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La tenue de l'économie canadienne : bilan d'une année mouvementée et perspectives

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Bonjour. Je suis ravi que vous m'ayez invité à m'adresser à vous aujourd'hui. J'aimerais d'abord vous faire part de mes réflexions sur l'évolution de l'économie canadienne et sur ce que nous avons accompli collectivement au cours des dernières années. Ensuite, je parlerai brièvement des perspectives de l'économie mondiale et des incertitudes qui l'entourent, et j'expliquerai en quoi les succès que le Canada a obtenus sur les plans budgétaire et monétaire l'aideront à faire face à ces incertitudes.

Mais d'abord, permettez-moi de vous dire à quel point je suis content de me retrouver à nouveau sur le campus de l'Université de la Colombie-Britannique. Il y a cinq ans, j'étais ici en tant qu'agrégé supérieur de recherches à la Faculté de commerce. Si mes fonctions sont différentes aujourd'hui, un trait commun unit toutefois votre institution — comme toutes les universités canadiennes d'ailleurs — à la Banque du Canada : la poursuite de l'excellence en recherche.

Le Programme de bourses de recherche de la Banque du Canada

La Banque est reconnue depuis longtemps pour l'environnement de recherche fécond qu'elle cultive. Nous voulons également susciter la poursuite de recherches utiles à nos champs d'activité, en particulier la politique monétaire et la stabilité du système financier, dans les universités de tout le pays. C'est pourquoi j'ai le grand plaisir d'annoncer aujourd'hui que la Banque du Canada lance un programme de bourses destiné à favoriser des recherches de haut calibre dans des domaines clés de l'économie.

Le programme vise les universitaires canadiens qui se sont déjà distingués par la qualité de leurs travaux. Les bourses permettront aux chercheurs de toucher un traitement et de recevoir des allocations pour leurs frais de recherche et l'embauche d'adjoints diplômés.

Nous prévoyons octroyer deux bourses la première année et une par année ensuite, pour un total de six d'ici 2007. Ce programme, espérons-nous, permettra d'étendre le champ des recherches de pointe qui s'effectuent au pays et d'affermir l'expertise canadienne dans les domaines qui sont au coeur de notre mandat, qu'il s'agisse de la macroéconomie, de l'économie monétaire, de la finance internationale ou encore de l'économie des marchés financiers et des institutions financières.

L'élargissement des recherches et l'enrichissement des connaissances profiteront à la Banque du Canada, aux universités soucieuses de renforcer constamment leurs départements d'économie, et bien sûr à l'ensemble des Canadiens. Je suis particulièrement fier d'annoncer le lancement de notre programme de bourses ici, dans une institution qui s'attache à produire le genre d'analyses d'avant-garde que nous souhaitons encourager.

Le redressement du cadre des politiques publiques

À mon arrivée à l'Université de la Colombie-Britannique, à l'automne de 1997, le Canada arrivait au terme d'une lutte de quelque 10 années visant à remettre de l'ordre dans ses politiques économiques.

Entre 1988 et 1997, nous avons pris des mesures vigoureuses en vue d'assainir nos politiques monétaire et budgétaire. Réagissant aux taux d'inflation élevés et imprévisibles des années 1970 et du début de la décennie suivante, la Banque du Canada s'est dotée, à la fin des années 1980, d'une politique monétaire ayant comme objectif la stabilité des prix. Afin de concrétiser cet engagement, la Banque et le gouvernement du Canada ont convenu en 1991 d'adopter une série de cibles d'inflation destinées à ramener le taux d'accroissement sur 12 mois de l'indice des prix à la consommation à 2 % (avec une marge de 1 point de pourcentage de part et d'autre de cette cible) à la fin de 1995. Le taux d'inflation a pu être réduit assez rapidement; déjà en janvier 1992, il avoisinait les 2 %. L'entente a été reconduite depuis à trois reprises, et elle prévoyait chaque fois une fourchette cible ayant 2 % comme point médian.

Depuis presque dix années déjà, l'inflation est bien maîtrisée, et les ménages comme les entreprises ont maintenant la conviction que nous continuerons d'atteindre notre cible. Les attentes d'inflation sont solidement arrimées, non seulement à court terme, mais loin dans l'avenir. Le taux d'augmentation des prix étant à un bas niveau depuis presque une décennie, il est facile d'oublier combien la réalisation des cibles a été ardue, et quel prix économique il a fallu payer pour jouir des immenses avantages d'un taux d'inflation bas et stable.

