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La stabilité financière dans un monde incertain (discours complet)

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Introduction

C’est toujours un plaisir d’être ici, à Montréal, et je tiens à remercier Le Cercle de la finance internationale de son invitation.

Aujourd’hui, j’aimerais vous parler de la stabilité financière au Canada, dans un monde qui paraît de plus en plus incertain. Ce discours fait partie de notre engagement à informer les Canadiens deux fois par année des enjeux liés à la stabilité financière qui sont importants pour eux1.

Dans l’ensemble, l’économie canadienne affiche une assez bonne tenue. L’inflation avoisine la cible, le taux de chômage avoisine des creux historiques, et la croissance des salaires s’est améliorée. Il existe tout de même d’importantes variations régionales. L’économie québécoise va particulièrement bien depuis quelques années, ce qui a permis à de nombreuses personnes de revenir sur le marché du travail. Par contre, l’ajustement à la baisse des prix du pétrole pèse encore sur l’activité économique des provinces productrices d’énergie, ce qui crée des conditions éprouvantes pour beaucoup de gens.

En dehors de nos frontières, l’économie mondiale fait face à des défis de taille. Le premier qui nous vient tous à l’esprit est la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. Il est vrai qu’une entente préliminaire entre les deux pays est possible. Toutefois, l’incertitude qui entoure les politiques commerciales reste élevée. Cette incertitude a entraîné un ralentissement à l’échelle de la planète et même suscité des craintes d’une récession mondiale – mais la plupart des projections de référence, y compris la nôtre, ne prévoient pas une telle issue. Même si la guerre commerciale ne s’intensifie pas, elle pourrait coûter, d’ici 2021, environ 1 000 milliards de dollars américains en pertes de production à l’économie mondiale. Comme vous l’avez vu dans le dernier Rapport sur la politique monétaire, le Canada est aussi touché, mais nous ne prévoyons pas non plus de récession au pays.

La guerre commerciale n’est pas la seule source d’incertitude. Il y a aussi le Brexit, les tensions au Moyen-Orient, et les contestations sociales à Hong Kong et dans certains pays d’Amérique latine. Les gestionnaires de risques qui sont ici aujourd’hui savent à quel point il est difficile de concevoir des stratégies d’affaires dans ce contexte.

La Banque du Canada et d’autres autorités doivent évaluer les risques et avoir les bonnes mesures de protection en place. Idéalement, on veut faire poser ses pneus d’hiver avant la première neige. C’est non seulement pour se protéger, mais aussi pour protéger tous les autres qui prennent la route.

Aujourd’hui, j’aurais trois points à vous présenter :

  1. Le Canada a fait des progrès ces dernières années pour contenir les vulnérabilités financières – mais cela ne veut pas dire qu’on peut baisser la garde.
  2. Le contexte international s’est détérioré, ce qui augmente les risques pour la croissance mondiale et la possibilité que des tensions financières se propagent au Canada.
  3. Le système financier canadien est résilient et, dans le cas peu probable où une tempête surviendrait, nous sommes en bonne posture pour faire face aux imprévus.

Je vais aussi vous parler de notre programme de recherche concernant un enjeu majeur qui façonne le système financier : les changements climatiques.

Contenir les vulnérabilités

Vous nous entendez dire depuis un certain temps déjà que les principales vulnérabilités financières au Canada sont l’endettement élevé des ménages et les déséquilibres sur le marché du logement. Ces éléments nous préoccupent parce que les faiblesses du système financier peuvent nettement aggraver les résultats économiques si un risque à la baisse se concrétise.

Reculons un peu dans le temps. Il y a quelques années, le niveau d’endettement des ménages avait augmenté pour atteindre près de 1,8 fois le revenu disponible. Près d’un nouvel emprunteur sur cinq avait un prêt hypothécaire équivalent à au moins quatre fois et demie son revenu. Les prix des logements à l’échelle nationale enregistraient une croissance record de 20 % (sur douze mois), tandis que les marchés des régions de Toronto et de Vancouver affichaient des hausses de prix encore plus vertigineuses.

