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Le point sur la situation économique : la cible est en vue mais nous ne l’avons pas encore atteinte

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Erratum : Dans le sous-titre du graphique 2, la date de la dernière observation est erronée. La bonne date est juillet 2023 et non juillet 2022. Voir la version corrigée du graphique.

Introduction

Bonjour, c’est un plaisir d’être ici parmi vous. Je tiens à remercier la Chambre de commerce de Calgary et le bureau de la Banque du Canada à Calgary d’avoir organisé un événement aussi impressionnant. J’ai hâte discuter avec bon nombre d’entre vous pendant mon séjour en Alberta.

La politique monétaire vise à faire baisser l’inflation, et nous sommes encouragés par les progrès réalisés jusqu’à maintenant. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) était de 3,3 % en juillet, ce qui correspond à peu près à la prévision formulée dans le Rapport sur la politique monétaire de juillet. Notre cible de 2 % est maintenant en vue, mais nous ne l’avons pas encore atteinte. Et les progrès se font plus lents, malheureusement Il reste du travail à faire pour rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et Canadiens, et nous sommes déterminés à garder le cap.

Avec vous aujourd’hui, je vais commencer par discuter de nos récentes décisions de politique monétaire. Puis, je veux me pencher de plus près sur les données concernant l’inflation pour que vous sachiez ce que nous observons actuellement et ce qu’il faut pour parvenir à la stabilité des prix. Je tiens aussi à parler des progrès que nous avons constatés dans le rééquilibrage de l’offre et de la demande au sein de l’économie. La façon dont ces facteurs évoluent est cruciale pour nos prochaines décisions de politique monétaire. Enfin, je veux répondre à une question qui nous est posée de plus en plus souvent par la population canadienne : Pourquoi tenez-vous tant à atteindre la cible de 2 %? Être près de 3 %, ce n’est pas déjà suffisant? La réponse courte est non – et je vais expliquer pourquoi nous sommes déterminés à ramener l’inflation à 2 %.

Nos récentes décisions de politique monétaire

Lors de nos décisions de juin et de juillet, nous avons augmenté le taux directeur, qui est passé à 5 %. Ces décisions n’ont pas été faciles. Mais, elles se basaient sur une accumulation de données indiquant que la demande excédentaire dans l’économie et les pressions inflationnistes sous-jacentes étaient toutes deux plus persistantes qu’anticipé. Nous avons donc jugé qu’une politique monétaire plus restrictive était nécessaire pour rétablir la stabilité des prix au Canada.

Les données depuis la mi-juillet montrent plus clairement que les taux d’intérêt plus élevés ont un effet modérateur sur les dépenses, et rééquilibrent l’offre et la demande dans l’économie. Mais nous restons préoccupés par la persistance des pressions inflationnistes globales et le fait que les augmentations de prix supérieures à la normale demeurent généralisées pour les biens et services que les gens achètent régulièrement au pays.

Il a fallu du temps pour voir clairement que les taux d’intérêt plus élevés modéraient la demande, et il pourrait maintenant falloir du temps pour que cela se traduise par une baisse des pressions inflationnistes. Nous savons que les hausses de taux d’intérêt mettent du temps à se propager dans l’économie et à réduire les pressions sur les prix. L’autre possibilité, bien sûr, c’est que la politique monétaire ne soit pas encore assez restrictive pour rétablir la stabilité des prix au Canada. Et malheureusement, plus nous attendons et plus il risque d’être difficile de faire baisser l’inflation.

Dans un effort pour bien doser le resserrement monétaire, le Conseil de direction a décidé hier de maintenir le taux directeur à 5 % et a convenu qu’il pourrait être nécessaire de le monter encore si les pressions inflationnistes persistent.

À partir de maintenant, nous allons être à l’affût de nouveaux signes prouvant que les pressions inflationnistes s’atténuent. Pour évaluer la tendance de l’inflation, nous nous servons d’une vaste gamme d’indicateurs. D’un mois à l’autre, l’inflation est fortement influencée par de nombreux facteurs, certains temporaires, d’autres plus durables. Comme la politique monétaire met du temps à produire ses effets, nous devons essayer d’anticiper la trajectoire de l’inflation. Je vais maintenant me pencher sur les données et expliquer ce que nous observons actuellement et ce que nous voulons voir.

