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Notre cadre de politique monétaire : continuité, clarté et engagement

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Introduction

Bonjour à tous. Merci pour cette aimable présentation. C’est toujours un plaisir de m’adresser à l’Empire Club. La dernière fois, c’était en mars 2020 et j’étais doyen de l’École de gestion Rotman. J’avais parlé des répercussions économiques de la COVID-19, qui sévissait depuis quelques semaines à peine. Quelle longue épreuve ce fut pour tout le monde.

Je suis ravi d’avoir l’occasion aujourd’hui de vous parler du cadre de politique monétaire du pays. Tous les cinq ans, le gouvernement du Canada et la Banque du Canada examinent et renouvellent le cadre de politique monétaire. Il y a deux jours, la ministre des Finances et moi avons présenté l’entente renouvelée. Ce cadre important assure la continuité et la clarté du régime et réaffirme notre engagement en ce qui concerne le ciblage flexible de l’inflation.

Le régime de ciblage flexible de l’inflation en place depuis les 30 dernières années nous a très bien servis. Il a permis de garder l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible. Ce contexte de stabilité accrue a aidé les ménages et les entreprises à prendre des décisions en matière de dépenses et d’investissement en toute confiance, et contribué à la croissance durable de la production, de l’emploi et de la productivité tout en rehaussant le niveau de vie de la population canadienne.

D’après les résultats des consultations menées au cours de notre examen, les Canadiens attachent de l’importance à ce que l’inflation soit basse et stable. Et l’analyse de nos experts a révélé qu’il est difficile de trouver mieux que le ciblage flexible de l’inflation pour leur offrir cela.

Notre cadre s’est également avéré adaptable et résilient face aux changements et aux crises économiques. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence l’importance d’avoir une cible d’inflation claire et bien comprise. Même si les complications associées à la réouverture de l’économie mondiale ont provoqué une hausse de l’inflation au Canada et dans beaucoup d’autres pays, les attentes d’inflation à moyen et à long terme au Canada sont restées bien ancrées à notre cible. Et la clé pour parvenir à une reprise complète et ramener l’inflation à la cible est de les garder bien ancrées.

Pour toutes ces raisons, le gouvernement et la Banque ont convenu de reconduire la cible flexible de l’inflation de 2 %, soit le point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation de 1 à 3 %. En outre, l’entente renouvelée énonce plus clairement par quels moyens nous continuerons de mettre à profit la flexibilité inhérente au cadre. Notamment, nous continuerons d’utiliser une gamme élargie d’outils de politique monétaire au besoin et d’accorder une importance accrue à la santé du marché de l’emploi.

Aujourd’hui, je souhaite d’abord récapituler brièvement notre expérience avec le ciblage flexible de l’inflation. Puis, je parlerai de l’examen approfondi qui a été fait de notre cadre au cours des trois dernières années. Enfin, le point le plus important, je présenterai l’entente renouvelée et parlerai de son incidence alors que nous nous sortons de la crise sanitaire et que nous préparons le terrain pour l’économie postpandémie.

Notre expérience avec le ciblage flexible de l’inflation

La politique monétaire du Canada est axée sur une cible d’inflation depuis 30 ans. Malgré d’importants chocs externes, que ce soit la crise financière mondiale de 2008-2009 ou la pandémie de COVID-19, l’inflation a été beaucoup plus basse et stable qu’elle l’avait été avant le régime de ciblage de l’inflation. Au cours des 15 années précédant l’établissement du régime en 1991, l’inflation, mesurée par le taux d’augmentation sur douze mois de l’indice des prix à la consommation, s’est chiffrée en moyenne à 7,1 %. Depuis, elle s’est située à 1,9 % en moyenne, et le taux de chômage moyen a aussi été plus bas qu’avant1.