La bonne nouvelle, c’est que nous avons fait des progrès depuis. La croissance du crédit s’est modérée et celle des revenus s’est accélérée. Résultat : le ratio de la dette au revenu est stable depuis deux ans environ. Par ailleurs, la part des nouveaux prêts hypothécaires accordés à des emprunteurs fortement endettés a atteint un creux de 13 %. À Toronto, la croissance des prix des logements a ralenti pour s’établir à un rythme plus soutenable. À Vancouver, les prix ont continué de baisser par rapport à l’an dernier, mais semblent se stabiliser. Enfin, les attentes de hausses futures de prix dans ces marchés sont redevenues raisonnables.

Ces progrès ne se sont pas réalisés comme par magie. Tout d’abord, les autorités fédérales ont modifié les règles du financement hypothécaire pour que les emprunteurs puissent composer avec une hausse des taux d’intérêt ou une baisse de leurs revenus2. Pour leur part, la Colombie-Britannique et l’Ontario ont adopté des mesures fiscales pour faire baisser la demande de logements parmi les non-résidents et les spéculateurs. De plus, la Banque a fait passer son taux directeur de 0,5 % à la mi-2017 à 1,75 % l’automne passé, et l’a maintenu à ce niveau depuis. Elle a pris cette décision pour atteindre sa cible d’inflation, et de fait, quand les coûts d’emprunt augmentent, la croissance du crédit ralentit.

À cause des exigences plus strictes et des taux hypothécaires plus élevés, certaines personnes ne peuvent pas acheter le logement qu’elles veulent. Il y en a qui en trouvent un moins cher, d’autres qui attendent d’accumuler une plus grande mise de fonds. Il faut garder à l’esprit que si les autorités n’étaient pas intervenues pour contenir les vulnérabilités, les logements seraient encore moins abordables. C’est le cas partout au Canada, mais surtout à Toronto et à Vancouver.

Malgré les progrès que nous avons accomplis pour remédier aux vulnérabilités, le niveau d’endettement des ménages est toujours élevé et le restera sans doute pendant un certain temps, surtout si les taux d’intérêt mondiaux demeurent bas. Les coûts du service de la dette des ménages ont aussi atteint un sommet historique.

Bien qu’on semble avoir évité l’effondrement du marché du logement que beaucoup craignaient, les prix à Toronto et à Vancouver dépassent toujours d’environ 40 % ceux de 2015, année où ils ont commencé à grimper. Les prix sont aussi nettement plus élevés dans des marchés qui n’étaient pas sur notre écran radar à ce moment-là, comme Montréal.

Nous constatons aussi que la croissance du crédit hypothécaire et les prix de certains logements ont recommencé à augmenter, sous l’effet d’une diminution des taux hypothécaires. De plus, la proportion des nouveaux prêts hypothécaires accordés à des emprunteurs fortement endettés s’est remise à monter3. On observe de nouveau sur certains marchés du logement beaucoup d’éléments qui les caractérisaient il y a trois ans, dont une forte demande sous-jacente, une offre restreinte et de faibles taux d’intérêt. Par contre, cette fois-ci, nous nous attendons à ce que les mesures réglementaires et autres qui ont été prises soutiennent la qualité des nouveaux prêts accordés et freinent la montée des déséquilibres sur le marché du logement.

Mais ce n’est pas le moment de baisser la garde. Il est impératif d’avoir des mesures de protection solides au cas où des difficultés à l’étranger nous atteindraient.

Le contexte mondial assombrit l’horizon

C’est ce qui m’amène à mon deuxième point. Le contexte international s’est détérioré, ce qui augmente les risques pour la croissance mondiale, ainsi que la possibilité de tensions financières. Les répondants à notre dernière enquête sur le système financier sont du même avis4. La guerre commerciale est une préoccupation majeure.

