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Prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes : les taux limites sous la loupe

Introduction

Durant la majeure partie de 2021 et au début de 2022, les taux hypothécaires variables étaient nettement plus bas que les taux hypothécaires fixes. Par conséquent, beaucoup d’emprunteurs ont choisi un prêt hypothécaire à taux variable. Ce type de prêt représentait environ 20 % de l’encours total de la dette hypothécaire à la fin 2019. Aujourd’hui, il en représente à peu près le tiers.

Au Canada, environ les trois quarts des prêts hypothécaires à taux variable sont remboursés par versements fixes1. Avec ce type de prêt, lorsque les taux d’intérêt varient, le montant du versement hypothécaire ne change pas, mais la portion du versement allouée aux intérêts (plutôt qu’au capital) est ajustée. Par contre, si les taux d’intérêt augmentent substantiellement, les détenteurs de ces prêts peuvent en venir à un point où leurs versements fixes couvrent uniquement les intérêts, et aucun capital. Le taux d’intérêt où ce scénario se matérialise s’appelle taux limite. Si les taux d’intérêt dépassent le taux limite, les emprunteurs pourraient devoir augmenter le montant de leurs versements hypothécaires pour couvrir l’intérêt supplémentaire. Pour certains ménages, cette hausse peut être inattendue.

Dans cette note analytique, nous examinons de plus près le concept de taux limite et expliquons ce qui arrive habituellement lorsqu’un emprunteur atteint ce taux. Nous estimons qu’environ 50 % des personnes qui ont un prêt hypothécaire à taux variable et à versements fixes – soit à peu près 13 % de tous les prêts hypothécaires au Canada – ont déjà atteint leur taux limite. Et cette proportion augmentera si les banques relèvent davantage leurs taux préférentiels. Toutefois, cette estimation ne tient pas compte des mesures que pourraient prendre les emprunteurs, ou celles qu’ils ont déjà prises, pour atténuer les effets découlant de l’atteinte de leur taux limite. Ainsi, nos conclusions correspondent à une estimation de la limite supérieure.

Les taux limites expliqués

Au Canada, les grands prêteurs offrent généralement des prêts hypothécaires à taux variable assortis de versements variables ou fixes2 :

  • Dans le cas des prêts hypothécaires à taux variable et à versements variables, le montant des versements récurrents fluctue selon les variations du taux préférentiel : si celui-ci augmente, le montant des versements augmente aussi afin de couvrir la composante plus élevée des intérêts.
  • Dans le cas des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes, le montant des versements est calculé au début du contrat et reste inchangé pendant le terme du prêt3. Bien que le montant total des versements ne change pas, la portion allouée aux intérêts varie en fonction du taux préférentiel, le montant résiduel étant alloué au capital. Donc, si le taux préférentiel augmente, la portion allouée aux intérêts augmente aussi, tandis que celle allouée au capital diminue, le montant du versement restant le même.

Pour les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes, le taux limite est le taux d’intérêt où la portion du versement allouée aux intérêts correspond au montant total du versement. La portion allant au remboursement du capital est donc nulle4. Si les taux d’intérêt dépassent le taux limite, le montant requis pour couvrir le remboursement des intérêts sera supérieur au versement hypothécaire. Chaque emprunteur ayant contracté un prêt hypothécaire à taux variable et à versements fixes a son propre taux limite, qui est spécifié dans le contrat de prêt hypothécaire5.

Comme les taux d’intérêt sont demeurés bas depuis la crise financière mondiale, peu d’emprunteurs ont atteint leur taux limite au cours des 10 dernières années. Mais avec la montée rapide du taux directeur de la Banque du Canada depuis mars 2022, ceux qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable ont subi des hausses de taux d’intérêt historiquement élevées qui augmentent considérablement les probabilités d’atteinte de leur taux limite. Le graphique 1 montre comment la composition du versement fixe d’un prêt hypothécaire à taux variable hypothétique évolue. Quand les taux d’intérêt augmentent, la portion du versement fixe allouée aux intérêts augmente aussi, jusqu’à ce qu’elle atteigne le taux limite et finisse par dépasser le montant du versement.

