Résumé

La façon dont les Canadiens utilisent la monnaie et font leurs paiements est en train de changer, en raison des nouvelles technologies et des plus grandes attentes des consommateurs et des entreprises. Les gens veulent que la monnaie soit sûre et accessible à chacun, mais ils s’attendent aussi de plus en plus à ce que les paiements s’effectuent de manière rapide et efficiente et selon des modalités flexibles. C’est ce qu’on peut déduire au vu de la diminution constante du recours à l’argent comptant, au profit des cartes et des méthodes de paiement électronique. Parallèlement, de nouvelles formes de monnaie voient le jour; numériques, elles présentent des caractéristiques fort différentes de celles de la monnaie traditionnelle.

La Banque du Canada est chargée de préserver la valeur de la monnaie et de fournir aux Canadiens des billets de banque (c’est-à-dire l’argent liquide). Elle a aussi pour mandat de surveiller les systèmes de paiement considérés comme importants ou d’importance systémique, afin d’en assurer la sécurité et l’efficience. Pour s’acquitter efficacement de ces responsabilités, elle doit être prête à s’adapter à l’évolution de l’argent et des paiements au Canada.

Par conséquent, la Banque met en œuvre un ensemble d’initiatives conçues pour l’aider à se préparer à l’avenir de l’argent et des paiements ainsi qu’à différents scénarios qu’elle ne peut pas prévoir pour l’instant. Parmi ces initiatives, les principales visent à :

  • soutenir le projet de modernisation de Paiements Canada afin d’améliorer la rapidité, la fiabilité et l’accessibilité des systèmes de paiement, tout comme l’expérience des utilisateurs finaux;
  • s’assurer que les billets de banque demeurent accessibles aux Canadiens qui veulent les utiliser et à maintenir un modèle de distribution qui reste résilient et économique;
  • se préparer, dans le cadre d’un plan de prévoyance, à mettre à la disposition du public une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) semblable à de l’argent comptant, en cas de besoin.

Pour l’instant, la Banque n’envisage pas d’émettre de MNBC. Toutefois, elle se dotera des moyens nécessaires pour pouvoir émettre une MNBC à usage général, semblable à de l’argent comptant, si le besoin s’en faisait ressentir. Comme cela demandera plusieurs années, elle ne peut pas attendre que le besoin soit manifeste avant de commencer. Il est essentiel qu’elle commence à se préparer à une telle éventualité. En même temps, elle anticipe divers changements possibles dans les domaines de l’argent et des paiements au Canada, à mesure que l’innovation se poursuit.

La Banque envisagera de lancer une MNBC si certains scénarios se matérialisent ou semblent avoir de bonnes chances de se concrétiser. Une MNBC pourrait s’avérer utile, ou même nécessaire :

  • si l’utilisation des billets de banque devait continuer de diminuer jusqu’au point où les Canadiens ne pourraient plus s’en servir pour conclure diverses transactions, ou
  • si une ou plusieurs autres monnaies numériques – probablement émises par des entités du secteur privé – menaçaient d’être largement utilisées à la place du dollar canadien comme méthode de paiement, réserve de valeur et unité de compte.

Dans un cas comme dans l’autre, une MNBC pourrait constituer un moyen de préserver des caractéristiques souhaitables de l’actuel écosystème des paiements, comme l’accès universel à des modes de paiement sûrs, un degré acceptable de confidentialité, la concurrence et la résilience. Le second scénario, en particulier, représenterait un défi majeur pour la souveraineté monétaire du Canada, à savoir l’aptitude de la Banque à maîtriser la politique monétaire et à fournir des services relatifs à sa fonction de prêteur de dernier ressort. D’autres scénarios pourraient aussi se présenter, et il incombe à la Banque de suivre de près les évolutions qui toucheront le secteur des paiements pour déterminer si une MNBC se justifie.

L’émission d’une MNBC aurait de vastes répercussions sur l’économie, le système financier et les activités de la Banque. Avant de s’engager dans cette voie, l’institution devrait donc étudier avec soin d’autres stratégies potentielles pour l’atteinte de ses objectifs de politique publique. Et elle devrait ensuite assurer une gestion prudente des risques connexes, notamment :

  • le risque de nuire à la stabilité du financement des banques par les dépôts ou d’accroître le risque de ruée bancaire;
  • le risque de devenir un véhicule pour les abus financiers, comme le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

La décision de lancer une MNBC nécessiterait aussi l’approbation et le plein appui du gouvernement du Canada, ainsi que l’acceptation des Canadiens. Par ailleurs, les choix de conception seraient déterminants pour atteindre les objectifs de politique publique tout en réduisant les risques.

Voici des étapes importantes dans l’établissement des moyens nécessaires au lancement d’une MNBC :

  • suivi et évaluation des évolutions touchant le secteur des paiements;
  • consultation des parties prenantes externes pour la fixation d’objectifs de politique supplémentaires et l’obtention de l’autorisation légale d’émettre une MNBC;
  • communication ouverte avec le public et les parties prenantes pour solliciter des commentaires et mieux faire connaître les enjeux;
  • approfondissement de la recherche technique, en collaboration avec des partenaires des secteurs public (autres organismes canadiens, banques centrales étrangères, etc.) et privé, afin de choisir et de mettre à l’essai une technologie appropriée.

1. Introduction

Au cours des dernières décennies, au fil des avancées technologiques, les méthodes de paiement des consommateurs ont changé énormément. Elles sont passées essentiellement des supports papier, comme les billets de banque et les chèques, aux supports numériques, comme les cartes de débit ou de crédit, les cartes prépayées, les paiements mobiles (p. ex., Apple Pay et Google Pay) et les transferts électroniques de fonds (p. ex., Virement Interac). On constate même l’utilisation, quoique très limitée, de cryptomonnaies (p. ex., le bitcoin, le litecoin et le Zcash)1. Le Canada ne fait pas exception à cette tendance mondiale.

Dans le cadre de son rôle de surveillance des systèmes de paiement d’importance systémique, la Banque du Canada participe étroitement au projet de modernisation de Paiements Canada. Cette initiative pluriannuelle vise à moderniser l’infrastructure de base actuelle et à lancer le nouveau système de paiement en temps réel comme plateforme d’innovation et de compétitivité2.

En tant que fournisseur des billets de banque canadiens, la Banque veille aussi à ce que le traitement et la distribution de ces billets soient aussi efficients que possible, de telle sorte que l’argent comptant demeure une méthode de paiement viable pendant encore de nombreuses années ̶ un aspect dont l’importance sera analysée ci-après.

Outre ces améliorations, la Banque tente de déterminer si, dans certaines circonstances, une monnaie numérique de banque centrale (MNBC) pourrait jouer un rôle dans l’écosystème des paiements moderne, et, plus précisément, dans sa composante « paiements de détail ». Par MNBC de détail, il faut comprendre un élément de passif de la Banque du Canada qui serait libellé en dollars canadiens et pourrait être détenu et transféré sous forme électronique par le grand public. Comme l’argent comptant, cette monnaie ne rapporterait aucun intérêt et serait accessible à tous.

Comme point de départ, il est utile de rappeler que la Banque du Canada a pour mandat la promotion du bien-être économique et financier des Canadiens. Elle s’emploie à remplir sa mission par l’entremise de ses quatre grandes fonctions :

  • mener la politique monétaire de façon à maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible;
  • favoriser la stabilité et l’efficience du système financier canadien, y compris des systèmes de paiement;
  • fournir aux Canadiens des billets de banque qu’ils peuvent utiliser en toute confiance;
  • procurer des services d’agent financier au gouvernement du Canada.