Comme je l’ai dit plus tôt, nous ne pensons pas qu’une récession soit le scénario le plus probable, surtout compte tenu de l’assouplissement des conditions monétaires mondiales au cours des derniers mois.

Nous devons néanmoins comprendre ce qui pourrait arriver si les choses allaient vraiment mal5. Pour ce faire, il faut envisager les différentes façons dont une tempête parfaite pourrait évoluer.

Un grand nombre de vulnérabilités financières à l’échelle du globe sont liées comme d’habitude au levier d’endettement. La dette mondiale totale équivaut maintenant à plus de trois fois le produit intérieur brut mondial, ce qui est bien plus élevé qu’avant la Grande Récession. Par conséquent, beaucoup de ménages, d’entreprises et d’administrations publiques seraient vulnérables si leur situation financière se dégradait6. De plus, un ralentissement économique pourrait être plus prononcé que d’habitude et être marqué par des tensions financières.

J’ai déjà parlé de l’endettement élevé des ménages au Canada. Dans des pays comme la Suède et l’Australie, les vulnérabilités sont semblables aux nôtres.

Dans le cas de l’endettement des sociétés non financières, les inquiétudes concernent à la fois les économies avancées, dont le Canada, et les économies émergentes. En effet, la qualité de la dette a diminué. Environ 50 % des obligations de sociétés de bonne qualité émises aux États-Unis et en Europe sont maintenant notées BBB. Lors d’un ralentissement, où les profits des sociétés sont plus précaires, ces obligations risqueraient d’être déclassées, ce qui rendrait le financement plus coûteux pour ces sociétés. La dette des sociétés sur les marchés émergents a elle aussi explosé, les investisseurs étant en quête de rendement dans un contexte de faibles taux d’intérêt. La Chine est responsable d’environ les deux tiers de l’encours de la dette des sociétés sur les marchés émergents, qui dépasse les 30 000 milliards de dollars américains. L’intermédiation financière non bancaire a rendu possible une bonne partie de ces emprunts, et les flux financiers transfrontaliers vers les actions et les titres de créance sont devenus des sources plus importantes de flux de capitaux.

Une proportion grandissante des obligations de sociétés sont combinées et vendues à des investisseurs particuliers sous forme de fonds négociés en bourse (FNB). Ces investisseurs cherchent à obtenir de meilleurs rendements, mais avec le genre de liquidité qu’ils associent aux actions. Le plus grand marché de FNB se trouve aux États-Unis, mais celui du Canada est aussi en pleine croissance. Ce qui est préoccupant, c’est qu’en période de tensions, les rachats de parts de FNB de titres à revenu fixe pourraient amplifier la volatilité de la valeur de ces parts et des prix sur les marchés d’obligations de sociétés sous-jacents.

D’autres types de prêts plus risqués, comme les prêts à effet de levier, qui sont de plus en plus combinés en titres garantis par des prêts, croissent rapidement aussi7. À l’échelle mondiale, l’encours des titres garantis par des prêts est d’environ 700 milliards de dollars américains, et l’activité d’émission est forte. L’ingénierie financière qui sous-tend les montages a été améliorée depuis la crise, mais elle demeure une source de préoccupations. Par exemple, la qualité des prêts sous-jacents s’est détériorée et beaucoup de ces prêts sont dépourvus des protections habituelles offertes par des clauses restrictives.

La dynamique lors du dénouement de l’un de ces instruments complexes pourrait donner une impression de déjà-vu. Ceux d’entre vous qui étaient à Montréal durant la crise financière se souviendront que la complexité de l’ingénierie financière et l’asymétrie de liquidité étaient au cœur de bien des problèmes.

La première ligne de défense contre ces risques, ce sont les gens comme vous, ici présents. Vous devez en effet comprendre et atténuer vos propres risques et concevoir des plans d’urgence au cas où les choses iraient mal. La Banque du Canada renforce aussi ses propres efforts de surveillance, en particulier en ce qui concerne l’intermédiation financière non bancaire, et dirige un projet visant à augmenter l’échange d’information entre les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux89.

