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L’inflation, entre perception et réalité

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Quand les hommes considèrent certaines situations comme réelles, elles sont réelles dans leur conséquence.

William Isaac Thomas

Introduction

Bonjour. Quel plaisir de revenir prendre la parole à la conférence estivale annuelle de l’Association canadienne de science économique des affaires, et ce, malgré la COVID‑19! Inutile de dire que la pandémie a perturbé nos vies et causé de grandes difficultés à bien des gens.

Les circonstances étaient bien différentes lors de mon discours d’il y a quelques années. Nous étions alors au dernier étage d’un hôtel de Kingston avec vue sur le lac Ontario. C’était tout un défi de retenir votre attention dans un cadre aussi enchanteur! Aujourd’hui, c’est à travers l’écran que je devrai tenter de vous captiver, étant donné que le virus nous empêche de nous réunir en personne.

Je vais vous parler d’un sujet dont les banques centrales ne se lassent jamais : l’inflation. Après tout, maintenir l’inflation à un niveau bas et stable est le principal objectif de la politique monétaire.

J’aimerais toutefois aborder le sujet sous un angle un peu différent en vous parlant de l’écart entre la perception de l’inflation et le taux mesuré.

Cette question est importante, car la façon dont les gens perçoivent l’inflation courante et anticipent son évolution se reflète dans leurs dépenses et leur épargne, donc dans toute la sphère macroéconomique. Les attentes d’inflation ont également de grandes implications pour la crédibilité de la cible de 2 % et l’efficacité de la politique monétaire de la Banque du Canada.

J’aimerais me pencher avec vous sur un phénomène en particulier, soit le fait que les consommateurs estiment en moyenne que l’inflation dépasse le taux mesuré et attesté par les agences statistiques. Ce genre d’écart est couramment observé au Canada et ailleurs, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni1.

Les résultats d’initiatives publiques que la Banque a menées récemment vont aussi en ce sens. Dans nos démarches en vue du renouvellement de l’entente relative à la cible de maîtrise de l’inflation avec le gouvernement fédéral en 2021, nous avons adopté une approche axée sur l’écoute et sollicité l’opinion de la population et d’autres parties prenantes clés. Beaucoup ont fait valoir qu’à leur avis l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) ne reflète pas la hausse qu’ils disent constater.

Cet écart entre l’inflation perçue et l’inflation mesurée s’est creusé pendant la pandémie. Dans la plus récente enquête sur les attentes des consommateurs au Canada, menée en mai, les ménages anticipaient une hausse de l’inflation à court terme. Dans les faits, l’inflation mesurée par l’IPC a fortement baissé depuis le début de la pandémie. Elle est même sous la limite inférieure de la fourchette de maîtrise de l’inflation, qui est de 1 à 3 %2.

Pour tenter d’expliquer cet écart, la Banque a mené des recherches avec Statistique Canada. Le rapport officiel ne paraîtra qu’à l’automne, mais je vous parlerai de certains résultats préliminaires plus loin.

Maintenant que vous êtes en contexte, j’aimerais poursuivre mon exposé en trois temps :

  • premièrement, en regardant tout ce qui entre en ligne de compte dans l’écart entre la perception et la mesure de l’inflation;
  • deuxièmement, en présentant des problèmes de mesure et des comportements susceptibles d’expliquer cet écart;
  • troisièmement, en examinant les implications de cet écart pour la politique monétaire, notamment en ce qui concerne la communication avec différents publics.

Une inflation basse et stable favorise la prospérité économique

L’inflation, dans le jargon des économistes, est une hausse soutenue du niveau global des prix des biens et services d’une économie sur une période donnée. Ce concept paraît simple, mais c’est tout un défi que de le mesurer avec exactitude.

L’inflation mesurée par l’IPC suit les variations du montant que le ménage canadien moyen dépense au fil du temps. Pour la calculer, Statistique Canada se fonde sur les résultats de son enquête sur les dépenses des ménages pour créer un panier pondéré d’environ 700 biens et services représentatif des achats courants des Canadiens3.