L’exécution du mandat de la Banque du Canada pourrait être entravée dans deux scénarios. D’une part, si l’utilisation des billets de banque continuait de diminuer jusqu’au point où les Canadiens ne pouvaient plus s’en servir pour conclure diverses transactions, le lancement d’une MNBC pourrait s’avérer utile. D’autre part, si une ou plusieurs autres monnaies numériques menaçaient d’être largement utilisées à la place du dollar canadien comme méthode de paiement, réserve de valeur et unité de compte, alors une MNBC pourrait constituer un mécanisme de défense de la souveraineté monétaire. Si l’un ou l’autre de ces scénarios devait se matérialiser, l’émission d’une MNBC devrait faire partie des mesures à envisager pour permettre à la Banque de continuer à remplir son mandat.

Le présent document traite principalement des politiques liées à une MNBC. La section 2 porte sur les fonctions que la monnaie traditionnelle remplit dans l’économie et qu’une MNBC pourrait être conçue pour reprendre. La section 3 aborde deux scénarios futurs possibles et le rôle qu’une MNBC pourrait jouer dans chacun d’eux. La section 4 explique la manière dont la Banque gérerait certains risques importants, tandis que la section 5 porte sur certaines caractéristiques de conception. La section 6 se penche sur le modèle de gestion, la section 7, sur la stratégie générale orientant le travail que la Banque effectuerait à l’égard d’une MNBC et la section 8, sur les étapes à venir.

2. Considérations d’ordre public

Le système monétaire sert de base aux échanges dans une économie de marché. Un système monétaire fort prend appui sur la confiance, laquelle repose, entre autres, sur la crédibilité de la politique monétaire, la solidité du système bancaire et la primauté du droit.

Le système monétaire est un bien public que procure tout un ensemble d’institutions publiques et privées. Dans notre système, la majeure partie de la monnaie est créée par le secteur privé sous forme de dépôts bancaires. Cependant, la monnaie fournie par la banque centrale aux particuliers (billets de banque) et aux banques (soldes de règlement) sous-tend le système financier. Divers facteurs contribuent à la confiance à l’égard du système, notamment la possibilité de convertir au pair des éléments de passif de banque centrale (billets de banque et soldes de règlement) en éléments de passif de banque commerciale (dépôts bancaires). D’autres politiques, comme l’assurance-dépôts qui est offerte aux épargnants par le gouvernement, aident également à fournir la certitude que les dépôts bancaires détenus auprès d’une banque commerciale peuvent être convertis au pair en dépôts dans d’autres banques et en billets émis par la banque centrale.

Dans ce contexte, les Canadiens s’attendent à ce que leur monnaie présente les caractéristiques suivantes :

  • Sûreté. La monnaie doit être une réserve de valeur sûre que les consommateurs peuvent utiliser en toute confiance lorsqu’ils effectuent des paiements.
  • Accès universel. Comme l’argent est essentiel à la participation à l’économie, la monnaie doit être accessible à tous.
  • Confidentialité. Les Canadiens se préoccupent du maintien d’un degré approprié de confidentialité, aussi bien en ce qui concerne les entreprises privées, comme les commerçants et les fournisseurs de services de paiement, que le gouvernement. Les résultats de la tenue de nos premiers groupes de discussion font ressortir l’importance que les utilisateurs des systèmes de paiement accordent à la confidentialité. La détermination de ces paramètres (quel niveau de confidentialité? et vis-à-vis de qui?) constitue d’ailleurs un enjeu d’intérêt public majeur. Diverses politiques sont déjà en place pour veiller à ce que les instruments de paiement de toutes sortes ne soient pas utilisés à des fins illégales et que les données personnelles soient protégées.
  • Résilience. Puisqu’elle est indispensable aux transactions économiques, la monnaie doit être disponible en tout temps, peu importe les circonstances.
  • Concurrence et efficience. La nature relativement concentrée du système financier canadien a été citée comme l’un des facteurs contribuant aux frais élevés que fixent les réseaux de cartes de crédit et qui sont souvent transmis aux commerçants. Une concurrence accrue en termes de modes de paiement permettrait de réduire les coûts et d’améliorer l’efficience et les niveaux de service, tout en favorisant l’innovation et l’offre d’une plus vaste gamme de produits.
  • Souveraineté monétaire. Le fait d’avoir une monnaie nationale comme unité de compte dominante contribue à l’intégration de l’économie nationale. Cela permet aussi à la banque centrale de conduire la politique monétaire de manière indépendante et d’agir à titre de prêteur de dernier ressort pour préserver la stabilité financière. Par conséquent, si l’évolution des modes de paiement – comme le passage progressif des billets de banque aux cartes – n’a pas posé de problème pour la souveraineté monétaire, celle-ci pourrait fort bien être mise en péril advenant l’utilisation généralisée d’un instrument de paiement libellé dans une devise autre que le dollar canadien.

L’argent comptant (c’est-à-dire les billets) émis par la banque centrale répond à tous ces critères et objectifs de politique publique. Élément de passif de banque centrale entièrement garanti par le gouvernement, c’est la forme de monnaie la plus sûre. Il peut encore être utilisé dans un vaste éventail de transactions, bien qu’il soit de moins en moins populaire. C’est le seul instrument de paiement réellement anonyme, en ce sens qu’il permet aux Canadiens d’effectuer des achats sans partager de renseignements personnels. Compte tenu de sa nature tangible, l’argent comptant représente une méthode de paiement extrêmement résiliente qui peut être utilisée, pour les transactions en personne, même si l’infrastructure physique sur laquelle s’appuient les autres mécanismes est compromise (p. ex., dans le cas d’une panne d’électricité). Enfin, il favorise la concurrence dans l’écosystème des paiements en offrant une option à faible coût, fiable et omniprésente, face aux méthodes de paiement du secteur privé.

La monnaie issue de sources privées permet aussi de satisfaire bon nombre de ces attentes. Les dépôts bancaires sont protégés par un programme gouvernemental d’assurance-dépôts et un régime réglementaire rigoureux. Le Canada affiche un degré élevé d’inclusion financière, environ 99 % des Canadiens possédant des comptes bancaires (Henry, Huynh et Welte, 2018). En revanche, le nombre de Canadiens sous-bancarisés est supérieur à celui des non-bancarisés, compte tenu, souvent, de frais bancaires élevés. Bien que les fournisseurs de services de paiement commerciaux (p. ex., les fournisseurs de cartes de débit et de crédit) voient les transactions dans leurs systèmes, les commerçants n’ont pas accès aux renseignements personnels des utilisateurs. Une focalisation sur la sécurité et d’excellents systèmes de sauvegarde viennent appuyer la résilience. La concurrence dans les services de paiement est soutenue par les diverses options de paiement électronique (cartes de crédit et de débit, Virement Interac, etc.) qui progresseront peut-être encore davantage après la mise en œuvre du système de paiement en temps réel, puisque Paiements Canada envisage de permettre aux fournisseurs de services de paiement non bancaires d’y accéder.

3. Scénarios futurs

Le système monétaire du Canada et le rôle des billets de banque dans ce cadre servent bien les Canadiens. D’après nos recherches à ce jour, il n’existe actuellement aucun argument convaincant en faveur de la création d’une MNBC. Le système en place offre aux Canadiens des options de paiement qu’ils peuvent utiliser en toute confiance et qui procurent un degré élevé de résilience et de confidentialité. Néanmoins, au gré des progrès technologiques, on pourrait voir apparaître certaines conditions plaidant en faveur de l’introduction d’une forme numérique de monnaie de banque centrale, accessible à tous les Canadiens. Dans cette section, nous nous penchons sur deux grands scénarios, dans lesquels la décision d’émettre une MNBC ne serait pas automatique. La Banque et le gouvernement devraient analyser les objectifs de politique publique, évaluer les différents moyens de les atteindre et gérer les risques connexes.

