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Transférer de l’argent en toute confiance : le nouveau régime canadien de supervision des paiements de détail

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Introduction

Bonjour et merci de m’avoir invité.

Juste pour savoir : qui ici a déjà effectué au moins un paiement aujourd’hui? Peut-être pour un café, ou encore une facture en ligne?

En tant que consommateurs, il ne se passe pas une journée sans qu’on doive utiliser de l’argent – même chose pour les entreprises. Et toutes ces transactions sont essentielles au fonctionnement de l’économie dans son ensemble.

Ce n’est pas nouveau que les banques centrales déploient des efforts pour assurer la bonne gestion des risques entourant les activités de paiement. La faillite de la Banque Herstatt en 1974 a marqué un tournant décisif qui a mené à la création du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Après la crise financière de 2008-2009, les banques centrales ont également mis d’autres mesures en place. Depuis, les systèmes de paiement nationaux sont plus résilients et les banques centrales s’acquittent de leur rôle de supervision de façon plus rigoureuse.

La Banque du Canada prend très au sérieux son mandat de surveillance des infrastructures de marchés financiers et des systèmes de paiement importants. Si un problème survenait au niveau de ces infrastructures et systèmes essentiels, le fonctionnement de notre système financier pourrait être gravement perturbé. Et en cas de panne, l’économie tout entière pourrait être menacée.

Vu l’importance de ces enjeux, il n’est pas surprenant que nous surveillions de près les systèmes servant à transférer et à conserver les fonds des Canadiennes et Canadiens. Le secteur des paiements a d’ailleurs connu de gros changements ces dernières années, notamment une explosion du nombre de produits et de services proposés.

Au-delà des systèmes de paiement importants déjà réglementés, des milliers d’entreprises proposent maintenant des services de paiement. Certaines sont de grandes sociétés établies, et d’autres sont plus petites et moins connues. Jusqu’à présent, bon nombre de ces fournisseurs de services de paiement (FSP) n’ont jamais été assujettis à une supervision, sauf en ce qui concerne le respect de la réglementation contre le blanchiment d’argent. Mais c’est sur le point de changer.

Le rôle de surveillance traditionnel de la Banque est en train de s’élargir pour s’adapter à la réalité d’aujourd’hui. Je vais vous parler de ces changements et vous donner quelques précisions sur le nouveau régime de supervision des paiements de détail qui sera bientôt mis en application.

Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités

Les FSP jouent sans aucun doute un rôle essentiel dans notre société.

Et pour citer un célèbre philosophe du 20e siècle, le légendaire Stan Lee : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Les connaisseurs parmi vous aurez reconnu les sages paroles de l’oncle Ben dans Spider-Man.

Il parlait évidemment de la responsabilité de son neveu Peter Parker d’utiliser ses nouvelles capacités à bon escient, et non de celle des FSP d’exécuter leurs paiements de détail de façon sûre et efficiente. Mais vous voyez où je veux en venir.

Je tiens à souligner que l’écosystème des paiements de détail fonctionne bien au pays. Que ce soit pour faire des achats ou des virements, la plupart des gens tiennent pour acquis l’accès à des services de paiement sûrs et efficaces, et c’est probablement la meilleure preuve de confiance envers les FSP.

Le nouveau régime de supervision dont je vais parler aujourd’hui vise à nous assurer que cette confiance est bien fondée, et à rassurer tout le monde que les risques opérationnels sont bien gérés et les fonds, bien protégés.

Le gouvernement du Canada a mis ce nouveau régime en branle à l’été 2021 en adoptant la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. En vertu de cette loi, la Banque doit s’assurer que les FSP respectent certaines normes de gestion des risques et protègent efficacement les fonds qu’ils détiennent pour des utilisateurs finaux.

Comme je l’ai mentionné, le secteur des paiements a connu de nombreux changements ces dernières années. De nouveaux acteurs et de nouvelles technologies ont fait leur apparition. Ces changements ont mis en lumière le fait que ces nouveaux fournisseurs n’étaient pas nécessairement assujettis à une supervision officielle au Canada. Veiller à ce que tous les FSP soient supervisés est en partie ce qui a motivé l’adoption de la Loi.