L’inflation mesurée par l’IPC revêt une grande importance pour nous à la Banque : nous croyons fermement que la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter au bien-être économique et financier des Canadiens est de maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible.

Notre cible de 2 % se rapporte au taux annuel de l’inflation mesurée par l’IPC. Comme il s’agit d’un taux largement diffusé, le public peut facilement évaluer si nous remplissons ou non notre objectif de maîtrise de l’inflation. Et nous arrivons à l’atteindre plutôt bien. À preuve, depuis l’établissement de la cible de 2 %, en 1993, l’inflation est restée très stable et s’est maintenue en moyenne près de ce taux4.

Mais il faut y voir plus qu’un chiffre : quand la Banque atteint constamment la cible, elle contribue à rehausser le niveau de vie de toute la population. Et quand les consommateurs et les entreprises savent que l’inflation ne leur réservera pas de surprises, ils peuvent prendre de meilleures décisions à long terme pour leur carrière, leur épargne et leurs investissements.

De plus, quand l’inflation est bien maintenue à un niveau bas, les signaux de prix sont plus révélateurs. Les marchés et tous les secteurs de l’économie fonctionnent mieux. Résultat : l’emploi et la production affichent une croissance plus vigoureuse et plus stable.

L’atteinte de la cible de 2 % dépend toutefois de nombreux facteurs, l’un des plus importants étant les attentes d’inflation de la population. En effet, quand les gens peuvent bien comprendre la cible et s’y fier, il devient plus facile de rester au taux visé.

Perceptions et attentes à l’égard de l’inflation

Entrons maintenant dans le vif du sujet d’aujourd’hui : l’écart entre le taux d’inflation mesuré et le taux perçu par certains.

Comme je l’ai déjà mentionné, les consommateurs pensent généralement que l’inflation est en fait supérieure au taux mesuré et à la cible. Nous savons cela grâce à l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada, que nous menons depuis 2014. Dans le questionnaire, les participants sont invités à chiffrer leur perception de l’inflation courante et leurs attentes d’inflation sur différents horizons.

Regardons certains des constats de la plus récente enquête (graphique 1), qui concordent avec ceux des précédentes.

Tout d’abord, le taux d’inflation perçu par les consommateurs est généralement plus élevé que le taux mesuré par l’IPC, mais il demeure assez près de la cible de 2 %5.

Ensuite, il y a corrélation entre les perceptions de l’inflation courante et les attentes d’inflation aux horizons d’un an et de cinq ans. Par exemple, si les consommateurs croient que les prix ont particulièrement augmenté au cours des douze derniers mois, il y a de fortes chances qu’ils s’attendent à ce que l’inflation demeure élevée dans l’avenir.

Enfin, l’écart entre l’inflation anticipée et la perception de l’inflation courante (et par rapport à la cible) est le plus marqué à l’horizon de cinq ans qu’à celui d’un an6.

Il vaut la peine de mentionner que si l’on compare les résultats de l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada avec ceux d’une enquête semblable menée par la Banque fédérale de réserve de New York, on constate que l’écart entre perception et réalité est plus serré et moins dispersé au Canada qu’aux États-Unis (graphique 2a et graphique 2b). Cela pourrait s’expliquer par les différences entre les stratégies de communication de la Banque du Canada et de la Réserve fédérale des États-Unis7.

Fait intéressant : au Canada, les entreprises et les participants aux marchés financiers expriment des attentes plus près de la cible de 2 % (et donc de l’inflation mesurée par l’IPC) que les consommateurs (graphique 3). C’est qu’ils ont davantage intérêt à avoir des perspectives d’inflation justes du fait qu’ils s’en servent pour fixer prix et salaires et prendre des positions sur les marchés.