L’inflation faible et stable a offert des avantages indéniables aux Canadiens. En effet, les ménages et les entreprises ont pu planifier plus facilement, et le fonctionnement des marchés du travail s’est amélioré. Enfin, le maintien de l’inflation à un niveau bas et stable a protégé les Canadiens à faible revenu et à revenus fixes contre la perte de pouvoir d’achat qu’aurait entraîné une inflation plus élevée. Le fait que la Banque parvienne en moyenne à atteindre la cible au fil du temps a rehaussé sa crédibilité et celle de la cible. Et les attentes d’inflation bien ancrées à la cible ont agi comme agent de stabilisation lorsque des chocs sont survenus2.

Le cadre comporte trois éléments qui ont été essentiels à son succès. D’abord, le ciblage est symétrique : nous nous préoccupons autant d’un taux qui dépasse la cible que d’un taux qui lui est inférieur. Ensuite, la politique monétaire a une orientation prospective. Comme les effets de nos moyens d’action prennent un certain temps à se faire sentir dans l’économie – généralement de six à huit trimestres –, nos décisions de politique monétaire sont fondées sur le niveau où l’inflation devrait se situer dans l’avenir et non sur son niveau courant. Enfin, notre cadre est simple à expliquer et est devenu bien compris au fil du temps.

Notre cadre a aussi été mis à l’épreuve par des crises. Malgré le choc immense que la crise de la COVID‑19 a fait subir à l’économie, il s’est avéré résilient. Lorsque la pandémie a frappé, l’activité économique s’est effondrée, et l’inflation a nettement baissé en raison de la réduction de nombreux prix. La combinaison d’une demande exceptionnellement faible et d’une inflation négative risquait alors d’entraîner une déflation et une dépression économique. Le cadre a orienté nos interventions de politique monétaire dès le début de la crise, notamment le recours aux indications prospectives et à l’assouplissement quantitatif. Il a aussi guidé nos décisions de réduire le programme d’assouplissement quantitatif, puis d’y mettre fin. Nos mesures de politique monétaire ont été complétées par des interventions budgétaires exceptionnelles, permettant ensemble de limiter les dommages de la crise et de soutenir la reprise. En combinaison avec les campagnes de vaccination efficaces, ces actions ont donné de bons résultats. La reprise économique est maintenant bien avancée.

Cependant, comme nous le savons tous, le rebond de l’activité économique à l’échelle du globe a donné lieu à des taux d’inflation élevés au Canada et dans plusieurs pays. Dans une large mesure, ce phénomène reflète les circonstances uniques créées par la pandémie. Étant donné que la demande mondiale se rétablit plus vite que le rythme auquel les chaînes d’approvisionnement perturbées peuvent réagir, les prix de nombreux biens ont monté en flèche. Même si nous nous attendons à ce que l’inflation ralentisse au cours du deuxième semestre de 2022, nous surveillons de près les attentes d’inflation et les coûts salariaux. Nous veillerons à ce que les forces qui font grimper les prix n’aient pas, en fin de compte, une influence durable sur l’inflation. Et c’est exactement ce que le cadre nous permet de faire.

Notre examen du cadre

L’examen quinquennal du cadre fait aussi partie intégrante du système canadien. La nature conjointe de l’entente entre le gouvernement fédéral et la Banque du Canada renforce la légitimité démocratique du cadre, de même que l’indépendance opérationnelle nécessaire à la poursuite des objectifs convenus. Le cadre permet également à la population de nous tenir responsables de nos résultats.

L’examen actuel a été le plus exhaustif mené à ce jour. Après 30 ans avec un régime de ciblage de l’inflation, il était temps d’effectuer une comparaison plus systématique d’un éventail de possibilités. Il était également temps d’écouter les Canadiens des quatre coins du pays.

L’examen a donc comporté deux grands volets. D’abord, nous avons mené une évaluation comparative entre le cadre actuel de ciblage flexible de l’inflation et d’autres utilisés ailleurs ou nous ayant été recommandés.

