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Le partage des risques, la flexibilité et l’avenir des prêts hypothécaires

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Introduction

La plupart du temps, quand les gens entendent parler de la Banque du Canada, ils pensent immédiatement aux taux d’intérêt. Mais nous avons d’autres responsabilités, comme émettre des billets de banque sûrs. Le nouveau billet de 10 dollars, illustré du portrait de Viola Desmond et du magnifique Musée canadien pour les droits de la personne de Winnipeg, en est un parfait exemple. Il vient d’ailleurs d’être couronné meilleur nouveau billet de banque du monde pour 2018.

Une autre de nos grandes responsabilités consiste à veiller à ce que les Canadiens puissent mener leurs activités dans un système financier sûr et efficace. Cette responsabilité, nous la partageons avec les coopératives financières canadiennes, qui sont un des piliers du système. Par « système sûr », nous entendons un système résilient aux risques, où ceux-ci sont partagés judicieusement. Par « système efficace », nous entendons généralement un système concurrentiel. Et à cet égard, les coopératives financières apportent un avantage considérable au marché financier canadien.

La concurrence détermine les prix des services financiers, mais influence aussi les choix des consommateurs dans ce marché. Qui dit plus de choix dit plus de flexibilité et une meilleure capacité à s’adapter lorsque les conditions changent. La flexibilité joue un rôle très important dans le fonctionnement de notre économie et elle est donc importante pour la Banque du Canada.

La plus grande décision financière que la plupart des Canadiens prendront dans leur vie est celle d’acheter une habitation et, pour ce faire, d’obtenir un prêt hypothécaire. Une fois que les papiers sont signés, les circonstances peuvent changer et ainsi présenter des risques pour les emprunteurs, les prêteurs et le système financier dans son ensemble. La flexibilité financière et le partage optimal des risques peuvent aider les gens à s’adapter lorsque leur situation change et aider l’ensemble de l’économie à s’ajuster aux chocs. D’ailleurs, les récentes modifications apportées à notre système de crédit hypothécaire ont placé ces enjeux au cœur du débat public.

Aujourd’hui, je vais vous parler de la façon dont les marchés canadiens du logement s’ajustent aux facteurs économiques et aux récents changements réglementaires. Ensuite, je vais m’avancer sur ce qui pourrait être fait, d’une part, pour que notre marché hypothécaire offre plus de choix aux Canadiens et plus de flexibilité à l’économie et, d’autre part, pour en réduire le risque global.

Évolution récente du secteur du logement

Le marché canadien du logement est en fait un ensemble de marchés régionaux. Tous ces marchés sont influencés par des facteurs nationaux communs, comme la modification des lignes directrices sur les prêts hypothécaires et les hausses passées des taux d’intérêt. Mais chacun d’eux subit aussi l’influence de facteurs locaux particuliers qui jouent sur l’offre et la demande, par exemple les politiques provinciales et municipales en matière de logement.

Depuis quatre ans, nous suivons l’évolution de trois situations différentes dans le secteur du logement au pays. En Alberta et en Saskatchewan, du fait que l’économie s’ajuste à la baisse des cours du pétrole, nous avons observé un ralentissement important de l’activité sur le marché du logement associé à une chute des prix. Par contre, nous avons assisté à un boom de l’habitation à Toronto et à Vancouver, qui connaissaient une forte croissance de la population et de l’emploi, de même que des contraintes de l’offre de logements neufs. Bien sûr, la forte demande résidentielle était soutenue par les bas taux d’intérêt. La hausse des prix des habitations est venue renforcer cette demande, alimentée par les accédants à la propriété qui craignaient de rater leur chance. De plus, ces deux marchés ont attiré les acheteurs étrangers, ce qui a jeté de l’huile sur le feu. Tous ces facteurs ont contribué aux attentes voulant que les prix continuent de monter rapidement, ce qui n’aurait certainement pas pu durer. Enfin, partout ailleurs au pays, la situation semblait essentiellement normale, grâce à la forte croissance de l’emploi et aux taux d’intérêt historiquement bas, et a donc attiré peu d’attention.