Il se peut aussi que les consommateurs ne voient plus l’intérêt de suivre l’inflation de près. Ce phénomène, appelé « l’inattention rationnelle », témoigne vraisemblablement du fait que l’inflation canadienne est basse et stable depuis 25 ans8.

Malgré tout, l’écart entre les attentes d’inflation des Canadiens – consommateurs, entreprises et participants au marché – et la cible d’inflation est relativement petit. Le fait que ces attentes sont bien ancrées a contribué au succès du ciblage de l’inflation au pays.

Quoi qu’il en soit, nous ne tenons pas la situation pour acquise. En tant que banque centrale, la crédibilité de notre cible est cruciale. C’est pourquoi nous voulons comprendre ce qui fait que la perception de certains ménages s’éloigne de la réalité.

Expliquer l’écart entre la perception et la mesure de l’inflation

Premier problème de mesure : la représentativité du panier de l’IPC

L’écart pourrait entre autres s’expliquer par la possibilité que les consommateurs estiment que le panier de l’IPC ne représente pas les biens et services qu’ils achètent. Autrement dit, ils peuvent avoir l’impression que leurs achats sont différents de ceux du ménage moyen ou encore que le prix des biens et services qu’ils achètent a augmenté à un taux supérieur à celui de l’IPC. Plus précisément, l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada révèle que le taux d’inflation perçu par certains groupes est substantiellement plus élevé que ce que publie Statistique Canada.

Dans nos recherches menées avec Statistique Canada, nous avons étudié ce constat en recréant le panier de l’IPC pour différents groupes de ménages en fonction du revenu, du niveau de scolarité, de l’âge et du statut de propriétaire ou de locataire, puis en recalculant le taux d’inflation en conséquence.

Le constat général est que le taux d’inflation recalculé pour chaque groupe de consommateurs se rapproche de l’inflation mesurée par l’IPC9. Bref, nos résultats ne donnent pas raison aux perceptions de ces groupes.

Pour vous donner un exemple, nous avons fait l’exercice en regroupant les ménages en trois tranches d’âge : les 18 à 30 ans, les 31 à 54 ans et les 55 ans et plus (graphique 4). Les résultats montrent que malgré les différents biens et services dans le panier de chacun, le taux d’inflation moyen demeurait très près de l’inflation mesurée par l’IPC dans les trois cas10.

Pour pousser un peu l’analyse, tournons-nous maintenant vers ce que l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada nous a appris sur les perceptions de l’inflation dans chaque tranche d’âge. Le graphique 5 montre clairement qu’elles sont plus élevées et volatiles chez les jeunes consommateurs que chez les autres, et certainement plus élevées que le taux mesuré.

Deuxième problème de mesure : les ajustements de la qualité

Un deuxième problème de mesure se pose, soit le principe des ajustements de la qualité.

Pour obtenir une mesure plus précise de l’évolution des prix, les biens et services du panier de l’IPC doivent être de qualité comparable au fil du temps. Or notre expérience nous a enseigné que la qualité de certains produits, dont les appareils électroniques et les voitures, s’améliore constamment. C’est pourquoi il faut ajuster les hausses de prix mesurées en conséquence.

Cependant, en pratique, les consommateurs voient les prix monter sans prendre en compte le fait que la qualité s’est aussi améliorée : les téléphones cellulaires, les ordinateurs portables et les voitures, entre autres, coûtent plus cher, mais en font plus qu’avant.

Ces types de biens représentent environ un sixième du panier de l’IPC, comme l’illustre le graphique 6.

Dans le cas de ces biens, Statistique Canada applique des techniques d’ajustement de la qualité, y compris la méthode hédonique11, qui prennent en compte les changements de prix s’expliquant par de nouvelles fonctionnalités et une meilleure qualité12. De tels ajustements ont retiré en moyenne environ 0,2 point de pourcentage au taux d’inflation mesuré par l’IPC au cours des dernières années.