Nous avons également consulté les Canadiens pour connaître leurs expériences relativement à l’inflation et à l’économie et l’avenir qu’ils entrevoient pour la politique monétaire du Canada. Pour ce faire, nous avons lancé une enquête en ligne, intitulée Parlons inflation!, et avons organisé des groupes de discussion, des tables rondes et des discussions en ligne afin d’écouter ce que les Canadiens avaient à dire au sujet de notre cadre et des autres options possibles. La réponse a été impressionnante. Plus de 8 500 Canadiens ont répondu au sondage en ligne, et des centaines d’autres ont pris part aux discussions plus approfondies.

L’examen a aussi permis d’évaluer la meilleure façon de réagir à deux grands défis qui se posent pour la politique monétaire : les taux d’intérêt neutres plus bas et les incertitudes entourant le marché du travail. Permettez-moi de dire quelques mots sur chacun.

D’abord, le taux d’intérêt neutre, soit le niveau où la politique monétaire ne stimule ni ne ralentit l’économie, est plus bas dans le monde que par le passé. Ce phénomène signifie que les banques centrales ont moins de marge de manœuvre pour abaisser leur taux directeur en réaction à un choc négatif important sur l’économie. La COVID-19 a mis durement en lumière cette difficulté. Comme beaucoup d’autres banques centrales, nous avons réduit notre taux directeur au plus bas niveau possible, qu’on appelle la valeur plancher. Et nous nous sommes tournés vers d’autres instruments de politique monétaire, dont les indications prospectives et l’assouplissement quantitatif. Vu les taux d’intérêt neutres plus bas, nous aurons probablement besoin d’utiliser ces autres instruments plus souvent à l’avenir. Et bien qu’ils fonctionnent, nous n’avons pas autant d’expérience de leur utilisation.

Le deuxième défi tient au fait que le marché du travail est en plein processus d’ajustement structurel et que le rapport entre l’emploi et l’inflation est moins évident que par le passé. Mon collègue, le sous-gouverneur Larry Schembri, a abordé cette question en novembre3. L’évolution des facteurs démographiques, les nouvelles technologies, la mondialisation et les changements dans la nature du travail ont rendu plus difficile de déterminer lorsque l’économie a atteint le niveau d’emploi durable maximal. Et le rapport à court terme entre la production et l’inflation – ce que les économistes appellent la courbe de Phillips – semble moins solide que par le passé au Canada et dans bien d’autres pays4. Encore là, la COVID-19 a amplifié ce défi en accélérant les changements structurels et en se répercutant de manière très inégale sur les travailleurs.

Nos constats

Dans le cadre de notre évaluation comparative, nous avons entrepris de confronter le ciblage flexible de l’inflation à d’autres options, soit le ciblage de l’inflation moyenne, un double mandat ciblant à la fois l’inflation et le niveau d’emploi, le ciblage de la croissance du produit intérieur brut nominal et le ciblage du niveau des prix.

Dans nos modèles et simulations, trois des cadres, soit le ciblage flexible de l’inflation, le ciblage de l’inflation moyenne et le double mandat, ont donné une performance d’ensemble similaire et des résultats supérieurs aux autres. Les avantages du ciblage de l’inflation moyenne étaient plus marqués lorsque l’inflation était sous la cible et que le taux directeur était à sa valeur plancher. Par contre, quand l’inflation était supérieure à la cible, cette approche tendait à accroître la volatilité de l’emploi et de la production.

Dans nos modèles économiques, le double mandat a donné des résultats semblables à ceux du ciblage flexible de l’inflation5. Cependant, il n’a eu qu’un effet très modeste sur l’emploi, même si cette variable était prise en compte en priorité. Ce résultat s’explique par le fait que l’emploi joue déjà un rôle central dans le cadre de ciblage flexible de l’inflation. En effet, pour que l’inflation se maintienne à la cible de manière durable, l’économie doit atteindre le plein emploi. Les deux vont de pair.