Mais cette nouvelle législation présente également d’autres avantages. À terme, le nouveau régime ne fera pas que réduire les risques; il favorisera aussi l’innovation et la concurrence.

Par exemple, l’un des objectifs établis est de permettre aux FSP assujettis à la supervision de la Banque de demander à devenir des participants directs à des systèmes de paiement nationaux, comme le système de paiement en temps réel qui verra bientôt le jour. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des modifications à la Loi canadienne sur les paiements qui permettront d’atteindre cet objectif. Bien entendu, les FSP devront satisfaire à d’autres exigences. Mais pour ceux qui y seront admissibles, la participation au système de paiement en temps réel devrait être très avantageuse – à la fois pour eux et pour la population canadienne en général.

Qu’avons-nous appris des autres?

Ces dernières années, nous avons collaboré étroitement avec le ministère des Finances du Canada alors qu’il élaborait le nouveau régime de supervision. Plus précisément, nous lui avons fourni des conseils sur la façon de concevoir le cadre législatif et réglementaire. Nous avons pour cela examiné des régimes similaires mis en place dans d’autres pays.

Nous voulions nous aligner autant que possible sur les normes internationales.

Nous nous sommes donc adressés directement aux organismes de réglementation pour apprendre de leur expérience. Nous nous sommes intéressés aux pays et territoires qui avaient des formes abouties de réglementation sur les paiements, particulièrement le Royaume-Uni, l’Union européenne et Singapour. Nous avons décortiqué leurs régimes, les raisons ayant motivé les décisions des organismes de réglementation, ainsi que les normes établies par ces derniers. Nous avons relevé plusieurs approches communes et avons adopté les mêmes dans la mesure du possible.

De manière générale, nous avons constaté qu’il n’était pas nécessaire de créer une approche unique, propre au Canada. Étant donné que de nombreux FSP exercent leurs activités dans plusieurs pays ou territoires, nous avons trouvé qu’il était pertinent de nous aligner autant que nous le pouvions sur les autres régimes de supervision. Comme nos homologues étrangers, nous voulions trouver le juste équilibre entre protéger les intérêts des utilisateurs finaux et offrir une expérience efficace et aussi fluide que possible aux FSP.

Quelles seront les attentes?

Alors, quelles seront nos attentes envers les FSP dans le cadre de ce nouveau régime? Nous nous attendons principalement à trois choses.

Tout d’abord, quand la Loi entrera en vigueur dans un peu moins d’un an, les entités considérées comme des FSP auront l’obligation de présenter une demande d’enregistrement à la Banque.

Elles devront alors fournir des renseignements de base :

  • qui elles sont
  • la nature de leurs activités
  • le volume et la valeur des paiements qu’elles traitent

Mais l’enregistrement n’est que la première étape. En 2025, d’autres exigences prendront effet. Les FSP seront tenus de respecter des normes minimales en matière de gestion des risques opérationnels. Ils devront aussi montrer ce qu’ils font pour protéger les fonds des utilisateurs finaux.

Pour satisfaire à ces exigences, ils devront prendre un certain nombre de mesures. Je ne vais pas trop entrer dans les détails pour le moment mais, en gros, ils devront :

  • recenser et gérer les risques
  • répondre aux incidents
  • revoir régulièrement leurs plans de gestion des risques et de réponse aux incidents

Les FSP qui détiennent des fonds d’utilisateurs finaux seront également tenus de prouver qu’ils ont mis en place des mesures pour protéger ces fonds jusqu’à leur retrait ou leur transfert. Cela signifie que les FSP devront séparer ces fonds de ceux qu’ils utilisent dans l’exercice de leurs activités. Ils devront aussi détenir ces fonds en fiducie ou en fidéicommis ou les assortir d’une assurance ou d’une garantie.

Cette exigence vise deux objectifs : garantir aux utilisateurs finaux un accès fiable et sans délai à leurs fonds, et les protéger contre les pertes financières en cas de faillite d’un FSP.

Pour l’instant, nous savons que les FSP devront faire des déclarations régulières, notamment en nous transmettant des renseignements tous les ans ou lorsque des changements ou des incidents importants se produisent.