Troisième problème de mesure : le prix du logement contre le prix des maisons

Le troisième et dernier problème de mesure que j’aimerais aborder est le fait que la perception que les consommateurs ont de l’inflation est sans doute teintée par le prix des maisons13. Comme on sait, ces dernières années, les prix ont rapidement augmenté sur certains marchés comme ceux de Toronto et de Vancouver. L’effet de telles hausses sur la perception des ménages canadiens est compréhensible puisque la plupart achètent une résidence à un moment donné.

Le point à retenir est que le panier de l’IPC tient compte du prix du logement – autrement dit le prix des services fournis par un logement – et non pas du prix d’une maison. Statistique Canada estime le prix de ces services en faisant la somme des coûts liés à la propriété : intérêts hypothécaires, assurance, impôt foncier, dépréciation, et entretien et réparations14.

Au cours des 20 dernières années, le prix des maisons a augmenté en moyenne plus de deux fois plus vite que le prix du logement, soit à un rythme de 6,0 % contre 2,5 % (graphique 7).

La prise en compte du prix du logement dans la mesure de l’inflation est une question difficile qui suscite de nombreux débats15. Au cours des dernières années, Statistique Canada s’est employé à améliorer la mesure des coûts du logement, et l’organisme prévoit apporter d’autres améliorations encore.

Explications comportementales

Ces trois problèmes de mesure pourraient vraisemblablement expliquer pourquoi l’inflation perçue par les consommateurs est supérieure au taux mesuré, mais il existe d’autres explications moins tangibles.

On a constaté que le comportement des consommateurs, qui est déterminé par leurs motivations psychologiques et leurs connaissances, a une incidence importante sur leurs perceptions et attentes à l’égard de l’inflation.

Nos travaux récents montrent que la hausse des prix influe généralement davantage sur le taux d’inflation perçu par les consommateurs : l’écart de perception se rétrécit lorsqu’on exclut les fortes chutes de prix (graphique 8)16.

L’explication est simple : au moment de former leur perception de l’inflation, les consommateurs semblent accorder plus d’importance à la hausse qu’à la baisse des prix. On a en effet constaté que la perte de pouvoir d’achat due à la hausse des prix a un impact psychologique démesuré17.

Des études réalisées dans d’autres pays ont fait ressortir une autre explication comportementale : il semblerait que la perception que les consommateurs ont de l’inflation est plus fortement influencée par le prix des biens qu’ils achètent fréquemment, comme les aliments et l’essence18. Cependant, dans nos travaux de recherche récents, nous n’avons pas trouvé de relation positive significative entre les variations du prix des biens de consommation courante et l’inflation perçue au Canada19 (graphique 9).

Un autre facteur susceptible d’influer sur l’écart entre l’inflation perçue et mesurée est la compréhension que les consommateurs ont de l’inflation et des facteurs économiques qui la déterminent. Une meilleure littératie financière pourrait réduire les écarts observés. Les banques centrales, dont la Banque du Canada, s’emploient donc à renforcer les connaissances du public par des activités de communication et de rayonnement20.

En résumé, nous avons établi que l’inflation perçue par les consommateurs est généralement supérieure au taux réellement mesuré. Nous avons examiné des problèmes de mesure qui pourraient expliquer cet écart. Nous avons aussi regardé comment le comportement et la compréhension des consommateurs peuvent influencer leur perception de l’inflation.

Deux questions logiques se posent maintenant. Comment la banque centrale peut-elle orienter les anticipations d’inflation des consommateurs pour les rendre encore plus proches de notre cible de 2 %? Et pourquoi est-ce important?

Les anticipations d’inflation et la conduite de la politique monétaire

Commençons par la seconde question. Pour y répondre, il me semble pertinent de regarder l’entente actuelle entre la Banque et le gouvernement du Canada sur la maîtrise de l’inflation :

« La crédibilité bien établie de ce régime a renforcé la confiance des Canadiens dans le fait que la Banque continuera d’atteindre la cible d’inflation, et a contribué au soutien de l’économie canadienne au cours des périodes difficiles ».

