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L'évolution économique récente et la conduite de la politique monétaire

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Bonjour et merci de m'avoir invité à prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis heureux d'être de retour à Halifax, l'une des villes portuaires les plus pittoresques du Canada. C'est ce merveilleux mariage du nouveau et de l'ancien, alliant modernité et riche tradition maritime, qui donne à votre ville son caractère particulier.

Il s'est écoulé un an depuis mon dernier discours à Halifax, une année au cours de laquelle beaucoup de choses se sont produites. Nous avons été témoins d'événements hors du commun, ici même au Canada et partout dans le monde. Dans l'ensemble, l'économie du Canada a très bien résisté à la turbulence. Il est trop tôt pour connaître l'incidence de certains des plus récents de ces événements. Néanmoins, je m'efforcerai aujourd'hui de vous présenter les grandes lignes de l'évolution qu'a connue notre économie au cours de la dernière année et de vous exposer les éléments que nous examinerons lorsque nous préparerons la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire, qui paraîtra en juillet.

Le suivi de la conjoncture et des pressions de la demande

Dans le cadre de ses activités liées à la conduite de la politique monétaire, la Banque du Canada suit de près tous les événements qui perturbent notre économie, y compris l'évolution de la conjoncture géopolitique, économique et financière mondiale. Elle le fait dans l'optique de garder l'inflation au pays près de 2 %, le point médian de sa fourchette cible de 1 à 3 %. Comme nous l'avons signalé à maintes reprises, le maintien d'un taux d'inflation bas, stable et prévisible est la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter à une croissance robuste et durable et à l'augmentation du niveau de vie des Canadiens. Un tel climat de faible inflation aide aussi l'économie à fonctionner près des limites de sa capacité en longue période.

Pour réaliser ces objectifs, nous surveillons attentivement les facteurs qui influent sur la demande et l'appareil de production, et qui finissent par agir sur l'inflation à moyen terme. Et nous ajustons notre politique monétaire pour que la tendance future de l'inflation demeure proche du taux cible de 2 %.

Le chemin parcouru

Comme je l'ai dit, cela fait un an maintenant que j'ai pris la parole à Halifax. Mais pour bien mettre en contexte l'expérience récente, il me faut remonter un peu plus loin dans le temps, en fait jusqu'aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Au lendemain de ces tragiques événements, la Banque du Canada est intervenue rapidement et énergiquement en abaissant son taux directeur, afin de raffermir la confiance et de soutenir la demande intérieure. Cette mesure se conjuguant aux réductions antérieures du taux directeur, la Banque imprimait ainsi à l'économie un fort élan expansionniste.

Au printemps de 2002, des signes montraient déjà que la demande se raffermissait plus vite que prévu. Par conséquent, même si les pressions de la demande ne se reflétaient pas encore dans les prix, nous avons commencé à réduire la détente monétaire en place. Nous avons majoré notre taux directeur à trois reprises entre avril et juillet 2002, pour une augmentation totale de trois quarts de point de pourcentage.

L'automne dernier, l'inflation était à la hausse au Canada. Mais nous n'avons pas relevé davantage les taux d'intérêt à ce moment-là, parce que nous estimions que la poussée de l'inflation était due surtout à des facteurs ponctuels et que ce mouvement allait s'inverser au cours de la prochaine année environ. De plus, l'incertitude financière et géopolitique considérable qui régnait alors, conjuguée à la faiblesse de l'économie mondiale, laissait entrevoir un ralentissement de la demande globale de produits et services canadiens.

Au premier trimestre de 2003, le taux d'accroissement de l'IPC global a dépassé de beaucoup la cible de 2 %. Cette hausse était due en grande partie au renchérissement de l'énergie. Nous avons aussi observé une augmentation importante de l'inflation mesurée par l'indice de référence, qui exclut les huit composantes les plus volatiles de l'IPC, dont l'essence, le mazout et le gaz naturel, ainsi que l'effet des modifications des impôts indirects sur les autres composantes de cet indice. La montée de l'inflation mesurée par l'indice de référence a été exacerbée par de nouvelles majorations des primes d'assurance automobile. Mais, même si l'on tient compte de l'ampleur exceptionnelle et du caractère inhabituel de ces augmentations, l'inflation était nettement au-dessus de la cible. Cela donne à penser que la forte demande intérieure exerçait des pressions sur l'appareil de production. Dans ce contexte, quelques indicateurs des attentes d'inflation à court terme ont affiché une hausse, même si les attentes à plus long terme sont restées ancrées autour de 2 %.

Devant cette évolution de l'inflation, le dynamisme de la demande intérieure, la diminution des écarts de taux d'intérêt sur les marchés du crédit et la réduction de l'incertitude géopolitique, nous avons relevé le taux cible du financement à un jour de 25 points de base en mars et d'autant à la mi-avril, pour le porter à 3 1/4 %.

