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Résumé des délibérations du Conseil de direction : décision du 6 septembre 2023

Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 6 septembre 2023.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées ont débuté le jeudi 31 août. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur l’évolution récente de l’économie mondiale. L’inflation fondamentale demeurait élevée dans beaucoup de pays, poussant les banques centrales à continuer de se concentrer sur le retour à la stabilité des prix.

Aux États-Unis, la croissance s’était révélée plus forte que prévu, alimentée par la robustesse des marchés du travail et la résilience soutenue de la demande des consommateurs. Malgré cela, l’inflation globale et l’inflation fondamentale américaines avaient toutes deux suivi une tendance à la baisse dans les mois précédents. Les membres du Conseil ont noté que si cette vigueur économique devait persister, la demande étrangère pourrait augmenter au Canada, même si la demande intérieure devait faiblir.

La croissance mondiale s’était modérée au deuxième trimestre, principalement en raison du considérable ralentissement économique en Chine. Les membres ont convenu que le Canada s’en ressentirait probablement surtout du fait des répercussions sur les prix mondiaux des produits de base, en particulier si le ralentissement devait se poursuivre. Toujours en ce qui concerne la Chine, compte tenu de la faiblesse continue du secteur immobilier, les membres étaient d’accord pour dire que les perspectives de croissance économique allaient sans doute rester incertaines.

La zone euro enregistrait une croissance modeste soutenue par la vigueur du secteur des services, aidant à compenser la faiblesse du secteur manufacturier. Les membres ont noté que les données sur l’économie européenne donnaient des signaux contradictoires, en particulier celles des indices des directeurs d’achat. L’inflation dans la zone euro restait une préoccupation vu les mesures de l’inflation fondamentale encore élevées.

À l’échelle mondiale, les conditions financières s’étaient resserrées depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire (RPM) de juillet, et les rendements obligataires avaient augmenté dans la plupart des économies avancées, sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt réels. Les prix mondiaux du baril de pétrole dépassaient d’environ 5 $ US le niveau postulé dans le RPM de juillet, ce qui représentait une source potentielle de pressions inflationnistes. Les membres ont fait remarquer que le ralentissement de la croissance en Chine n’avait pas exercé de pression à la baisse sur ces prix. Les facteurs d’offre semblaient stimuler les prix davantage que les facteurs de demande.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Les membres du Conseil se sont ensuite penchés sur les données accumulées, en particulier depuis la publication du RPM de juillet, concernant l’économie et la dynamique de l’inflation au Canada.

Ils ont discuté longuement de l’évolution des dépenses des ménages, qui avaient fortement ralenti au deuxième trimestre de pair avec l’affaiblissement de la confiance des consommateurs. La demande de biens sensibles aux taux d’intérêt, dont les logements et les biens durables, continuait de fléchir, tandis que la demande de services était constante.

Les membres ont évoqué le fait que les dépenses de consommation avaient contribué de manière surprenante à la vigueur économique du premier trimestre, et qu’ils avaient exploré plusieurs pistes d’explication à ce moment-là. Beaucoup des facteurs retenus, notamment le surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie et les solides gains salariaux, continuaient de stimuler l’économie. Cependant, les données des comptes nationaux pour le deuxième trimestre indiquaient un ralentissement important de la demande intérieure, de même qu’une certaine faiblesse du côté de la consommation et des logements. Les membres ont convenu que c’était le signe que les hausses de taux d’intérêt se faisaient sentir à plus grande échelle dans l’économie.

Les membres ont souligné que la demande intérieure finale avait augmenté de 1 % au deuxième trimestre, alimentée en grande partie par les investissements des entreprises et les dépenses publiques. Ils ont aussi noté que des facteurs particuliers, comme la volatilité des importations d’aéronefs, peuvent avoir une incidence démesurée sur les données relatives aux investissements des entreprises. Des facteurs ponctuels avaient freiné la production au deuxième trimestre, notamment les feux de forêt, qui avaient touché particulièrement les secteurs pétrolier, gazier et minier et réduit la croissance économique d’environ 0,5 point de pourcentage. De plus, selon les estimations, les grèves dans le secteur public avaient réduit la croissance trimestrielle d’environ 0,25 point de pourcentage.

Une partie de la discussion a également été consacrée au secteur du logement. Les données montraient qu’en dépit d’une augmentation de l’activité de revente sur un an, les taux d’intérêt plus élevés avaient récemment refroidi la demande, comme en témoignait le repli des marchés. Les membres ont toutefois fait remarquer que la forte demande sous-jacente et le fait que l’offre demeurait limitée continuaient de faire monter les prix. De plus, les hausses des coûts d’emprunt commençaient à peser également sur les constructeurs d’habitations, qui déclaraient peiner à financer leurs projets de construction.