Les mots à retenir sont « la confiance des Canadiens ».

Les anticipations d’inflation étant un déterminant essentiel du comportement des agents et des résultats économiques21, il est important que les consommateurs comprennent l’engagement de la Banque à atteindre sa cible d’inflation. Plus les Canadiens sont convaincus de cet engagement, plus leur conviction et leurs actions seront ancrées dans cette cible de 2 %.

Autrement dit, les gens feront abstraction des variations temporaires s’ils croient que le taux d’inflation sera maintenu autour de 2 % à long terme. Cela aidera à maintenir l’inflation à la cible en permettant à l’économie de se stabiliser après des secousses passagères.

Grâce à cette confiance, la Banque a la marge de manœuvre pour faire abstraction des variations temporaires de l’inflation. Elle peut ainsi conduire la politique monétaire d’une main ferme afin de maintenir l’inflation au taux cible de façon durable.

Il est encore plus important d’avoir une cible d’inflation crédible dans le contexte d’un choc de grande ampleur qui aura des effets persistants, comme au début de la pandémie de COVID-19 plus tôt cette année. Grâce à des attentes d’inflation bien ancrées, la Banque du Canada a pu réagir efficacement dès mars à ce choc négatif sans précédent.

L’une des mesures adoptées a été la réduction de 150 points de base de notre taux directeur, que nous avons réalisée en trois étapes. Comme les attentes d’inflation étaient bien ancrées à 2 %, le taux d’intérêt réel a enregistré une baisse à peu près équivalente. Celle-ci a soutenu les dépenses de consommation et d’investissement des ménages et des entreprises, ainsi que la demande par d’autres canaux, dont le taux de change.

Si les attentes d’inflation n’avaient pas été bien ancrées, la réduction de notre taux directeur n’aurait pas été aussi efficace. Il nous aurait donc fallu accroître le degré de détente monétaire.

Penchons-nous maintenant sur le rôle des communications dans l’ancrage des anticipations d’inflation.

Nous avons établi que les attentes d’inflation agissent sur les résultats macroéconomiques et la conduite de la politique monétaire. Mais l’atteinte de la cible d’inflation, combinée à des communications utiles et accessibles, peut aussi agir sur les attentes d’inflation.

C’est pourquoi la Banque se doit de communiquer souvent, clairement et de façon cohérente avec divers publics comprenant des consommateurs, des entreprises et des participants aux marchés.

Ce concept fait partie intégrante de notre planification stratégique. Nous nous sommes engagés à connaître nos publics, leurs intérêts et la meilleure manière de les joindre. En effet, nos recherches montrent que lorsque nous donnons des informations pratiques sur notre cible d’inflation aux ménages, leur perception change en général pour s’approcher de l’inflation réelle22.

De plus, nous utilisons d’autres canaux de communication, y compris des activités de sensibilisation, des articles de vulgarisation publiés dans notre site Web23, et des programmes éducatifs proposés aux élèves de tous les niveaux. Ensemble, ces initiatives nous aident à établir le contact avec le public, à expliquer notre rôle et à renforcer l’importance de notre travail dans la vie de tous les Canadiens.

Nous poursuivrons aussi les consultations dans le cadre du processus de renouvellement de la cible d’inflation. À cette fin, nous venons de lancer une consultation publique en ligne appelée Parlons inflation. Nous invitons ainsi les Canadiens à nous dire ce qu’ils pensent de l’inflation, de notre régime de ciblage de l’inflation et des autres cadres possibles pour la conduite de la politique monétaire.

Conclusion

Permettez-moi maintenant de conclure.

Un niveau d’inflation bas et stable est le principal objectif de la politique monétaire. Pour l’atteindre, tout dépend de la crédibilité de notre cible ainsi que de l’ancrage des perceptions et des attentes du public à l’égard de l’inflation.

