Bonjour. Je suis heureux d’être ici avec la première sous-gouverneure Carolyn Rogers pour parler du Rapport sur la stabilité financière de la Banque du Canada.

La Banque a notamment pour mandat de préserver et de favoriser la stabilité du système financier canadien. Un système financier stable et résilient permet aux gens d’accéder au crédit et de gérer leurs actifs de façon sûre et prévisible, en période favorable comme en période difficile. Il réduit aussi la nécessité pour les autorités d’intervenir en périodes de tensions financières. Bref, un système financier stable est essentiel au bien-être économique du Canada.

Chaque année, la Banque publie ce rapport pour présenter une évaluation de la stabilité du système financier canadien et souligner les risques qui pourraient menacer cette stabilité. Afin que son but soit clair, nous avons changé le nom de la publication : la Revue du système financier devient ainsi le Rapport sur la stabilité financière.

Le système financier canadien est fortement interconnecté. Les tensions dans un secteur peuvent s’étendre à d’autres secteurs. Le Rapport met donc l’accent sur les risques qui pourraient ultimement avoir une incidence sur l’ensemble du système financier et en menacer la stabilité.

Le Rapport est particulièrement axé sur les risques qui évoluent en phase avec l’économie. Nous examinons les risques qui pourraient exercer des tensions sur l’ensemble du système dans quatre secteurs clés : les ménages, les entreprises, les banques et les institutions financières non bancaires – comme les caisses de retraite, les sociétés d’assurance et les gestionnaires de fonds.

Il y a aussi d’importants risques qui sont davantage de nature opérationnelle ou structurelle, comme les cyberattaques et les risques liés aux changements climatiques. Ces risques sont généralement abordés dans le portail sur le système financier de la Banque. Mais en cas de changements majeurs, il peut aussi en être question dans le Rapport.

Alors, quels sont les messages clés du Rapport publié aujourd’hui?

Le premier message est que le système financier canadien demeure résilient.

Au cours de la dernière année, les ménages, les entreprises, les banques et les autres institutions financières ont pris des mesures proactives pour s’adapter aux taux d’intérêt plus élevés et se prémunir contre les chocs économiques.

Le deuxième message est que cette adaptation prendra encore du temps et qu’elle continue de présenter des risques pour la stabilité financière.

Je commencerai par mettre cette perspective en contexte, puis la première sous-gouverneure parlera des risques qui touchent différents secteurs.

Depuis un an, le risque d’une récession s’est atténué au Canada et à l’échelle mondiale. L’inflation a baissé dans la plupart des économies, et les cibles sont en vue. Les marchés pourraient toutefois connaître une certaine volatilité au fil de l’évolution des attentes concernant le moment et l’ampleur des baisses de taux directeur par les banques centrales. Et d’importants risques géopolitiques et économiques continuent de planer.

Dans ces circonstances, les ménages et les entreprises continuent de s’adapter aux hausses passées de taux d’intérêt. Certains indicateurs de tensions financières ont augmenté. Parallèlement, les valorisations de certains actifs financiers semblent tendues. Cela accroît le risque d’une forte correction pouvant entraîner des tensions à l’échelle du système. Le recours croissant au levier financier observé récemment dans le secteur financier non bancaire pourrait amplifier les effets d’une telle correction.

Le plus important, c’est que pour gérer adéquatement les risques, les participants au système financier doivent demeurer proactifs, et les autorités financières, vigilantes.

Je cède maintenant la parole à Carolyn.

Merci, monsieur le gouverneur.

J’aimerais parler brièvement de chacun des secteurs que nous examinons dans le Rapport.

Commençons par les ménages. Jusqu’à maintenant, la plupart se sont montrés résilients malgré les taux d’intérêt et l’inflation plus élevés. Dans l’ensemble, ils se sont ajustés au coût plus important du service de la dette.

Cet ajustement ne s’est pas fait facilement pour autant. De toute évidence, il y a des personnes et des familles qui sont mises à rude épreuve.

Dans le Rapport, nous évaluons les indicateurs des tensions globales dans le système financier.

Une partie des indicateurs des tensions financières des ménages qui avaient chuté pendant la pandémie sont retournés à des niveaux normaux, ou se situent au-dessus. D’après des données d’enquête, c’est pour les locataires que l’augmentation des tensions financières serait la plus forte. Après avoir atteint des creux historiques durant la pandémie, la proportion des ménages sans prêt hypothécaire qui sont en retard dans leurs paiements de carte de crédit et de prêt automobile est revenue aux niveaux habituels ou les a dépassés. Et au cours de la dernière année, on a vu se poursuivre l’augmentation de la proportion des emprunteurs sans prêt hypothécaire qui ont un solde impayé de carte de crédit atteignant au moins 80 % de la limite.