Lorsque j'enseignais ici, les gouvernements fédéral et provinciaux se livraient à une cure d'austérité budgétaire aussi pénible que nécessaire. Les autorités fédérales s'efforçaient de freiner la hausse du ratio de la dette au PIB, mais ce n'est qu'en 1995 qu'elles sont réellement parvenues à faire pencher la balance dans le sens d'une réduction du déficit. Et la situation budgétaire de l'État n'a été ramenée sur une trajectoire plus viable qu'en 1997, sous l'effet cumulatif de toutes les mesures prises pour résorber le déficit.

À l'échelon fédéral, le ratio de la dette au PIB est descendu depuis sous la barre des 50 %, comparativement au sommet de 71 % atteint en 1995. Et si certaines provinces peinent toujours à dégager des excédents budgétaires, toutes ont pris d'importantes mesures pour mettre bon ordre à leurs finances.

Les gouvernements et la Banque du Canada se sont attachés à redresser les cadres budgétaire et monétaire de l'État. De son côté, le secteur privé s'est lui aussi restructuré afin de saisir les occasions offertes par l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et d'accroître sa productivité et sa compétitivité. Il n'est pas étonnant que, durant ces années d'ajustement, notre taux de croissance ait été légèrement inférieur à celui des États-Unis. Cependant, à la fin des années 1990, notre économie commençait à récolter les fruits de tous ces efforts — adoption de cibles d'inflation, assainissement des finances publiques et restructuration du secteur privé. Le Canada s'est ainsi retrouvé en meilleure posture pour faire face à des chocs majeurs tels que la crise asiatique ou le ralentissement économique mondial de l'an dernier.

D'ailleurs, entre 1997 et 2001, notre pays a connu une croissance économique annuelle moyenne d'environ 4 %, alors qu'aux États-Unis celle-ci a été de quelque 3,5 %. Et, contrairement à nos voisins du sud, nous avons évité la récession l'an dernier.

Si la croissance de la productivité des entreprises n'a pas été aussi forte chez nous qu'aux États-Unis, nous observons néanmoins des signes encourageants, qui permettent de croire que les investissements dans la technologie et la formation sont en train de se traduire par des gains de productivité accrus dans notre pays. En effet, dans le secteur des entreprises au Canada, la productivité du travail a progressé à un rythme de 2 % par année entre 1997 et 2001, un chiffre nettement supérieur au taux moyen de 1,2 % enregistré durant la période de 1990 à 1996, et tout juste en deçà du niveau révisé de 2,3 % observé aux États-Unis.

Pour ce qui est de l'avenir, nous voyons apparaître des signes positifs en ce qui a trait à la croissance future de la productivité au Canada, grâce aux efforts que déploient les firmes canadiennes pour s'adapter aux nouvelles technologies et les intégrer dans leurs opérations.

Les chocs survenus en 2000-2001

De fait, l'économie a affiché une tenue remarquable si l'on considère qu'elle a subi quatre chocs majeurs au cours des deux dernières années. Le premier a été la débâcle des secteurs de la technologie et des télécommunications, qui s'est amorcée vers la fin de 2000 et dont les effets se font encore sentir. Il y a eu ensuite le ralentissement économique généralisé de 2001, qui a touché, à des degrés divers, la plupart des pays du monde.

Le troisième choc a été les attentats terroristes du 11 septembre, qui ont éclipsé le reste de l'actualité l'année dernière. Quelques jours à peine après le premier anniversaire de la tragédie, il semble opportun de réfléchir aux événements sans précédent qui ont secoué les économies nord-américaines depuis cette journée dramatique et de revoir comment la Banque du Canada y a réagi.

À la suite des attentats, notre responsabilité la plus pressante était de voir à ce que le système financier du pays continue de fonctionner. En second lieu, nous devions soutenir la confiance des consommateurs et des investisseurs. C'est dans cette optique que nous avons pris des mesures exceptionnelles de politique monétaire. Dès le 17 septembre 2001, nous avons réduit notre taux directeur en dehors de notre calendrier normal d'établissement de ce taux. De septembre 2001 à janvier 2002, nous avons abaissé les taux directeurs de 200 points de base au total afin d'atténuer les retombées des attentats sur l'économie, déjà en ralentissement.

