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Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes

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Introduction

Bonjour et merci de m’avoir invité à participer à votre étude sur l’inflation dans l’économie canadienne. Je suis heureux d’être accompagné de la première sous-gouverneure, Carolyn Rogers, qui témoigne pour la première fois devant ce comité.

Depuis ma précédente comparution, la Banque et le gouvernement fédéral ont renouvelé l’entente qui les lie sur le cadre de conduite de la politique monétaire du Canada. Nous y indiquons que la stabilité des prix est le principal objectif de notre politique monétaire. Selon l’entente de 2022-2026, la pierre angulaire de notre cadre reste une cible de 2 %, soit le point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation allant de 1 à 3 %.

Plus tôt aujourd’hui, j’ai prononcé un discours devant la CFA Society Toronto, où j’ai expliqué notre décision annoncée hier de relever le taux directeur de 25 points de base pour qu’il atteigne ½ %. J’ai aussi examiné les facteurs responsables de l’inflation dans le monde et au Canada. Je sais que tout ça présente un intérêt pour votre étude. C’est pourquoi j’ai transmis le texte de mon discours aux membres du Comité, par l’entremise du greffier. Je serais heureux de discuter plus en détail de ces facteurs avec vous aujourd’hui.

Avant de répondre à vos questions, j’aimerais vous parler, à vous et à tous les Canadiens, de trois choses.

Tout d’abord, j’aimerais passer en revue les mesures prises par la Banque du Canada depuis le début de la pandémie en revenant sur ce que nous voulions accomplir, sur ce qui s’est passé et sur ce qui serait arrivé si nous n’avions rien fait.

Ensuite, je souhaiterais parler des préoccupations soulevées par la hausse du coût de la vie auprès de nombreux Canadiens. Je sais que beaucoup de gens s’inquiètent du prix de l’essence et des aliments, ainsi que du prix des logements, et qu’ils se demandent aussi comment ils parviendront à épargner assez pour la retraite. La pandémie, avec tout ce qu’on a subi ces deux dernières années, alimente cette angoisse.

Enfin, je voudrais parler de la suite des choses. Maintenant que la dernière vague de la pandémie s’estompe, la vie revient à la normale, ou plutôt une nouvelle normalité s’installe. J’aimerais donc parler de ce que les Canadiens peuvent anticiper sur le plan économique, notamment en ce qui concerne l’inflation, et de ce qu’ils peuvent attendre de la Banque.

Les mesures prises par la Banque

Au début de la pandémie, l’incertitude a monté en flèche, les marchés financiers ont été paralysés et l’activité économique s’est effondrée. Environ 3 millions de Canadiens ont perdu leur emploi. Par ailleurs, plus de 3 millions de personnes ont vu leurs heures de travail être coupées de plus de moitié. Un nombre record d’entreprises ont fermé leurs portes. L’inflation a dégringolé et est même passée en territoire négatif. Nous étions au bord d’une autre Grande Dépression et risquions de nous retrouver dans un contexte de déflation.

La déflation se produit quand les prix de tous les secteurs de l’économie chutent. Ça peut paraître une bonne chose mais, en réalité, une déflation persistante présente un danger. Quand le chômage augmente rapidement et que tous les prix commencent à baisser, les ménages peuvent être portés à réduire leurs dépenses s’ils pensent que les biens et services vont devenir encore moins chers. Mais le report des dépenses a des conséquences : la demande diminue et cause alors plus de pertes d’emploi et de fermetures d’entreprises. Tout ça amplifie les pressions à la baisse, non seulement sur les prix, mais aussi sur les salaires. Prix et salaires peuvent entrer dans une spirale descendante, comme lors de la Grande Dépression au Canada. Dans un contexte de déflation, le remboursement des dettes est aussi plus coûteux, ce qui aurait pu être un véritable problème pour un pays comme le Canada, où les ménages sont fortement endettés.

Alors, quand la pandémie a débuté et que nous faisions face à une catastrophe économique, nous avons pris des mesures exceptionnelles. Nous avons amené le taux directeur au niveau le plus bas possible. Nous avons promis de ne pas relever les taux d’intérêt tant que les capacités excédentaires de l’économie ne se seraient pas entièrement résorbées, et avons renforcé cet engagement en recourant à l’assouplissement quantitatif. Ensemble, ces mesures ont permis de maintenir les taux d’emprunt à des niveaux bas afin de stimuler les dépenses et de susciter la confiance dont nous avions tant besoin dans l’économie pour que les entreprises et les ménages puissent remonter la pente.

Grâce à la résilience des Canadiens, à l’efficacité des vaccins, à des mesures de soutien budgétaire exceptionnelles et aux interventions de la Banque, le Canada a évité la déflation et l’économie s’est rétablie.

Les Canadiens sont anxieux

Mais je suis conscient que ce message rassurant ne traduit peut-être pas ce que beaucoup ressentent.