Scénario 1 : Une économie sans argent comptant

Depuis quelques années, les consommateurs canadiens utilisent considérablement moins les billets de banque dans leurs transactions. Ce changement s’explique principalement par la commodité grandissante des modes de paiement électroniques qui reposent sur le réseau bancaire, notamment les cartes de crédit et de débit. Cette tendance pourrait bien se poursuivre, par exemple, au fil de nouveaux progrès dans les paiements numériques, comme un déploiement réussi du système de paiement en temps réel de Paiements Canada. De surcroît, si un nombre important de commerçants décidaient de refuser l’argent comptant et si les banques devaient commencer à réduire leurs services de traitement de numéraire, la tendance risquerait même de s’accentuer. Si ces conditions se voyaient réunies, il se pourrait que l’on atteigne un point de basculement où les consommateurs ne seraient plus en mesure de payer leurs achats facilement en argent comptant. À titre indicatif, en Suède, la baisse marquée de l’utilisation des billets de banque a déjà suscité un débat public sur la possibilité d’émettre une MNBC (Sveriges Riksbank, 2017, 2018).

Selon toute vraisemblance, l’utilisation des billets de banque à des fins transactionnelles devrait continuer de décliner au Canada, à mesure que les options de paiement s’amélioreront et que les consommateurs se familiariseront avec le commerce électronique et les technologies de paiement sans contact. En 2017, seulement 33 % des transactions aux points de vente (ou 15 % en termes de valeur) ont été réglées en argent comptant. En 2009, cette proportion s’élevait à 54 %3. Quelque 9 % des répondants à notre enquête de 2019 sur les solutions de rechange à l’argent comptant ont affirmé qu’ils n’utilisaient pas d’argent liquide, tandis que 6 % ont déclaré qu’ils envisageaient d’en cesser l’utilisation d’ici cinq ans (Huynh, Nicholls et Nicholson, à paraître)4.

Il n’est pas aussi évident au Canada qu’en Suède que nous soyons près d’un point de basculement dans l’utilisation de l’argent comptant (Engert, Fung et Segendorf, 2019). Ici, l’acceptation des billets de banque par les commerçants a été renforcée par les caractéristiques des cartes de crédit. L’utilisation de ces dernières est souvent privilégiée par les Canadiens en raison des primes (p. ex., les programmes de points) auxquelles elles donnent droit. Du point de vue des commerçants, toutefois, elles représentent la méthode de paiement la plus coûteuse. S’ils refusent l’argent comptant, les commerçants risquent de pousser davantage de leurs clients à utiliser des cartes de crédit, ce qui pourrait leur occasionner des frais supplémentaires, comme les commissions d’interchange. Malgré tout, certains commerçants sont arrivés à la conclusion que l’argent comptant leur coûtait plus cher et n’acceptent maintenant que les paiements par carte. La perte de popularité du numéraire et le potentiel de renforcement des comportements par les commerçants et les banques forment une situation complexe que la Banque surveille étroitement. L’un des principaux enjeux consiste à définir le niveau minimal d’utilisation de l’argent comptant qui serait acceptable ou nécessaire.

Le jour où l’argent comptant ne sera plus accepté pour régler des transactions au Canada, certains des avantages énumérés précédemment (sûreté, accès universel, confidentialité, résilience et concurrence) disparaîtront5. Quelle serait alors la gravité de la situation?

En ce qui a trait à la sûreté, les ménages perdraient l’accès à une méthode de paiement directement garantie par la banque centrale, une institution publique de confiance. Dans le système canadien actuel, toutefois, l’argent comptant n’est pas le seul actif sûr : la majorité des dépôts bancaires des particuliers sont entièrement protégés contre les pertes par l’assurance-dépôts gouvernementale6. Cependant, le public ne perçoit peut-être pas toujours ces dépôts comme aussi sûrs que le numéraire. Même s’il n’y avait plus du tout de billets de banque, les éléments de passif de banque centrale de gros pourraient être convertis au pair en monnaie de banque commerciale, ce qui garantirait implicitement les dépôts bancaires des épargnants. Malgré ce soutien de la monnaie de banque commerciale par le secteur public, il pourrait néanmoins y avoir encore des circonstances qui amènent les particuliers à douter de la sûreté de leurs dépôts bancaires.

Sur le plan de l’accès universel, on se préoccupe du fait que dans une société sans argent comptant, il serait difficile pour certains segments de la population d’effectuer des achats et de recevoir des fonds. Par opposition, l’argent comptant est accessible aux personnes de tous âges et niveaux de revenu. Si la plupart des adultes canadiens possèdent un compte bancaire7, ils n’ont pas tous la possibilité d’utiliser des méthodes de paiement bancaire à un coût raisonnable. En effet, ils peuvent se voir imposer des frais de transaction élevés et d’autres contraintes. Par ailleurs, certaines personnes vivent dans des régions où les banques estiment qu’il n’est pas rentable de maintenir une succursale. Les membres de notre société qui ont peu ou pas accès à des services bancaires sont souvent déjà désavantagés. Il peut s’agir notamment de personnes à faible revenu, de résidents de collectivités éloignées, dont des Autochtones, de personnes vivant avec une déficience visuelle, un autre handicap ou une maladie mentale, de Néo-Canadiens ou de visiteurs au Canada. Si jamais l’acceptation de l’argent comptant devait tomber sous un seuil préétabli, il serait d’intérêt public de veiller à ce que ces groupes de personnes désavantagées disposent d’un accès raisonnable à d’autres méthodes de paiement.

L’impossibilité de régler des paiements en liquide soulève également des préoccupations en matière de confidentialité (voir Garratt et Van Oordt, 2019). Les Canadiens ne seraient plus en mesure de payer des biens et services de façon anonyme ou sans laisser de trace de leurs transactions aux banques et aux autres entreprises. Les données relatives aux paiements deviennent de plus en plus importantes pour divers médias sociaux et entités commerciales qui sont capables de les monétiser, à leur profit, et souvent, sans que les utilisateurs finaux le sachent ou y consentent. Bien entendu, la confidentialité n’a pas que de bons côtés, car elle peut dissimuler des transactions illicites, telles que celles liées au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et à l’évasion fiscale.

Un écosystème des paiements sans argent comptant pourrait aussi présenter une résilience inférieure. L’argent comptant peut en effet se révéler utile en cas de pannes des systèmes informatiques ou d’électricité. Or, cette option de secours serait perdue si plus personne ne l’utilisait.

La disparition de l’argent comptant éliminerait un choix dont peuvent se prévaloir les Canadiens qui trouvent les autres méthodes de paiement trop coûteuses, ce qui réduirait la concurrence dans le marché des paiements. Une concurrence adéquate entre les méthodes de paiement du secteur privé ou une nouvelle solution issue du secteur public pourrait s’avérer nécessaire pour éviter des prix élevés et des services limités.

La Banque du Canada envisagerait d’émettre un équivalent numérique à l’argent comptant sous forme de MNBC s’il apparaissait que le Canada allait devenir une société sans argent comptant et que les conséquences négatives potentielles de cette transformation étaient jugées importantes, en particulier pour les groupes désavantagés. Une telle MNBC posséderait les mêmes caractéristiques que l’argent comptant et pourrait être utilisée pour un vaste ensemble de transactions en personne, voire en ligne. Il faudrait qu’elle soit peu coûteuse à utiliser pour les ménages et économique à traiter pour les commerçants et les banques. Dans ce scénario, le public et le gouvernement du Canada seraient appelés à établir si les conséquences négatives possibles d’une société sans argent comptant seraient suffisantes pour justifier la création d’une MNBC. À titre d’indication, 46 % des répondants à notre récente enquête sur les solutions de rechange à l’argent comptant ont stipulé que sa disparition serait problématique8.