Depuis le début de 2016, les autorités provinciales et municipales en Ontario et en Colombie-Britannique ont mis en place des mesures pour faire obstacle aux acheteurs étrangers et à la spéculation. De plus, les autorités fédérales, dont le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), ont étendu l’utilisation   des tests de résistance — aussi appelés « simulations de crise » — fondés sur un scénario de taux hypothécaires en 2016 et en 2018. En parallèle, compte tenu de la forte croissance de l’économie, la Banque du Canada a commencé à hausser les taux d’intérêt afin de maintenir l’inflation à sa cible. Toutes ces mesures ont eu pour effet de réduire nettement l’activité de revente, tant à Vancouver qu’à Toronto.

Le mois dernier, la Banque a publié une analyse du personnel qui tente de démêler les facteurs à l’origine de la poussée de l’activité résidentielle et de la chute qui a suivi. Cette étude a une grande importance, car elle nous aide à comprendre la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt plus élevés, qui, selon nous, s’est accrue en raison de l’endettement des ménages.

Selon cette analyse, la hausse marquée et la chute de l’activité de revente en Colombie-Britannique et en Ontario s’expliquent en grande partie par le changement des attentes à l’égard des prix des logements. Lorsque ces prix augmentent rapidement, les gens ont tendance à supposer que ce mouvement va se poursuivre et à acheter plus tôt que prévu pour éviter de prochaines augmentations ou, dans le cas des spéculateurs, pour en profiter. Autrement dit, les marchés deviennent effervescents. Toutefois, quand ces attentes sont revues à la baisse, la demande de logements peut faiblir soudainement. Et c’est exactement ce qui s’est passé. Cette situation a pu être déclenchée par toutes sortes de facteurs : les nouvelles taxes imposées aux acheteurs étrangers, le resserrement des lignes directrices sur le crédit hypothécaire, la hausse des taux d’intérêt ou simplement le fait que la croissance des prix rend les logements trop chers pour de plus en plus de gens.

Nous avons ainsi pu constater que ce ne sont pas les taux d’intérêt plus élevés et les modifications des lignes directrices qui ont eu le plus grand effet sur la demande de logements. C’est plutôt l’interaction de ces facteurs avec l’effervescence du marché. Bref, l’ampleur des ajustements du marché dépend de son degré d’effervescence. Cette conclusion est appuyée par le fait que beaucoup d’autres marchés du pays semblent, pour leur part, se porter assez bien. L’activité de revente a été solide à divers endroits, comme à Halifax, Moncton, Montréal, Ottawa et, plus récemment, ici même, à Winnipeg. C’est ce à quoi on peut s’attendre dans une économie en croissance, où la population augmente, où le marché de l’emploi est vigoureux et où les taux d’intérêt restent très bas comparativement à leur niveau historique.

Par contre, les marchés du logement de l’Alberta et, dans une moindre mesure, de la Saskatchewan sont encore aux prises avec des difficultés. La situation semble principalement tenir au fait que ces provinces s’ajustent toujours au choc des cours du pétrole de 2014-2015 et au nouvel affaiblissement survenu à la fin de l’année dernière. Avant 2014, les particuliers et les entreprises planifiaient pour le long terme en tenant pour acquis que les prix du pétrole demeureraient élevés. Bien des choses ont changé depuis. Avant tout, la production pétrolière américaine a connu une expansion spectaculaire, ce qui en a poussé beaucoup à revoir à la baisse leurs attentes à long terme à l’égard des cours mondiaux du pétrole. Les sociétés ont resserré leurs budgets d’investissement et entrepris de réduire leurs coûts. En fin de compte, ces ajustements ont de réelles conséquences sur la population : mises à pied, diminution des salaires et baisse du prix des logements.