L’inflation décortiquée

Nous disions depuis un certain temps que l’inflation serait proche de 3 % cet été. Elle est descendue à 2,8 % en juin avant de grimper à 3,3 % en juillet, ce qui cadre en gros avec notre prévision (graphique 1).

C’est l’énergie qui a le plus contribué au ralentissement de l’inflation depuis le sommet de l’an dernier. Les deux tiers de la baisse lui sont attribuables (graphique 2). Les hausses de prix des biens de consommation durables, comme les meubles et les appareils ménagers, ont aussi ralenti, du fait de l’atténuation des problèmes d’approvisionnement et de la réduction de la demande sous l’effet de la hausse des coûts d’emprunt.

Ce sont de bonnes nouvelles, mais nous savons que les prix dans de nombreux cas ne baissent pas tous de la même façon, par exemple les prix des aliments, du logement et de beaucoup de services. Et récemment, les prix mondiaux du pétrole ont de nouveau augmenté, poussant ainsi les prix de l’essence à la hausse. Cette situation devrait faire monter l’inflation globale à court terme. Pour déterminer le centre de gravité de l’inflation, nous recourons à plusieurs indicateurs qui nous permettent de regarder au-delà des données publiées et d’évaluer la tendance sous-jacente de l’inflation.

Je vais donc vous expliquer quelles mesures de l’inflation nous examinons et pourquoi nous le faisons.

D’abord, nous suivons les mesures de l’inflation fondamentale, c’est-à-dire les mesures qui excluent les fortes variations de prix – à la hausse ou à la baisse – pouvant dissimuler la tendance sous-jacente de l’inflation. L’inflation fondamentale se situe actuellement autour de 3,5 %. Comme c’est le cas pour les taux sur un an autant que pour les taux sur trois mois qui brossent un portrait plus actuel, on peut penser que les pressions inflationnistes persistent et que la tendance à la baisse ralentit.

Nous examinons aussi de près la distribution des variations de prix annuelles parmi les composantes de l’IPC. Comme vous pouvez le voir à la figure a du graphique 3, certains prix augmentent et d’autres baissent, mais en temps normal, les variations de prix tendent à se regrouper autour de la cible de 2 %. Quand l’inflation a augmenté l’an passé (figure b), la distribution des mouvements de prix s’est déplacée vers la droite. L’augmentation moyenne était plus élevée et l’ampleur des mouvements s’était aussi élargie, certains prix ayant grimpé en flèche. C’est une des conséquences désagréables de l’inflation – un taux d’inflation élevé provoque des variations de prix plus importantes. Depuis que l’inflation a culminé en juin 2022, la distribution des variations de prix a commencé à se normaliser, mais la hausse moyenne des prix et la variabilité des mouvements de prix restent à des niveaux supérieurs à la normale (figure c).

Une autre façon de mesurer les pressions sur l’inflation consiste à déterminer si les hausses dans le panier de l’IPC reflètent l’influence de quelques fortes augmentations de prix ou celle d’un grand nombre de petites augmentations. L’inflation désigne une augmentation généralisée des prix. Pour mesurer l’ampleur des hausses de prix, nous suivons la part des composantes de l’IPC dont les prix augmentent plus rapidement que la normale. En règle générale, quand l’inflation est près de la cible, environ 30 % des composantes enregistrent une croissance supérieure à 3 %, et à peu près 15 %, une progression au-dessus de 5 %. Lorsque l’inflation s’est accrue l’an passé, la part des composantes affichant une croissance de plus de 3 % avait culminé à presque 80 %, et 65 % des composantes affichaient une croissance de plus de 5 %. Aujourd’hui, environ 60 % des composantes de l’IPC connaissent une croissance supérieure à 3 %, et environ 45 %, une progression au-delà de 5 % (graphique 4). Les choses se sont donc améliorées, mais les hausses de prix supérieures à la normale restent généralisées.

