Le résumé qui suit rend compte des délibérations du Conseil de direction de la Banque du Canada ayant mené à la décision de politique monétaire annoncée le 6 décembre 2023.

Il reflète les discussions et les délibérations qu’ont tenues les membres du Conseil de direction à la troisième étape du processus entourant les décisions de politique monétaire, soit après avoir reçu toutes les informations et recommandations pertinentes du personnel.

Les réunions concernées ont débuté le vendredi 1er décembre et se sont poursuivies les 4 et 5 décembre. Étaient présents le gouverneur Tiff Macklem (qui a présidé les réunions), la première sous-gouverneure Carolyn Rogers, le sous-gouverneur Toni Gravelle, la sous-gouverneure Sharon Kozicki, le sous-gouverneur Nicolas Vincent et le sous-gouverneur Rhys Mendes.

Économie internationale

Le Conseil de direction (le Conseil) a entamé ses discussions en faisant le point sur l’évolution récente de l’économie internationale. La croissance mondiale avait continué de ralentir depuis octobre et l’inflation s’était atténuée dans la plupart des grandes économies.

Même si le profil global de croissance avait été conforme aux attentes en octobre, l’économie américaine avait été plus robuste que prévu. Cette situation était compensée par la faiblesse observée ailleurs dans le monde. Les membres du Conseil ont discuté de la vigueur continue des dépenses de consommation et de l’utilisation de l’épargne accumulée aux États-Unis. Dans la zone euro, la croissance fléchissait, la politique monétaire contribuant au ralentissement des dépenses. En Chine, l’augmentation des dépenses de consommation provoquait un rebond de la croissance, mais beaucoup d’incertitude planait encore sur le secteur immobilier et la réponse des pouvoirs publics.

La croissance mondiale avait ralenti au cours des derniers mois, ce qui avait entraîné une nouvelle baisse de l’inflation. Les prix plus bas de l’énergie avaient contribué à la chute de l’inflation sur un an aux États-Unis et dans la zone euro. Le taux d’augmentation plus bas des prix des aliments ainsi que des biens compris dans la mesure de l’inflation fondamentale avait aussi concouru à la baisse de l’inflation dans ces deux économies.

Les cours mondiaux du pétrole avaient diminué d’environ 10 dollars le baril depuis la parution du Rapport sur la politique monétaire d’octobre. Le dollar américain s’était déprécié face à la plupart des monnaies, y compris le dollar canadien. Le Conseil a noté que les conditions financières s’étaient assouplies depuis octobre, compte tenu : du ralentissement de la croissance; de la diminution de l’inflation à l’échelle mondiale; et du glissement des attentes du marché à l’égard des politiques des banques centrales. Après avoir monté durant les semaines ayant précédé la dernière décision, les taux d’intérêt américains à long terme étaient revenus pratiquement à leur niveau initial. Au Canada, les rendements à long terme avaient suivi une trajectoire similaire. Entretemps, les marchés boursiers et les marchés du crédit aux entreprises s’étaient renforcés.

Économie canadienne et perspectives d’inflation au pays

Le Conseil a passé en revue l’évolution de l’économie canadienne et la dynamique de l’inflation depuis octobre. Au Canada, la croissance économique avait essentiellement stagné aux deuxième et troisième trimestres de 2023. Selon les données des comptes nationaux pour le troisième trimestre, la croissance s’était contractée à un taux de 1,1 % après avoir affiché une hausse de 1,4 % au deuxième trimestre.

Le ralentissement était en grande partie dû à la consommation, qui était restée stable aux deuxième et troisième trimestres. La montée des taux d’intérêt continuait de freiner les dépenses de consommation pour de nombreux biens et services. Malgré leur volatilité accrue, les investissements des entreprises n’avaient pas progressé au cours des quatre derniers trimestres.

Les dépenses publiques et la construction résidentielle avaient soutenu la croissance au troisième trimestre. En conséquence, la demande intérieure finale avait augmenté de 1,3 % durant chacun des deux trimestres précédents. Les membres du Conseil ont noté qu’une partie de la hausse des dépenses publiques au troisième trimestre était attribuable aux feux de forêt, et qu’elle devait donc être temporaire. L’activité dans le secteur du logement avait augmenté de 8,3 % au troisième trimestre, en grande partie en raison d’une intensification de la construction résidentielle. Les membres ont fait remarquer que bien qu’il soit encourageant de voir les sommes consacrées à la construction de maisons et d’appartements, un accroissement important et soutenu de la construction domiciliaire serait nécessaire pour résoudre la pénurie structurelle et de longue date de logements.