Dans notre Rapport sur la politique monétaire publié en avril, nous affirmions que les risques qui pesaient sur l'économie mondiale semblaient mieux équilibrés qu'ils ne l'avaient été à l'automne. On s'attendait à ce que l'économie canadienne se raffermisse substantiellement vers la fin de 2003 et progresse un peu plus vite que la production potentielle en 2004, à la faveur d'une reprise de l'activité aux États-Unis et d'une nouvelle amélioration de la confiance des ménages et des entreprises.

Nous avions conclu alors que même si l'économie canadienne allait sans doute continuer de croître un peu moins rapidement que son potentiel durant les trois premiers trimestres de l'année, la faible marge de capacités inutilisées qui devrait apparaître en 2003 serait en grande partie absorbée avant la fin de l'an prochain.

Par ailleurs, nous avions prévu en avril que l'inflation mesurée par l'indice de référence allait probablement descendre aux alentours de 2 1/2 % durant la seconde moitié de l'année et à environ 2 % vers le début de 2004, à mesure que disparaîtraient les effets des facteurs spéciaux qui poussent l'inflation à la hausse. Nous avions souligné, également, que le taux d'accroissement de l'IPC global continuerait de dépendre dans une large mesure des cours du pétrole brut et qu'il allait vraisemblablement tomber provisoirement en deçà du taux d'augmentation de l'indice de référence au premier semestre de 2004, avant de se stabiliser à un niveau proche de celui-ci.

Les facteurs qui influent sur la politique monétaire

Dans notre rapport d'avril, nous énumérions les facteurs qui allaient surtout retenir notre attention dans la conduite de la politique monétaire. Il s'agissait du rythme de l'expansion économique aux États-Unis et dans les pays d'outre-mer, de la vigueur de la demande intérieure, de la situation sur les marchés financiers ainsi que de la tenue de l'inflation et des attentes en matière d'inflation.

Voyons maintenant comment ces facteurs ont évolué, en commençant par le contexte extérieur. En Europe, la croissance de l'économie et de la demande intérieure est demeurée décevante. Au Japon aussi, l'activité est restée faible. Bien que la progression de la demande ait été forte dans le reste de l'Asie, l'expansion économique de certains pays sera certainement freinée par l'épidémie de SRAS.

Aux États-Unis, la demande intérieure ne s'est pas raffermie aussi vite que prévu, ce qui aura des effets négatifs sur les exportations canadiennes, du moins à court terme. Les dépenses de consommation continuent de soutenir l'activité, mais les investissements fixes des entreprises américaines n'ont pas encore redémarré. Les attentes d'une amorce de la reprise aux États-Unis ont été repoussées à la fin de l'année, moment où la confiance devrait se rétablir et où l'incidence des politiques monétaire et budgétaire très expansionnistes adoptées dans ce pays devrait commencer à se faire pleinement sentir.

Voyons maintenant le deuxième facteur, soit la demande intérieure au Canada. Celle-ci est demeurée assez forte dans l'ensemble, grâce à la bonne tenue du marché de l'emploi, aux bas taux d'intérêt et à la remontée des profits des entreprises. La progression des dépenses de consommation a un peu ralenti au premier trimestre, mais elle est restée assez vive, surtout dans le secteur du logement. Tant les entreprises que les administrations publiques ont accru leurs dépenses. Sous l'effet de la vigueur de la demande intérieure, le PIB a crû à un rythme annuel de près de 2 1/2 % au premier trimestre, comparativement à 1 1/2 % environ au quatrième trimestre de 2002.

En Nouvelle-Écosse, les dépenses de consommation et les niveaux de confiance accusent un certain fléchissement. Les intentions d'investissement des entreprises ont aussi souffert du report des projets d'exploration gazière. En dépit de cela, la plupart des prévisionnistes s'attendent à ce que la croissance de l'économie provinciale demeure égale au taux d'expansion moyen de l'ensemble du pays cette année.

La situation sur les marchés financiers est un troisième élément que nous examinons attentivement. L'automne dernier, les primes de risque ont enregistré des hausses marquées en raison de l'inquiétude qui régnait sur les marchés financiers. Au cours des derniers mois, ces primes ont baissé, et les conditions des marchés boursiers et obligataires continuent à s'améliorer. Ces résultats traduisent une atténuation de l'inquiétude, et ils sont de bon augure pour les dépenses futures des entreprises.

Avant de passer au quatrième facteur, j'aimerais vous faire part de plusieurs faits nouveaux depuis avril qui influent sur les perspectives de l'économie canadienne. Ensemble, ces faits gêneront la croissance à court terme au pays, de sorte que celle-ci sera moins élevée qu'on ne s'y attendait lors de la parution de la livraison d'avril du Rapport sur la politique monétaire.