Je ne prétends pas que les nouvelles lignes directrices sur les prêts hypothécaires n’ont pas eu d’effet sur les marchés du logement, bien au contraire. Ces changements avaient pour but d’accroître la résilience de notre système financier face à un endettement extrêmement élevé. Le test de résistance vise à s’assurer que les nouveaux emprunteurs pourront encore effectuer leurs versements hypothécaires si jamais leur situation change, par exemple dans le cas d’une baisse de revenu ou d’une légère augmentation des taux d’intérêt.

Les données portent à croire que les nouvelles lignes directrices ont les effets attendus. La qualité des nouveaux prêts ne cesse de s’améliorer et le nombre de ceux qui sont accordés aux acheteurs fortement endettés a diminué. Du point de vue des acheteurs, les lignes directrices apparaissent comme une mesure venant réduire leur pouvoir d’achat. Mais beaucoup s’adaptent en achetant un logement moins cher ou en retardant leur achat jusqu’à ce qu’ils aient économisé davantage. Dans la mesure où les nouvelles lignes directrices ont aidé à mettre un frein aux hausses spéculatives des prix des logements à Vancouver et à Toronto, on peut supposer qu’elles ont aussi contribué à empêcher que ceux-ci deviennent encore moins abordables.

Tout cela nous amène à conclure que les facteurs fondamentaux du marché canadien du logement demeurent solides et que la croissance reprendra une fois que les effets de la baisse des attentes concernant l’augmentation des prix des logements et des nouvelles lignes directrices sur le crédit hypothécaire se seront résorbés. Le personnel de la Banque suit également de près l’incidence des nouvelles lignes directrices et de la hausse des taux d’intérêt sur les finances des ménages lors du renouvellement de leur prêt. Selon notre analyse préliminaire des données sur les prêts individuels en 2019, les versements de la plupart des emprunteurs qui ont récemment renouvelé un prêt hypothécaire à taux fixe de cinq ans n’ont pas augmenté. Malgré les hausses du taux directeur, les rendements obligataires et les taux hypothécaires ont baissé cette année de pair avec les taux d’intérêt à l’échelle mondiale.

La semaine prochaine, la Banque présentera une analyse complète de la situation du logement et d’autres enjeux dans la prochaine livraison de la Revue du système financier. Nous publierons également de l’information dans le portail sur le système financier, une section de notre site Web où sont présentées nos plus récentes analyses de grands enjeux financiers.

Vers un marché hypothécaire plus flexible

Compte tenu des vastes différences entre les marchés régionaux du logement, il vaut la peine de se demander si le marché hypothécaire canadien pourrait devenir plus flexible, pour ainsi donner plus de choix à la population et permettre à l’économie de s’ajuster plus facilement aux changements.

Jusqu’ici, notre marché hypothécaire a bien répondu aux besoins des propriétaires et des institutions financières au pays. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut cesser d’innover et de chercher à améliorer un système qui fonctionne déjà bien. L’objectif est que les emprunteurs et les prêteurs puissent faire les choix les mieux adaptés à leur situation.

Bien entendu, le marché hypothécaire canadien a évolué au fil des ans. Les courtiers en prêts hypothécaires ont fait leur apparition. Les institutions financières offrent de plus en plus de services en ligne et réduisent le délai d’approbation des demandes. Et n’oublions pas les prêts hypothécaires combinés à une marge de crédit hypothécaire, qui ont gagné en popularité. Grâce à toutes ces innovations, les Canadiens peuvent facilement emprunter sur la valeur nette de leur habitation, ce qui les aide à faire des achats importants et à lisser leur consommation.

Cela dit, il y a eu beaucoup moins d’innovation en ce qui concerne le produit hypothécaire lui-même. Nous pourrions envisager des moyens de développer un marché hypothécaire plus flexible, qui donne plus de choix aux clients, aux prêteurs et aux investisseurs, et qui soit en même temps plus sûr et plus efficace.

Diversifier le terme des prêts hypothécaires

On pourrait notamment favoriser une plus grande diversité dans le terme des prêts hypothécaires. La plupart des institutions financières offrent déjà des prêts hypothécaires à taux fixe de plus de cinq ans. Mais 45 % de tous les prêts hypothécaires ont un taux d’intérêt fixe et un terme de cinq ans. Par comparaison, seulement 2 % de tous les prêts hypothécaires accordés l’an dernier étaient assortis d’un taux fixe et d’un terme de plus de cinq ans.