La confiance des consommateurs canadiens s'est révélée moins ébranlée qu'on ne l'avait craint au départ. À mesure que les incertitudes immédiates d'ordre géopolitique et économique se sont amenuisées, les consommateurs ont réagi vivement et promptement à la détente monétaire opérée. Des secteurs sensibles aux taux d'intérêt, comme le logement et l'automobile, ont affiché un dynamisme remarquable. Résultat, le Canada a enregistré un taux de croissance annualisé du PIB de près de 3 % au quatrième trimestre de 2001, alors que la majorité des analystes s'attendaient à une contraction de l'économie.

Tandis que nous nous relevions du ralentissement de 2001 et des attaques du 11 septembre, l'économie américaine a reçu un quatrième choc, celui de la perte de confiance dans l'intégrité de l'information et de l'analyse financières à la suite de la découverte des pratiques douteuses de comptabilité et de régie interne des sociétés Enron, WorldCom et autres. Malheureusement, l'incertitude engendrée par ces scandales aux États-Unis a gagné d'autres marchés financiers, dont celui du Canada. La montée de la prudence qui en a résulté dans les entreprises semble avoir retardé la reprise attendue de l'investissement à l'échelle mondiale.

Malgré ces quatre chocs, l'économie canadienne se compare plutôt avantageusement à celle d'autres pays. Il est certain que l'année a été difficile pour les secteurs minier et forestier de la Colombie-Britannique, pour les producteurs de céréales et d'oléagineux des Prairies ainsi que pour le secteur des télécommunications à l'échelle nationale. Mais, dans l'ensemble, le taux de croissance de notre économie dépasse systématiquement le taux moyen de progression des autres membres du G7 depuis 1997. Le FMI et l'OCDE prévoient tous deux que le Canada affichera l'expansion la plus rapide au sein de ce groupe en 2002 comme en 2003.

Je tiens à souligner que la belle tenue récente de notre économie, loin d'être le fruit du hasard, tient au cadre solide que nous nous sommes donné pour maîtriser l'inflation et gérer les finances publiques. Les avantages d'un tel cadre sont bien compris, non seulement du gouvernement et de la Banque, mais aussi des Canadiens en général. Restés fidèles à cette approche pendant la tourmente économique que nous venons de traverser, nous nous voyons maintenant récompensés des énormes efforts que nous avons déployés pour ouvrir le pays au libre-échange et élaborer un cadre approprié de mise en oeuvre des politiques macroéconomiques dans les années 1990.

Comme le prouvent avec éloquence les résultats économiques récents du Canada, ce cadre d'action a montré sa valeur, et il continuera de bien nous servir.

Les perspectives économiques du Canada

Jusqu'à présent, la croissance de l'économie nationale cette année a été supérieure aux attentes. Le PIB réel a bondi de 6,2 % en taux annuel au premier trimestre de 2002 et il a crû de 4,3 % au second.

La Banque du Canada est d'avis que le maintien de l'inflation à un taux bas, stable et prévisible constitue la meilleure contribution que la politique monétaire peut apporter à une croissance forte et soutenue. Nous conduisons la politique monétaire de façon symétrique. En d'autres termes, nous accordons la même attention aux pressions persistantes qui pourraient nous éloigner de notre taux cible de 2 %, que l'écart soit positif ou négatif.

Lorsque la demande est vigoureuse, qu'elle pousse l'économie aux limites de sa capacité et qu'elle menace de faire passer l'inflation au-dessus de la cible visée, la Banque majore les taux d'intérêt pour ralentir le rythme d'expansion de l'économie et atténuer les pressions inflationnistes.

À l'inverse, lorsque la demande est faible, comme cela s'est produit en 2001, les pressions inflationnistes sont susceptibles de se relâcher. La Banque abaisse alors les taux dans le but de stimuler l'économie et d'absorber les capacités excédentaires, pour ainsi ramener l'inflation au taux cible. L'assouplissement marqué de la politique monétaire en 2001 a joué un rôle déterminant dans la forte augmentation qu'a affichée la demande des ménages au premier semestre de l'année.