Les membres ont noté que le marché du travail restait tendu, bien que la plupart des indicateurs de tensions continuaient de diminuer progressivement après avoir atteint des niveaux élevés. Cela s’expliquait davantage par la diminution des postes vacants que par des pertes d’emploi, ce qui concordait avec l’hypothèse émise auparavant selon laquelle le marché du travail pourrait se rééquilibrer sans que le chômage ne monte en flèche. Les membres ont aussi pris note que le taux de croissance de l’emploi était devenu inférieur à celui que laissait présager la croissance démographique des derniers mois.

Les membres se sont penchés sur l’évolution des salaires, observant que la plupart des mesures annuelles de la croissance à ce chapitre s’établissaient encore entre 4 et 5 %. Comme la croissance des salaires a tendance à être un indicateur tardif, les membres ont convenu de surveiller si la détente progressive du marché du travail viendrait en ralentir le rythme dans l’éventualité où la productivité n’augmenterait pas.

Les membres ont ensuite discuté de la croissance du crédit aux ménages, qui avait considérablement ralenti. Ils y voyaient le signe que les répercussions des hausses de taux d’intérêt continuaient de se faire sentir. Ils ont aussi noté que les défauts de paiement augmentaient, mais demeuraient à un faible niveau. Ils étaient d’avis que le ralentissement de la croissance du crédit aux ménages touchait un large éventail d’emprunteurs. La croissance des crédits aux entreprises montrait aussi des signes d’essoufflement, mais les données à ce sujet sont volatiles.

Les membres ont ensuite abordé l’évolution récente et les perspectives de l’inflation. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) global suivait à peu près la trajectoire prévue dans le RPM de juillet, mais demeurait généralisée, continuant de subir des pressions à grande échelle. Plus précisément, les articles du panier de l’IPC dont le prix montait à un taux annualisé supérieur à 3 % ou à 5 % restaient dans des proportions bien au-dessus des moyennes prépandémiques. Bien que préoccupés par ces proportions élevées, les membres ont été ravis de constater que certaines données montraient qu’elles étaient en baisse.

En se penchant sur des composantes précises de l’IPC, les membres ont souligné que les coûts du logement, incluant les coûts des intérêts hypothécaires, étaient d’importants facteurs d’inflation. Ils ont aussi noté que les données sur trois mois commençaient à donner des signes que l’inflation devrait commencer à ralentir dans les mois suivants, notamment du côté de certaines composantes comme les aliments. Ils ont toutefois dit s’attendre à ce que la récente progression des prix du pétrole et de l’essence vienne faire monter l’inflation globale dans les mois à venir avant de redescendre progressivement.

Vu ce contexte, les membres ont convenu de s’attacher à évaluer si l’inflation fondamentale ralentissait la cadence. Les données laissaient voir très peu d’amélioration sur ce plan depuis la dernière annonce du taux directeur, beaucoup de mesures s’étant avérées difficiles à faire baisser. Les mesures de l’inflation fondamentale sur un an et sur trois mois s’étaient toutes deux arrêtées autour de 3,5 %, indiquant qu’il n’y avait presque pas eu de mouvement à la baisse à court terme.

De façon plus générale, les membres étaient d’accord pour dire que l’équilibre entre l’offre et la demande deviendrait plus important pour déterminer les taux futurs d’inflation fondamentale et globale. Ils s’appuyaient sur deux choses, soit que les effets de glissement annuel allaient diminuer et que la baisse importante des prix des produits de base allait cesser d’être prise en compte dans le calcul de l’inflation.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres du Conseil ont réfléchi aux façons dont l’évolution économique pourrait influer sur la politique monétaire. Ils ont passé en revue la situation qui se présentait lors de leur réunion de juillet, au terme de laquelle ils avaient convenu relever le taux directeur de 25 points de base pour le faire passer à 5 %. À ce moment-là, la demande et l’inflation s’avéraient toutes deux plus persistantes qu’anticipé. Le Conseil avait évalué deux interprétations de la situation, qui pouvaient toutes deux être vraies dans une certaine mesure :

  • Il ne s’était peut-être pas écoulé assez de temps pour que la politique monétaire exerce une influence suffisante sur la demande et l’inflation.
  • La politique monétaire n’était peut-être pas encore assez restrictive pour ralentir la demande et atténuer les pressions inflationnistes.