La prédominance des prêts hypothécaires à taux fixe de cinq ans au Canada s’explique par certains facteurs historiques. Par exemple, une loi datant du XIXe siècle donne aux emprunteurs le droit de rembourser leur prêt par anticipation après cinq ans, et ce, sans pénalité. Les prêteurs appliquent donc un taux d’intérêt plus élevé sur les prêts de plus long terme pour se prémunir contre le risque de remboursement anticipé. Et cette tendance vers les prêts de cinq ans a été renforcée par le Programme des Obligations hypothécaires du Canada (OHC), qui offre principalement un financement sur cinq ans aux institutions financières.

Quoi qu’il en soit, il existe d’excellentes raisons pour lesquelles il serait utile de recourir davantage aux prêts hypothécaires de plus long terme. Du point de vue du consommateur, ce type de prêt permet de réduire les risques de renouveler à un taux d’intérêt plus élevé. En effet, plus le terme est long, moins les renouvellements sont nombreux sur la durée totale du prêt. Évidemment, le taux d’intérêt sera alors plus élevé, mais certains acheteurs pourraient être disposés à payer plus cher pour réduire leur risque. Sans compter qu’un tel prêt hypothécaire pourrait ne pas coûter beaucoup plus cher à long terme, selon ses particularités et les pénalités en cas de remboursement anticipé. À tout le moins, nous pourrions en faire davantage pour renseigner les gens sur les prêts hypothécaires de plus long terme. De fait, bien des personnes à qui je parle ne savent même pas qu’ils existent.

En tant que décideur public, je vois en quoi des prêts hypothécaires de long terme peuvent contribuer à la sûreté du système financier et à la stabilité de l’économie. Le calcul est simple : environ 20 % de tous les prêts hypothécaires de cinq ans sont renouvelés chaque année. Cela représente un grand nombre de ménages. Si tous les prêts hypothécaires étaient de dix ans, seulement 10 % de ces propriétaires renouvelleraient leur prêt chaque année.

Par ailleurs, les prêts hypothécaires de long terme permettent au propriétaire d’accroître davantage la valeur nette de sa propriété entre les renouvellements. Cette valeur accrue lui offre plus d’options au moment du renouvellement. Par conséquent, plus le terme initial du prêt est long, moins un test de résistance fondé sur un scénario de taux hypothécaires est nécessaire. Autrement dit, les prêts de long terme déplacent les risques partagés par le prêteur, l’emprunteur et le système dans son ensemble. Tous ces aspects méritent d’être étudiés plus en détail.

Établir un marché privé pour les titres adossés à des créances hypothécaires

Si les institutions financières offrent si peu de prêts hypothécaires de long terme, c’est notamment en raison de leurs coûts de financement. En principe, une banque se finance en convertissant les dépôts de ses clients en prêts hypothécaires et autres formes de crédit. La réalité est en fait plus compliquée. De nombreuses institutions recherchent les dépôts de gros en plus de leurs dépôts de détail ordinaires. Les grandes banques se financent aussi en émettant des obligations. Et depuis 1987, les institutions canadiennes peuvent émettre des titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) bénéficiant de la caution de l’État.

Les TACH permettent aux institutions de regrouper en blocs des prêts hypothécaires qu’elles ont accordés et de les vendre à d’autres investisseurs. Ceux-ci touchent le revenu des paiements hypothécaires, et le produit de la vente sert de financement à l’institution émettrice, qui peut ainsi consentir d’autres prêts hypothécaires ou l’utiliser à d’autres fins. Ce processus se déroule pour ainsi dire en coulisse : les propriétaires continuent de faire leurs versements comme avant.