Nos consultations publiques ont complété nos analyses d’experts. Les résultats ont mis en évidence tant la diversité des expériences des Canadiens que certains thèmes communs. Quand nous les avons questionnés au sujet des autres cadres de politique monétaire envisagés, les gens se sont montrés plus favorables au ciblage flexible de l’inflation, au ciblage de l’inflation moyenne et au double mandat. Globalement, le ciblage flexible de l’inflation a été l’option préférée6.

Le message primordial qui est ressorti des consultations est que les Canadiens attachent de l’importance à une inflation basse et stable. L’inflation est dure pour beaucoup : lorsque le coût de la vie augmente, il devient difficile pour eux de payer toutes leurs dépenses. Les Canadiens s’inquiètent aussi des effets inégaux de l’inflation et des cycles économiques.

C’est frappant de voir à quel point notre expérience et les résultats de nos modèles, simulations et consultations concordent dans l’ensemble. C’est évident qu’il est difficile de trouver mieux que le ciblage flexible de l’inflation, que ce soit en théorie ou en pratique. Ses 30 années de succès démontrent que ce cadre est polyvalent : il a survécu aux grandes crises mondiales et a donné de bons résultats en périodes normales. Tout de même, certains éléments du ciblage de l’inflation moyenne et du double mandat pourraient nous aider à trouver des solutions aux deux grands défis qui se posent pour la politique monétaire.

Notre entente

La nouvelle entente sur le cadre de politique monétaire assure le maintien des avantages du ciblage flexible de l’inflation. Elle vient aussi clarifier la façon dont nous allons conduire notre politique pour maîtriser l’inflation et aider l’économie à atteindre son potentiel.

Le gouvernement du Canada et la Banque du Canada ont convenu que la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter au bien-être des Canadiens est de rester axée sur la stabilité des prix.

Ensemble, nous avons également convenu que la politique monétaire devrait continuer de soutenir l’atteinte du niveau d’emploi durable maximal, tout en reconnaissant que celui-ci n’est pas directement mesurable et qu’il est en grande partie déterminé par des facteurs non monétaires qui peuvent fluctuer dans le temps.

Enfin, nous nous sommes entendus avec le gouvernement sur le fait qu’étant donné la nécessité de bien ancrer les attentes d’inflation pour atteindre à la fois la stabilité des prix et le niveau d’emploi durable maximal, l’objectif central de la politique monétaire demeure le maintien de l’inflation à un niveau bas et stable au fil du temps.

La cible d’inflation reste fixée à 2 %, soit le point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation qui va de 1 à 3 %. Nous voulons préserver les avantages d’avoir une cible claire, réaliste, bien comprise et hautement crédible.

L’entente énonce aussi comment nous continuerons de nous servir de la flexibilité inhérente au cadre. Elle fait ressortir que notre gamme élargie d’outils de politique monétaire peut contribuer à surmonter les défis que posent les taux d’intérêt neutres plus bas. L’entente précise aussi que, dans les bonnes circonstances, la recherche active du niveau d’emploi durable maximal peut nous aider à composer avec l’incertitude fondamentale entourant le niveau d’emploi qui serait en accord avec la stabilité des prix. Enfin, elle prévoit que nous continuerons de tenir compte d’un large éventail d’indicateurs du marché du travail pour évaluer la santé de ce marché.

Le cadre renouvelé est ce qu’il nous faut pour mener à bien la reprise postpandémie. Maintenant que nous avons mis fin au programme d’assouplissement quantitatif, nous nous concentrons sur nos indications prospectives, soit en nous attachant à évaluer la diminution des capacités excédentaires au sein de l’économie et à ramener l’inflation à la cible de manière durable.