Les membres se sont entendus sur le fait que les données recueillies depuis leur dernière décision montraient plus clairement que la demande faiblissait et que l’offre excédentaire diminuait, les effets de la politique monétaire commençant à s’intensifier. Plus particulièrement, la demande s’était stabilisée dans plusieurs branches du secteur des services, ce qui semblait indiquer que les taux d’intérêt plus élevés se répercutaient à plus grande échelle. Les membres ont noté que la croissance du produit intérieur brut affichait un profil trimestriel en dents de scie, ayant été faible au quatrième trimestre de 2022, puis forte au premier et faible au deuxième de 2023. L’économie semblait toutefois avoir entamé une période d’expansion plus modérée. Le Conseil a aussi souligné que les pleins effets du resserrement monétaire récent restaient à venir.

Les membres ont toutefois aussi reconnu que l’absence de progrès du côté de l’inflation fondamentale demeurait très préoccupante. Ils ont envisagé la possibilité que celle-ci reste élevée même si des signes indiquant que la politique monétaire restrictive freinait la demande s’accumulaient. Ils se sont demandé à quel point la croissance des salaires ralentissait la baisse de l’inflation fondamentale. Ils demeuraient d’avis que la fourchette actuelle de la croissance annuelle des salaires n’était pas compatible avec l’atteinte de la stabilité des prix, à moins d’une augmentation marquée de la productivité.

Les membres ont abordé les pratiques de fixation des prix des entreprises, tout en reconnaissant qu’ils disposaient de peu de données récentes sur la question. Ils ont fait remarquer que l’ampleur et la fréquence accrues des modifications de prix pendant que l’inflation grimpait pourraient avoir incité les entreprises à répercuter plus rapidement leurs hausses de coûts. Toutefois, il était difficile de savoir si l’inverse se produirait avec la chute de l’inflation. Ils ont également dit s’attendre à ce que l’évolution de la demande et le rétablissement des forces concurrentielles aient une incidence déterminante sur les pratiques de fixation des prix.

Les membres ont reconnu qu’ils avaient reçu relativement peu de nouvelles données sur les attentes d’inflation et les pratiques de fixation des prix des entreprises depuis juillet, comparativement à celles reçues sur la production. Ils étaient d’accord pour dire qu’il sera particulièrement utile d’avoir plus de données pour déterminer si le ralentissement de la demande pourrait venir atténuer les pressions inflationnistes.

Les membres ont envisagé la possibilité d’attendre d’avoir recueilli plus de données pour déterminer si les taux d’intérêt étaient suffisamment élevés pour ramener l’inflation à la cible. Ils ont cependant reconnu que la politique monétaire n’était peut-être pas assez restrictive, et que le fait de ne pas agir tout de suite risquait de permettre à la mentalité inflationniste de s’enraciner au Canada. Le cas échéant, il faudrait resserrer encore davantage la politique monétaire.

La décision de politique monétaire

Les membres du Conseil ont convenu par consensus de maintenir le taux directeur à 5 %. C’était à leur avis la décision appropriée pour équilibrer les risques d’un resserrement excessif ou insuffisant. Les données économiques montraient plus clairement que les effets de la politique monétaire commençaient à s’intensifier et que la demande ralentissait, et les membres ont reconnu que l’économie n’avait pas encore senti les pleins effets des resserrements antérieurs.

Les membres se sont ensuite interrogés sur la meilleure façon de communiquer leur décision, s’entendant sur l’importance :

  • de souligner que l’absence de progrès en ce qui a trait au ralentissement de l’inflation fondamentale demeurait une préoccupation
  • d’insister sur le fait qu’ils étaient prêts à relever de nouveau les taux d’intérêt si nécessaire
  • de garder le resserrement monétaire comme option potentielle jusqu’à ce que les données montrent de façon convaincante que le ralentissement de la demande allège les pressions exercées sur l’inflation fondamentale étant donné l’incertitude entourant la trajectoire de l’inflation fondamentale

Les membres ont aussi réfléchi à la possibilité que leur décision soit interprétée à tort comme un signe que le resserrement monétaire était terminé et que des baisses de taux d’intérêt suivraient à court terme. Ils étaient déterminés à ne pas susciter d’attentes en ce sens, puisque le maintien ou la hausse du taux directeur étaient les seules possibilités envisagées. Ils ont convenu d’insister sur le fait qu’ils suivraient de près l’évolution des données pour équilibrer les risques d’un resserrement excessif ou insuffisant de la politique monétaire.

Le Conseil va continuer d’évaluer prioritairement la dynamique de l’inflation fondamentale et les perspectives de l’inflation mesurée par l’IPC. Pour ce faire, il a convenu de continuer d’évaluer la compatibilité de l’évolution des indicateurs suivants avec l’atteinte de la cible d’inflation :

  • la demande excédentaire
  • les attentes d’inflation
  • la croissance des coûts de main-d’œuvre
  • les pratiques de fixation des prix des entreprises

Le Conseil a également discuté du programme de resserrement quantitatif de la Banque et s’est mis d’accord pour poursuivre la politique en vigueur consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

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