Graphique 1 : À mesure que les taux d’intérêt montent, la portion « intérêts » du versement fixe d’un prêt à taux variable augmente jusqu’à ce que le taux limite soit atteint

Déterminer la proportion des emprunteurs qui ont atteint leur taux limite

Pour calculer la proportion des emprunteurs qui ont atteint leur taux limite, nous utilisons des données réglementaires sur tous les prêts hypothécaires contractés ou renouvelés auprès d’institutions financières sous réglementation fédérale. L’ensemble de données comprend diverses caractéristiques du prêt et de l’emprunteur, comme6 :

  • le taux d’intérêt initial (contractuel)
  • la période d’amortissement
  • le type de taux (fixe ou variable)
  • le montant du prêt

Nous nous concentrons sur les prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes qui n’ont pas encore atteint la fin de leur terme en date d’octobre 2022.

Le graphique 2 montre la proportion cumulative des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes qui atteignent leur taux limite à différents taux hypothécaires. À la fin d’octobre 2022, les taux hypothécaires variables typiques avoisinaient 5,1 %. Nous estimons qu’à ce taux, environ 50 % des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes avaient déjà atteint leur taux limite. Cela représente environ 13 % de tous les prêts hypothécaires.

Graphique 2 : Environ la moitié des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes ont atteint leur taux limite en date d’octobre 2022

De plus, en date de la fin d’octobre 2022, les marchés financiers s’attendent à ce que les taux hypothécaires variables augmentent d’un autre 50 points de base d’ici la mi-2023. Dans ce cas, un autre 15 % de prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes pourraient atteindre leur taux limite, portant le total à 65 % (soit près de 17 % de tous les prêts hypothécaires).

Certains prêts atteindront leur taux limite plus tôt. Cela pourrait être le cas de ceux contractés ou renouvelés en 2021, par exemple, surtout parce qu’ils ont été octroyés à des taux d’intérêt extrêmement bas et que leur période d’amortissement est souvent supérieure à 25 ans.

Quand les emprunteurs atteignent leur taux limite

Les prêteurs canadiens ont différentes approches envers les emprunteurs qui atteignent leur taux limite.

  • Certains prêteurs augmentent automatiquement le versement hypothécaire pour qu’il continue de couvrir la portion des intérêts. Avec cette façon de faire, si les taux d’intérêt augmentent encore dans les mois qui suivent, le versement doit aussi être augmenté pour couvrir les intérêts plus importants (comme pour un prêt à taux variable et à versements variables).
  • D’autres prêteurs permettent un amortissement négatif, où le paiement d’intérêts peut excéder le versement hypothécaire total. Les remboursements du capital sont alors négatifs, de sorte que le solde dû sur le prêt augmente d’un mois à l’autre.
  • Certains prêteurs communiquent avec les emprunteurs avant qu’ils atteignent leur taux limite pour leur offrir différentes options, comme :
    • passer à un prêt hypothécaire à taux fixe
    • effectuer un versement forfaitaire

La Banque du Canada discute régulièrement avec les banques commerciales et constate qu’elles travaillent de façon proactive avec leurs clients ayant des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes afin déterminer la solution qui convient au cas par cas.

En ce qui concerne les augmentations automatiques des versements, l’ampleur du changement, exprimée en pourcentage du versement initial, dépend du taux d’intérêt courant et du taux limite.

  • Sur les prêts hypothécaires qui ont déjà atteint leur taux limite, nous estimons que la hausse médiane des versements aurait été d’au plus 5 % environ. En effet, le prêt typique a atteint son taux limite à un taux d’intérêt médian de 4,8 % – soit légèrement au-dessous des taux observés à la fin d’octobre 2022 (à peu près 5,1 %).
  • Les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire avec une période d’amortissement plus longue quand les taux étaient extrêmement bas auront un taux limite plus bas et verront donc leurs versements augmenter davantage. Par exemple, si on reprend le prêt hypothécaire hypothétique du graphique 1, un prêt contracté avec une période d’amortissement de 30 ans et un taux d’intérêt de 1,5 % aurait un taux limite de 4,2 % (au départ). Dans ce cas, nous estimons que le versement mensuel aurait augmenté d’environ 20 % à la fin d’octobre 2022.

