Introduction

Bonjour et merci de m’avoir invité au sommet Canadian Innovation Exchange de cette année – un événement passionnant pour les entrepreneurs, les investisseurs et les fournisseurs de services à la fine pointe de l’innovation technologique au pays.

Aujourd’hui, je veux vous parler de la façon dont notre rôle, à la Banque du Canada, évolue pour suivre le rythme effréné des avancées liées aux modes de paiement qu’utilisent les Canadiens pour acheter des biens et des services.

Comme beaucoup d’autres choses dans notre société, les paiements se font de plus en plus dans l’univers numérique. En 2021, les consommateurs ont effectué environ 22 % de leurs paiements en argent comptant aux points de vente, par rapport à 54 % en 20091. Il faut aussi noter que la pandémie de COVID-19 a mené à une utilisation accrue des cartes de débit et de crédit. La proportion de commerçants qui acceptent ces méthodes de paiement électronique est passée de 60 % en 2018 à autour de 85 % aujourd’hui2.

Concilier innovation et protection

Tout ça pour dire que l’écosystème des paiements au Canada évolue à la vitesse grand V, et qu’on constate une hausse marquée de l’utilisation des applications de paiement mobile et des méthodes de paiement numériques. Le secteur des technologies financières, dans lequel on trouve un grand nombre de fournisseurs de services de paiement (FSP), a favorisé cette évolution. Et c’est un secteur en rapide expansion, tant en raison du nombre d’entreprises qui y sont actives que des sommes de capitaux qui y sont investies.

L’innovation soulève toutefois certaines questions. On a de nouvelles façons de payer et une foule de nouveaux acteurs dans le secteur des paiements. Et quand l’argent passe d’une main à l’autre électroniquement grâce à ces diverses nouvelles méthodes de paiement, il est primordial d’assurer ensemble la protection des consommateurs et de l’écosystème des paiements.

Alors, quel est le rôle de la Banque du Canada dans tout ça? Chaque jour les Canadiens font confiance aux FSP quand ils tapent leur carte pour faire un achat, quand ils envoient de l’argent à des amis ou à leur famille par voie électronique, ou quand ils passent à la caisse sur le site Web de leur commerce favori. Et par l’adoption de la Loi sur les activités associées aux paiements de détail l’été dernier, le gouvernement nous a confié le mandat de superviser ces FSP.

Cette loi contribuera à préserver la confiance des Canadiens envers les FSP. Elle établit un nouveau cadre de supervision, en vertu duquel ceux-ci seront tenus de gérer certains risques qui pourraient affecter leurs clients. L’idée derrière tout ça est de renforcer la confiance à l’égard de la sécurité et de la fiabilité des services de paiement.

Voyons ce que ça voudra dire concrètement quand tout sera mis en branle.

Qui sera visé

Avant de parler du quand et du comment, parlons un peu du qui. Je suis sûr qu’il y a des représentants d’entreprises de technologies financières dans cette salle qui se demandent si le nouveau cadre de supervision s’appliquera à eux.

En gros, si vous aidez des particuliers et des entreprises à effectuer des paiements de tous les jours, ou que vous conservez ou transférez des fonds électroniquement en leur nom, votre organisation pourrait bien être considérée comme un FSP qui sera assujetti au nouveau cadre de supervision. Celui-ci régit entre autres les services de traitement de paiements, de portefeuilles numériques et de virement de fonds3.

Les banques et les coopératives de crédit sont déjà soumises à un haut degré de supervision aux niveaux fédéral et provincial. Elles n’entrent donc pas dans le champ d’application de la Loi. En revanche, selon les estimations actuelles, plus de 2 500 entités devront se soumettre à notre supervision réglementaire. Certaines d’entre elles sont bien établies au Canada ou à l’étranger et sont des joueurs bien connus dans le monde des paiements, tandis que d’autres sont de nouvelles entreprises de technologies financières.

Les FSP canadiens et étrangers devront s’enregistrer auprès de nous. Nous tiendrons une liste publique de tous ceux qui se seront enregistrés, ainsi que de ceux dont l’enregistrement aura été refusé ou révoqué. L’objectif est de nous aider à mieux surveiller la conformité continue des FSP à la Loi.

Nos principes directeurs

Même si le nouveau cadre régira un grand nombre d’entités, notre approche de supervision ne sera pas exactement la même pour toutes. En effet, nous établirons des principes de base qui s’appliqueront à l’ensemble des FSP, mais nous tiendrons compte des différences dans leurs structures organisationnelles et leurs processus opérationnels.

C’est pourquoi notre approche sera fondée sur les risques et focalisera sur les conséquences pour les utilisateurs finaux et l’efficience des services de paiement offerts. Bref, le degré de supervision et les mesures qui seront imposés aux FSP dépendront du niveau de risque auquel chacun expose les consommateurs et l’écosystème des paiements.

Tout comme nous n’appliquerons pas la même approche pour tous les FSP, ceux-ci pourront prendre divers moyens pour répondre à nos attentes. Notre responsabilité sera de nous assurer que l’objectif de ces attentes soit très clair, sans imposer de marche à suivre particulière. Les FSP pourront ainsi se concentrer sur le résultat, et pas nécessairement sur la façon de l’atteindre.

Bien entendu, la flexibilité de cette approche fondée sur les risques implique de veiller à ce que les FSP comprennent parfaitement leurs obligations. Nous leur expliquerons donc clairement les exigences et les attentes auxquelles ils devront se conformer afin qu’ils s’adaptent en conséquence.

La Loi et les règlements à venir établiront la mécanique du nouveau cadre, mais pour que les FSP comprennent bien ce qui est attendu d’eux, nous accompagnerons ces documents de lignes directrices.