C’est pourquoi il est capital de voir et de mieux comprendre tout écart entre l’inflation perçue et l’inflation mesurée. Pour que la cible soit crédible, il faut mesurer l’inflation avec justesse. Nos recherches avec Statistique Canada, en vue du renouvellement de la cible d’inflation en 2021, montrent toute l’importance que nous y accordons.

De plus, notre stratégie de communication doit soutenir notre volonté d’expliquer l’inflation, notre cible d’inflation et notre politique à différents publics, et ce, de façon claire et facilement compréhensible. Nos efforts constants de rejoindre et d’écouter divers pans de la population nous aident à renforcer la communication.

Dans le passé, nous avons profité d’anticipations d’inflation bien ancrées, mais celles-ci seront mises à l’épreuve par la tourmente économique causée par la pandémie de COVID-19.

Les moyens d’action exceptionnels que nous avons pris pour soutenir la demande et l’emploi au cours de cette difficile et lente reprise économique visent l’atteinte de notre cible d’inflation.

Par nos paroles, et surtout nos actions, nous demeurons fermement résolus à contribuer au redressement de l’économie canadienne ainsi qu’à la prospérité économique et financière de l’ensemble de la population.

Je tiens à remercier Patrick Sabourin et Rolande Kpekou Tossou de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

Information connexe

25 août 2020

L’écart entre l’inflation perçue et réelle

Sommaire du discours Lawrence L. Schembri Association canadienne de science économique des affaires Kingston (Ontario)
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25 août 2020

Association canadienne de science économique des affaires - Discours (Diffusions)

