zéro quand on considère l’ensemble du panier de biens et de services qui sert à la mesurer.

Il est capital de mesurer l’inflation le plus précisément possible pour que les Canadiens aient confiance dans notre cible, et nous devons tenir compte des perceptions du public dans nos analyses et nos communications.

Durant la séance de ce matin, nous allons comparer les cadres de politique monétaire et faire le point sur l’évaluation comparative. Comme le sujet est vaste, nous avons scindé la séance en deux parties.

D’abord, Rhys Mendes fera un survol de l’avancement de nos travaux d’évaluation comparative. Jusqu’à maintenant, nous avons dégagé certaines forces et faiblesses des différents cadres. Pour l’heure, aucun ne domine sur tous les plans.

Après la pause, nous ouvrirons le débat sur l’évaluation comparative. Joseph Gagnon du Peterson Institute for International Economics, Pierre Fortin de l’Université du Québec à Montréal et Stephanie Schmitt-Grohé de l’Université Columbia animeront la discussion.

Durant le dîner, nous visionnerons une vidéo dans laquelle le sous-gouverneur Schembri présente le document d’analyse du personnel Strengthening Inflation Targeting: Review and Renewal Processes in Canada and Other Advanced Jurisdictions.

Nous formerons ensuite des petits groupes pour discuter des résultats de l’évaluation comparative.

En après-midi, la deuxième séance sera consacrée à la coordination des politiques en temps de crise. Césaire Meh présidera cette séance, Ricardo Reis de la London School of Economics et Marty Eichenbaum de l’Université Northwestern en seront les panélistes.

Enfin, nous terminons par une discussion sur ces autres outils à notre disposition que j’ai mentionnés et sur les enseignements tirés de la crise de la COVID-19. Ce sont Ed Devlin, anciennement de PIMCO, Annette Vissing-Jørgensen de la Haas School of Business de l’Université de Berkeley, et Anil Kashyap de la Booth School of Business de l’Université de Chicago qui animeront la discussion.

Voir les outils non traditionnels de politique monétaire à l’œuvre durant la pandémie nous a amenés à porter une attention renouvelée à leurs effets sur les prix et sur les décisions d’emprunt et de prêt.

Nous devons bien sûr aussi nous pencher sur les effets secondaires les plus préoccupants et chercher des moyens de les atténuer sans pour autant réduire l’efficacité des outils.

J’ai hâte d’entendre vos idées et contributions à la discussion, qui éclaireront et influenceront à coup sûr la suite de notre démarche.

C’est avec grand plaisir que je vous retrouverai à la fin de la journée sur cette scène virtuelle pour un résumé des points saillants de cet atelier.

Lançons la discussion. Je ne doute pas que nous aurons des échanges constructifs et animés.

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26 août 2020

Vers le renouvellement en 2021 du cadre de conduite de la politique monétaire de la Banque du Canada (Diffusions)

L’atelier se déroulera en ligne et sera diffusé en direct. Il s’organisera autour d’une série de réunions-débats dynamiques et stimulantes. Les participants invités sont des universitaires, des économistes du secteur privé, des spécialistes des marchés financiers et des représentants de groupes de réflexion et des médias.