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Le point sur la situation économique : la politique monétaire à l’heure de la reprise

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Introduction

Merci beaucoup!

Je suis très heureux de vous parler aujourd’hui, même si c’est en virtuel. J’aurais bien sûr préféré être sur place avec vous. Après des mois de séparation, on a enfin pu voir nos proches cet été. J’ai de la famille à Montréal et je suis content d’avoir pu les visiter. Mais on ne peut pas encore faire un discours en personne dans une salle pleine de monde. J’ai bien hâte de vous rencontrer quand ça va être possible. En attendant, je veux remercier mes collègues du Bureau régional de Montréal. Comme on voyage moins pendant la pandémie, on compte beaucoup sur nos bureaux régionaux partout au Canada pour comprendre l’impact économique de la pandémie et les défis à relever.

Le déclin de la troisième vague de COVID‑19 et les taux élevés de vaccination ont favorisé la réouverture de l’économie canadienne pendant l’été. C’est encourageant. Après un an et demi de confinements, beaucoup des secteurs les plus touchés, comme le tourisme et l’hôtellerie, ont enfin renoué avec leur clientèle. Ce sont de véritables progrès, même si la reprise reste en dents de scie, que le virus est toujours présent et que l’évolution de la pandémie est incertaine.

C’est justement de la reprise économique et de son incidence sur la politique monétaire dont je veux vous parler aujourd’hui. Quand la pandémie a frappé au printemps 2020, la Banque a pris des mesures de détente monétaire sans précédent pour soutenir les Canadiens. On a réduit le taux directeur à seulement ¼ %. Et on s’est engagés à garder le taux à ce niveau jusqu’à ce que les capacités excédentaires se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable. La Banque a aussi fait des achats massifs d’obligations du gouvernement du Canada. On cherchait d’abord à rétablir le fonctionnement des marchés, puis à augmenter la détente monétaire. Ce programme exceptionnel – qu’on appelle l’assouplissement quantitatif – a appliqué une pression à la baisse sur les taux d’emprunt. Ça a contribué à réduire les coûts d’emprunt des ménages, des entreprises et des administrations publiques.

Depuis octobre, on diminue peu à peu nos achats au titre du programme pour ajuster la détente en fonction de la situation qui évolue. La reprise progresse et on se rapproche du moment où une détente additionnelle au moyen de l’assouplissement quantitatif ne sera plus nécessaire. Mais on n’y est pas encore. L’élimination de cette détente est une décision de politique monétaire qui va dépendre de l’évolution de l’économie.

Quand le temps sera venu, on va cesser d’augmenter la taille de notre portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada. La détente monétaire injectée à l’aide de notre bilan sera toujours là, mais on ne l’augmentera plus. Pour garder les obligations détenues à peu près au même niveau, on va devoir continuer à en acheter pour remplacer celles qui viennent à échéance. En gros, on va réinvestir le produit tiré de ces obligations. On appelle donc ça la phase de réinvestissement.

Aujourd’hui, je vais faire le point sur l’évolution de l’économie, en mettant l’accent sur ce qui s’est passé pendant l’été. Je vais aussi vous expliquer la décision d’hier. Enfin, je vais parler du passage de l’assouplissement quantitatif à la phase de réinvestissement. Et vous expliquer à quoi va ressembler cette phase quand on va être rendus là.

Ensuite, ça va me faire plaisir d’entendre vos questions et vos remarques.

La situation économique depuis juillet

Pour commencer, voyons comment l’économie a évolué depuis la publication du Rapport sur la politique monétaire de juillet. C’est important, parce que les ajustements de nos achats au titre de l’assouplissement quantitatif dépendent de la progression de la reprise.

À l’échelle du globe, la reprise s’est poursuivie au deuxième trimestre, portée par une forte croissance aux États-Unis. L’activité économique mondiale était sur une belle lancée au début du troisième trimestre. Mais des problèmes d’approvisionnement freinent l’activité dans certains secteurs qui produisent des biens. Ces problèmes, en plus de la montée des cas de COVID dans beaucoup de régions, risquent de nuire à la vigueur de la reprise mondiale.