Cette situation met en évidence un autre problème avec l’inflation élevée : peu importe à quel point on fait attention à nos dépenses, on ne peut pas l’éviter. Presque tout a augmenté, y compris les prix de nombreux produits essentiels. Par exemple, en juillet, les loyers étaient montés d’environ 5 %, et les prix de l’assurance habitation et des produits de nettoyage, de 9 %. Les hausses de prix des aliments avoisinent en moyenne à 9 %, beaucoup dépassent les 10 % – les prix des produits céréaliers et de boulangerie ont grimpé de 12 %, et ceux des aliments pour bébés, de 11 %.

La hausse qui a actuellement la plus forte incidence sur l’inflation mesurée par l’IPC est celle des frais d’intérêt sur les prêts hypothécaires, lequel a bondi d’environ 30 % en un an. Si on exclut les frais d’intérêt sur les prêts hypothécaires, l’inflation mesurée par l’IPC se situe à près de 2½ %, ce qui a amené certains à avancer que l’inflation est effectivement revenue à la cible. C’est vrai que si nous n’avions pas augmenté les taux d’intérêt, les coûts hypothécaires seraient peut-être plus bas maintenant, mais l’inflation dans l’ensemble de l’économie serait un problème beaucoup plus grave pour tout le monde.

Pour mesurer l’inflation sous-jacente, nous devons exclure de manière plus systématique les composantes exposées à de grandes variations de prix à la hausse et à la baisse. Bien sûr, si on enlève seulement les prix qui connaissent les accélérations les plus importantes, l’inflation paraît plus basse. C’est pourquoi nous avons recours aux mesures de l’inflation fondamentale dont j’ai parlé tout à l’heure. L’IPC-tronq, par exemple, ne comprend pas les frais d’intérêt sur les prêts hypothécaires pour chacun des quatorze derniers mois. Mais cet indicateur se situe encore à près de 3,5 % parce qu’il exclut aussi les prix qui ont fortement baissé.

La tendance sous-jacente indique donc que l’inflation est encore bien au-dessus de la cible. Et plus la tendance sous-jacente reste très élevée sur le long terme, plus il est difficile de faire baisser l’inflation. Pourquoi? Parce que quand les ménages et les entreprises s’attendent à avoir une inflation au-dessus de 2 %, les habitudes de consommation et les pratiques de fixation des prix s’adaptent en conséquence. Dans ce cas, il devient plus difficile de ramener l’inflation à 2 %.

À plus long terme, nous voulons voir des hausses de prix moins généralisées et une diminution de la hausse moyenne des prix. C’est d’ailleurs ce que nous observons actuellement, mais il faut que ça continue pour que nous puissions rétablir la stabilité des prix pour les Canadiennes et Canadiens.

Ralentissement de la demande

J’aimerais maintenant parler de l’autre facteur que nous surveillons de près : l’équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie. L’inflation a baissé par rapport à son niveau de 8 % parce que les chaînes d’approvisionnement se sont désengorgées, que les prix de l’énergie ont chuté et que les fortes hausses de prix d’il y a un an ne se reflètent plus dans les données. Pour que l’inflation continue de baisser, il faut que la demande augmente plus lentement que l’offre pendant encore un certain temps. Ça va permettre d’alléger les pressions sur les prix, de ralentir les hausses des coûts de main-d’œuvre et de rétablir les pratiques normales de fixation des prix. L’inflation pourra ainsi revenir à la cible de façon durable.

Mais je veux que ce soit clair : nous ne cherchons pas à stopper la croissance économique. Nous voulons que la croissance soit forte et durable, et que le marché du travail soit dynamique. La meilleure façon d’y arriver, c’est de ramener l’inflation à un taux bas, stable et prévisible. La stabilité des prix constitue l’un des piliers d’une économie de marché – sans elle, rien ne fonctionne. Pour parvenir à stabiliser les prix, nous modifions le taux directeur de manière à assurer un équilibre entre l’offre et la demande dans l’économie. Si la demande est trop forte, l’inflation va dépasser la cible, et si elle est trop faible, l’inflation va être en dessous de la cible.