Selon les règles actuelles, seuls les prêts hypothécaires assurés peuvent servir à l’émission de TACH bénéficiant de la caution de l’État. Depuis 2001, la Fiducie du Canada pour l’habitation, qui a été établie par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), achète des prêts hypothécaires assurés auprès d’institutions et les utilise dans les OHC, dont j’ai parlé un peu plus tôt. Les OHC ont connu un franc succès : leur encours dépasse les 230 milliards de dollars, soit l’équivalent d’environ 15 % de la dette hypothécaire totale.

Grâce aux OHC et autres formes de soutien de l’État pour le financement hypothécaire, le coût de financement des prêts hypothécaires assurés est relativement faible, ce qui a fait baisser les taux hypothécaires pour les consommateurs. Par contre, le financement des prêts hypothécaires non assurés, en particulier pour les petites banques et les sociétés de financement hypothécaire, est relativement cher. Il est vrai que depuis 2007, les institutions canadiennes peuvent financer les prêts hypothécaires non assurés en émettant des obligations sécurisées. Mais il peut être difficile pour les petites institutions de le faire, puisqu’elles ne jouissent pas des mêmes économies d’échelle que les grandes banques. De plus, le BSIF a plafonné le pourcentage d’obligations sécurisées qu’une institution peut détenir parmi ses actifs.

Il pourrait donc être utile, aussi bien pour les prêteurs que pour les emprunteurs, que le Canada établisse un marché privé pour les TACH. Celui-ci pourrait être une source plus flexible de financement à long terme pour les prêts hypothécaires non assurés, notamment ceux accordés par les petites banques, les coopératives financières et les sociétés de financement hypothécaire. C’est là un enjeu qui gagne en importance, car les prêts hypothécaires non assurés occupent une part grandissante du marché et ne peuvent pas être utilisés dans les OHC.

De plus, la plupart des OHC sont émises sous forme d’obligations de cinq ans, ce qui correspond au terme le plus répandu des prêts hypothécaires. Si nous diversifions davantage le terme des prêts hypothécaires, les prêteurs rechercheront différents types de financement en conséquence. Les TACH privés pourraient être utiles à cet égard.

Enfin, les TACH privés pourraient devenir une autre option pour certains investisseurs. Pensons, par exemple, aux grandes institutions comme les caisses de retraite et les sociétés d’assurance qui ont besoin d’actifs à long terme pour apparier leurs passifs. Ou encore aux fonds communs de placement et, éventuellement, aux simples particuliers recherchant un placement à revenu fixe qui rapporte davantage qu’un certificat de placement garanti ordinaire.

Une certaine dynamique se dessine au pays en faveur de l’établissement d’un marché privé des TACH. Cependant, pour que ces titres réussissent comme placements, ils doivent être conçus avec soin. Après tout, les gens sont nombreux à se rappeler que les TACH ont été au cœur de la débâcle des prêts hypothécaires à risque qui a précédé la crise financière mondiale il y a plus de dix ans.

Un marché privé des TACH au Canada devrait être transparent pour que les investisseurs aient davantage confiance en la qualité des prêts hypothécaires dans lesquels ils investissent. Cela leur permettrait d’accepter un rendement moins élevé, ce qui réduirait l’écart de prix avec les OHC ordinaires. L’un des moyens d’assurer cette transparence consisterait à créer une base de données publique sur les prêts hypothécaires servant à la titrisation. L’idéal serait que cette base contienne les caractéristiques générales de l’emprunteur, de la propriété et du prêt, ainsi que des données sur le rendement du prêt au fil du temps. Une base de données anonymisée permettrait aussi de préserver la vie privée de l’emprunteur.

Soulignons que d’autres États et territoires, dont l’Union européenne, le Royaume-Uni et l’Australie, ont déjà mis en place ce genre de dispositif ou sont en voie de le faire. Nous espérons que toutes les institutions financières au Canada, des six grandes banques à la plus petite coopérative financière, vont collaborer en ce sens. Après tout, une telle base de données pourrait bénéficier à toutes les institutions, pas seulement à celles qui pourraient émettre des TACH. Si les institutions pouvaient se servir des données pour montrer la solidité de leurs prêts hypothécaires, elles pourraient faire baisser leurs coûts de financement, peu importe comment elles obtiennent ce financement.