Chaque année, nous allons aussi demander à un certain nombre d’entre eux de nous fournir des renseignements plus détaillés pour nous aider à évaluer la conformité globale des FSP avec nos attentes. Par exemple, nous pourrions leur poser des questions sur leur cadre de gestion des risques opérationnels. A-t-il été approuvé par des cadres dirigeants? A-t-il été mis à l’essai?

Notre personnel ou un tiers pourrait aussi devoir se rendre sur le lieu d’affaires d’un FSP, mais probablement seulement dans des cas exceptionnels.

En ce qui concerne l’application de la loi, nous aurons plusieurs outils à notre disposition pour encourager la conformité, allant des lettres d’avertissement aux sanctions pécuniaires, en passant par les procès-verbaux publics.

Notre approche sera graduée, ce qui nous permettra d’opter pour l’outil le mieux approprié aux circonstances. Par exemple, si un premier outil n’amène pas le FSP à corriger rapidement la situation, nous aurons sans doute recours à un autre pour atteindre ce même objectif.  

Bref, tout est une question de gestion des risques. Ainsi, notre objectif est de toujours expliquer nos attentes de long en large dès le départ pour réduire la nécessité d’intervenir plus tard. Et dans les cas où des mesures d’application de la loi deviendraient nécessaires, nous veillerons à ce que notre processus soit équitable. Par exemple, nous aviserons systématiquement les FSP de notre intention de prendre de telles mesures à leur encontre pour leur donner l’occasion de présenter des observations ou de remédier à la situation. Autrement dit, le nouveau régime visera à favoriser de façon proactive la bonne conduite des FSP et à produire un effet dissuasif général.

Je tiens toutefois à souligner que la Banque n’appliquera pas exactement la même approche de supervision dans toutes les situations. Nous reconnaissons que les modèles d’affaires varient énormément d’un fournisseur à l’autre, et que chacun va chercher à se conformer à la loi à sa façon. Tant qu’ils respecteront certains principes de base, il y aura de la flexibilité.

Qui sont les FSP?

Vous vous demandez sûrement qui au juste sont ces FSP que la Banque va superviser.

À l’heure actuelle, on estime qu’environ 2 500 fournisseurs passeront sous notre supervision en vertu de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. Ce chiffre englobe toute une variété d’entités, tant au Canada qu’à l’étranger, notamment des entreprises de services de traitement des paiements, de portefeuilles numériques et de virements en devises, ainsi que d’autres entreprises spécialisées en technologies de paiement qui exécutent des fonctions de paiement.

Il est important de noter que ces entités n’ont pas à avoir d’établissement au pays : si elles offrent des services de paiement à des utilisateurs finaux au Canada – via un site Web canadien ou en vendant leurs services directement à des personnes au Canada –, il est fort probable qu’elles soient considérées comme des FSP qui seront assujettis à la nouvelle loi.

Bref, être un FSP, c’est plus une question d’activités que d’identité.

En effet, un fournisseur peut être assujetti à la Loi s’il exécute l’une des cinq fonctions de paiement suivantes :

  • tenir un compte en vue de paiements
  • détenir des fonds au nom d’un utilisateur en vue de paiements
  • initier des instructions de paiement
  • transmettre des instructions de paiement
  • fournir des services plus généraux de compensation et de règlement

C’est clair qu’il y aura des exceptions. Prenons l’exemple d’un marchand qui vend des espadrilles rétro en ligne. Pour acheter, les clients doivent fournir certains renseignements personnels et financiers, et peuvent également se créer un compte. Mais est-ce que ça suffit pour faire de ce marchand un FSP? Eh bien, non, parce que les fonctions de paiement exécutées dans ce cas-ci sont accessoires à l’activité principale du marchand.

Ajoutons aussi que les entités visées par la réglementation prudentielle du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, de même que les coopératives de crédit surveillées par une autorité provinciale, ne seront pas assujetties au nouveau régime de supervision. Mais cette exception ne s’appliquera pas nécessairement à tous leurs partenaires d’affaires.