Ce cadre est aussi ce qu’il nous faut pour l’après-pandémie. Bien qu’on espère qu’aucune récession ne soit aussi brutale que celle causée par la COVID-19, ce ne sera quand même pas la dernière. Nous devons donc nous assurer que la politique monétaire puisse apporter de la détente au besoin dans un contexte où les taux neutres sont bas à l’échelle mondiale. Mais même une fois que l’économie se sera normalisée, l’incertitude quant au niveau d’emploi durable maximal va persister.

Le gouvernement et la Banque ont aussi reconnu qu’un contexte de bas taux d’intérêt peut être plus propice aux déséquilibres financiers. Ainsi, le gouvernement continuera de travailler avec toutes les agences fédérales concernées pour veiller à ce que les accords de réglementation et de surveillance financières au Canada soient adéquats, et évaluera la nécessité d’y apporter des changements en temps et lieu.

De plus, même si la politique monétaire ne permet pas de s’attaquer directement aux menaces posées par les changements climatiques, la Banque mettra au point les outils de modélisation nécessaires pour tenir compte des importantes implications des changements climatiques pour l’économie et le système financier du Canada.

J’aimerais profiter du temps qu’il me reste aujourd’hui pour vous en dire un peu plus sur notre gamme élargie d’outils de politique monétaire et l’attention que nous portons aux marchés du travail.

Utiliser nos outils pour composer avec la faiblesse des taux neutres

Compte tenu des bas taux d’intérêt dans le monde, il est possible que le taux directeur soit abaissé plus fréquemment à la valeur plancher en réaction à des chocs. Nous pourrions ainsi devoir recourir aux indications prospectives et à notre bilan plus souvent qu’auparavant. Nous savons que les taux qui importent le plus aux consommateurs et aux entreprises sont ceux à moyen terme utilisés pour les prêts hypothécaires, les marges de crédit et les prêts commerciaux. Les indications prospectives et l’assouplissement quantitatif peuvent nous aider à les faire baisser7.

Dans certaines circonstances, pour soutenir l’emploi et ramener l’inflation à la cible, nous pouvons mettre à profit la flexibilité que nous procure déjà notre cadre afin de renforcer l’efficacité de la politique monétaire lorsque le taux directeur est à la valeur plancher. L’une des meilleures façons de le faire est d’utiliser des indications prospectives exceptionnelles, c’est-à-dire de nous engager à garder les taux bas plus longtemps pour consolider la confiance du public par rapport à la reprise. Nous pouvons les utiliser seules ou en combinaison avec l’assouplissement quantitatif. Les indications prospectives exceptionnelles nous aident à éviter des périodes prolongées d’inflation sous la cible et de chômage élevé. Cependant, une fois que le taux directeur n’est plus à la valeur plancher, elles peuvent pousser l’inflation légèrement au-dessus de la cible, avant qu’elle y redescende à moyen terme. Nous expliquerons clairement cette dynamique quand nous utiliserons des indications prospectives.

Il est intéressant de noter que, par rapport au ciblage flexible de l’inflation, le ciblage de l’inflation moyenne a l’avantage de permettre ce genre de dépassement lorsque le taux directeur est à la valeur plancher. Mais en combinant les indications prospectives avec la flexibilité de notre fourchette de maîtrise de l’inflation de 1 à 3 %, le cadre actuel permet la même chose, et ce, sans les désavantages du ciblage de l’inflation moyenne lorsque le taux n’est pas à la valeur plancher8.

Un large éventail d’indicateurs du marché du travail

Les Canadiens nous ont dit qu’ils veulent que l’emploi occupe une place centrale dans le cadre de politique monétaire. Parallèlement, nos simulations ont fait ressortir l’importance du rôle du niveau d’emploi durable maximal dans l’atteinte de la cible d’inflation et la stabilisation de l’économie.

Comme je l’ai déjà souligné, la stabilité des prix et le niveau d’emploi durable maximal vont main dans la main. Il est essentiel d’atteindre ce niveau d’emploi pour maintenir l’inflation à la cible. En outre, il est maintenant mieux reconnu – recherche économique à l’appui – que la prospérité s’accroît à l’échelle de l’économie lorsque les retombées de la croissance économique et les possibilités qu’elles amènent sont réparties plus équitablement9. Il y a peu de choses qui sont aussi déterminantes pour la prospérité des Canadiens que le fait d’occuper un bon emploi.