Si l’évolution vers une société sans argent comptant s’effectuait rapidement au Canada, la création d’une MNBC ne serait pas la seule mesure viable possible. Avant que les choses aillent trop loin, on pourrait ralentir la tendance en optimisant l’infrastructure de traitement et de distribution des billets de banque afin de maintenir leur coût à un niveau avantageux. Des efforts en ce sens sont déjà bien entamés et vont se poursuivre. D’autres mesures pourraient être prises pour faire en sorte que l’argent liquide demeure une méthode de paiement disponible. Par exemple, certains pays envisagent ou adoptent des lois et règlements visant à changer la définition du cours légal, de sorte que les points de vente soient obligés d’accepter l’argent comptant comme mode de paiement. Les coûts et les avantages d’une modification de la législation régissant le cours légal au Canada devraient faire l’objet de recherches, tout comme l’incidence d’une situation où l’argent comptant ne serait plus utilisé dans les transactions mais demeurerait en circulation à cause de sa fonction de réserve de valeur.

Des mesures telles qu’une meilleure surveillance des fournisseurs de services de paiement du secteur privé aideraient à gérer les conséquences négatives d’une société sans argent comptant. Elles viendraient s’ajouter au régime réglementaire de la Banque pour les systèmes de paiement cruciaux et d’importance systémique, qui garantit que les systèmes de paiement nationaux majeurs répondent à des normes acceptables et à des objectifs stratégiques d’ordre public. Le gouvernement du Canada a proposé la mise en œuvre d’un nouveau cadre de surveillance des paiements de détail en vertu duquel les fournisseurs de services de paiement autres que des banques pourraient continuer à offrir des services innovants, fiables et sûrs. Le cadre exigerait des fournisseurs de services de paiement qu’ils adoptent de saines pratiques pour la gestion des risques opérationnels et qu’ils protègent les utilisateurs contre les pertes. La Banque du Canada serait chargée de surveiller le respect des différentes exigences opérationnelles et financières par les fournisseurs de services de paiement, et maintiendrait un registre public des fournisseurs de services de paiement réglementés. Ce régime permettrait également d’améliorer l’accès au bilan de la Banque et aux systèmes de paiement de base, ce qui contribuerait à développer la concurrence au sein des services de paiement.

D’autres mesures sont prises actuellement pour améliorer les systèmes de paiement électronique du secteur privé. Parmi celles-ci, on compte le projet de modernisation de Paiements Canada (y compris son système de paiement en temps réel) et d’autres initiatives pour favoriser l’entrée, le choix des consommateurs et la concurrence dans le marché des systèmes de paiement. Outre ce qui est déjà prévu, il conviendrait d’envisager des mesures complémentaires pour atténuer les conséquences négatives d’une société sans argent comptant, notamment l’établissement d’une identité numérique commune, la promotion de l’accès universel à des comptes bancaires économiques, le renforcement des lois et règlements sur la confidentialité et l’amélioration de la résilience des systèmes de paiement privés.

Scénario 2 : Monnaies numériques privées

Avec l’avènement des cryptomonnaies, notamment des cryptomonnaies stables, la possibilité qu’une ou plusieurs monnaies numériques créées par des entités du secteur privé jouent un rôle croissant dans le domaine des paiements est de plus en plus prise en considération9.

Ce scénario est-il vraisemblable? Il est peu probable que le bitcoin ou d’autres cryptomonnaies similaires jouent un rôle important dans les paiements au Canada, en raison de leur coût de transfert élevé, de leur manque d’extensibilité et de l’instabilité du pouvoir d’achat qu’elles confèrent. Jusqu’à présent, les cryptomonnaies ont été très peu utilisées dans le cadre de transactions, et d’après notre récente enquête-omnibus sur le bitcoin, seulement 5 % des Canadiens, environ, en détiennent actuellement (Henry et autres, 2019).

Il est peut-être plus plausible que les cryptomonnaies stables aient un effet perturbateur. Ce type de cryptomonnaies est conçu dans l’espoir de maintenir une valeur stable par rapport à une devise, un produit de base ou un panier d’actifs, moyennant souvent une garantie partielle ou totale. Cela permet d’atténuer la forte volatilité de la valeur, un facteur qui a évidemment entravé la capacité des cryptomonnaies de s’établir en tant que mode de paiement. Par contre, rien n’indique que les monnaies stables respectent les autres critères qui ont permis aux monnaies fiduciaires traditionnelles de maintenir leur domination. On dénombre actuellement environ 150 cryptomonnaies stables dans le monde. La plupart d’entre elles n’ont pas eu beaucoup de succès jusqu’à maintenant. En 2019, toutefois, la libra proposée par Facebook a évoqué la possibilité qu’une plateforme prête à l’emploi s’appuyant sur un réseau établi d’utilisateurs puisse rapidement gagner la confiance et s’imposer à l’échelle mondiale. Un scénario similaire pourrait se produire si une MNBC émise par une banque centrale étrangère commençait à être largement utilisée au Canada10.

D’autres produits numériques verront probablement le jour à la faveur des avancées technologiques et de l’évolution du marché. De nouveaux produits sont lancés tous les mois, et il se peut que l’un d’entre eux soit suffisamment attrayant pour représenter une solution de rechange plausible.

L’utilisation généralisée de n’importe quelle monnaie numérique poserait des problèmes en matière de sûreté. Comme les monnaies numériques privées ne sont pas garanties par une banque centrale ni par une assurance-dépôts, elles sont sujettes à des risques opérationnels et financiers auxquels échappent l’argent comptant et les dépôts bancaires11. De plus, dans le cas d’une monnaie numérique privée sans autorité de gouvernance centrale, la surveillance réglementaire serait plus difficile à mettre en œuvre, et les gouvernements pourraient difficilement protéger les utilisateurs finaux. La sûreté serait particulièrement menacée si de multiples monnaies numériques privées devaient émerger, parce que les consommateurs peineraient à comprendre les risques associés à chacune d’elles. La nécessité d’examiner la sûreté de chaque monnaie numérique pourrait aussi mettre en péril l’efficience fondamentale des transactions économiques.

Par ailleurs, une menace planerait sur la souveraineté monétaire du Canada si une monnaie numérique privée qui n’est pas libellée en dollars canadiens devait jouer un rôle majeur dans le secteur des paiements au pays (voir Davoodhalhosseini, Rivadeneyra et Zhu, 2020, Diez de los Rios et Zhu, 2020, ainsi que G7, 2020). Une utilisation généralisée d’une telle monnaie numérique comme unité de compte porterait atteinte à la capacité de la Banque du Canada d’assurer la stabilité des prix et la stabilité financière, pour les raisons suivantes :

  • le pouvoir d’achat des ménages dépendrait de la valeur de cette monnaie numérique sur laquelle la Banque du Canada n’exercerait aucune influence;
  • le principal outil de mise en œuvre de la politique monétaire de la Banque du Canada, le taux cible du financement à un jour en dollars canadiens (mais aussi le coût d’emprunt et le rendement des soldes de règlement détenus à la Banque), n’influencerait plus les taux d’intérêt en vigueur sur les prêts et l’activité économique au Canada;
  • les politiques liées au rôle de prêteur de dernier ressort ne peuvent être mises en œuvre que dans la monnaie émise par la banque centrale.

La concurrence dans l’économie globale pourrait être mise à mal si un géant des technologies émettait une monnaie numérique, parce qu’il serait susceptible de profiter de sa position dominante dans un secteur pour contrôler les paiements et la concurrence dans d’autres secteurs. Cet émetteur serait également incité à exploiter commercialement les données générées par l’utilisation de sa monnaie, ce qui nuirait à la confidentialité. La résilience serait aussi touchée si les transactions devenaient concentrées dans une seule monnaie numérique, car toute défaillance opérationnelle aurait de vastes répercussions sur l’économie et le système financier. Enfin, l’accès universel pourrait être limité, étant donné que tout le monde ne peut pas facilement accéder aux plateformes numériques et que celles-ci pourraient être activement restreintes par les fournisseurs privés12.

La Banque du Canada envisagera d’émettre une MNBC si des monnaies numériques privées semblent sur le point de compromettre les avantages pour la société liés au dollar canadien13. Contrairement aux monnaies numériques privées, une MNBC serait garantie par une institution ayant des objectifs et responsabilités clairs en matière de politique publique et tout le poids de la confiance du public derrière elle.