Pour que la Loi remplisse sa fonction, il est important d’en favoriser la compréhension et le respect parmi les FSP. Et il est tout aussi important que ceux-ci comprennent les conséquences d’y contrevenir.

Nous sommes habilités à intervenir dans le cas où un FSP devait contrevenir à la Loi ou aux règlements. Notre premier recours sera de lui remettre un accord de conformité énonçant les modalités à suivre pour remédier au problème en question.

Notre deuxième recours sera la remise d’un procès-verbal, de pair avec la publication sur notre site Web du nom du FSP en défaut et de la nature des violations. Le procès-verbal pourra aussi s’accompagner d’une sanction pécuniaire, également rendue publique et pouvant s’élever jusqu’à 10 millions de dollars pour une violation très grave.

Enfin, le gouverneur pourra dresser un arrêté de conformité dans les cas où un FSP commettrait – ou serait sur le point de commettre – un acte pouvant avoir des conséquences négatives importantes sur les consommateurs et autres utilisateurs finaux. De plus, si un cas de non-conformité devait s’aggraver, nous pourrions demander à une cour supérieure de rendre une ordonnance exigeant au FSP concerné de se conformer à la Loi ou à un arrêté.

Maintenant que j’ai parlé des nouveaux pouvoirs et des nouvelles responsabilités que la Loi nous confère, je crois qu’il est important de clarifier certaines choses qui demeurent hors de notre ressort.

Notre supervision ne touchera pas tous les aspects du risque. Par exemple, chaque FSP devra s’assurer que les fonds en sa possession puissent être retournés aux utilisateurs finaux, et qu’ils le seront en cas d’insolvabilité. Cela dit, nos efforts de supervision ne viseront pas à prévenir la faillite ou l’insolvabilité des FSP.

Les plaintes de consommateurs concernant les frais exigés par les FSP et autres problèmes liés au traitement équitable de la clientèle ne seront pas non plus de notre ressort.

Je veux insister sur le fait que notre approche de supervision va évoluer. Nous devons être tournés vers l’avenir. D’une part, pour évaluer les risques émergents et les nouvelles pratiques relatives aux activités associées aux paiements de détail. Et d’autre part, pour suivre le rythme des innovations qui changent la façon dont la population canadienne règle ses achats de biens et de services.

Prochaines étapes

Et maintenant?

Nos démarches continuent d’être guidées par nos échanges réguliers avec le Comité consultatif sur les paiements de détail, mis sur pied en 2020 pour nous apporter une expertise sectorielle4. L’expérience de terrain des FSP qui siègent à ce comité oriente les conseils que nous transmettons au ministère des Finances du Canada sur les règlements qui paraîtront bientôt.

Nous établissons aussi des contacts avec des groupes sectoriels, ainsi qu’avec des FSP individuels et les associations qui les représentent, et déployons des efforts pour faire connaître le cadre de façon plus générale. Nous avons également commencé à participer à des salons professionnels où nous pouvons aller à la rencontre de FSP.

À terme, quand la version provisoire des règlements sera publiée en ligne, des consultations formelles donnant la chance aux FSP de commenter les nouvelles exigences qui leur seront imposées pourront débuter.

Après la publication des règlements définitifs, nous commencerons à publier nos lignes directrices. Nous continuerons également à solliciter de la rétroaction, car nous tenons à bien faire les choses dès le départ.

De façon similaire, les dispositions de la Loi entreront en vigueur par phases. Par exemple, les FSP devront s’enregistrer auprès de nous avant d’être tenus de se conformer aux exigences relatives à la gestion des risques opérationnels et à la protection des fonds des utilisateurs finaux5.

En conséquence, nous prévoyons que l’enregistrement soit obligatoire à compter de 2024. La phase pilote et le lancement subséquent de notre travail de surveillance des risques et de promotion de la conformité sont actuellement au calendrier de 2025.

Pour respecter ces échéances, nous allons concentrer nos efforts de l’an prochain sur la finalisation des règlements et la publication de nos lignes directrices.

Je tiens à préciser que ce déroulement est fondé sur nos hypothèses actuelles. Au bout du compte, c’est le gouvernement fédéral qui décidera quand et comment chaque disposition de la Loi prendra effet.

Conclusion

Je vais maintenant conclure afin de laisser un peu de temps pour des questions.

Avant de vous passer la parole, j’aimerais réitérer que l’objectif de notre nouveau mandat est de favoriser l’innovation dans l’écosystème des paiements tout en veillant à ce que les FSP gèrent leurs risques opérationnels et protègent les fonds de leurs clients.

Grâce à notre bonne gestion de ces principaux risques, les Canadiens pourront avoir la certitude que les nouveaux modes de paiement novateurs sont sécuritaires, et qu’on peut bel et bien concilier innovation et protection.

Merci de votre temps et de votre attention. Et maintenant, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Je tiens à remercier Harold Gallagher pour son aide dans la préparation de ce discours.

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  1. 1. Voir C. Henry, M. Shimoda et J. Zhu (à paraître), 2021 Methods-of-Payment Survey, document d’analyse du personnel, Banque du Canada.[]
  2. 2. Voir A. Welte et J. Wu (à paraître), 2021–22 Merchant Acceptance Study, document d’analyse du personnel, Banque du Canada.[]
  3. 3. Pour en savoir plus sur les critères d’enregistrement, consultez la page Supervision des paiements de détail de notre site Web.[]
  4. 4. Pour en savoir plus, consultez la page Web du Comité consultatif sur les paiements de détail.[]
  5. 5. À mesure que les exigences seront établies, de plus amples renseignements seront publiés sur la page Supervision des paiements de détail de notre site Web.[]