Les membres ont ensuite parlé du marché du travail. Selon les données de la plus récente Enquête sur la population active, l’assouplissement du marché se poursuivait. Le ralentissement de l’économie avait réduit le nombre de postes vacants, qui se rapprochait de la tendance prépandémique. La progression de l’emploi restait plus lente que celle de la population. Et le taux de chômage avait un peu monté en novembre pour s’établir à 5,8 %. Toutefois, les membres ont noté que la croissance des salaires demeurait forte, dans une fourchette de 4 à 5 %. Depuis le début de l’année, elle avait légèrement diminué dans le secteur privé, mais augmenté dans le secteur public.

Les premiers indicateurs pour le quatrième trimestre laissaient entendre que la croissance économique resterait faible, les taux d’intérêt plus élevés continuant de freiner les dépenses. Étant donné une série d’indicateurs qui donnaient à penser que l’économie se rapprochait de l’équilibre au troisième trimestre et des perspectives anémiques pour le quatrième trimestre, les membres ont conclu que l’économie n’était plus en situation de demande excédentaire.

Le Conseil a également examiné les récentes données sur l’inflation. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était passée de 3,8 % en septembre à 3,1 % en octobre. Même si cette baisse s’explique en grande partie par le recul des prix de l’essence, il était clair que la hausse des taux d’intérêt avait réduit les pressions sur les prix d’un éventail grandissant de biens et de services. En octobre, la part des composantes de l’IPC dont la croissance sur un an dépasse 3 et 5 % avait continué de descendre. Les prix de nombreux biens durables, notamment, avaient diminué. Et l’inflation dans le secteur des services hors logement s’était atténuée par rapport au début de l’année.

Les membres ont longuement discuté de l’accélération de la hausse des frais de logement. Celle-ci avait atteint 6,1 % en octobre et ajouté 1,8 point de pourcentage à l’inflation mesurée par l’IPC global, qui s’établissait à 3,1 %. L’accroissement du coût de l’intérêt hypothécaire jouait clairement un rôle dans l’augmentation des frais de logement. Cependant, les loyers et d’autres composantes liées aux prix des logements (comme l’assurance, l’impôt foncier et l’entretien) avaient aussi vivement augmenté, ce qui est inhabituel. Par exemple, la croissance des loyers a atteint 8,2 % en octobre, son plus haut sommet en 40 ans. Les membres du Conseil ont noté que les taux d’intérêt plus élevés freinaient la demande de logements, mais que la pénurie structurelle de l’offre soutenait leurs prix élevés.

Dans l’ensemble, les mesures de l’inflation fondamentale étaient demeurées dans une fourchette de 3,5 à 4 %, mais avaient légèrement baissé en octobre pour se situer dans le bas de cette fourchette. Le taux annualisé de l’inflation fondamentale sur trois mois était descendu à environ 3 %.

Considérations pour la politique monétaire

Les membres du Conseil se sont entendus sur le fait que les hausses passées du taux directeur étaient encore en train de se répercuter dans l’économie, modérant les dépenses et atténuant les pressions sur les prix. Comme les données indiquaient une lenteur persistante de la croissance au quatrième trimestre, les perspectives économiques du Conseil étaient généralement conformes à la projection d’octobre. Il s’attendait à ce que la faiblesse de la consommation et des investissements des entreprises se poursuive pendant deux ou trois trimestres. Comme l’économie n’était plus en situation de demande excédentaire, les membres ont convenu de surveiller des signes montrant que le ralentissement économique se traduisait en un recul continu et durable de l’inflation.

Lors de leurs réunions d’octobre, les membres du Conseil avaient dit craindre que les mesures annualisées de l’inflation fondamentale sur trois mois se soient maintenues dans une fourchette de 3,5 à 4 % depuis presque un an, laissant supposer une faible dynamique à la baisse. En décembre, les membres ont vu comme un signe positif la baisse des mesures de l’inflation fondamentales obtenues à partir des données plus récentes sur l’IPC d’octobre. Cela dit, ils étaient d’accord pour dire que les données d’un seul mois n’étaient pas suffisantes pour les convaincre que l’inflation continuerait de baisser vers 2 % de façon durable.