Les politiques et lignes directrices de la Banque vont venir clarifier le champ d’application du nouveau régime, c’est-à-dire qui nous allons surveiller et qui nous n’allons pas surveiller. Je vais y revenir dans quelques instants.

La suite des choses

Donc, comment les choses vont-elles se dérouler?

La première et plus importante étape pour les entités considérées comme des FSP sera de s’enregistrer.

Le processus d’enregistrement aura lieu du 1er au 15 novembre 2024. D’ici là, nous aiderons les entités concernées à déterminer si elles sont visées par la Loi. Pour ce faire, nous allons publier nos critères d’enregistrement et un questionnaire d’autoévaluation d’ici la fin de l’année.

Au début de 2024, nous lancerons un guide détaillé pour aider les entités qui répondent aux critères d’enregistrement à remplir leur demande sur le portail en ligne que nous sommes en train de développer.

Le temps d’évaluer les demandes d’enregistrement, nous nous retrouverons dans une période de transition officielle, qui durera environ 10 mois, conformément à l’annonce du gouvernement. Durant cette période, le nom des demandeurs sera affiché sur notre site Web. Il est important de noter que les entités qui continueront d’exécuter des activités associées aux paiements de détail sans avoir présenté de demande seront passibles de mesures d’application de la loi.

Nous transmettrons ensuite les demandes admissibles au ministère des Finances du Canada, qui pourrait alors mener un examen lié à la sécurité nationale. À l’issue de cet examen, le ministre pourrait donner à la Banque l’instruction d’accepter ou de refuser d’enregistrer un demandeur, voire de révoquer l’enregistrement d’un FSP pour des raisons liées à la sécurité nationale. Nous publierons par la suite le nom des demandeurs que nous aurons décidé d’enregistrer sur notre site Web. Nous y afficherons également le nom de ceux à qui l’enregistrement aura été refusé, ainsi que les raisons de cette décision.

Entre-temps, nous publierons les politiques et lignes directrices de notre régime de supervision. Dès le mois prochain, nous diffuserons des mises à jour périodiques sur la façon dont nous interpréterons la Loi et son règlement. Nos politiques et lignes directrices indiqueront clairement ce qui sera attendu des FSP en matière de gestion des risques et de protection des fonds. Elles détailleront aussi les mesures d’application de la loi qui pourraient être prises à l’encontre des FSP.

Certaines de ces politiques et lignes directrices feront l’objet de consultations avant leur publication, notamment en ce qui concerne l’atténuation des risques opérationnels, la protection des fonds des utilisateurs finaux et le signalement des incidents et des changements importants. Comme nous ne sommes pas des experts dans tout, nous tentons d’aborder la mise en place de ce régime avec humilité. Il y aura probablement des choses à améliorer. C’est pourquoi nous sollicitons directement l’avis des acteurs du secteur depuis le début de ce processus et pourquoi nous continuerons de le faire.

Nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec d’autres organismes de réglementation canadiens pour bâtir ce régime, dont le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada. Même si nous sommes tous responsables de différents aspects des activités des FSP, nous continuerons de garder des lignes de communication ouvertes, comme nous le faisons depuis le début.

Pour commencer à s’organiser dès maintenant en vue des changements qui s’en viennent, les FSP trouveront une mine d’information sur notre site Web, à l’adresse banqueducanada.ca/SPD (pour supervision des paiements de détail). Tout y est regroupé : des liens vers la Loi et son règlement, des renseignements sur notre cadre de supervision et, bientôt, nos politiques et lignes directrices.

Si vous désirez recevoir des mises à jour sur le nouveau régime, vous pouvez vous inscrire à notre infolettre, également sur notre site Web.

Conclusion

D’ici à ce que la Loi entre en vigueur, nous faisons tout notre possible pour faire connaître nos attentes. En diffusant de l’information souvent et sans délai, et en continuant d’échanger avec le secteur, nous espérons réduire la nécessité de prendre des mesures d’application de la loi plus tard.

S’il y a une chose que vous devez retenir aujourd’hui, c’est que des changements s’en viennent. Il est maintenant temps pour les FSP qui font des affaires au Canada de commencer à se préparer.

Rappelez-vous : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. On ne voudrait pas décevoir l’oncle Ben.

Merci.

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