Cela dit, comment la guerre commerciale pourrait-elle déclencher une tempête parfaite? Et par tempête parfaite, je veux dire un ralentissement économique combiné à des tensions financières. Une hausse de l’incertitude ou de mauvaises nouvelles sur le plan commercial pourraient la provoquer. Cela pourrait ensuite provoquer une inversion brusque des primes de risque et une chute des prix des actifs, y compris des logements. Les créanciers verraient les défauts de paiement augmenter, surtout parmi les sociétés qui ont une cote de crédit moins élevée. De plus, il suffirait qu’assez d’investisseurs ajustent leurs portefeuilles en même temps pour que la liquidité s’assèche, ce qui amplifierait les effets10. Le système bancaire finirait par être touché : il serait donc plus difficile pour les propriétaires d’entreprises et les familles d’emprunter, et le ralentissement s’accentuerait.

La résilience face aux turbulences

Je vais maintenant aborder mon troisième point : le fait que le système financier canadien est très résilient.

Les banques canadiennes font partie d’un système bancaire mondial qui est plus solide qu’il y a dix ans. Les banques actives à l’échelle internationale détiennent plus de 2 000 milliards de dollars américains de plus en fonds propres qu’au début de 2011, lorsque les réformes de l’après-crise ont commencé à être mises en œuvre. Il s’agit là d’une amélioration de 7 points de pourcentage du ratio de fonds propres de catégorie 111. Les limites de levier d’endettement et les nouvelles exigences réglementaires en matière de liquidité rendent aussi ces banques plus résilientes12.

Le Canada a pris de nouvelles mesures pour renforcer encore plus son système bancaire. Par exemple, l’autorité prudentielle canadienne, à savoir le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), a augmenté les niveaux de fonds propres que les grandes banques du pays doivent détenir pour se protéger des vulnérabilités du système financier. Le Canada a introduit un régime de recapitalisation interne pour que ce soient les investisseurs – et non les contribuables – qui subissent le poids des pertes dans le cas peu probable où une grande banque ferait faillite. Le BSIF a aussi demandé à de nombreuses petites banques spécialisées dans une seule branche d’activité de réduire leur dépendance à l’égard du financement à court terme intermédié, lequel peut s’avérer plus volatil dans des situations tendues.

En collaboration avec le BSIF, la Banque du Canada évalue ces mesures de protection en menant des simulations de crise visant les grandes banques du pays. Comme l’objectif est de nous préparer au pire, il est important d’étudier des scénarios extrêmes. La plus récente simulation a été organisée aux fins du rapport d’évaluation sur la stabilité du système financier canadien que le Fonds monétaire international (FMI) a publié en juin dernier13. Le scénario utilisé était plus pessimiste que tous les chocs que le Canada a encaissés ces dernières décennies. Il prévoyait une récession de deux ans, une hausse du taux de chômage de 6 points de pourcentage et une chute de 40 % des prix des logements14. De toute évidence, ce scénario serait très difficile pour les gens s’il se matérialisait. Cela dit, d’après les résultats de cette simulation, nos banques pourraient résister même à ce type de choc systémique grave. Pour moi, il est clair que les efforts déployés pour augmenter la résilience du système bancaire en ont valu la peine, car ils devraient permettre d’éviter l’aggravation d’une situation déjà difficile.

Quand on évalue les risques, il est important d’étudier tout un éventail de scénarios. Par exemple, dans le Rapport sur la politique monétaire d’octobre, nous avons étudié l’incidence d’une augmentation de l’incertitude d’une ampleur suffisante pour que le ralentissement actuel de l’économie mondiale devienne considérablement plus grave, mais pas autant que dans la simulation de crise du FMI15. Selon notre analyse, le Canada serait touché très durement, car tant la demande d’exportations canadiennes que les prix des matières premières chuteraient. Le fait que la dette des ménages soit plus élevée qu’en 2008 aggraverait encore plus les choses. En effet, face à une détérioration de leur situation financière, les ménages endettés seraient amenés à ajuster leurs dépenses de consommation davantage qu’ils n’auraient dû le faire par le passé. En fait, ce facteur amplifie l’effet négatif sur la consommation intérieure d’environ 30 %.