Voyons maintenant quelles sont les perspectives de croissance de notre économie. Dans la livraison d'avril du Rapport sur la politique monétaire, nous indiquions que la reprise de l'économie canadienne s'était amorcée plus tôt et avait été considérablement plus vigoureuse que prévu. Les dépenses de consommation et les mises en chantier de logements avaient progressé, stimulées par les mesures monétaires et budgétaires mises en oeuvre. Les exportations canadiennes avaient recommencé à croître sous l'impulsion de la remontée naissante de l'économie américaine. Dans la Mise à jour de ce rapport publiée en juillet dernier, nous observions également une reconstitution des stocks et une hausse des investissements en machines et en matériel, ce qui semblait indiquer que la reprise se généralisait parmi les secteurs d'activité.

Le point de vue que nous exprimions dans la Mise à jour de juillet reste actuel. Comme nous l'avons déclaré il y a deux semaines, l'expansion plus rapide que prévu de la demande intérieure au Canada se poursuit, alimentée par la forte détente monétaire au sein de l'économie. La feuille de route du pays en matière de création d'emplois est absolument remarquable, près de 400 000 postes ayant été créés depuis le début de l'année. Cette forte progression vient renforcer la confiance des consommateurs canadiens et, conjuguée aux investissements continus des petites et moyennes entreprises, elle ouvre la voie à une augmentation de la production et au maintien du niveau élevé de la demande intérieure.

Parallèlement, il subsiste des risques à la baisse et des incertitudes, dont la plupart viennent de l'étranger. Ainsi, les perspectives à court terme d'expansion aux États-Unis et dans les grandes économies d'outre-mer semblent s'être assombries, et les économistes des secteurs public et privé ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance à court terme pour les États-Unis, l'Europe et le Japon. Il se pourrait donc que les exportations canadiennes, déjà légèrement inférieures aux prévisions au deuxième trimestre, continuent de se ressentir du ralentissement de la croissance de la demande mondiale.

La conjoncture géopolitique demeure plutôt instable. En outre, aux États-Unis comme au Canada, on travaille encore à résoudre les problèmes de régie interne qui ont contribué à la volatilité des marchés financiers en 2002. Or, l'histoire nous enseigne qu'en période d'incertitude, les entreprises et les consommateurs ont tendance à reporter leurs décisions d'achat et d'investissement jusqu'à ce que l'horizon s'éclaircisse.

En conclusion, la Banque reste d'avis qu'à mesure que l'économie canadienne poursuivra sa croissance et approchera des limites de sa capacité, il lui faudra continuer de réduire le degré de détente monétaire en temps opportun et avec mesure. Permettez-moi de vous rappeler ce que j'entends par « en temps opportun et avec mesure ». L'importance d'agir « en temps opportun » tient au fait qu'il y a toujours un décalage entre le moment où nous prenons des mesures de politique monétaire et celui où elles se font sentir sur l'économie. Quant à l'expression « avec mesure », elle se rapporte au fait qu'à chaque date d'établissement des taux directeurs, nous formulons des jugements sur le rythme auquel l'économie approche des limites de sa capacité, à la lumière des nouvelles informations et données qui deviennent disponibles.

À l'heure actuelle, nous estimons que l'économie canadienne a maintenu sa vigueur fondamentale depuis la parution, en juillet, de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire. La demande intérieure pourrait être plus forte encore; en revanche, les incertitudes externes qui pèsent sur les perspectives paraissent s'être accentuées par rapport à ce qu'elles étaient au début de juillet.

Nous présenterons le détail de nos prévisions relatives à l'économie canadienne dans la prochaine livraison du Rapport sur la politique monétaire, le 23 octobre.

Il ne fait aucun doute que la dernière année a été riche de défis. Au cours de la dernière décennie, le Canada s'est doté d'un cadre de mise en oeuvre des politiques macroéconomiques qui lui permet de résister aux chocs d'envergure et de saisir les occasions qui se présentent. Nous sommes convaincus que ce cadre continuera de nous servir dans les années à venir.

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18 septembre 2002

Le gouverneur attribue la vigueur de l'économie canadienne au cadre économique solide du pays

Dans un discours qu'il a prononcé aujourd'hui à l'Université de la Colombie-Britannique, le gouverneur de la Banque du Canada, M. David Dodge, a indiqué que l'économie canadienne a montré une vigueur remarquable au cours des deux dernières années, malgré un certain nombre d'éléments défavorables, dont la plupart venaient de l'étranger. L'adoption de cibles de maîtrise de l'inflation, l'assainissement des finances publiques et les initiatives de restructuration des entreprises sont autant de mesures positives prises dans les années 1990 qui permettent aujourd'hui à l'économie de mieux affronter les problèmes, a souligné M. Dodge.
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