L'épidémie de pneumonie atypique a des conséquences importantes sur l'industrie touristique, non seulement à Toronto, mais dans l'ensemble du pays, y compris dans les provinces de l'Atlantique. Plus récemment, la fermeture des marchés d'exportation provoquée par l'apparition en Alberta d'un cas isolé d'encéphalopathie spongiforme bovine s'est répercutée sur l'industrie du boeuf et de la transformation du boeuf au Canada. Et, bien sûr, l'emploi et la production de votre région sont touchés par la fermeture de plusieurs pêcheries importantes sur la côte est.

Comme vous le savez, la valeur du dollar américain a subi depuis la mi-avril un nouvel ajustement marqué vis-à-vis des autres grandes monnaies du monde, dont la nôtre. L'ampleur et le rythme de la montée du dollar canadien ont dépassé toutes les attentes et auront un effet modérateur sur la demande globale au deuxième semestre de cette année et l'an prochain. Nous nous efforçons de bien comprendre tous les facteurs à l'origine des fluctuations du cours de notre monnaie. Et au moment de fixer l'orientation de la politique monétaire, nous devons prendre en considération les répercussions de ces facteurs sur la demande globale, de même que celles des mouvements du taux de change.

Les variations du taux de change ont aussi une incidence directe sur les prix des biens et services faisant l'objet d'échanges internationaux, et donc sur l'inflation. Cependant, nos recherches indiquent que, dans les économies comme celle du Canada, l'incidence des mouvements des taux de change sur les prix à la consommation était moins marquée ces dernières années, où le taux d'inflation était relativement bas, que durant les années précédentes, où l'inflation était élevée.

L'évolution de l'inflation

Cela m'amène au quatrième facteur dont nous tenons compte dans la formulation de la politique monétaire, soit l'évolution de l'inflation et des attentes en matière d'inflation. Commençons par l'inflation.

Dans le communiqué du 3 juin annonçant notre dernière décision concernant le taux directeur, nous avons précisé que l'inflation a reculé plus que prévu. Ce recul est dû en partie à des facteurs temporaires, notamment les rabais offerts sur l'électricité en Ontario. Par conséquent, nous nous attendons à ce que l'inflation mesurée par l'indice de référence augmente provisoirement dans les mois à venir, à mesure que ces facteurs disparaîtront. Néanmoins, on estime maintenant que le taux d'accroissement de l'indice de référence et de l'IPC global reviendra à la cible de 2 % un peu plus tôt que la Banque ne le prévoyait en avril, à cause en partie d'une certaine faiblesse de la demande à court terme. De plus, l'appréciation du dollar canadien freinera quelque peu la progression de l'IPC global, mais elle ne devrait pas avoir une incidence directe aussi prononcée sur l'indice de référence.

Quelques mots, enfin, sur les attentes en matière d'inflation. Comme je l'ai signalé, nous nous préoccupions, en avril, du fait que la brusque accélération du taux d'augmentation de l'IPC, survenue l'hiver dernier, commençait à exercer des pressions à la hausse sur les attentes des Canadiens à l'égard de l'inflation. Or, le récent repli de l'inflation aura probablement un effet modérateur sur ces attentes. Nous vérifierons si c'est bien le cas lors de l'enquête régulière auprès des entreprises, que nous mènerons d'ici la prochaine date d'annonce préétablie.

Je vous ai présenté sommairement aujourd'hui quelques-uns des événements récents qui influeront sur la demande de produits et de services canadiens. Parmi ceux-ci se trouvent la faiblesse persistante des économies américaine et mondiale ainsi que les inquiétudes entourant les répercussions économiques de l'épidémie de SRAS et de l'apparition d'un cas d'encéphalopathie spongiforme bovine. Ces facteurs ont vraisemblablement fortement déprimé la croissance de l'activité au Canada au deuxième trimestre et laissent entrevoir une certaine poursuite de l'atonie au troisième.

Pour l'avenir, nous restons d'avis que la croissance économique au pays sera soutenue par la fermeté de la demande intérieure et par la relance de l'économie américaine vers la fin de 2003 et en 2004. Toutefois, l'appréciation du dollar canadien vis-à-vis du dollar É.-U., qui tient à diverses influences à l'oeuvre tant au Canada que sur la scène mondiale, est un des éléments qui agiront sur la demande globale. Nous fournirons aux Canadiens un exposé plus approfondi et plus complet de notre point de vue sur l'économie dans la prochaine livraison de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire, que nous publierons le 17 juillet.

Mesdames et Messieurs, Halifax a fait face à quelques événements exceptionnels au cours de sa longue histoire. L'économie canadienne a elle aussi été secouée durant cette dernière année par des vents d'une force remarquable, dont certains étaient favorables et d'autres pas. Mais nous avons réussi à bien maîtriser notre barque et je suis convaincu qu'il en restera ainsi. Je peux vous assurer que la Banque du Canada continuera de mener une politique monétaire qui contribue à la vigueur, à la stabilité et à la durabilité de la croissance de l'économie de notre pays.

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