Cela rappelle l’importance des interactions entre la politique monétaire et les vulnérabilités financières. Dans le contexte actuel, une diminution des taux d’intérêt pourrait servir d’assurance contre les risques à la baisse entourant l’inflation. Cette assurance aurait toutefois un coût : à terme, les vulnérabilités des ménages augmenteraient. Des outils comme le test de résistance sur les prêts hypothécaires que j’ai mentionné plus tôt pourraient aider à contenir les vulnérabilités si la politique monétaire devait être assouplie16. Cela dit, nous avons indiqué, dans notre plus récente décision sur les taux d’intérêt, que puisque les vulnérabilités étaient élevées et que l’inflation était restée près de la cible pendant plus d’un an, cela ne valait pas le « coût » de prendre une assurance dans les circonstances. Nous avons également précisé qu’au moment de considérer la trajectoire appropriée de la politique monétaire, nous allions surveiller de près l’évolution de la situation commerciale et des vulnérabilités des ménages, de même que celle de la politique budgétaire.

Il est important de noter que, dans le cadre du scénario défavorable utilisé pour le Rapport sur la politique monétaire d’octobre, le taux d’inflation fléchit, mais reste à l’intérieur de la fourchette cible de maîtrise de l’inflation, qui va de 1 à 3 %. Notre taux directeur est peut-être relativement bas actuellement, mais à 1,75 %, nous avons encore une marge de manœuvre. Nous avons aussi d’autres moyens à notre disposition, comme les indications prospectives exceptionnelles et les achats massifs d’actifs17.

Un programme de recherche sur les changements climatiques

Avant de conclure, j’aimerais vous parler de notre programme de recherche sur les enjeux liés aux changements climatiques qui sont pertinents pour la Banque du Canada.

La Banque déploie de grands moyens d’analyse pour comprendre comment les risques climatiques façonnent la macroéconomie et le système financier. Nous avons publié aujourd’hui un programme de recherche pluriannuel, qui décrit certains des enjeux auxquels nous nous intéressons. Les travaux de recherche seront répartis entre deux volets qui sont au cœur de notre mandat.

Le premier volet concerne les conséquences possibles des changements climatiques sur nos prévisions macroéconomiques et la formulation de la politique monétaire. Pour faire notre travail, nous devons comprendre les conséquences économiques de phénomènes météorologiques extrêmes qui seront plus fréquents et plus violents. À titre d’exemple, les inondations du printemps dernier ont été très éprouvantes pour les habitants du Québec et d’autres régions du pays, et elles ont eu des répercussions sur l’ensemble de l’économie.

En même temps, nous étudions aussi la façon dont différents secteurs de l’économie et les emplois qui s’y rattachent pourraient changer, à mesure que nous réduisons notre empreinte carbone. Cela pourrait affecter la production potentielle et le taux d’intérêt neutre à l’échelle mondiale. Ces tendances sont particulièrement importantes pour un pays riche en ressources naturelles comme le Canada.

Le second volet de recherche a trait aux conséquences des changements climatiques pour la stabilité financière. Nous devons mieux comprendre les risques physiques, associés au fait que les phénomènes météorologiques deviennent plus violents et plus fréquents. C’est d’ailleurs une réalité que nous observons déjà ici au pays : les demandes d’indemnisation de dommages aux biens et aux infrastructures ont atteint en moyenne 1,9 milliard de dollars par année entre 2009 et 2018, contre 200 millions dollars entre 1983 et 199218.