Le Conseil a discuté d’autres indicateurs qu’il surveillait afin d’évaluer la trajectoire de l’inflation sous-jacente. Les salaires progressaient encore à un rythme allant de 4 à 5 %. Si cette situation se poursuit, elle serait non compatible avec l’atteinte de la stabilité des prix, surtout compte tenu de la faible productivité. Lors des rencontres du Conseil, aucune nouvelle donnée d’enquête n’avait été publiée à propos des pratiques d’établissement des prix des entreprises ou des attentes d’inflation à court terme des consommateurs et des entreprises. Les membres ont dit qu’ils voulaient voir plus d’éléments probants montrant que ces indicateurs étaient sur une trajectoire qui concorde avec l’atteinte de la stabilité des prix.

Les membres du Conseil ont aussi dit craindre que l’inflation du côté du logement reste élevée, ce qui pourrait compliquer le retour de l’inflation à 2 %. Certains étaient d’avis que les coûts liés aux prix des logements baisseraient à mesure que les taux d’intérêt plus élevés allaient continuer de freiner les dépenses et de peser sur le marché du logement. D’autres s’inquiétaient du fait que la forte augmentation des prix des logements pourrait persister ou même s’accentuer, étant donné qu’il faudra du temps pour que l’offre rattrape la demande. Les membres ont fait remarquer que si les conditions financières s’assouplissaient prématurément, le marché du logement pourrait rebondir, ce qui aggraverait davantage les pressions sur les prix. Le Conseil a convenu que la politique monétaire ne pouvait pas résorber la pénurie structurelle de logements. Il a indiqué qu’il va continuer à surveiller de près l’évolution de la hausse des frais de logement et sa contribution à l’inflation fondamentale ainsi qu’à inflation mesurée par l’IPC.

Dans l’ensemble, les membres ont conclu que les données récentes étaient encourageantes. Cependant, compte tenu de l’incertitude considérable entourant les perspectives d’inflation, ils se sont entendus pour dire que les risques étaient encore élevés. Selon eux, il y avait deux grands types de risques : la baisse prévue de l’inflation pourrait stagner, car l’inflation se maintenait encore bien au-dessus de 2 %; ou de nouveaux événements pourraient accentuer les pressions inflationnistes. Dans ce contexte, le Conseil devait rester vigilant.

La décision de politique monétaire

Le Conseil a décidé de maintenir le taux directeur à 5 %. Les mesures de politique monétaire passées avaient fait ralentir l’économie et continuaient d’atténuer les pressions sur les prix.

Comme ils l’avaient fait lors des réunions d’octobre, les membres se sont demandé si la politique monétaire était assez restrictive pour rétablir la stabilité des prix. Ils ont mentionné que les données récentes – y compris les statistiques des comptes nationaux, les données de l’Enquête sur la population active et l’IPC d’octobre – indiquaient que la politique monétaire produisait l’effet voulu, soit ralentir l’activité économique et atténuer les pressions inflationnistes. Les membres ont toutefois noté que l’inflation était encore trop élevée, et que l’inflation fondamentale devait baisser davantage et de façon durable.

Le Conseil a convenu que la probabilité que la politique monétaire soit assez restrictive pour atteindre la cible d’inflation avait augmenté. Mais il a aussi estimé que les risques entourant les perspectives d’inflation persistaient. Ainsi, il sera peut-être nécessaire de relever le taux directeur pour faire décélérer davantage l’inflation et rétablir la stabilité des prix.

Les membres ont donc décidé de réitérer qu’ils étaient prêts à augmenter de nouveau le taux directeur, au besoin.

Afin de suivre l’évolution des pressions inflationnistes sous-jacentes, les membres se sont entendus pour continuer de se concentrer sur : l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie, la croissance des salaires, les pratiques d’établissement des prix des entreprises et les attentes d’inflation. Le Conseil a insisté sur le fait que ces indicateurs n’étaient pas des cibles intermédiaires, mais qu’ils offraient plutôt des informations utiles sur la trajectoire de l’inflation.

Enfin, les membres se sont mis d’accord pour poursuivre la politique consistant à normaliser le bilan en ne remplaçant pas les obligations arrivant à échéance.

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