De nouvelles formes de prêts hypothécaires?

La dernière idée que j’aimerais aborder concerne la conception du prêt hypothécaire même. Dans son plus récent budget, le gouvernement fédéral a annoncé la création d’un prêt hypothécaire avec participation, qui sera administré par la SCHL. Les modalités définitives seront mises en place plus tard cette année. Cette proposition vise principalement à améliorer l’accessibilité au logement pour les accédants à la propriété, en leur permettant d’obtenir un prêt sans intérêt qu’ils pourront ajouter à leur mise de fonds. Elle favorisera aussi une augmentation de l’offre de logements.

La proposition est également intéressante du fait qu’elle devrait aider à améliorer la résilience du système financier et la capacité de l’économie à s’ajuster aux chocs. Ce type de prêt hypothécaire, dont il existe de nombreuses variantes possibles, a été analysé en profondeur par deux économistes américains : Atif Mian et Amir Sufi.

Essentiellement, l’idée consiste à redéfinir le partage des risques entourant un prêt hypothécaire entre l’emprunteur et le prêteur. Étant donné que le prêt est partagé, comme les actions d’une entreprise, les risques le sont aussi. Évidemment, le prêt hypothécaire avec participation ne fait pas disparaître les risques. Ce qu’il faut retenir, c’est que les prêteurs sont mieux placés que les emprunteurs pour supporter le risque, car ils peuvent diversifier leurs risques parmi de nombreux emprunteurs. Les emprunteurs sont disposés à payer pour réduire le risque, soit en acceptant un taux d’intérêt plus élevé, soit en partageant leurs gains ou leurs pertes en capital avec leur prêteur. Dans le cas du Canada, qui possède des normes rigoureuses de souscription de prêts hypothécaires, cette redistribution du risque rendrait probablement le système financier plus sûr au bout du compte.

Bien entendu, il existe beaucoup d’autres formes possibles de prêts hypothécaires. En fait, il y en a tellement que je me demande pourquoi notre marché hypothécaire a changé aussi peu de mon vivant. J’espère que dans l’avenir, on appliquera au marché hypothécaire le même esprit d’innovation que celui dont les coopératives financières ont fait preuve par le passé. Après tout, l’un des principes fondateurs des coopératives financières est le concept de partage des risques.

Conclusion

C’est le moment pour moi de conclure.

La Banque du Canada a pour mandat d’encourager la sûreté et l’efficacité du système financier, afin qu’il évolue de façon à favoriser la résilience, à promouvoir la flexibilité et à permettre aux gens de faire des choix qui conviennent à leur situation.

Le marché du logement et les prêts hypothécaires sont au cœur de notre système. La Banque du Canada continue de surveiller de près l’ajustement des marchés du logement à la récente modification des politiques de logement provinciales et municipales, aux nouvelles lignes directrices sur les prêts hypothécaires et aux hausses passées des taux d’intérêt. Certains marchés qui étaient effervescents sont encore en train de s’adapter à un important changement des attentes concernant les prix, tandis que d’autres semblent fonctionner d’une manière qui cadre avec les facteurs fondamentaux du marché. À mesure que les marchés se stabilisent à Toronto et à Vancouver, le secteur canadien du logement devrait globalement recommencer à croître plus tard cette année.

La nature régionale de notre marché du logement montre bien que nous devrions tous chercher des façons d’améliorer la sûreté et l’efficacité de notre marché hypothécaire. Il est souhaitable que les emprunteurs aient plus de choix et les prêteurs plus de moyens de diversifier les risques. Je tiens à le préciser : le système n’est pas défectueux — il a bien servi les Canadiens et les institutions financières. Mais nous ne devrions pas cesser de chercher à l’améliorer. Et je vous invite tous à vous joindre à cet effort.

Je tiens à remercier Ron Morrow, Jason Allen, Brian Peterson, Adi Mordel et Nigel Stephens de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

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