L’émission d’une MNBC n’est pas la seule option envisageable si ce scénario se concrétisait. Du reste, la combinaison adéquate des mesures à prendre dépendrait des facteurs plaidant justement pour l’utilisation d’une monnaie différente. La mise en œuvre d’une réglementation régissant les monnaies numériques privées pourrait atténuer certains des aspects négatifs. Une telle réglementation devrait faire en sorte que les monnaies numériques privées qui jouent un rôle important dans l’économie canadienne respectent des normes acceptables, y compris en matière d’intégrité, de résilience opérationnelle, de confidentialité, de protection des données personnelles et de concurrence loyale. En général, le principe de mêmes activités, mêmes risques, mêmes règles devrait s’appliquer aux monnaies numériques privées de sorte qu’elles se conforment aux mêmes normes rigoureuses que les systèmes de paiement existants. Les monnaies numériques privées qui y dérogent ne devraient pas être autorisées à jouer un rôle dans l’économie canadienne. Compte tenu de la portée internationale de bon nombre des monnaies numériques privées, l’approche réglementaire doit aussi faire l’objet d’une coordination à l’échelle mondiale. La Banque du Canada collabore avec le Conseil de stabilité financière dans le but de relever les écarts entre les cadres réglementaires en vigueur et d’atteindre un niveau acceptable d’harmonisation14.

En outre, l’amélioration des systèmes de paiement en place réduira la probabilité que les Canadiens se tournent vers des monnaies numériques privées. À cet égard, la Banque soutient le projet de modernisation de Paiements Canada qui vise à améliorer les systèmes de paiement de base au pays. Ces efforts devront toutefois se poursuivre et s’élargir au fil de l’évolution des moyens de paiement et de la monnaie. Par exemple, de nombreuses monnaies numériques privées visent à améliorer les paiements transfrontaliers. En conséquence, les banques centrales et d’autres autorités mondiales ont entrepris des travaux pour repérer et éliminer les obstacles à des paiements transfrontaliers plus rapides et moins coûteux.

4. Gestion des risques

Fragilités au sein du système bancaire

Une MNBC serait conçue de façon à limiter son attrait par rapport aux dépôts bancaires15. À cette fin, ses caractéristiques la rendraient comparable à l’argent comptant et elle ne rapporterait pas d’intérêt. Cela atténuerait les effets néfastes sur la stabilité financière qui pourraient survenir si les banques devaient recourir à des formes de financement plus chères et plus précaires pour remplacer le financement fourni par les dépôts16.

Comme le système bancaire canadien est résilient et bien doté en capital, les effets sur la stabilité financière de faibles retraits de dépôts ensuite convertis en MNBC seraient modestes. Les dépôts de détail constituent une importante source de financement stable et peu coûteux pour les banques canadiennes, mais il ne s’agit que d’une source de financement parmi tant d’autres. Si des dépôts bancaires devaient être retirés et convertis en MNBC, les banques pourraient recourir davantage à d’autres sources de financement et prendre les mesures nécessaires pour conserver les dépôts en offrant une meilleure proposition de valeur à leurs clients (p. ex., des taux d’intérêt plus élevés ou des services améliorés). Qu’une MNBC soit émise ou non, les banques devront être prêtes à prendre ces mesures, car d’autres évolutions ont vocation à accroître la concurrence dans les domaines du financement par les dépôts et des services de paiement au Canada, notamment :

  • la modernisation des systèmes de paiement;
  • de nouvelles politiques relatives à l’accès aux données sur les consommateurs;
  • une nouvelle concurrence de la part de sociétés financières misant sur les technologies.

La capacité de convertir des dépôts en espèces ou en dépôts à une autre banque affermit la confiance en temps normal. Toutefois, dans des cas très rares, elle peut aussi permettre des retraits massifs, qui peuvent déstabiliser les banques sur le plan individuel ou, au pire, l’ensemble du système bancaire. Ce phénomène est connu sous le nom de « ruée bancaire ». L’existence d’une MNBC pourrait, dans certaines situations, faciliter ces ruées bancaires et ainsi les rendre plus probables.

Il faut tenir compte de plusieurs facteurs d’atténuation lorsqu’on évalue la capacité d’une MNBC de rendre les ruées bancaires plus probables. Au Canada, les ruées bancaires causées par des petits déposants sont rares, car le système bancaire et la réglementation connexe sont tous deux solides. Les incitations à effectuer des retraits massifs sont limitées, compte tenu du niveau de protection que confèrent une réglementation et une surveillance efficaces, le mécanisme de résolution des défaillances bancaires qui est en place ainsi que l’assurance-dépôts. L’efficacité de ces dispositifs n’est toutefois pas garantie en toutes circonstances, comme on l’a constaté dans d’autres pays. Jusqu’à présent, la fréquence des ruées bancaires attribuables à de petits déposants ne semble pas s’être accrue à l’échelle mondiale, même s’il est maintenant plus facile de retirer de l’argent à n’importe quel moment grâce entre autres aux guichets automatiques, aux services bancaires en ligne et à la plus grande rapidité des systèmes de paiement de détail. Qui plus est, les gros déposants disposent déjà de nombreux moyens pour retirer rapidement leurs fonds des banques, y compris en achetant des bons du Trésor ou en virant des fonds vers d’autres banques canadiennes ou étrangères.

Il est peu probable que des dépôts soient retirés massivement et de façon déstabilisante au profit d’une MNBC, mais la Banque du Canada doit quand même être prête à faire face à cette éventualité. Elle doit être en mesure de fournir des liquidités à toute institution solide qui subirait des retraits de dépôts de ce genre. La Banque compte déjà plusieurs mécanismes d’octroi de liquidités qui lui permettent de s’acquitter de sa fonction de prêteur de dernier ressort, qui est l’un des rôles traditionnels des banques centrales.

Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre les effets qu’aurait une MNBC sur le système bancaire canadien, l’incidence des différents choix de conception pour cette monnaie et les politiques qui seraient requises pour assurer la stabilité sur le plan des dépôts bancaires et prévenir toute autre conséquence inattendue.

Des flux financiers à destination ou en provenance d’une MNBC qui s’avéreraient plus importants et plus volatiles que prévu poseraient également deux problèmes importants pour le cadre de mise en œuvre de la politique monétaire et le bilan de la Banque. Premièrement, une hausse des soldes de trésorerie et de MNBC ferait gonfler la taille du bilan de la Banque. Les achats d’actifs qu’elle devrait alors effectuer la pousseraient à réévaluer ses modalités d’intervention afin de ne pas prendre un rôle prépondérant dans le marché des titres du gouvernement du Canada. Deuxièmement, une MNBC pourrait causer une hausse importante de la volatilité quotidienne du bilan de la Banque. Cela fait de nouveau ressortir le besoin, pour les mécanismes d’octroi de liquidités, de neutraliser ces variations afin de ne pas mettre en péril la capacité de l’institution de mettre en œuvre sa politique monétaire.

Abus au sein du système financier

Bien que la confidentialité soit une des caractéristiques principales de la monnaie, il serait presque certainement inacceptable qu’une MNBC offre le même degré d’anonymat que l’argent comptant. Par exemple, si une MNBC était mise en œuvre sous la forme de chaîne de blocs publique sans permission, elle pourrait être un moyen d’effectuer des transactions abusives en facilitant le blanchiment d’argent, le financement d’activités terroristes, les activités criminelles et l’évasion fiscale. Une MNBC pourrait donc être conçue de façon à procurer une certaine forme de confidentialité plutôt que l’anonymat associé à l’argent comptant. Elle serait ainsi conforme aux règles concernant entre autres la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement d’activités terroristes, qui requièrent la divulgation de certains types de renseignements personnels. Il faudra réaliser des analyses supplémentaires pour déterminer quelles mesures prendre pour la créer ainsi, notamment sur les plans technologique et de la gouvernance. Par ailleurs, nos recherches initiales indiquent que la MNBC pourrait présenter un haut degré de confidentialité tout en permettant une divulgation de renseignements adéquatement contrôlée, par exemple uniquement sur présentation d’un mandat judiciaire (Darbha et Arora, à paraître). Pour être acceptable, la MNBC devra s’accompagner de mesures de contrôle qui assureront sa conformité à la législation en vigueur tout en offrant un degré acceptable de confidentialité.