Chez nous, on prévoyait que la croissance allait se modérer au deuxième trimestre à cause de la troisième vague. Mais le ralentissement a été plus marqué que prévu. L’économie s’est contractée d’environ 1 %. La baisse du PIB reflète une chute importante des exportations, combinée à un recul de l’activité dans le secteur du logement. Par contre, la consommation, les investissements des entreprises et les dépenses publiques ont contribué à la croissance. La demande intérieure totale a en fait progressé de plus de 3 %.

La croissance au deuxième trimestre a souffert des problèmes avec les chaînes d’approvisionnement mondiales, et des mesures sanitaires qui ont dû être prises. La pénurie de puces électroniques affecte la production d’automobiles dans beaucoup de pays, dont le Canada. C’est un facteur qui a contribué de façon importante au recul de nos exportations, et limité les achats de véhicules par les consommateurs et les entreprises. Les difficultés d’expédition font également augmenter les délais de livraison et les prix de certains autres biens. Ça amène les ménages à retarder l’achat de ces biens. Ces problèmes d’approvisionnement mondiaux devraient se résoudre peu à peu, mais ça pourrait prendre du temps.

L’emploi a rebondi en juin et en juillet, avec la réouverture des restaurants, des magasins et des services à forte proximité physique. Un regain de la demande pour les loisirs et le tourisme intérieur a également stimulé l’embauche. La reprise dans ces secteurs durement touchés réduit les déséquilibres du marché du travail. Mais il reste encore une marge considérable de ressources inutilisées, et certains groupes continuent d’être plus touchés que d’autres, surtout les travailleurs à faible salaire.

La hausse du nombre d’heures travaillées en juillet et du nombre de postes vacants semble indiquer que la croissance de l’emploi demeure robuste. D’un autre côté, des entreprises disent que le processus de recrutement est long et difficile. Certaines ont donc du mal à répondre à la demande qui a rebondi. On a tous vu des affiches aux portes de restaurants et de magasins qui cherchent du personnel. Arriver au plein emploi est indispensable pour une reprise complète, et pour atteindre la cible d’inflation de 2 % de manière durable. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre comment le marché du travail canadien se remet de la pandémie. Les chercheurs de la Banque étudient ce processus avec soin pour nous aider à évaluer son incidence sur la marge de ressources inutilisées1.

Avec toutes ces informations en main, le Conseil de direction s’attend toujours à ce que l’économie se renforce dans la deuxième moitié de 2021. Mais la quatrième vague de la pandémie et les problèmes persistants du côté de l’offre pourraient peser sur la reprise.

Parlons maintenant de l’inflation. Comme vous le savez, la Banque vise un taux de 2 %, soit le milieu d’une fourchette cible de 1 % à 3 %. L’inflation dépasse cette fourchette en ce moment, surtout à cause des circonstances uniques créées par la pandémie. Les prix de nombreux biens et services ont chuté en 2020. Et comme le taux d’inflation pour cette année revient à comparer les prix actuels avec ceux très bas de l’an passé, la hausse semble plus prononcée. En plus, les problèmes d’approvisionnement à l’échelle mondiale font monter les prix des véhicules automobiles et d’autres biens. On prévoit toujours que ces facteurs qui poussent l’inflation à la hausse seront passagers. Mais leur persistance et leur ampleur sont incertaines et seront suivies de près. On surveille aussi les salaires et les mesures de l’inflation attendue. Les augmentations salariales ont été modérées jusqu’ici, et les attentes d’inflation à moyen terme restent bien ancrées.

En raison de ce contexte et de la marge de capacités excédentaires considérable dans l’économie, le Conseil de direction a décidé hier que la reprise doit continuer d’être appuyée par des mesures de politique monétaire exceptionnelles. La Banque a gardé le taux directeur à sa valeur plancher de vingt-cinq points de base et reste engagée à le maintenir à ce niveau jusqu’à ce que ces capacités excédentaires se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable. Selon la projection de juillet de la Banque, cela se produirait au cours de la seconde moitié de 2022. La Banque poursuit son programme d’assouplissement quantitatif afin de renforcer cet engagement et de garder les taux d’intérêt bas sur toute la courbe de rendement. Hier, on a annoncé que les achats au titre de ce programme vont continuer au rythme de 2 milliards de dollars par semaine.