Même avant la pandémie, bien des Canadiens s’inquiétaient de leur situation économique. Tout le monde ne profitait pas des retombées de la croissance économique et de la vigueur du marché du travail.

La pandémie a intensifié les inquiétudes, car en plus de créer de l’incertitude quant à l’emploi et à la survie des entreprises, à la valeur de l’épargne et aux perspectives de retraite, elle a également amené les gens à s’inquiéter de leur santé et de celle de leurs proches.

La réouverture de l’économie a soulevé de nouveaux problèmes en faisant augmenter l’inflation au pays et à travers le monde. Le virus de la COVID-19 continue de se propager et de muter. On voit également des contestations sociales ici, au Canada, et dans d’autres pays. Et la semaine dernière, des événements choquants se sont produits en Ukraine, qui ont causé de grandes souffrances. L’invasion non provoquée de l’Ukraine par la Russie crée aussi de la volatilité et de l’incertitude dans l’économie mondiale. Nous vivons actuellement une période très angoissante.

Il va sans dire que la politique monétaire n’est pas faite pour répondre à la plupart de ces enjeux. Mais elle peut être utilisée pour contrôler l’inflation, dans le cadre du mandat de la Banque. Ici, au Canada, l’inflation est juste au-dessus de 5 %. C’est trop haut. Et avec les prix du pétrole qui se sont accrus dans les dernières semaines, on peut s’attendre à ce qu’elle augmente encore.

Je suis sûr que les gens se demandent pourquoi les prix sont si élevés. Alors, apportons quelques explications.

L’inflation au Canada se caractérise par trois grands phénomènes. Le premier est la tendance qu’ont eue beaucoup de gens durant la pandémie à acheter plus de biens et moins de services. En même temps, la pandémie a perturbé la production et la livraison de nombreux articles. Dans ce contexte, les prix de divers biens qui s’échangent sur les marchés internationaux ont monté en flèche.

Le deuxième phénomène concerne la hausse des prix d’une gamme croissante de biens, dont les produits de consommation courante comme les aliments et l’énergie. Les cours du pétrole ont augmenté en raison de la demande robuste, des investissements limités dans de nouvelles capacités de production et des tensions géopolitiques. Résultat : les coûts de transport sont plus élevés, ce qui accentue les pressions exercées sur les prix des biens. Les prix des aliments sont influencés par les conditions météorologiques extrêmes qui ont réduit le volume des récoltes. Et la forte demande de logements, dans un contexte d’offre restreinte, a fait grimper les prix dans ce secteur de l’économie.

Le troisième phénomène concerne la vigueur de la reprise au Canada et l’équilibre global entre la demande et l’offre dans l’économie. L’inflation actuelle n’est pas due à une demande excédentaire dans l’économie. Une panoplie d'indicateurs laissent supposer que les capacités excédentaires de l’économie viennent maintenant de se résorber.

C’est dire que, dans l’avenir, la croissance des dépenses devra ralentir pour que la demande ne dépasse pas trop l’offre et ne crée pas une nouvelle source d’inflation au pays. Nous devons donc resserrer la politique monétaire – ou, dit plus simplement, relever les taux d’intérêt – pour maîtriser l’inflation.

Quelle sera la suite?

J’aimerais conclure en parlant de ce que les Canadiens peuvent attendre de nous dans l’avenir.

La politique monétaire a un rôle clair à jouer pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande et ramener l’inflation à la cible. À cette fin, nous avons pris un certain nombre de décisions pour adapter le niveau de la détente monétaire à mesure que l’économie se redressait, d’abord en ralentissant le rythme des achats de notre programme d’assouplissement quantitatif, puis en y mettant un terme en octobre dernier.

Et, en janvier, nous avons expliqué clairement aux Canadiens qu’avec le retour de l’économie à sa capacité de production, nous mettions fin à notre engagement de garder les taux à des niveaux extrêmement bas. Nous devons relever les taux d’intérêt pour faire redescendre l’inflation de façon durable et préserver l’équilibre de l’économie.

Hier, le Conseil de direction a pris la décision de relever le taux directeur de 25 points de base pour le faire passer à ½ %. Nous avons indiqué que les taux d’intérêt devront encore augmenter. Nous avons aussi indiqué que nous évaluerons à quel moment nous mettrons fin à la phase de réinvestissement de nos achats massifs d’actifs et laisserons le portefeuille d’obligations du gouvernement du Canada de la Banque commencer à décroître, un processus qu’on appelle le resserrement quantitatif. Le moment et le rythme des hausses subséquentes du taux directeur, et le début du resserrement quantitatif, seront guidés par l’évaluation continue que fait la Banque de l’économie et par son engagement à atteindre la cible d’inflation de 2 %.

Pour conclure, je veux rappeler à tous les Canadiens que la Banque est déterminée à contrôler l’inflation. Maintenant, la première sous-gouverneure Rogers et moi serons ravis de répondre à vos questions.