5. La conception est déterminante pour une adoption généralisée

La MNBC devrait être conçue de manière à favoriser son adoption et son utilisation par le public. De plus, le soutien du gouvernement (notamment pour ce qui est des modifications législatives requises) serait aussi nécessaire. Une adoption généralisée ne signifie pas que la majorité des transactions seraient effectuées avec cette monnaie, mais plutôt que la plupart des Canadiens accepteraient de la détenir et de l’utiliser pour au moins certains paiements.

La conception technique d’une MNBC demandera plusieurs années d’efforts et une interaction étroite avec les parties prenantes et la population. Cependant, des travaux d’analyse ont déjà contribué à orienter la conception et la possible adoption d’une telle monnaie17. Il faudra concilier divers facteurs importants touchant les avantages pour l’intérêt public, l’adoption par la population et la viabilité politique dans la prise des décisions concernant la conception. Par exemple, une MNBC qui offrirait une protection très élevée des renseignements personnels pourrait susciter des préoccupations liées à la lutte contre le blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.

Tout comme le contexte juridique et réglementaire, l’écosystème du modèle de gestion et la stratégie de mise en œuvre, la technologie a un rôle déterminant à jouer dans la création d’un système qui appuierait les grands objectifs décrits précédemment. Pour des précisions, voir Shah et autres (2020). La conception technique définitive devrait intégrer les caractéristiques suivantes :

  • Une monnaie comparable à l’argent comptant. La technologie sur laquelle reposerait cette nouvelle forme de monnaie devrait pouvoir permettre les virements entre particuliers et leur règlement immédiat, offrir un bon niveau de confidentialité (et non d’anonymat), être très résiliente en cas d’une défaillance de l’infrastructure et être universellement accessible.
  • Une monnaie adaptée à un monde de plus en plus numérique. Étant donné qu’elle pourrait être utilisée en ligne, cette technologie protégerait mieux contre le vol et l’usage illicite que l’argent liquide. Elle serait conçue pour pouvoir être adaptée à de nouveaux types de transactions électroniques (p. ex., les paiements entre machines ou l’Internet des objets).
  • Accessibilité universelle. Le système devrait être conçu de manière à pouvoir suivre l’évolution des interfaces employées par les utilisateurs (téléphones intelligents, montres intelligentes, ordinateurs personnels, Internet des objets, etc.) et inclure un dispositif d’accès universel favorisant autant l’accessibilité (inclusion financière et numérique) que la résilience. Pour un complément d’information, voir Miedema et Minwalla (à paraître).
  • Paiement d’intérêts. Comparable à l’argent comptant, la MNBC qui est envisagée ne produirait pas d’intérêts. Ce serait toutefois techniquement possible, en particulier dans le cas des modèles conceptuels reliant les utilisateurs au moyen d’un réseau18. Le paiement d’intérêts serait plus complexe à mettre en œuvre dans le cas d’un dispositif d’accès universel fonctionnant sans réseau, puisque le système devrait tenir compte des taux d’intérêt applicables et des heures des transactions. Il existe diverses solutions envisageables, mais qui demanderaient toutes des recherches supplémentaires.
  • Résilience et sûreté des paiements. Le système de MNBC pourrait être conçu de manière à être extrêmement fiable, à condition que l’infrastructure sous-jacente fonctionne normalement. En cas de défaillance de l’infrastructure, comme une panne d’électricité ou des réseaux cellulaires, le concept d’un dispositif d’accès universel offrirait une grande résilience, puisqu’il ne requiert pas d’accès aux réseaux électriques ou cellulaires. (Le dispositif fonctionne avec une pile, qui pourrait être de longue durée.) Si un niveau de résilience encore plus élevé s’avérait nécessaire, il serait possible d’utiliser un système sans aucun lien avec l’infrastructure des autres systèmes de paiement, sauf pour ce qui est des transferts requis entre la monnaie de banque commerciale et la MNBC en question. La résilience aux cyberattaques serait un autre aspect important de la conception. Même si la MNBC représentait une cible de grande valeur pour des cyberattaques, l’ensemble des outils de sécurité disponibles permettrait de contrer ce type de risque. La sécurité doit être un aspect essentiel de la conception dès le départ. Pour un complément d’information, voir Minwalla (à paraître).
  • Confidentialité des paiements. Les travaux préliminaires donnent à penser qu’il serait possible de créer une monnaie hautement confidentielle qui soit en même temps conforme à la réglementation exigeant la divulgation de certains renseignements, telle que les règles relatives à la lutte contre le blanchiment d’argent. Pour des précisions à ce sujet, voir Darbha et Arora (à paraître). L’anonymat associé à l’argent comptant ne pourrait pas être un objectif à viser dans le cas d’une MNBC, car celle-ci serait alors énormément utilisée pour des activités illicites et ne respecterait pas la réglementation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
  • Intégration aux systèmes de paiement existants. Une MNBC interagirait forcément avec les systèmes de paiement existants. Au bas mot, les connexions aux autres systèmes de paiement devraient permettre aux utilisateurs finaux d’obtenir des fonds en MNBC ou de transformer ces fonds en une autre forme de monnaie. Selon certains modèles, les réseaux de paiement actuels pourraient aussi procurer les services de paiement et de virement nécessaires pour une MNBC.

Pour être couronnée de succès, une MNBC devrait être largement adoptée par la population et soutenue par le gouvernement. En fait, pour satisfaire les grands objectifs visant à offrir un accès universel et à accroître la résilience, l’acceptation d’une MNBC devrait être quasi complète. Le produit devrait donc être concurrentiel par rapport aux autres méthodes de paiement, en termes d’accès, de commodité, de sûreté, de polyvalence, de facilité d’utilisation et de coût. Des caractéristiques uniques comme le fait d’être sans risque, de fonctionner hors ligne et d’être accessible à tous contribueront à stimuler davantage la demande du public pour ce produit que pour les services du secteur privé. Il faudra choisir avec soin le modèle et la démarche de mise en œuvre. Le recul de l’utilisation de l’argent comptant démontre que, dans de nombreuses circonstances, les Canadiens accordent plus de valeur à la commodité qu’aux caractéristiques fondamentales comme la confidentialité, la sûreté et la résilience. Cela dit, la conception de la MNBC doit tout de même accorder une grande place à ces caractéristiques de base.

On trouve les premiers résultats de recherche sur l’introduction d’une MNBC dans Huynh, Nicholls et Shcherbakov (2019) et Jiang (à paraître). D’après les premières réactions de la population, obtenues dans le cadre de groupes de discussion, il existerait une demande de base pour cette monnaie, mais peut-être pas substantielle pour le moment. Il faudra mener d’autres travaux de recherche sur le niveau d’adoption nécessaire pour atteindre les grands objectifs visés ainsi que sur la demande probable des utilisateurs selon les facteurs de conception à l’étude.

6. Modèles de gestion

L’un des aspects importants à prendre en considération dans la conception d’une MNBC est de choisir un modèle de gestion adéquat. Le modèle devrait permettre d’atteindre les grands objectifs associés à cette forme de monnaie tout en étant conforme aux bonnes pratiques de gestion de la Banque :

  • gestion efficace des coûts;
  • utilisation innovatrice de la technologie;
  • établissement et gestion de partenariats stratégiques;
  • maintien de l’agilité.