Les décisions au sujet de tout ajustement futur du rythme des achats nets d’obligations seront guidées par l’évaluation en continu que fait le Conseil de direction de la robustesse et de la durabilité de la reprise.

La phase de réinvestissement

Ça m’amène à mon deuxième sujet d’aujourd’hui : notre programme d’assouplissement quantitatif et la politique monétaire à l’heure de la reprise.

La reprise économique observée jusqu’à maintenant nous a permis de réduire peu à peu les achats au titre de ce programme. On est passés d’au moins 5 milliards de dollars par semaine à une cible de 2 milliards. À ce rythme-là, on continue d’augmenter la détente monétaire, mais plus lentement. Quand on sera rendus à la phase de réinvestissement, on va ajuster nos achats pour maintenir la taille globale de notre portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada à un niveau assez stable. Et quand on va entrer dans cette phase, ce sera une décision de politique monétaire qu’on va annoncer clairement.

En mars dernier, le sous-gouverneur Toni Gravelle a souligné certains points importants au sujet de la transition vers la phase de réinvestissement. Premièrement, le processus va être graduel et chaque geste, mesuré. Deuxièmement, les moments choisis pour ajuster les achats seront dictés par notre analyse continue des perspectives, ainsi que par la vigueur et la durabilité de la reprise. Troisièmement, le fait qu’on ajuste le rythme de nos achats ne voudra pas forcément dire qu’on a changé d’avis sur le moment où il faudra commencer à relever le taux directeur. Ces décisions sont distinctes. Nos décisions sur le taux directeur sont liées à notre engagement à ne pas relever le taux avant que les capacités excédentaires se résorbent, de sorte que la cible d’inflation soit atteinte de manière durable.

Quand il va être temps de réduire la détente monétaire, vous pouvez vous attendre à ce qu’on commence par relever le taux directeur. Ce que ça veut dire, c’est qu’il est raisonnable de penser que la phase de réinvestissement va durer un certain temps – au moins jusqu’à la hausse du taux directeur. Mais je le répète, le moment où va débuter cette phase, et le temps qu’elle va durer, sont des décisions de politique monétaire. Ces décisions vont dépendre de la vigueur de la reprise et de l’évolution de l’inflation.

Voyons maintenant comment devrait se dérouler cette phase de réinvestissement. Pour bien comprendre, je vous explique d’abord comment fonctionne le bilan de la Banque.

En temps normal, la quantité d’obligations qu’on achète est dictée par nos passifs, et non par la politique monétaire. Avant le programme d’assouplissement quantitatif, les billets de banque en circulation étaient notre plus gros élément de passif. Quand les ménages et les entreprises ont besoin de plus de billets, on répond à la demande. Ça fait augmenter ce passif à notre bilan. Pour compenser, on doit détenir une quantité égale d’actifs financiers. Ces actifs sont surtout des titres du gouvernement du Canada achetés sur le marché primaire.

Au début de la pandémie, la demande de billets a augmenté plus vite qu’à l’habitude, car les Canadiens ont retiré plus d’argent comptant par précaution. Cette demande accrue de billets a fait gonfler notre bilan.

Mais ce qui a le plus contribué à l’expansion de notre bilan – et de loin – ce sont les programmes exceptionnels de soutien à la liquidité et d’achats d’actifs qu’on a lancés quand la pandémie a frappé. On cherchait d’abord à rétablir la liquidité sur les marchés et à maintenir l’accès au crédit dans l’économie. Quand les marchés se sont remis à fonctionner normalement, on a délaissé ces programmes petit à petit, et beaucoup des actifs sont depuis arrivés à échéance et sortis de notre bilan. Seule exception : notre Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada. Dans le cadre de ce programme, on a acheté de grandes quantités d’obligations que le gouvernement avait émises et vendues au secteur privé. Au départ, l’objectif était de rétablir le bon fonctionnement des marchés. Mais à la sortie du premier confinement, à l’été 2020, on a commencé à l’utiliser pour augmenter la détente monétaire et soutenir la reprise économique. C’est ce programme qu’on appelle l’assouplissement quantitatif.