Comprendre l’écart entre la perception et la mesure de l’inflation - Lawrence Schembri, sous-gouverneur à la Banque du Canada, prononce un discours par vidéoconférence devant l’Association canadienne de science économique des affaires (vers 13 h 30, heure de l’Est).
  1. 1. Voir, par exemple, S. Axelrod, D. Lebow et E. Peneva (2018), Perceptions and Expectations of Inflation by U.S. Households, Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, coll. « Finance and Economics Discussion », no 2018-073, octobre; et S. Tenreyro (2019), Understanding Inflation: Expectations and Reality, conférence Ronald Tress Memorial donnée à la Birkbeck University of London, Londres, Royaume-Uni, 10 juillet.[]
  2. 2. L’une des explications possibles d’une inflation perçue comme plus élevée que l’inflation réelle pendant le confinement est que les ménages ont acheté plus de biens et services dans les catégories où les prix ont particulièrement augmenté (p. ex., l’épicerie) et moins dans celles où les prix ont peu augmenté ou baissé (p. ex., l’essence). Pour des précisions, consulter Banque du Canada (2020), « Encadré 2 : L’inflation mesurée par l’IPC ajusté affiche une baisse à peine plus faible que l’inflation », Rapport sur la politique monétaire, juillet. Une autre explication possible est que les hausses de prix ont un effet démesuré sur la perception qu’ont les ménages de l’inflation.[]
  3. 3. Statistique Canada accorde un certain « poids » à chaque article du panier selon le montant que le ménage moyen y consacre. La pondération est mise à jour aux deux ans. Cette méthode permet d’obtenir une mesure uniforme de la variation pure des prix.[]
  4. 4. Depuis 1993, l’inflation mesurée par l’IPC a été dans la fourchette de 1 à 3 % environ 80 % du temps.[]
  5. 5. Il est important de noter que cet écart s’observe, en moyenne, dans l’ensemble des ménages canadiens. L’écart est le plus prononcé chez certains groupes, dont les ménages plus jeunes.[]
  6. 6. L’inflation plus élevée attendue à l’horizon de cinq ans pourrait refléter une incertitude accrue quant à l’évolution de l’inflation, comme l’indiquent le taux de réponse relativement faible et les réponses plus dispersées à la question concernant cet horizon par rapport aux autres.[]
  7. 7. Bellemare et autres (2019) font l’hypothèse que l’écart plus serré au Canada pourrait être attribuable au succès de la Banque dans l’atteinte de sa cible d’inflation et à ses communications efficaces sur le sujet. Cela aurait permis d’orienter les perceptions et les anticipations vers 2 %. Voir C. Bellemare, R. Kpekou Tossou et K. Moran (2019), The Determinants of Consumer's Inflation Expectations: Evidence from the US and Canada, manuscrit non publié, Département d’économique, Université Laval, juillet.[]
  8. 8. Pour des précisions, lire C. A. Sims (2010), « Chapter 4: Rational Inattention and Monetary Economics », Handbook of Monetary Economics, sous la direction de B. M. Friedman et M. Woodford, New York, Elsevier, vol. 3, chap. 4, p. 155-181.[]
  9. 9. Cette conclusion est générale : les ménages à faible revenu et les locataires ont subi une inflation moins forte (de 0,2 point de pourcentage en moyenne) que le ménage canadien moyen au cours des cinq dernières années. Cela peut s’expliquer par le fait que ces groupes consacrent une plus grande partie de leur revenu à leur loyer; or celui-ci a moins augmenté que le prix des services de garde et d’entretien ménager, qui représentent une plus petite partie de leurs dépenses. Cet effet a été partiellement compensé par la part de budget plus élevée qu’ils consacrent à l’alimentation – catégorie ayant enregistré les plus fortes hausses de prix – par rapport aux autres groupes. Malgré l’inflation plus faible observée pour les ménages à faible revenu et les locataires, ceux-ci estiment tout même qu’elle dépasse quelque peu l’inflation mesurée par l’IPC, possiblement en raison de facteurs comportementaux.[]
  10. 10. Statistique Canada a compilé un indice des prix à la consommation pour les aînés (IPC-A) pour la période allant de janvier 2013 à août 2018 et a obtenu un résultat similaire. Pour en savoir plus, consulter C. Michaud (2019), « Création d’un Indice des prix à la consommation pour les aînés », Série analytique des prix, Statistique Canada, juin.[]
  11. 11. Pour plus de précisions, voir Statistique Canada (2019), Le document de référence de l’Indice des prix à la consommation canadien, no 62-553-X au catalogue, février.[]
  12. 12. Les techniques d’ajustement de la qualité appliquées par Statistique Canada aux prix de divers biens et services donnent lieu à des estimations; l’ajustement global de la qualité peut donc être insuffisant ou surestimé. Dans le passé, on considérait généralement que les mesures de l’inflation étaient surestimées en raison de l’absence d’ajustement de la qualité, y compris pour tenir compte de l’introduction de nouveaux biens. Cependant, l’amélioration notable de la méthode de calcul a beaucoup réduit ce biais au cours des dernières années, comme le montre P. Sabourin (2012), « Les biais de mesure inhérents à l’indice des prix à la consommation canadien : une mise à jour », Revue de la Banque du Canada, été, p. 1-12.[]