L’un des modèles de gestion à envisager pourrait s’inspirer de l’approche actuelle en ce qui concerne la production et la distribution des billets de banque : une association entre les secteurs public et privé reposant sur des partenariats avec des fournisseurs d’éléments de sécurité, des sociétés d’impression de billets de banque, des institutions financières réglementées et d’autres parties prenantes. Cependant, d’autres modèles de gestion pourraient aussi être viables et présenter des avantages dans le contexte d’une ère numérique marquée par les attentes des consommateurs en matière d’innovation19.

Parmi les options éventuelles, il y aurait un modèle « direct », dans le cadre duquel la Banque fournirait une MNBC aux consommateurs sans l’aide d’intermédiaires. La Banque offrirait tous les produits (applications pour téléphones intelligents, dispositifs d’accès universel) et services destinés aux utilisateurs finaux. Une autre solution serait un modèle reposant sur une plateforme avec laquelle la Banque pourrait créer un système de base que des tiers, et pas nécessairement les seules institutions financières réglementées, pourraient utiliser pour concevoir des produits destinés aux utilisateurs finaux. L’effet incitatif pour les tiers pourrait simplement être de rendre leur produit plus attrayant pour leurs utilisateurs en y intégrant des modes de paiement. Il serait aussi possible d’opter pour un modèle mixte, qui permettrait à la fois à la Banque de mettre au point des produits et services de base de grande qualité pour les utilisateurs et à des tiers de compléter l’offre avec des produits et services à valeur ajoutée.

Nos prochains travaux porteront sur le choix d’un modèle de gestion adéquat qui permettrait de concilier les coûts, les objectifs de politique publique et les intérêts des participants. Pour un complément d’information, voir Shah (à paraître).

7. Stratégie de haut niveau

La présente section décrit une stratégie et une approche de haut niveau grâce auxquelles la Banque serait en mesure de procéder rapidement à l’émission d’une MNBC si une décision en ce sens était prise.

L’adhésion du gouvernement à ce projet serait nécessaire pour donner à la Banque l’autorisation légale d’émettre une MNBC et préciser comment une telle monnaie s’intégrerait aux divers cadres de réglementation applicables aux autres types d’actifs et modes de paiement. Les arguments en faveur d’une MNBC devraient donc être non seulement valables, mais aussi simples, convaincants et compatibles avec les autres priorités du gouvernement.

La Banque dialoguera activement avec des parties prenantes externes au sein du gouvernement, des milieux d’affaires et avec les utilisateurs finaux. Cette démarche est essentielle pour recueillir d’autres renseignements sur les conséquences d’une MNBC pour les grands objectifs de divers organismes publics. Les exigences des commerçants et des utilisateurs finaux, tout comme les effets sur les institutions financières participantes au sein de l’écosystème de la MNBC, devront aussi être pris en considération. Nous consulterons également d’autres banques centrales sur tous les aspects des déterminants, des motivations et des choix de conception concernant une MNBC.

La Banque devra aussi comprendre les priorités des Canadiens à l’égard de leur monnaie. Les prochaines séries de consultations viseront à les informer sur la MNBC et ce qui la distingue des autres formes de monnaie numérique, à saisir quelles sont leurs préférences sur le plan des caractéristiques monétaires et des propriétés du modèle, et à recueillir leur point de vue sur l’adoption possible d’une MNBC.

La Banque établira un cadre de surveillance continue des conditions relatives à l’utilisation de l’argent comptant et des monnaies numériques privées. Dans le contexte de cette analyse, les recherches devront définir des seuils qui aideront à déterminer s’il y a lieu de passer à un état de préparation accru ou même à l’émission d’une MNBC, et le moment opportun de le faire. En même temps, les travaux sur les options technologiques se poursuivront. La Banque aurait besoin de plusieurs années pour en arriver au point où elle serait en mesure d’émettre une MNBC. En raison de ce long délai et de l’incertitude entourant les conditions d’émission, le travail de fond débutera immédiatement. Le rythme pourra en être accéléré ou ralenti si l’évaluation des perspectives du lancement d’une MNBC change.

Notre estimation de la durée de la période de développement requise pour procurer une MNBC à la population repose sur plusieurs hypothèses et incertitudes. Nous postulons l’objectif d’une MNBC généralement accessible à l’aide de plateformes de dispositifs d’accès universel et d’applications pour téléphones intelligents qui offrent un niveau de confidentialité élevé et sont conformes à la réglementation. Ces plateformes doivent tenir pleinement compte des besoins des parties prenantes externes et viser à respecter les recommandations formulées dans la présente note.

La Banque continuera de collaborer avec d’autres banques centrales pour mettre en commun leur expérience, étudier des cas d’utilisation, et discuter des choix de conception fonctionnels et techniques, y compris l’interopérabilité transfrontalière20.

Caractéristiques techniques

Le choix d’une approche technique passe par des travaux supplémentaires pour préciser les exigences et le modèle de gestion, et pourrait dépendre des circonstances conduisant à la décision d’émettre une MNBC. La Banque continuera d’étudier les possibilités de mise en œuvre centralisée et décentralisée d’une MNBC. Pour ce qui est du système de base, elle tirera parti de techniques de pointe, comme de nouveaux systèmes cryptographiques ou du matériel informatique et des modules de sécurité matériels inviolables, afin de garantir confidentialité, sûreté et résilience21.

La technologie évoluera au fil du projet. Un modèle qui pourrait ne pas être lancé avant plusieurs années risque de devenir désuet. Les technologies de base, telles que les protocoles Internet et le matériel serveur, se transforment très lentement une fois que leur usage s’est généralisé. Mais les interfaces utilisateurs tendent à changer beaucoup plus rapidement. Un système bien pensé réduit les interdépendances entre les services essentiels qui évoluent lentement et les technologies frontales qui évoluent plus rapidement (p. ex., les montres intelligentes).

Nous mènerons une série de projets pilotes afin de comprendre les avantages pour les consommateurs et les autres parties prenantes dans l’écosystème, et d’orienter la conception de la MNBC. Ces projets pilotes permettront notamment d’atténuer les risques de défaut de conception de l’expérience utilisateur, d’évaluer l’adoption de la MNBC, de formuler et de mettre à l’épreuve une stratégie de communication, d’éclairer les questions juridiques et réglementaires et d’affiner le modèle opérationnel, en plus de servir de lieu d’échange avec les parties prenantes. Les projets pilotes peuvent également aider à mesurer la viabilité d’un modèle de gestion des plateformes, ainsi qu’à mettre à l’essai et à améliorer les incitatifs.

Paiements de gros

La présente note décrit la décision de la Banque du Canada de se doter des moyens nécessaires à l’émission d’une MNBC de détail comparable à l’argent comptant. Les changements décrits ici touchant l’argent et les paiements ont aussi un effet sur les paiements de gros, c’est-à-dire les paiements de grande valeur entre institutions financières et entreprises. Les paiements de gros sont eux aussi exposés à une concurrence possible des cryptomonnaies privées.

La Banque du Canada travaille de concert avec Paiements Canada au Projet de modernisation des systèmes de paiement, qui consiste notamment à moderniser le système de base de paiement de gros du pays. De plus, la Banque mène depuis 2016 des recherches, des activités de liaison et des expériences dans le domaine de la technologie du grand livre distribué. Le volet phare de ces travaux, le projet Jasper, lui a permis d’explorer les avantages et les risques que recèlent les nouvelles technologies pour les paiements de gros22. La Banque entend poursuivre ces travaux afin de se préparer à l’évolution future de ce type de paiements.