Nous avons observé ces deux phénomènes au cours des trois dernières années. Au début de la pandémie, la demande s’est effondrée et l’inflation est tombée au-dessous de 1 % – et même en deçà de zéro pendant une courte période. Nous avons alors utilisé tous les outils à notre disposition pour soutenir l’économie afin que les Canadiennes et Canadiens puissent continuer de payer leurs factures, que les entreprises restent à flot et que tout le monde ait un emploi auquel retourner au moment des réouvertures.

Lorsque les économies ont rouvert partout dans le monde, les chaînes d’approvisionnement ont connu un engorgement et la demande de biens et services est revenue en force. Les entreprises n’arrivaient pas à répondre à la demande, les prix ont augmenté rapidement et l’inflation est devenue un gros problème. Le basculement vers une demande excédentaire a nécessité une réaction inverse de la politique monétaire. Nous avons alors procédé à une hausse énergique des taux d’intérêt pour freiner la croissance, pour donner le temps à l’offre de rattraper la demande et pour alléger les pressions sur les prix.

Alors, nos actions fonctionnent-elles? L’écart de production – la différence entre la dépense globale dans l’économie et la capacité de production – donne la mesure la plus étendue de cet équilibre. Selon nos estimations, la demande excédentaire a culminé dans la première moitié de l’an passé. C’est durant cette période que l’économie a connu la plus grande surchauffe. La demande excédentaire a graduellement diminué depuis. Les données du PIB publiées la semaine dernière indiquent que la croissance était pratiquement nulle au deuxième trimestre. C’est-à-dire qu’elle s’est située à un peu moins de 1 % en moyenne au cours des trois derniers trimestres. Et, d’après nos meilleures estimations, la capacité de production a progressé à un rythme d’un peu plus de 2 %. L’effet cumulatif de ces changements s’est traduit par un net recul de la demande excédentaire. Les pressions sur les prix devraient ainsi s’atténuer et faire baisser l’l’inflation.

La faible croissance du PIB au deuxième trimestre s’explique en grande partie par le ralentissement généralisé des dépenses de consommation et la baisse de l’activité sur le marché du logement. C’est du côté des articles souvent achetés à crédit, comme les meubles ou les biens durables pour les loisirs de plein air, que la réduction des dépenses en biens des ménages a été la plus marquée. Cette évolution, combinée à la baisse de l’activité dans le secteur du logement, montre l’effet modérateur des hausses de taux d’intérêt sur les dépenses des ménages. La consommation de services a aussi ralenti, ce qui indique peut-être que les effets du resserrement de la politique monétaire se propagent et s’étendent aux services. La faiblesse de la croissance économique a été accentuée par quelques événements inattendus. Fait le plus notable, les feux de forêt dévastateurs dans différentes régions du pays ont détruit des habitations, entraîné l’évacuation de villes entières et pesé sur l’activité économique dans plusieurs secteurs. L’Alberta a été durement touchée. La production de pétrole et de gaz s’en est trouvée particulièrement perturbée.

Le marché du travail est aussi un important indicateur de l’équilibre entre l’offre et la demande au sein de l’économie. Nous voyons actuellement des signes que la demande de main-d’œuvre se modère par rapport aux niveaux de surchauffe observés en début d’année, ce qui permet à l’offre de commencer à rattraper la demande. L’emploi a été relativement stable en juillet. C’était la cinquième fois au cours des six derniers mois que l’emploi progressait à un rythme plus lent que celui qu’implique la croissance démographique (graphique 5).

Jusqu’ici, nous avons réussi à freiner la demande sans que le chômage ne s’emballe. Comme je l’expliquais en novembre dernier, vu le nombre record d’emplois vacants, il était possible de refroidir le marché du travail sans provoquer de fortes poussées du chômage. Près d’un an plus tard, le nombre de postes vacants a nettement baissé (graphique 6). Dans le même temps, la hausse du chômage a été minime.