Il consiste à acheter sur le marché secondaire des obligations du gouvernement du Canada détenues par le secteur privé, suivant un processus concurrentiel d’enchères inversées. Comme je l’ai dit, au plus fort de la crise de la COVID, on achetait chaque semaine pour au moins 5 milliards de dollars d’obligations. Au fil de la reprise, on a peu à peu réduit nos achats et fait passer la cible à 2 milliards de dollars par semaine.

Quand on va être à la phase de réinvestissement, on va chercher à garder l’ensemble de nos obligations du gouvernement à un niveau assez stable. Comme ça, on va pouvoir continuer d’apporter une détente monétaire à l’aide de notre bilan, mais sans l’augmenter davantage. Pour ça, on va réinvestir le produit des obligations venant à échéance. En général, les achats d’obligations durant cette phase ne se feront pas au même moment et au même rythme que les arrivées à échéance des obligations qui sortent du bilan. En effet les sommes sont importantes et les échéances ne sont pas régulières. On va donc ajuster nos achats sur une plus longue période, pour qu’ils ne soient pas trop volatils.

On publie notre bilan tous les mois. Et la structure des échéances de l’ensemble de nos obligations du gouvernement du Canada montre que, pour réinvestir le produit des obligations venant à échéance, il va falloir effectuer des achats d’environ 1 milliard de dollars par semaine en moyenne. Compte tenu de la répartition inégale des échéances, on va établir une fourchette cible d’achats de 4 à 5 milliards de dollars par mois. Cette cible va inclure les achats sur les marchés primaire et secondaire. Jusqu’ici, l’accent a été mis sur nos achats massifs d’obligations du gouvernement du Canada sur le marché secondaire, réalisés aux fins d’assouplissement quantitatif. Et on comprend pourquoi. Mais pendant la phase de réinvestissement, on va réduire ces achats et ceux faits sur le marché primaire2. On va ainsi garder nos obligations à peu près au même niveau au fil du temps.

Le processus qui nous mène à la phase de réinvestissement a été graduel jusqu’ici. On va continuer à procéder de façon mesurée. Nos décisions vont être fondées sur notre analyse continue des perspectives macroéconomiques, et sur la vigueur et la durabilité de la reprise.

Un jour, on va mettre fin à la phase de réinvestissement. À ce moment-là, on va cesser d’acheter des obligations pour remplacer celles qui viennent à échéance. La taille de notre portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada va alors diminuer. Mais comme je l’ai dit, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’on relève d’abord le taux directeur quand le temps sera finalement venu de réduire la détente monétaire.

Conclusion

Pour conclure, la phase de récupération de la pandémie continue d’être inégale et en dents de scie. Les progrès de la vaccination ont permis un retour à des activités plus normales. C’est venu soutenir la croissance de l’emploi et de l’économie, surtout dans les secteurs les plus touchés par la pandémie. Et on s’attend toujours à une forte croissance au deuxième semestre. Mais le virus et les perturbations causées par la pandémie n’ont pas disparu et vont continuer de bousculer nos vies et de peser sur l’activité économique.

À la Banque du Canada, on travaille à mettre la politique monétaire au service de la reprise. On s’est engagés à fournir le niveau de détente monétaire nécessaire pour soutenir la reprise et atteindre la cible d’inflation de 2 %. Et vous pouvez compter sur nous pour continuer de vous donner l’heure juste sur nos analyses et dans nos communications.

Merci.

Je tiens à remercier Grahame Johnson et Stéphane Lavoie de leur aide dans la préparation de ce discours.

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Type(s) de contenu : Documents de référence
  1. 1. Voir E. Ens, L. Savoie-Chabot, K. G. See et S. L. Wee (à paraître), Assessing Labour Market Slack for Monetary Policy, document d’analyse du personnel, Banque du Canada.[]
  2. 2. Les obligations du gouvernement du Canada peuvent être achetées lors d’adjudications sur le marché primaire, ou sur le marché secondaire après leur émission initiale. En général, les achats sur le marché secondaire sont réalisés pour appuyer des objectifs de politique, dont l’assouplissement quantitatif.[]