Mais le niveau d’emploi durable maximal n’est pas directement observable. C’est pourquoi nous devons nous efforcer à la fois de le trouver et de l’atteindre. Pour ce faire, nous avons commencé une analyse plus vaste et plus poussée de la santé du marché du travail. Nous regardons au-delà des chiffres qui font les manchettes pour mesurer l’inclusivité de la reprise et identifier les caractéristiques des emplois dans ce contexte. Notre nouveau tableau de bord des indicateurs du marché du travail nous permet de comparer l’état actuel de ce marché avec la situation juste avant la pandémie10. Il nous reste cependant un peu de travail à faire avant de pouvoir utiliser cette gamme élargie d’indicateurs pour évaluer où se situe le niveau d’emploi durable maximal à l’avenir. Et vous pouvez vous attendre à nous entendre parler plus souvent de la façon dont notre analyse des marchés du travail intervient dans nos décisions de politique monétaire.

L’entente énonce aussi que lorsque les conditions le justifient, nous pourrions utiliser la flexibilité de la fourchette de maîtrise de l’inflation de 1 à 3 % pour rechercher activement le niveau d’emploi durable maximal. Et quand est-ce que les conditions pourraient le justifier? Quand l’inflation est près de la cible, les taux d’intérêt sont plus près de la normale, et nous ne sommes pas certains que le niveau d’emploi durable maximal a véritablement été atteint. Évidemment, ces conditions ne sont pas réunies à l’heure actuelle, car l’inflation dépasse considérablement la cible et le taux directeur est très bas. Mais une fois que nous serons sortis de la pandémie et que l’économie se sera normalisée, l’incertitude quant au niveau d’emploi durable maximal va persister. Donc, dans les bonnes conditions, cette approche exploratoire pourrait consister à faire preuve de plus de patience pour mieux cerner le niveau d’emploi durable maximal qui serait compatible avec la stabilité des prix.

Ce n’est rien de nouveau. Dans les deux années avant la pandémie, le taux de chômage au Canada avoisinait son niveau le plus bas en 40 ans. D’après les cycles économiques passés, les pressions inflationnistes auraient dû commencer à s’accentuer. Mais l’inflation n’est pas montée au-dessus de la cible. En faisant preuve de patience, nous avons appris que le niveau d’emploi compatible avec la stabilité des prix dépassait la plupart de nos estimations antérieures. Notre cadre de ciblage flexible de l’inflation nous donne la possibilité de rechercher le niveau d’emploi durable maximal lorsque les bonnes conditions sont réunies. Notre démarche sera toujours transparente : nous expliquerons quand nous aurons recours à l’approche exploratoire et ce que les indicateurs du marché du travail et de l’inflation nous montreront au fur et à mesure.

La communication est la clé

Voilà qui m’amène à un dernier sujet très important. Nous savons que la politique monétaire est plus efficace quand les gens la comprennent. Ça commence avec un mandat clair, et ça se poursuit avec la transparence.

Depuis une trentaine d’années, les banques centrales s’efforcent d’être plus transparentes, et leurs efforts ont amélioré la crédibilité et l’efficacité des mesures de politique monétaire. En expliquant comment nos décisions se rattachent à notre mandat et en gardant l’inflation basse pendant 30 ans, nous avons gagné la confiance des Canadiens par rapport à notre cadre de politique monétaire.

Pour garder cette confiance, nous indiquerons clairement comment nous utiliserons le ciblage flexible de l’inflation. Comme la politique monétaire se doit d’être prospective, nos décisions et nos communications s’appuient sur nos prévisions d’inflation, notre interprétation des nouvelles données par rapport à ces prévisions et nos évaluations des risques11. Entre autres, nous tiendrons compte de la façon dont un large éventail d’indicateurs du marché du travail influence nos estimations de la production potentielle et notre évaluation des pressions inflationnistes.