Chez les ménages qui détiennent un prêt hypothécaire, les indicateurs des tensions financières sont restés relativement bas, malgré le fait qu’ils étaient nombreux à devoir composer avec des versements hypothécaires plus élevés.

Depuis que la Banque a commencé à relever son taux directeur en mars 2022, les versements ont augmenté pour environ la moitié des prêts hypothécaires. Au cours des deux prochaines années et demie, la plupart des prêts hypothécaires restants devront être renouvelés, et les ménages détenant ces prêts verront probablement leurs versements augmenter substantiellement. En même temps, les salaires de beaucoup de détenteurs de prêts hypothécaires ont aussi augmenté. Certains ont rajusté leurs dépenses de façon proactive pour compenser en partie ces remboursements plus élevés. Bon nombre d’entre eux indiquent aussi pouvoir compter sur davantage d’épargne accumulée pour faire contrepoids à la hausse de leurs versements.

Dans l’ensemble, les données laissent croire que les ménages ont la marge de manœuvre nécessaire pour continuer à rembourser leur dette à des taux plus élevés. Nous serons à l’affût de tout signe de tensions financières accrues chez les ménages, qu’ils détiennent ou non un prêt hypothécaire. Nous suivrons également l’évolution du marché du travail, puisque la capacité d’une personne à rembourser sa dette est largement déterminée par la stabilité de son revenu.

Les taux d’intérêt plus élevés ont aussi des répercussions sur les entreprises. Ils freinent la demande pour leurs biens et services, en plus d’accroître leurs coûts de financement. Jusqu’à présent, la santé financière des grandes entreprises semble bonne. En revanche, les plus petites entreprises montrent davantage de signes de tensions financières. Le nombre de dossiers d’insolvabilité déposés par des entreprises de moindre taille a récemment grimpé, après s’être maintenu sous la moyenne pendant plusieurs années. Certains indices donnent à penser que cette augmentation pourrait constituer un rattrapage ou une normalisation, et coïncider en partie avec l’élimination des programmes de soutien publics mis en place durant la pandémie.

En ce qui concerne les banques canadiennes, la qualité du crédit demeure solide dans l’ensemble. Les banques communiquent de façon proactive avec leurs clients dont les versements vont augmenter au renouvellement, afin de convenir d’un plan de remboursement. Elles mettent aussi davantage de liquidités de côté pour faire face à d’éventuelles pertes de crédit, et continuent à maintenir de bonnes réserves de fonds propres et de liquidité. Ainsi, même si les conditions financières et la qualité du crédit devaient se détériorer, les banques seraient en mesure d’absorber les pertes et de continuer à accorder du crédit.

Dans le secteur financier non bancaire, Ia volatilité plus fréquente des marchés ces dernières années a fait qu’une attention accrue est accordée aux risques de liquidité. Parallèlement, certaines entreprises ont davantage recours au levier financier – ou aux emprunts – pour financer leurs activités de négociation, ce qui les rend plus vulnérables en cas de fluctuations importantes des marchés.

J’aimerais conclure en insistant sur un point important qu’a fait ressortir le gouverneur tout à l’heure : comme le système financier est interconnecté, si des risques se concrétisent dans un secteur, ils peuvent s’étendre rapidement à d’autres. D’où l’importance d’être bien préparés. Les mesures proactives prises par les participants au système financier ont été positives, et il faut qu’elles se poursuivent. Un système financier stable et résilient profite à l’ensemble de la population canadienne.

Le gouverneur et moi serons maintenant heureux de répondre à vos questions.

Rapport sur la stabilité financière – 2024

Le système financier du Canada demeure résilient. Au cours de la dernière année, les ménages, les entreprises, les banques et les institutions financières non bancaires ont continué de s’adapter de façon proactive aux taux d’intérêt plus élevés. Mais cet ajustement n’est pas encore fini et continue de présenter des risques pour la stabilité financière. Ces risques concernent en particulier le service de la dette et l’évaluation des actifs.

Conférence de presse : Rapport sur la stabilité financière – 2024

Publication du Rapport sur la stabilité financière — Conférence de presse donnée par le gouverneur Tiff Macklem et la première sous-gouverneure, Mme Carolyn Rogers. (vers 11 h, heure de l’Est).