  13. 13. Il existe une corrélation positive et significative entre la croissance des prix des maisons, telle qu’elle est mesurée par l’indice de prix de maison Teranet-Banque Nationale, et les attentes et perceptions des ménages à l’égard de l’inflation recueillies par l’enquête sur les attentes des consommateurs au Canada.[]
  14. 14. La dépréciation concerne les coûts nécessaires pour maintenir la structure et les fondations d’une maison, tandis que l’entretien et les réparations sont liés à l’apparence de la maison. Le prix des services fournis par un logement peut être estimé soit au moyen de l’approche du coût d’utilisation, retenue par Statistique Canada, soit par une méthode d’équivalence en valeur locative, qui cherche à chiffrer la valeur des services consommés. Pour de plus amples informations sur les différentes méthodes de calcul du prix du logement, voir P. Sabourin et P. Duguay (2015), « La prise en compte des prix des biens durables et des logements dans l’IPC : une évaluation empirique », Revue de la Banque du Canada, automne, p. 27-44.[]
  15. 15. Certains pays et territoires excluent carrément le prix du logement de leur mesure officielle de l’inflation. Des observateurs sont allés à l’autre extrême, faisant valoir que le prix des maisons devrait être intégré au panier de l’IPC. Cette dernière approche est difficilement justifiable, en théorie, car une maison est un actif et sert de réserve de richesse. Ce sont les services fournis par la maison qui sont consommés.[]
  16. 16. Pour illustrer cet effet dans le graphique 8, nous avons modifié l’une de nos mesures de l’inflation fondamentale, l’IPC-tronq, pour exclure 20 % des variations de prix mensuelles pondérées du bas de la distribution tout en gardant 20 % de celles du haut de la distribution.[]
  17. 17. Pour une analyse de cette aversion à la perte, voir L. Vogel, J.-O. Menz et U. Fritsche (2009), « Prospect Theory and Inflation Perceptions—An Empirical Assessment », DEP (Socioeconomics) Discussion Papers—Macroeconomics and Finance Series, no 3/2009, juillet; H. Afrouzi et L. Veldkamp (2019), « Biased Inflation Forecasts », Society for Economic Dynamics 2019 Meeting Papers, no 894; et O. Coibion et Y. Gorodnichenko (2015), « Is the Phillips Curve Alive and Well after All? Inflation Expectations and the Missing Disinflation », American Economic Journal: Macroeconomics 2015, no 7, vol. 1, p. 197-232.[]
  18. 18. Pour le Canada, voir A. Chaffe (2010), L’inflation des prix à la consommation selon la fréquence d’achat, document analytique, no 11-621-M au catalogue, no 84, Statistique Canada; et les États-Unis, F. D’Acunto, U. Malmendier, J. Ospina et M. Weber, Exposure to Daily Price Changes and Inflation Expectations, document de travail no 26237, National Bureau of Economic Research, septembre.[]
  19. 19. L’indice des prix des biens de consommation courante est constitué des prix de biens et de services que les consommateurs achètent généralement tous les mois, voire plus fréquemment (aliments, alcool, produits du tabac, services publics, produits de soins personnels, etc.). Il est à noter que l’absence de corrélation significative entre les prix des biens achetés fréquemment et l’inflation perçue est constatée au niveau global.[]
  20. 20. À l’échelon fédéral, l’Agence de consommation en matière financière du Canada est la principale responsable de promouvoir l’éducation financière. Ces dernières années, les gouvernements provinciaux ont aussi commencé à intégrer la littératie financière à leurs programmes d’enseignement secondaire, souvent en collaboration avec la Fondation canadienne d’éducation économique.[]
  21. 21. D’après des données récentes, les attentes du public à l’égard de l’inflation future ont remplacé les capacités excédentaires dans l’économie en tant que principal moteur de l’inflation grâce, en partie, au succès du ciblage de l’inflation. On a constaté ce phénomène, appelé « aplatissement » de la courbe de Phillips, dans un certain nombre de pays ayant adopté un régime de ciblage de l’inflation. Par exemple, pour les États-Unis, voir O. Jordà, C. Marti, F. Nechio et E. Tallman (2019), « Inflation: Stress-testing the Phillips Curve », FRBSF Economic Letters, no 2019-05, Banque fédérale de réserve de San Francisco, février, et pour le Canada, J. Kronick et F. Omran (2019), « Inflation After the Crisis: What’s the Story? », E-Brief, Institut C.D. Howe, juillet.[]
  22. 22. Par exemple, on a constaté que les informations prospectives, comme les projections d’inflation du Rapport sur la politique monétaire, ont un fort impact. Pour en savoir plus, voir le document de travail du personnel de O. Kostyshyna et L. Petersen, intitulé Communicating Central Bank Statistics and Uncertainty: A Randomized Information Experiment, que la Banque du Canada fera bientôt paraître.[]
  23. 23. L’Économie claire et simple[]