Nous continuerons de mettre à profit la flexibilité inhérente au cadre lorsqu’elle pourra nous aider à mieux gérer les risques et à réaliser notre mandat. Et quand ce sera le cas, nous expliquerons clairement le pourquoi et le comment de notre démarche. Vous constaterez l’usage de cette flexibilité dans nos prévisions d’inflation et nous l’étudierons à la lumière des nouvelles données et de notre évaluation des risques.

Conclusion

Le moment est venu de conclure. Notre cadre de politique monétaire a assuré la prospérité des Canadiens en gardant l’inflation moyenne très près de 2 % pendant 30 ans. Le ciblage flexible de l’inflation est bien compris et largement appuyé par la population canadienne. Et la crédibilité de la cible contribue à stabiliser l’inflation et la production. L’entente renouvelée réaffirme notre engagement à l’égard de la stabilité des prix et de la cible de 2 %. C’est le cadre qu’il nous faut maintenant pour faire face à l’inflation élevée et au défi de la réouverture de l’économie.

Au-delà du contexte de la pandémie, l’entente renouvelée énonce aussi clairement comment nous continuerons d’utiliser la flexibilité que nous procure le cadre pour surmonter les défis économiques futurs. Elle explique les façons dont nous mettrons à profit notre ensemble élargi d’outils de politique monétaire au besoin. Et enfin, elle indique comment nous avons commencé à utiliser un plus large éventail d’indicateurs du marché du travail pour évaluer le niveau d’emploi maximal et la production potentielle de l’économie. Tout cela nous aidera à atteindre notre cible d’inflation.

Cette entente assure la continuité et la clarté du cadre, en plus de le renforcer pour gérer les réalités du monde dans lequel nous vivons. Et c’est ce qu’il nous faut aujourd’hui et demain pour préserver la prospérité des Canadiens.

Merci.

Je tiens à remercier James (Jim) C. MacGee de l’aide qu’il m’a apportée dans la préparation de ce discours.

Information connexe

15 décembre 2021

Poursuivre sur des bases solides

Sommaire du discours Tiff Macklem Empire Club of Canada Toronto (Ontario)
Le gouverneur Tiff Macklem parle de l’examen du cadre de politique monétaire de la Banque du Canada et de l’entente avec le gouvernement fédéral visant le renouvellement de la cible d’inflation de 2 %.
15 décembre 2021

Discours : Empire Club of Canada

Le cadre de politique monétaire renouvelé de la Banque — Le gouverneur Tiff Macklem prononce un discours par vidéoconférence (vers 12 h, heure de l’Est).

15 décembre 2021

Point de presse : Empire Club of Canada

Le cadre de politique monétaire renouvelé de la Banque — Le gouverneur Tiff Macklem répond aux questions des journalistes par vidéoconférence après avoir prononcé un discours (vers 13 h 15, heure de l’Est).