Il y a aussi les risques liés à la transition vers une économie sobre en carbone. Les investisseurs ajustent déjà leurs portefeuilles pour réduire leurs expositions aux risques climatiques, ce qui entraîne une réévaluation des actifs à forte intensité de carbone19. Le risque, c’est que cette transition ne se fasse pas en douceur.

Pour vous citer un exemple concret des travaux à venir, la Banque du Canada est en train d’élaborer des modèles qui vont lui permettre d’évaluer différents scénarios de transition. Dans un premier temps, nous espérons publier dans les semaines à venir un exemple préliminaire de ce genre d’étude. Nous venons aussi tout juste de mettre en ligne un article de L’Économie claire et simple qui explique l’importance des changements climatiques pour l’économie et le système financier.

C’est le début d’un long parcours, et nous n’avançons pas seuls20. Nous faisons partie du Réseau pour le verdissement du système financier, un groupe d’échange productif qui réunit des banques centrales et d’autres autorités21. Nous collaborons aussi avec d’autres partenaires pour mieux comprendre comment les entreprises et les investisseurs évaluent et atténuent les risques climatiques.

Conclusion

Voici venu le temps de conclure.

Le fait que le taux de chômage soit presque à un creux historique et que l’inflation avoisine la cible veut dire que l’économie canadienne va plutôt bien dans l’ensemble. Je sais néanmoins que la grande incertitude qui entoure les échanges commerciaux affecte les entreprises et les travailleurs du pays. Je sais aussi que les régions où le secteur de l’énergie est très présent font encore face à de pénibles ajustements. C’est pourquoi le Conseil de direction suit tout cela de près.

Notre pays a – non sans mal – fait des progrès pour stabiliser l’endettement des ménages et éliminer l’effervescence de certains marchés du logement. Mais n’oublions pas qu’il a fallu de nombreuses années pour que toute cette dette s’accumule, et qu’il en faudra au moins autant pour la réduire.

Vu l’horizon qui s’assombrit, il ne faut pas baisser la garde. C’est d’autant plus important que l’endettement élevé à l’échelle internationale accentuerait un ralentissement de l’économie mondiale, surtout si celui-ci se traduisait en récession. Il est rassurant de savoir qu’en cas de tempête, l’économie et le système financier du Canada seraient en bonne posture pour la traverser.

J’aimerais remercier Don Coletti et Erik Ens de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