La croissance des salaires, en revanche, ne montre pas encore de signes clairs de modération, la plupart des données indiquant qu’elle est de l’ordre de 4 à 5 %. Avec le rééquilibrage en cours du marché du travail, nous nous attendons à ce que la croissance des salaires ralentisse. Nous allons surveiller la croissance des salaires à la recherche d’indications qui confirment ce rééquilibrage.

Les pratiques de fixation des prix des entreprises sont un autre indicateur du déséquilibre qui reste entre l’offre et la demande – et donnent par conséquent une bonne idée des pressions inflationnistes sous-jacentes. Face à la hausse rapide et générale des coûts qui a accompagné la réouverture de l’économie à la fin des restrictions causées par la pandémie, les entreprises ont protégé leurs marges de profit en répercutant les coûts plus élevés sur leur clientèle. Elles ont donc accru leurs prix plus souvent et dans des proportions plus élevées que d’habitude.

Dans le contexte actuel où l’inflation diminue, les pratiques de fixation des prix amorcent un retour à la normale, d’après ce que nous disent les entreprises. Celles-ci envisagent de plus en plus des variations de prix de moindre ampleur et moins fréquentes. Dans les faits, leurs pratiques ne se sont pas encore totalement normalisées et semblent connaître un changement très graduel. Selon l’Enquête sur les perspectives des entreprises du deuxième trimestre, les entreprises enregistrent encore une forte demande pour de nombreux biens et services et restent préoccupées par leurs coûts. Elles expriment toujours l’intention de changer leurs prix plus souvent que d’habitude au cours des douze prochains mois.

Tant que la demande va dépasser l’offre, il va être plus facile pour les entreprises d’augmenter leurs prix. Nous allons garder un œil attentif sur les pratiques de fixation des prix des entreprises afin de nous assurer que l’économie est bien sur la voie de la stabilité des prix.

Voilà donc le tableau des évolutions récentes et la situation que nous suivons de près. En octobre, nous allons présenter nos nouvelles projections. Nous allons surveiller les signes de la poursuite d’un retour vers un équilibre économique qui est indispensable pour atténuer les pressions inflationnistes. Nous allons aussi surveiller la présence d’indices supplémentaires confirmant un recul de l’inflation fondamentale.

La cible de 2 %

Abordons maintenant une question qui nous est posée de plus en plus souvent par les Canadiennes et Canadiens : S’il devient difficile d’atteindre la cible d’inflation de 2 % et si le niveau de l’inflation devait avoisiner 3 % pendant un certain temps, pourquoi ne porteriez-vous pas la cible à 3 %? D’ailleurs, ne touche-t-on pas déjà au but puisque la fourchette de maîtrise de l’inflation va de 1 à 3 %?

Nous comprenons ce qui pousse les gens à poser cette question. Des taux d’intérêt plus élevés sont pénibles, mais parvenir à la cible de 2 % en vaut la peine. Je veux que ce soit bien clair : nous nous sommes engagés à atteindre la cible de 2 %. Et nous avons de bonnes raisons de le faire.

Premièrement, on ne relève pas une cible parce qu’on ne réussit pas à l’atteindre. Notre cible d’inflation est de 2 % depuis 1995. Notre système économique et financier est ancré sur elle. Sans cette ancre, l’inflation deviendrait moins prévisible et plus volatile. Ce sera la même chose si vous avez une cible qui change quand les choses se compliquent. Et personne ne veut ça.

Deuxièmement, la cible de 2 % a permis d’obtenir en moyenne un niveau d’inflation bas et stable et un taux de chômage peu élevé pendant 25 ans au Canada. La plupart des banques centrales ont une cible de 2 %, car ce niveau d’inflation est suffisamment bas pour que la variation du coût de la vie d’une année à l’autre n’inquiète personne. De plus, nous disposons de beaucoup de données indiquant que, depuis longtemps et dans de nombreux pays, une inflation à 2 % a contribué à l’excellente situation macroéconomique observée.