  1. 1. Depuis que nous avons adopté la cible d’inflation de 2 % en 1995, le taux de chômage s’est chiffré à 7,4 % en moyenne, contre 8,9 % au cours des 15 années précédant l’établissement de la cible. Ce genre de constat à long terme illustre le succès incroyable du ciblage flexible de l’inflation. Nous avons commencé à recueillir des données sur l’inflation en 1913. Depuis, le Canada a essayé divers cadres de politique monétaire, dont l’étalon-or, le système de Bretton Woods fondé sur des taux de change fixes et les cibles de croissance monétaire. Aucun de ces cadres n’a permis de parvenir à une inflation faible et stable.[]
  2. 2. Voir, par exemple, T. Macklem (2021), « La pleine mesure du travail », discours prononcé devant la Chambre de commerce de Winnipeg (Manitoba), 4 octobre; A. Côté (2014), « Le ciblage de l’inflation en période d’après-crise », discours prononcé devant la CFA Society Calgary (Alberta), 18 novembre; D. Dodge (2001), « L’approche du Canada en matière de politique monétaire : le bon choix pour les Canadiens », allocution prononcée devant la Chambre de commerce d’Edmonton (Alberta), 26 juin; et G. Thiessen (2000), « Le changement au service de la stabilité : l’évolution de la politique monétaire à la Banque du Canada, de 1935 à 2000 », conférence prononcée devant la Faculté des sciences sociales de l’Université Western Ontario, 17 octobre. []
  3. 3. Voir L. Schembri (2021), « Les incertitudes du marché du travail et la politique monétaire », discours prononcé devant l’Association canadienne de science économique des affaires, Toronto (Ontario), 16 novembre, ainsi que l’analyse présentée dans Banque du Canada (2021), « Chapitre 3 : Principaux défis associés à la conduite de la politique monétaire », Renouvellement du cadre de politique monétaire, p. 23-37.[]
  4. 4. La combinaison de ces deux incertitudes fait qu’il est plus difficile d’évaluer si l’économie a atteint son potentiel et, de ce fait, si l’inflation restera à la cible de manière durable. Voir M. Cacciatore, D. Matveev et R. Sekkel (à paraître) pour une revue des travaux sur l’estimation de la pente de la courbe de Phillips et les changements sur le marché du travail, et A. Landry et R. Sekkel (à paraître) pour des estimations récentes de la pente de la courbe de Phillips au Canada.[]
  5. 5. Voir J. Dorich, R. Mendes and Y. Zhang (2021), The Bank of Canada’s “Horse Race” of Alternative Monetary Policy Frameworks: Some Interim Results from Model Simulations, document d’analyse du personnel no 2021-13, Banque du Canada.[]
  6. 6. Consulter la page Vers 2021 : consultations publiques sur le site Web de la Banque du Canada.[]
  7. 7. Dans de rares cas, nous pourrions aussi nous servir de l’assouplissement direct du crédit, du contrôle de la courbe des taux de rendement, du financement du crédit et des taux d’intérêt négatifs pour augmenter le degré de détente monétaire au besoin. Voir P. Beaudry (2020), « Nos opérations du programme d’assouplissement quantitatif : une radiographie », discours prononcé par vidéoconférence devant les Chambres de commerce du Grand Moncton, de Fredericton et de Saint John (Nouveau-Brunswick), 10 décembre.[]
  8. 8. En faisant preuve de patience lorsque le taux directeur est à la valeur plancher, tout en formulant des indications prospectives, nous pouvons profiter d’avantages semblables à ceux du ciblage de l’inflation moyenne, sans toutefois nous engager à compenser les déviations passées de l’inflation par rapport à la cible.[]
  9. 9. Voir, par exemple, T. Macklem (2021), « Les avantages d’une économie inclusive », discours prononcé par vidéoconférence devant les universités des provinces de l’Atlantique, Halifax (Nouvelle-Écosse), 13 mai; C.-T. Hsieh, E. Hurst, C. I. Jones et P. J. Klenow (2019), « The Allocation of Talent and U.S. Economic Growth », Econometrica, vol. 87, no 5, p. 1439-1474; et D. Ostry, J. Alvarez, R. A. Espinoza et C. Papageorgiou (2018), Economic Gains From Gender Inclusion: New Mechanisms, New Evidence, coll. « IMF Staff Discussion Notes », no 18/06, Fonds monétaire international.[]
  10. 10. Ens et autres (2021) décrivent une approche préliminaire pour établir des indicateurs du marché de l’emploi qui pourraient servir à orienter la politique monétaire.[]
  11. 11. Voir Banque du Canada (2021), « Encadré 10 : Des communications en évolution pour une meilleure transparence », Renouvellement du cadre de politique monétaire, p. 84-85.[]