8. Conclusion

À l’heure actuelle, la Banque n’a pas l’intention de lancer une MNBC. Par mesure de prévoyance seulement, elle se dotera plutôt des moyens nécessaires à l’émission d’une MNBC de détail comparable à l’argent comptant, s’il devait un jour être nécessaire pour elle d’en introduire une. La Banque a établi deux scénarios dans lesquels le lancement d’une MNBC pourrait lui permettre de remplir son mandat. L’un ou l’autre de ces scénarios pourrait se concrétiser très rapidement, et il convient donc d’être particulièrement attentif à l’évolution du secteur des paiements. Pour cette raison, et vu le temps requis pour créer une MNBC viable, la Banque a décidé de poursuivre une stratégie de prévoyance en vue d’atteindre un état de préparation suffisant sur le plan des politiques et des opérations pour pouvoir lancer une MNBC dans des délais relativement courts, si une décision en ce sens était prise.

D’importants travaux s’avèrent indispensables pour atteindre cet état de préparation. En effet, la confiance du public que la Banque est à même d’obtenir pour un projet de monnaie numérique qu’elle émettrait doit être préservée. Cela demanderait une exécution qui réduise le plus possible le risque d’une défaillance opérationnelle, d’une violation de données ou d’une cyberattaque, qui suscite une adhésion adéquate de la population et qui prévienne les conséquences négatives pour le système financier.

Une MNBC peut également s’intégrer au Projet de modernisation des systèmes de paiement de Paiements Canada et à la démarche de la Banque visant à améliorer l’efficience du modèle de distribution des billets de banque afin que les Canadiens continuent d’avoir accès à un large éventail de modes de paiement sûrs, résilients et efficients.

Depuis de nombreuses années, les billets de banque sont au cœur des efforts déployés par la Banque pour réaliser les objectifs de politique publique décrits précédemment. La nécessité pour elle de poursuivre ces objectifs ne disparaît pas du simple fait que les paiements s’effectuent davantage sous forme électronique. Une MNBC comparable à l’argent comptant pourrait constituer pour la Banque un volet important d’une stratégie efficace de réalisation de ses objectifs de politique publique en matière de sûreté, d’accessibilité universelle, de confidentialité, de résilience, de concurrence et de souveraineté monétaire. Dans les années à venir, la Banque accomplira ses travaux sur une MNBC de façon transparente, en consultant régulièrement les parties prenantes au pays et à l’étranger, et en faisant part publiquement de ses conclusions et des enjeux, au fur et à mesure.

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  1. 1. Voir Henry, Huynh et Welte (2018), Paiements Canada (2019) et Bech et Boar (2019) pour des précisions sur les tendances relatives aux paiements.[]
  2. 2. Voir Paiements Canada (2017) pour un aperçu des différentes composantes du Projet de modernisation des systèmes de paiement. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, consulter le site de Paiements Canada. Le système de paiement en temps réel sera toujours accessible et facilitera l’exécution immédiate des paiements de faible valeur, rendant les fonds aussitôt disponibles pour le bénéficiaire.[]
  3. 3. Voir Henry, Huynh et Welte (2018). Pour de l’information sur l’acceptation de l’argent comptant par les commerçants, voir Huynh, Nicholls et Nicholson (2019).[]
  4. 4. À noter qu’on observe une dichotomie dans les données canadiennes sur l’argent comptant. Bien que son utilisation diminue aux points de vente, le numéraire en circulation pondéré en fonction du PIB est stable ou en augmentation depuis longtemps. Nos recherches visent entre autres à mieux comprendre ces tendances divergentes.[]
  5. 5. Certains de ces points sont également traités par Engert, Fung et Hendry (2019).[]
  6. 6. La Société canadienne d’assurance-dépôts du Canada (SADC) protège les dépôts jusqu’à concurrence de 100 000 $ par compte détenu auprès d’une des institutions financières membres de la SADC, ce qui comprend les banques, les coopératives de crédit fédérales, ainsi que les sociétés de prêt et de fiducie et les associations régies par la Loi sur les associations coopératives de crédit qui acceptent des dépôts.[]
  7. 7. Voir Henry, Huynh et Welte (2018).[]
  8. 8. Voir les résultats de l’enquête sur les solutions de rechange à l’argent comptant (Cash Alternative Survey) par Huynh, Nicholls et Nicholson (à paraître).[]
  9. 9. « Monnaies numériques privées », « cryptomonnaies » et « cryptomonnaies stables » sont des termes utilisés pour désigner différents types de nouvelles unités de compte privées basées sur une chaîne de blocs qui peuvent servir pour effectuer des paiements. Citons à titre d’exemples le bitcoin et la libra (la nouvelle cryptomonnaie proposée par Facebook).[]
  10. 10. Jusqu’à présent, les situations dans lesquelles une monnaie secondaire a ébranlé la position dominante de la monnaie « officielle » d’un pays ou d’un territoire se sont limitées aux cas où l’État lui-même faisait face à de graves tensions sociales et politiques provenant d’autres sources. Cependant, cela ne signifie pas qu’il serait impossible pour une technologie moderne de permettre l’établissement d’une autre monnaie dans une économie avancée et stable.[]
  11. 11. Des précisions sur les risques entourant les cryptomonnaies stables sont apportées dans G7 (2019). CPMI (2015) contient une évaluation des risques associés aux monnaies numériques privées.[]
  12. 12. Voir Chiu et Wong (2015).[]
  13. 13. Voir Fernández-Villaverde et Sanches (2019), qui montrent qu’un système monétaire dans lequel des émetteurs privés de monnaies fiduciaires se livrent concurrence ne produit pas une quantité d’argent efficiente pour la société. Dans un modèle où les agents ont accès à deux monnaies en concurrence (le bitcoin et une monnaie nationale), Shilling et Uhlig (2019) démontrent que la volatilité des cours du bitcoin cadre avec son utilisation comme moyen de paiement, même si l’atteinte de la cible d’inflation de la banque centrale demande des injections fréquentes de monnaie nationale.[]
  14. 14. Voir le document intitulé Regulatory issues of stablecoins pour un complément d’information.[]
  15. 15. Kumhof et Noone (2019) proposent des principes de conception d’une MNBC grâce auxquels les banques centrales peuvent assurer la stabilité des banques. Selon Monnet et Keister (2019), une MNBC adéquate peut contribuer à renforcer la stabilité du système bancaire, car en surveillant les flux financiers liés à la MNBC, la banque centrale peut obtenir des renseignements utiles sur le bilan des banques.[]
  16. 16. Keister et Sanches (2019) soutiennent qu’émettre une MNBC portant intérêt peut faire augmenter les coûts de financement des banques, entraînant ainsi une baisse de l’intermédiation. Chiu et autres (2019) examinent les effets d'une MNBC sur le secteur bancaire quand les banques possèdent un pouvoir de marché. Voir également Andolfatto (2018). Brunnermeier et Niepelt (2019) montrent que si la banque centrale peut prêter en retour aux banques privées, alors le délaissement des dépôts au profit d’une MNBC ne changerait pas les résultats macroéconomiques.[]
  17. 17. Pour d’autres renseignements au sujet de l’adoption et de la conception, voir Kahn, Rivadeneyra et Wong (2018), Kahn et Rivadeneyra (à paraître), Jiang (à paraître), Huynh et autres (à paraître) et Huynh, Nicholls et Shcherbakov (2019).[]
  18. 18. Dans Barrdear et Kumhof (2016), les auteurs estiment que l’introduction d’une MNBC pourrait faire augmenter le PIB de 3 % de façon permanente. Néanmoins, l’amélioration de la politique monétaire au moyen d’une telle monnaie n’est actuellement pas une motivation de la Banque du Canada.[]
  19. 19. Voir Kahn, Rivadeneyra et Wong (2018) pour une description de différents modèles de distribution.[]
  20. 20. Le 21 janvier 2020, la Banque du Canada a annoncé qu’elle collaborerait avec plusieurs autres banques centrales afin d’évaluer les arguments en faveur de l’émission de MNBC. Pour en savoir plus, voir le communiqué.[]
  21. 21. Voir Shah et autres (2020) pour un complément d’information au sujet de l’ensemble des recherches menées en 2019 sur les technologies.[]
  22. 22. Voir Expériences et projets liés aux technologies financières.[]

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