Troisièmement, la cible n’est pas l’intervalle de 1 à 3 %, mais le point médian de 2 %. La fourchette donne au public une indication sur l’évolution que l’inflation suivra la plupart du temps. De 1995 à 2019, l’inflation s’est maintenue huit fois sur dix entre 1 et 3 %, c’est-à-dire à l’intérieur de la fourchette de maîtrise de l’inflation. Cependant, nous devons viser le milieu de la fourchette si nous voulons que l’inflation reste dans cette fourchette le plus clair du temps. Si nous décidons qu’un taux de 3 % suffit, alors l’inflation dépassera très souvent la limite supérieure de la fourchette.

La cible de 2 % peut être atteinte. Il n’y a pas de doute à avoir. Cette cible a bien servi le Canada. Autrement dit, quand l’inflation reste stable autour de la cible de 2 %, il n’y a pas à craindre que le coût de la vie varie brusquement. La stabilité des prix permet aux ménages et aux entreprises de faire des projets et des investissements en toute confiance, en sachant que leur argent conservera sa valeur.

Enfin, j’aimerais apporter une autre précision. Tous les cinq ans, nous examinons notre cadre de conduite de la politique monétaire, notamment notre cible. Nous voulons nous assurer qu’il répond aux objectifs. C’est une force de notre cadre. Au Canada, les entreprises, les ménages et les gouvernements devront faire face à de grandes forces mondiales, comme les changements démographiques, les tensions géopolitiques croissantes, les changements climatiques et la numérisation. Une partie de ces forces pourraient accentuer les pressions sur les coûts et intensifier la volatilité des prix1.

Certains commentateurs pensent donc que nous devrions viser une cible d’inflation plus élevée. La compréhension de ces forces et de leurs répercussions sur la politique monétaire est au cœur de notre mandat. Et il n’est pas sûr que le fait de relever la cible d’inflation nous aidera à répondre à ces défis. Bien au contraire. Une inflation plus grande et l’incertitude qui accompagne une inflation à la volatilité accrue pourraient compliquer davantage les ajustements nécessaires. L’économie canadienne n’en est pas à ses premiers changements structurels. Les 30 dernières années nous ont permis de voir que la cible de 2 % a été une ancre utile dans un contexte où les entreprises, les ménages et les gouvernements sont confrontés à des forces économiques changeantes.

Comme avec les examens précédents, nous ne ménagerons aucun effort pour évaluer la performance du cadre de conduite de la politique monétaire, notamment de la cible de 2 %, et déterminer s’il est le meilleur pour l’avenir.

Conclusion

Voici venu le moment de conclure.

Que de chemin parcouru dans la dernière année! La politique monétaire fonctionne et l’inflation baisse. Mais il reste beaucoup à faire pour rétablir la stabilité des prix. Comme l’incidence des hausses passées de taux d’intérêt est encore en train de se propager dans l’économie, la politique monétaire pourrait être assez restrictive pour rétablir la stabilité des prix. Cependant, le Conseil de direction est préoccupé par la persistance de l’inflation sous-jacente. L’inflation est encore trop élevée et il n’y a presque pas de mouvement à la baisse de l’inflation sous-jacente.

Nous allons évaluer attentivement l’équilibre entre l’offre et la demande, ainsi que l’inflation fondamentale, afin de mesurer nos progrès vers la stabilité des prix. Nous sommes prêts à en faire plus s’il faut augmenter les taux d’intérêt pour rétablir la stabilité des prix. Mais nous ne voulons pas relever notre taux directeur plus que nécessaire.

Nous sommes conscients des grosses difficultés causées par la hausse des taux d’intérêt à une partie de la population canadienne, et c’est pour cela que nous ne voulons pas ajouter inutilement à ces difficultés. Mais, laisser une trop forte inflation persister serait pire. Nous sommes persuadés que la cible de 2 % est adéquate. Cette cible est désormais en vue. Tout ce qu’il nous reste à faire, c’est de garder le cap.

Je vous remercie de votre attention. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.

Je tiens à remercier Don Coletti et Mikael Khan de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

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