Le montant d’augmentation des versements qui sera nécessaire dans l’avenir, de même que la proportion des prêts hypothécaires touchés, dépendra du niveau auquel les taux hypothécaires culmineront.

Conclusion

Dans l’ensemble, nos résultats tendent à montrer qu’une forte proportion des prêts hypothécaires à taux variable et à versements fixes auront atteint leur taux limite d’ici 2023. Toutefois, cela ne veut pas nécessairement dire que tous les ménages touchés devront augmenter leurs versements réguliers en conséquence. Certains emprunteurs pourraient avoir effectué des remboursements anticipés, refinancé leur prêt, passé à un prêt à taux fixe ou apporté d’autres changements pour empêcher leurs versements d’augmenter. De plus, les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire à taux variable et à versements fixes avant la pandémie ont probablement remboursé plus de capital que prévu à leur calendrier d’amortissement en raison de la baisse des taux variables observée en 2020-2021. En conséquence, nos estimations devraient être interprétées comme une limite supérieure de l’incidence des taux limites sur les ménages.

Cela dit, pour certains emprunteurs, l’atteinte du taux limite pourrait entraîner une hausse inattendue des versements hypothécaires. Ces emprunteurs pourraient devoir ajuster leurs dépenses ou utiliser leur épargne pour s’acquitter de leurs obligations plus élevées. Les ménages qui ont contracté un prêt hypothécaire sur 30 ans durant la pandémie de COVID‑19, quand les taux variables étaient extrêmement bas, verront généralement leurs versements augmenter davantage. L’ampleur de ces hausses dépendra de la trajectoire future des taux d’intérêt à court terme.

  1. 1. Voir le graphique 1-B de la Revue du système financier 2022 de la Banque pour obtenir une répartition détaillée des ménages canadiens en fonction des caractéristiques de leur prêt hypothécaire.[]
  2. 2. Les prêteurs canadiens offrent des prêts hypothécaires à taux fixe et à taux variable, mais la plupart d’entre eux assortissent leurs prêts hypothécaires à taux variable de versements fixes. Selon leurs sites Web, la Banque de Montréal, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque Royale du Canada, la Banque Toronto-Dominion, Desjardins et la Banque HSBC Canada offrent des prêts hypothécaires à taux variable assortis uniquement de versements fixes. La Banque de Nouvelle-Écosse et la Banque Nationale du Canada offrent quant à elles des prêts hypothécaires à taux variable assortis uniquement de versements variables.[]
  3. 3. La plupart des prêts hypothécaires à taux variable ont un terme de cinq ans. Un prêt qui n’a pas été entièrement remboursé à l’échéance doit être renouvelé. Les prêts hypothécaires à taux variable sont donc exposés à la fois au risque de renouvellement et au risque de taux d’intérêt (voir Bilyk, MacDonald et Peterson [2018]).[]
  4. 4. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada fournit des explications utiles à ce sujet.[]
  5. 5. Lorsqu’on le calcule, le taux limite est fonction de la durée jusqu’à l’échéance et du taux d’intérêt initial (contractuel). Le taux limite ne dépend pas du montant du prêt.[]
  6. 6. Les prêteurs ne divulguent pas directement le montant du versement hypothécaire. Nous le calculons à partir du montant du prêt, du taux d’intérêt contractuel et de la période d’amortissement, sur l’hypothèse de versements mensuels et d’intérêts composés semestriellement. Le type de paiement n’est pas déclaré; il est plutôt attribué en fonction de l’offre du prêteur.[]

Références

Bilyk, O., C. MacDonald et B. Peterson (2018), Interest Rate and Renewal Risk for Mortgages, note analytique du personnel 2018-18, Banque du Canada.

Avis d’exonération de responsabilité

Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.

DOI : https://doi.org/10.34989/san-2022-19

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