  1. 1. Chaque printemps, la Banque du Canada présente, dans la Revue du système financier, une étude exhaustive des principales vulnérabilités et de grands risques qui touchent le système financier. De plus, le personnel de la Banque effectue des recherches tout au long de l’année pour tenir le Conseil de direction informé des enjeux que l’institution voudrait signaler à ses partenaires fédéraux ou provinciaux, ou communiquer aux Canadiens. Les résultats de ces travaux se trouvent dans le Portail sur le système financier de la Banque.[]
  2. 2. Les autorités prudentielles de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Québec ont adopté des lignes directrices semblables. Certaines coopératives de crédit d’autres régions du Canada en ont fait autant, de façon volontaire.[]
  3. 3. Depuis le début de l’année, les taux hypothécaires ont baissé d’environ 100 points de base, en raison de la faiblesse des taux d’intérêt étrangers. Selon les données pour le troisième trimestre de 2019, la proportion de nouveaux prêts hypothécaires présentant un ratio de prêt au revenu égal ou supérieur à 450 % est passée de 13 à 15 %.[]
  4. 4. Les cyberrisques occupent aussi une place importante dans leur liste de préoccupations. Pour de plus amples précisions, voir les points saillants de notre plus récente enquête sur le système financier, que nous avons publiés dans notre site Web hier.[]
  5. 5. Dans le Rapport sur la politique monétaire d’octobre, nous avons présenté un scénario de risque à la baisse prévoyant une hausse importante de l’incertitude. Ce scénario appréhendait bon nombre de canaux à travers lesquels l’économie canadienne pourrait être touchée, dont la demande étrangère et les prix des produits de base. Il tentait aussi de rendre compte d’un effet d’amplification associé à l’endettement élevé des ménages. Il ne comportait toutefois pas les effets d’une turbulence financière provenant des marchés internationaux.[]
  6. 6. Voir C. A. Wilkins (2019), À l’ère du levier d’endettement, discours prononcé devant l’École d’économie de Vancouver de l’Université de la Colombie-Britannique et la CFA Society Vancouver, Vancouver (Colombie-Britannique), 14 mars.[]
  7. 7. Les prêts à effet de levier sont des prêts à rendement élevé consentis à des sociétés non financières ayant une faible cote de crédit. La majorité des prêts à effet de levier sont souscrits par les banques, qui les émettent sur les marchés américains et européens. Ils sont ensuite vendus à divers participants au système financier, et un grand nombre sont titrisés sous forme de titres garantis par des prêts. Le montage de ces titres doit respecter une réglementation plus rigoureuse qu’avant la crise financière mondiale, y compris un resserrement des exigences sur la hiérarchisation des créances et des restrictions relatives à la détention d’actifs.[]
  8. 8. Voir G. Bédard-Pagé (2019), Le point sur l’intermédiation financière non bancaire au Canada, Banque du Canada, Portail sur le système financier, 26 mars.[]
  9. 9. La Banque préside le groupe des Responsables des organismes de réglementation, un lieu d’échange entre autorités fédérales et provinciales sur les questions touchant le secteur financier. Font aussi partie de ce groupe le ministère des Finances du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières, l’Autorité des marchés financiers du Québec et les commissions des valeurs mobilières de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.[]
  10. 10. Dans la Revue du système financier de mai 2019, le personnel de la Banque s’est penché sur ce qui arriverait aux fonds communs de placement à capital variable et à revenu fixe au Canada si de nombreux investisseurs retiraient leurs investissements simultanément.[]
  11. 11. Le ratio de fonds propres de catégorie 1 d’une banque correspond au rapport entre ses fonds propres et le total de ses actifs pondérés en fonction du risque.[]
  12. 12. Voir T. Gomes et C. A. Wilkins (2013), « Le point sur les normes de liquidité de Bâle III », Revue du système financier, Banque du Canada, juin, p. 41-48.[]
  13. 13. Voir Fonds monétaire international (2019), Rapport d’évaluation sur la stabilité du système financier canadien, juin.[]
  14. 14. Rappelons qu’au Canada, le taux de chômage a augmenté d’environ 3 points de pourcentage pendant la crise financière mondiale.[]
  15. 15. La simulation, exposée dans l’encadré 3 du Rapport sur la politique monétaire, a été établie de façon à correspondre au degré d’incertitude implicite que semblent observer les participants au marché américain des swaps indexés sur le taux à un jour.[]
  16. 16. Pour des précisions à ce sujet, voir S. S. Poloz (2019), Vers 2021 : la puissance – et les limites – de la politique monétaire, discours prononcé devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Montréal (Québec), 21 février.[]
  17. 17. Voir S. S. Poloz (2015), Préparation prudente : l’évolution des politiques monétaires non traditionnelles, discours prononcé devant l’Empire Club of Canada, Toronto (Ontario), 8 décembre.[]
  18. 18. Bureau d’assurance du Canada, Assurance de dommages au Canada 2019.[]
  19. 19. En 2018, les gestionnaires d’actifs canadiens géraient des actifs d’environ 2 000 milliards de dollars en tenant compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance explicites.[]
  20. 20. Nous sommes également conscients qu’il est important d’être exemplaires en ce qui concerne nos propres opérations. Nous avons élaboré une stratégie pluriannuelle pour réduire nos déchets et pour commencer à mesurer – et à diminuer – notre propre empreinte carbone.[]
  21. 21. Pour en savoir plus, voir le site Web (en anglais) du Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier, qui a été établi en décembre 2017, et le communiqué paru en mars 2019 annonçant que la Banque a été acceptée comme membre.[]

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